34- 12 Brumaire 1925

Notes de l’auteur : C'est avec beaucoup d'émotion que je franchis la limite des 100K. Bon, probablement qu'à la révision il y aura des coupes, mais tout de même... Emotion/20!
Bonne lecture à toutes.s, et merci d'être là, pour lire ma bizarrerie, tout simplement :)

En fait j’étais stupide.

Cela m’avait valu une petit instant de réflexion, une bonne nuit de sommeil, mais je finis bien par me rendre compte de l’étendue de mon idiotie.  Après avoir passé des heures, des véritables heures, à me sermonner sur la nécessité d’être prudente, j’avais encore illustré ma débilité mentale en me laissant encore embarquer dans un marché bien nul. Et le pire dans tout cela, c’était que je n’arrivais pas à le regretter. Certes, s’engager de la sorte dans un pareil pari n’était pas l’idée du siècle, mais la question n’en était pas moins critique.

Si Beria Lazarus était capable de lire dans les pensées -ce dont je demeurais persuadée au passage- alors cela signifiait qu’il avait entendu l’intégralité de tous les petits noms, plus ou moins poli que je lui avais attribué. Ce qui tentait d’ailleurs à aller dans son sens, car pour être des plus intelligent, il me semblait tout de même que l’égo de Lazarus ne l’aurait pas permis en toute impunité. Il aurait eu des conséquences… à moins bien entendu que les conséquences avaient déjà fondu sur moi tel un vautour dans la plaine et que je ne m’en étais pas encore rendue compte.

Je devais cependant lui reconnaitre cela, Lazarus était un homme de parole et au cours de la semaine, il me laissa lui poser quelques questions. À moins bien entendu qu’il lisait bien dans les esprits, et dans ce cas là il avait un accès préalable aux questions que je me posais et s’arrangeait donc-

Cela devenait bien mêlant, tout cela.

La semaine s’écoula donc, jour par jour, entre mes tribulations en compagnie de Lazarus et mes tentatives les plus folles pour échapper à Scetus. Ce dernier avait visiblement deux mots à me toucher, comptait le faire quand nous nous trouvions seuls, et il n’en était pas question. Entre le dossier et le regard noir qu’il m’avait jeté, le soir du Lemure, non merci.

Quand je me levai ce jour-là, je mis du temps à me lever. Au dehors, il pleuvait à saut d’eau. Les giboulées de Brumaire s’annonçaient en fanfare glacées, au point que l’eau commençait à former une pellicule de gel sur les vitres. Pas encore sur les rebords, encore trop chaud. Le Nerub commençait également à prendre une place assez embêtante dans le ciel. Rien que la veille, Britannicus avait eu le malheur de s’asseoir sur un des rebords de fenêtre, grace au Ciel pour lire un livre. Il devait y être resté un bon cinq minutes avant que je ne m’en rende compte, et le bilan, c’était une nuque brulée et un scalp assez endommagé pour qu’un savon anti pellicule ne soit pas suffisant. Il était plus que temps d’installer les positions nerubiques et ce temps pluvieux était une protection salvatrice pour le faire, étant donné qu’attendre la nuit était plus que contre-indiqué à cause du Lemure qui trainait dans la lande. On ne l’avait pas revu depuis l’épisode du débarras, mais parfois… j’entendais gratter à ma fenêtre. J’en venais à remercier le ciel de ne pas avoir de cheminée.

Aussi, le temps n’était pas vraiment la raison de ma tristesse. Ce matin-là, j’avais tourné le calendrier que Britannicus m’avait ramené de Rocam. Tout y était écrit à la fois en salemni et en medelvio, ce qui avait fait grincer des dents Scetus. Mon regard s’arrêta sur la date. Douze Brumaire 1925. Je fixai le papier sans la moindre pensée, jusqu’à ce que Mafalda me tire de mon chagrin invisible.

Heureusement, car après tout, il n’y avait aucune raison de pleurer. Ce n’était qu’un contre temps.

Mon drôle d’air n’échappa pas à Britannicus, et très certainement pas à Mafalda, bien qu’elle prétendit le contraire. Elle procéda ensuite méticuleusement, envoyant Britannicus faire ses devoir, et déléguant la pose des panneaux à Scetus. Elle attendit ensuite une bonne dizaine de minutes avant de me regarder d’un air de femme d’affaire.

« Bien, de quoi s’agit-il? » Elle demanda, en choisissant bien entendu le moment ou j’étais emmêlée dans le changement de rideau et donc ne pouvais pas m’échapper.

« Rien, rien. »

« Jeune fille. »

J’ignorais pourquoi je ne demeurais pas silencieuse. J’aurais du, et en temps normal je le serais probablement demeurée. Mais le temps n’était pas ordinaire, nous étions le douze brumaire 1925, et au lieu de me tenir sur le pont d’un navire, je me trouvais prise au piège dans un manoir, le regard perdu au dehors ou un idiot tentait de placer des panneaux de filtrage lumineux sans se noyer dans la pluie.

« J’étais supposée me rendre à Sorarnoyi aujourd’hui. » Je finis par dire.

« Sorarnoyi, en Brumaire, en voilà une drôle d’idée. C’est loin d’être la saison idéale pour aller dans les îles du Sud. Il vaut mieux y aller en Floraem ou en Vertium. » Mafalda secoua la tête. « Pourquoi cette date? »

« Vous y êtes déjà allée? » Je demandai.

« Ici et là. Tu n’as pas répondu à ma question. »

Je l’observais un moment. Elle était toute occupée à retirer ces lourds rideaux, et même avec de la magie, cela semblait ne pas être une mince affaire.

Je pouvais toujours mentir, et je savais que je devrais probablement le faire. Mais on était le douze Brumaire aujourd’hui, la pluie frappait les fenêtres sans la moindre pitié, et mon coeur saignait.

« Je devais retrouver un ami là-bas. » Je finis par lâcher.

« Vous pouvez toujours reporter à plus tard. »

« Cela risque d’être compliqué. Cela fait bientôt sept ans que nous ne nous sommes pas vu. » Je soufflai et elle eut un moment d’arrêt. Pire encore, elle abandonna entièrement sa tâche, et se tourna vers moi.

« C’est un ami, de l’orphelinat? »

« Oui. »

« Et pourquoi ce jour précisément? Je suppose que vous ne l’avez pas choisi au hasard. »

« Il va avoir dix-neuf ans aujourd’hui. »

« Et tu penses sincèrement que Monsieur Drèke t’aurait laissé voyager seule vers une île éloignée, actuellement prompt aux Maelstrom… pour aller retrouver une personne que tu n’as pas vu depuis sept ans, tenté si bien qu’il soit venu? »

Elle avait prononcé le nom avec beaucoup de délicatesse, comme à chaque fois que c’était nécessaire. La faute à la grimace que je ne manquais pas de faire à sa mention.

« Oh il serait venu. Il aurait fallu qu’il soit mort ou en prison pour ne pas venir, et franchement, je ne suis pas certaine que quelque chose d’aussi futile qu’un cercueil aurait pu l’empêcher de venir. Il a toujours été le plus déterminé de nous deux. » Je dis. De nous trois même. Il m’étais arrivé de voir Barthy renoncer, mais mon Daniel, jamais.

« Tu veux dire casse cou. » Elle dit, non sans un petit sourire.

« Aussi oui. »

« Ce n’est pas gratuit de voyager dans les îles, comment aurais-tu trouvé l’argent? »

« Oh, j’économise depuis, allez, quatre ans, de manière activement sérieuse depuis trois. J’y étais presque, c’était pour cela que j’étais sortie ce lundi là. »

« Quand tu as été arrêté, tu veux dire. »

« Mmmh. Avec ma prime de risque, j’aurais même pu prendre le petit déjeuné sur le bateau. Mais bon, cela ne devait pas se faire en fin de compte. C’est la vie.» J’eus un petit rire, parce que si je demeurais silencieuse, je me serais mise à pleurer.

« Tu étais proche de ce garçon? »

« Oh oui, c’était pas dit de prime abord. Lui il venait de la vallée de Dana, et moi… je venais de plus bas. Il y a une certaine gradation là-bas, les gens des cimes ne sont pas supposés s’entendre avec ce du rivage, enfin, du bas de la vallée je veux dire. »

« Que lui est-il arrivé? »

« Il est parti un jour. » Je haussais les épaules d’un air nonchalant, ce qui était particulièrement dur à accomplir alors que j’avais l’impression de mourir à l’intérieur. Je savais parfaitement que c’était déplorable de ressentir cela, mais…

« Et tu veux le revoir quand même? » Mafaldadit, visiblement mon air ne lui avait pas du tout échappé.

« Pourquoi ne voudrais-je pas le revoir? » Je lui jetai un regard provoquant.

Elle demeura silencieuse un moment, mais son regard n’était pas froid. J’avais même l’impression qu’elle percevait ce que je ressentais, et le comprenait. L’espace d’un instant, son regard était le miroir du mien, et je vins à me demander qui donc avait bien pu l’abandonner pour qu’elle ait ces yeux-là.

« Pourquoi Sorarnoyi, pourquoi pas Elesium? » Elle finit par demander, et ce n’était pas entièrement faux.

« Allez savoir.» Je haussais les épaules, le regard fixé sur la tempête qui faisait rage dehors. Entre une ile perdue au milieu de l’Océan Proxim, subissant Maelstrom et chaleur écrasantes, et Elesium, un état si parfait, paisible… mais je ne pensais pas qu’elle comprendrait, que justement, c’était ça le problème. Elysium nous terrifiait, purement et simplement. On nous avait trop rabâché les oreilles sur les dangers de la magie, les fausses apparences… et ‘chaleur écrasante’, pour deux gamins en train de grelotter de froid sous leur couverture, blottis l’un contre l’autre, cela sonnait comme un rêve. 

Et puis quand nous nous l’étions juré, il y avait cet espoir insensé, que Barthy n’était pas totalement perdu, que l’un de nous le retrouverions. Dans ce cas, mieux valait éviter Elesium, il n’aurait jamais exister.

Elle posa sa main sur mon épaule, et je dus me faire violence pour ne pas sursauter.

« Rien ne se produit sans raison. »

« Je sais. » Je hochais la tête, car c’était soit ça, soit s’effondrer, et il n’en était pas question.

Mafalda n’en pensait pas moins, et son regard me devint bien vite insupportable. Nous eûmes à peine fini de changer les rideaux d’été par ceux, plus lourds, brodés de métal, destinés à l’hiver que je jetais un regard par la fenêtre. Scetus pestait copieusement tant la tâche était ardu seule.

« Je vais aller l’aider. » Je dis alors, de la manière la plus tranquille au monde, ce qui me valut un petit froncement de sourcils.

« Es-tu bien certaine? » Elle demanda prudemment. Mes esquives successives de la semaines ne pouvaient pas lui avoir échappés après tout.

« S’il continue de jurer comme ça, il va se mettre une divinité à dos. On a assez d’Esprits malfaisant dans le secteur sans avoir à en rajouter. » Je dis en commençant à m’équiper du mieux que je pouvais. Bottes enchantées, manteau perlant, je n’aurais pas pu faire mieux.

J’eus à peine ouvert la porte que je compris que ‘mon mieux’ tiendrait à tout casser dix minutes face aux éléments. Le rideau de pluie s’était installé sans donner le moindre signe de faiblesse. Associez à cela un vent de voleur et un sol plus proche d’une patinoire que du patio, et le tableau général était entièrement peint.

Je ne comprenais pas pourquoi Scetus n’avait pas abandonné- enfin, si, je savais pourquoi, Britannicus avait sacrément mal à la nuque et devait mettre de la crème trois fois par jour- mais bon.

« Besoin d’aide? » Je dis assez fort pour qu’il

« Non, ça ira. » Il me mentit le moins de gène au monde. Je voulais dire, Monsieur avait le visage écarlate, le monde lui pleuvait dessus, ses mains commençaient à être rouge vives mais ça allait tranquille?

Je pourrais m’en aller. J’avais magicalement fait ma bonne action. J’avais tenté, il avait refusé. Mais…

À ce moment là, le vent souffla le panneau et le lui arracha des mains. Ce dernier virevolta au grés des courant, pour Grace au Ciel atterrir à quelques pieds de là, en plein dans une flaque.

On allait pas le laisser tout seul faire ça quand même.

Non?

« Bon, je vais reformuler la question. Veux tu de mon aide, ou es-tu en paix à l’idée de devenir un poisson? »

« Bon, d’accord, merci. » Il maugréa, l’air assez peu sur de lui.

Pour ma grande surprise, il ne desserra presque pas des lèvres le reste de l’après-midi, hormis pour des aspects pratiques de la pose des panneaux. La tâche n’était vraiment, vraiment pas simple, entre ces fichus panneaux qui s’obstinaient à tomber au moindre coup de vent et le ciel qui tentait de créer un lac dans mes sinus. Nous y parvînmes tout de même, bon grés mal grés, et posâmes le dernier aux environs de vingt deux heures.

Scetus refusa catégoriquement de me laisser déambuler seule dans le parc, et afin de s’en assurer, choisit de poser les outils à même l’entrée.

« La vache, quelqu’un avait obligatoirement oublié de fermer le robinet! » Je soupirai en retirant mon manteau -trempé- mes chaussures -transformés en petits étangs- et en tentant bon grés mal grés d’essorer la cascade de mes cheveux. Je ne pouvais m’empêcher de penser que le coupable était mon Esprit Familier. Il devait avoir trouvé cela hilarant, d’essayer de noyer la créature qu’il était supposé protéger.

« C’est la lande, en Brumaire. Ça ne plaisante pas. » Il dit alors en faisant de même. Ses cheveux étaient si mouillés qu’ils étaient devenus sombres. Comme monsieur trichait cependant, il put atteindre sans problème des serviettes en hauteur, et en prit une brasser, avant de m’en tendre deux.

« Oh, merci. »

« Pas de quoi. » Il répondit prudemment « Je crois que tout le monde est couché. »

En effet, le manoir était anormalement silencieux. Sans musique de piano, ni Britannicus jouant dans les escalier, ou lisant près du feu. Il fallait dire que la journée n’avait pas été de tout repos, entre le grand ménage et le temps glacial. Et puis, probablement Mafalda n’ignorait pas la conversation à venir, et souhaitait s’assurer qu’elle ait bien lieux.

Super.

Je marchais dans la cuisine. Grace au Ciel, elle ne nous avait pas oublié pour autant. Il y avait posé sur un des poêles à bois, une énorme soupière bien chaude. Mes doigts peinèrent à se plier tant ils étaient frigorifiés mais finirent par saisir le grand couvercle. Une odeur folle de romarin et de vin s’envola alors, doucement, jusqu’à mon P.P.N (pauvre petit nez, marque déposée).

Scetus en pensa de même, et lorsqu’il approcha ses mains, plus rouge que des coquelicots, un petit sourire étira ses lèvres.

« Ah du ragout de boeuf, merci Cassini! » Il dit avec gourmandise.

« Et elle a fait du pain à la citrouille je crois! » Je dis en pointant plus ou moins une meule à quelques pouces de là. Elle m’apparaissait fumante à souhait, mais à vrai dire, tout m’apparaissait fumant, mes doigts entre autre. Les joues de Scetus également, et les miennes, très certainement.

« Je le coupe et tu sers le ragout, ça te va? » Il proposa et je hochais la tête.

Je ne tentais plus de retarder l’inévitable, cela aurait été une insulte au plat, et nous finîmes ainsi par nous mettre à table, face à face. Un silence assez agréable plana pendant une bonne douzaine de minutes. C’était trop bon pour tolérer de ralentir et de prononcer la moindre parole. La viande était si tendre qu’elle se déliait à la cuillère, et la sauce! Brune, épaisse et douce, au gout de romarin, de thym, et de vin cuit. Cela allait merveilleusement bien avec le pain, et si je devais être honnête… cela devait bien faire un an que je n’avais pas mangé de viande.

Malheureusement, le monde dans lequel nous vivions était un monde cruel et sans pitié, si bien que nos assiettes se vidèrent.

Tragédie.

« Bon, c’était délicieux. » Je dis en tâchant de soupirer de manière notablement féminine.

Échec cuisant, mais Scetus ne se gênassiez pas non plus.

« À qui le dis-tu? En plus, elle en a fait pour quelques jours. » Il dit en souriant d’avance.

« C’est sur qu’elle en a fait beaucoup. »

« Une montagne. »

« Si on se ressert, ça passera probablement inaperçu. » Je proposais et il n’en sourit que davantage.

« Je vais recouper du pain. »

C’était donc partie pour le deuxième tour. Cette fois-ci cependant, il fallait jouer la montre. Un troisième service serait trop remarqué, et je commençais de plus à tomber de fatigue.

« Bon, je voulais te parler. » Scetus brisa le silence après une cuieillérée « Je t’apprends rien, ça va bientôt faire dix jours que tu m’évites. »

« Non sans succès. » Je tenais à souligner. La dernière fois aussi il avait démarré de manière à peu près correct, donc bon… il fallait s’attendre à tout.

D’un autre côté, il valait mieux que cela fut aujourd’hui. Quitte à être triste, autant cumuler les raisons. Cela ne voulait pas pour autant dire que j’allais me laisser faire sans rien dire. Je me redressai donc sur ma chaise, et adoptait un ton neutre. Il fallait avoir l’air raisonnable.

« Écoutez, je ne sais pas quoi dire, je n’ai aucun souvenir des évènements et je ne comprends vraiment pour quoi il est all raconté des trucs pareils à la maréchaussée-»

« Je sais. » Scetus dit tranquillement, en trempant son pain dans la sauce. Je demeurai interdite une bonne minute.

« Comment ça, tu sais? »

C’était quoi cette épidémie des gens qui savaient à la fin? Était-ce un groupe? Pouvait-on le rejoindre? Y avait-il des cookies à la clé?

Scetus regarda brièvement à gauche, puis à droite. Une de ses paumes s’illumina et une ombre fila dans le couloir.

« Parce que, j’ai lu le dossier quand tu es… tombée dans les pâquerettes. C’est une montagne de conneries. Tu n’aurais jamais pu séduire Barnabeus. » Il murmura.

« Mais… quoi? »

« C’est bien Barnabeus qui était responsable du bien être des golems qui ont faillis ce jour-là donc il y a cette partie qui est cohérente, d’autant que ce salaud a pris la poudre d’escampette. Qu’on l’ait fait chanté de la sorte, peut-être, mais ce n’était âs toi. »

« Et qu’est-ce qui vous donne autant de certitude? »

« Au risque de briser tes illusions tu n’es pas… équipée, pour lui plaire. »

« Vous êtes sérieux. »

« Ai-je l’air de rire? »

« Oh merci Cassini! Je veux dire, je suis soulagée, que-»

« J’avais compris, et, ça reste entre nous. Ne va pas raconter ça à Beria, je, je le sais par hasard, mais, et dans tous les cas ce n’est pas la même situation. Moi je peux être avec, je sais, enfin-»

« Pourquoi irais-je lui raconter ça? Au risque de briser vos illusions, c’est un sujet qui a vraiment peu de chance d’être abordé. »

« Comment le saurais-je? Beria joue au petit cachottier concernant vos sessions de thé. » Il maugréa, non sans tout de même un certain soulagement. Il y avait cependant, bien dissimulé la dessous, une pointe d’amertume.

« On parle de politique, et de ma famille, entre autre. »

« Ta famille, de sang? »

« Quoi, non, les, enfin si mais aussi, les Drèkes. »

« Tu les considères encore comme ta famille, après la crasse qu’ils t’ont fait? » Il fronça des sourcils.

« Comment ça ‘ils’? »

« Madame Drèke a également témoigné contre toi, de manière moins directe, c’est plus une description de ta personne mais… » Il doit voir quelque chose sur mon visage, car ses joues s’enflamment « Pardon, je pensais que tu étais au courant. »

« Je ne comprends vraiment pas. »

« Ils doivent couvrir quelqu’un d’autre. Un bouc émissaire c’est assez efficace pour détourner les soupçons. » Il grommela, un air assez mauvais tordant son visage.

« Ça ne colle pas avec leur caractères, à tous les deux. Mathurin, il serait-»

« Incapable de faire de mal à une mouche? Les proches ont tendance à dire ça, malheureusement. »

« Je ne peux pas l’accepter, il faut qu’il y ait autre chose, ou à minima une explication, car là, c’est juste… c’est incompréhensible. »

« On tira cette affaire au clair, et les responsables payerons. » Scetus dit fermement, en faisant au passage tinter sa cuillère sur son verre « Tu peux compter sur Beria pour ne laisser aucune zone d’ombre. Il est beaucoup trop intelligent pour ça. »

Je notais l’admiration dans sa voix, non  pas craintive mais… sans borne.

« C’est lui qui vous-»

« Tu peux me tutoyer, tu sais? Je ne suis pas un vieux croutons, on a à peine six ans d’écarts. »

« C’est Lazarus qui t’a engagé dans la Cohorte, n’est-ce pas? »

« Il m’a sauvé la vie. » Scetus hocha la tête, avec beaucoup de douceur « Penses ce que tu veux, mais, il n’y a pas des milliers d’opportunités pour un gamin de quinze piges de se faire les sommes d’argents que je devais cracher. C’était soit la Cohorte, soit… passons. »

« Mais vous- tu es un mage. »

« Justement. Aucune manufacture, aucun commerce ne veut s’approcher de près ou de loin d’un mage. » Il répliqua « Et sans diplôme de la Magiversité, eux non plus ne voulaient pas de moi. »

« Je suis désolée. »

« Pourquoi? Ça s’est plutôt bien goupillé en fin de compte. » Il dit, avant de passer sa main dans son cou. «Voilà, tout ça pour dire, je voulais m’excuser, pour ton genoux, entre autre. »

« J’aurais totalement pris la poudre d’escampette dans le cas contraire. » J’admis, et si j’étais totalement franche, même avec ce genoux, j’avais bien failli y parvenir. Si je n’avais pas perdu mon temps dans ce bureau, je serais parvenue à fuir.

La question, cependant, c’était la manière avec laquelle on m’aurait reçu.

Prédispositions à la violence-

Non, elle ne se posait pas en vérité, car à cette heure-ci, Mathurin et Madame Catherine étaient déjà incarcérés. Je serais donc rentrée dans une maison vide, car j’osais espérer qu’ils avaient confié Lizzie à la garde de quelqu’un de fiable. Même si, pour être franche, fiable commençait à perdre de sa signification.

« C’est ce que je m’étais dit. Quand nous sommes arrivés au poste de la maréchaussée et qu’ils ont commencés à expliquer que tu avais trouvé le moyen de te tirer- d’ailleurs, comment as-tu fait? » Il demanda « Tu es vraiment passée par le conduit d’aération? »

« Je ne suis pas petite à ce point quand même! »

« D’ou mon interrogation. » Il dit en levant les mains.

« J’ai demandé à aller aux toilettes.»

« Et ils t’ont laissés y aller, en pleine question? »

« Généralement quand on se met à frapper quelqu’un et a essayer de lui faire peur, on n’a pas envie qu’il ait la vessie pleine. » Je répliquai.

« Ils sont supposés laisser les portes ouvertes dans ce cas-là. »

« En théorie, mais, il se pourrait, que je me sois mise à parler de mes menstruations, de la nécessité de changer mon linge intime, et Blaise est devenu rouge comme une tomate, avant de fermer la porte et est parti se chercher une tisane. » Je répondit.

« … tu n’es pas sérieuse. Il en a fallut si peu?»

« Ça a tendance à mettre les hommes mal à l’aise. Moi aussi ça m’a un peu surprise, parce que je saignais du nez de la lèvres, j’avais des bleus partout, des cotes cassées. Ça il y avait aucun problème, par contre, de voir un un emboue métallique enrobé de linge ensanglanté, sortant tout droit de-»

« D’accord, d’accord, je vois ou tu veux-» Il commença à bredouiller, les joues écarlates, jusqu’à ce que ses yeux s’écarquillent et qu’il comprenne « Ah, touché. »

« À nouveau, c’est juste du sang issu d’une hémorragie contrôlée, je peine à comprendre tout le pataquès -»

« Tu aimes en rajouter une couche, n’est-ce pas? »

« Regarde un gâteau, quand tu rajoutes une quatrième couche de glaçage, c’est toujours meilleur. »

« Et ensuite? »

« Ensuite j’ai retiré la plaque d’aération,  je me suis glissée dans la cabine voisine et j’ai attendus que Blaise revienne et qu’ils se mettent à paniquer. » Je conclus.

Scetus me dévisagea avec stupeur pendant une bonne minute.

« Tu n’es pas sérieuse. »

« Non, je ne plaisante pas. »

« Et personne n’a, ne serais-ce qu’une seule fois pensé à vérifier les cabines adjacentes. » Il répéta en me regardant comme un hibou, si bien que je me pris à sourire.

« Pas une seule fois. Ils sont tous partis du principe que je m’étais glissée dans ce trou de souris et on commencés à étudier frénétiquement les conduits pour tenter de me rattraper à temps. » Je dis.

« Mais comment es-tu sortie? »

« J’ai attendu que la plupart  partent à ma recherche sur le toit, parce qu’apparemment c’est là que le conduit achevait sa course, et je suis sortie de ma cabine. Je me suis un peu épongée le sang pour être présentable, j’ai chipé un manteau et ensuite je suis sortie. »

« Comme ça.»

« Non quand même pas, je suis passée à l’accueil et j’ai demandé à récupérer mes affaires. Bon ma robe avait disparu mais le reste était encore là. Le seul problème dans cette affaire, c’est que j’ai manqué de chance. Will Balladier, ce petit crétin, avait oublié son badge sur son bureau, il est revenu le chercher, et c’est là qu’il m’a reconnu et tiré dessus. »

Scetus demeura un instant interdit, comme si je venais de le frapper avec des cymbales.

« Et ça a marché. »

« Enfin, oui et non, je me suis tout de même retrouvée avec un trou dans l’épaule et un genoux en miette. Ça aurait pu être pire, mais ce n’était pas la joie.» Je protestait tout de même.

Scetus était visiblement assez choqué par mon récit, assez pour froncer des sourcils silencieusement, comme s’il en doutait. Quoique ce fut cependant, cela finit par s’évanouir au loin et il leva la tête dans ma direction, un petit sourire aux lèvres.

« … je crois qu’il doit bien s’agir de l’évasion la plus impromptue qu’il m’ait jamais été donner d’entendre. » il finit par dire.

« Ah je suis bien d’accord, mais bon, le ridicule ne tue pas après tout. »

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Cléooo
Posté le 14/11/2024
Coucou Dramallama !

Ce chapitre me rend de plus en plus curieuse vis à vis des anciens amis de l'orphelinat. J'espère que j'aurais l'occasion de les rencontrer ! En tout cas j'ai envie d'en savoir plus.
Par contre "la vallée de Dana"... Merci je vais avoir la chanson dans la tête pendant les sept prochains jours xD
Dans la conversation Scetus - Sidonie : attention, tu passes parfois du tutoiement au vouvoiement (Sidonie à Scetus) avant qu'il lui dise de le tutoyer.
Sinon elle est intéressanre cette conversation. Elle marque enfin un rapprochement entre Sidonie et Scetus, et bien qu'on ne soit pas tout à fait sur de l'amour fou, au moins ils parviennent à communiquer... C'est bien ^^

Sur la forme, je note quelques phrases écrites au présent alors qu'en général tu écris le récit au passé.

Autres points :
- "que l’un de nous le retrouverions" -> un de nous le retrouverait
- "Scetus ne se gênassiez" -> gênassiez ?

À bientôt ! ^^
A Dramallama
Posté le 15/11/2024
Hello Cleooo!

Aaaaaah Barthy et Daniel... en parler à ce point, pour ne pas les rencontrer, ce serait dommage, non? ^^.
Oui mon ambition c'est de mettre le plus de titres de chansons de musique, de manière plus ou moins subtile eheh!
En même temps, il était temps qu'ils se parlent (c'est Britannicus qui va être ravi :) )
Bien vu pour le tutoiement/vouvoiement, je vais corriger ça :) les problèmes de temps aussi !

à bientôt!
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