Il me fallut du temps pour sortir de mon apathie. Heureusement je pense, car Britannicus sanglotait contre moi, et si j’avais rejoint la surface, je ne l’aurais pas vraiment supporté sans verser de larme. J’avais assez pleuré pour une journée et j’étais reconnaissante au froid de m’en préserver. À la place, je pouvais le serrer contre moi, ma main caressant doucement ses cheveux, tout en écoutant ce que Scetus tentait d’expliquer. Que nous voyant tarder, il était parti à notre recherche et avait perçu, à mi-chemin du parc, des traces de pas assez humaine pour être tout à fait inquiétantes.
« Nous avons affaire à un Lemure. » Il dit alors gravement, et sa mère poussa un gémissement à fendre le coeur.
Ma curiosité éclata la bulle de tranquillité et enfin, je retrouvais l’usage de la parole.
« Qu’est-ce que c’est un Lemure? » Je demandai.
« C’est, c’est… » Scetus bredouilla.
Mafalda ferma les yeux, tentant visiblement de chasser ses pensées en se massant la tempe.
« C’est un Esprit Démoniaque. » Une voix clair jaillit de l’entrée, nous faisant au passage tous sursauter.
Lazarus n’était pas non plus comme à son habitude. Une simple chemise blanche, un pantalon bleu nuit, un manteau noir. Il avait de plus des cheveux en bataille et…
N’était-ce pas du rouge à lèvre, que je percevais sur son col?
Lazarus se mit alors à soutenir mon regard, comme s’il avait deviné mes pensées et qu’il me défiait de faire le moindre commentaire supplémentaire.
« Beria, tu, qu’est-ce que-» Scetus se mit à bégayer.
« Je l’ai prévenu. » Mafalda dit alors, d’une voix à peine audible « Toi aussi, tu tardais à revenir. Ces derniers temps, la Vox, j’ai cru, j’ai-»
« Il n’y avait pas- s’il avait s’agit de saleté de Syndics, je n’aurais eu aucun problème à m’en occuper! » Scetus protesta avec une telle virulence que ses joues tournèrent au vermeille.
Lazarus posa doucement une main sur son épaule.
« Elle a bien fait Scetus. » Il dit alors « Je préfère une réunion interrompue à une mauvaise nouvelle. »
Une réunion, mes fesses oui! C’était bien du rouge à lèvre, il y en avait également le long de son oreille.
Lazarus me jeta un autre regard énigmatique et je m’appliquai à apparaitre le plus apathique possible. Car c’était là mon état d’esprit, voilà tout. Je trouvais cela amusant à remarquer, rien de plus.
Rien de plus.
« Mais-»
« Quand vous dites Lemure, Esprit Démoniaque, vous pouvez développer? » Je demandai alors, la voix anormalement posée et froide, assez pour que Mafalda me jette un petit regard interloqué.
« Un Lemure est un esprit du plan astral qui est parvenu à s’incarner dans notre réalité. Ils ne sont pas bienveillants. » Lazarus répondit, le regard perçant.
« En quoi est-ce différent d’une ghoule? »
« Une ghoule est un esprit piégé par un conjurateur dans une empreinte physique. Ils n’ont aucune envie d’être là et se contentent donc de se jeter sur tout ce qui bouge en espérant qu’il s’agisse là du responsable. Ils n’ont qu’un but et c’est rentrer chez eux. » Lazarus expliqua lentement « Ce n’est pas le cas d’un Lemure. Un Lemure utilise un conjurateur ou un magicien peu prudent afin d’effectuer le voyage. »
« Qu’est-ce que ça change? »
« Cela change tout. Contrairement à une ghoule, un Lemure n’est pas désorienté dans le monde des vivant car il a souhaité y retourner. Personne ne fait rien sans raison, et les esprits ne font pas exception. Un Lemure a un but dont rien ne pourra le détourner. Il a tout le temps au monde. Après tout, il n’est as exactement vivant. »
Un sentiment désagréable vint me saisir au ventre. J’en ignorais l’origine, non pas par faute de réflexion. Entre Mafalda qui ne démordait pas de son petit regard au coin, Scetus qui se murait dans un mutisme boudeur, et Lazarus avec ces stupides traces de rouges qui m’expliquaient qu’un esprit avait choisi de s’incarner dans la lande pour becter quelqu’un… disons que les sources de désagréments commençaient à sur-abonder.
Britannicus pensa de même car il eut un sursaut de larmes, et ses mains se remirent à trembler.
« Shh, ça va aller, tu es en sécurité. » Je murmurai doucement « Il ne t’arrivera rien. »
« Tu es bien confiante, pour quelqu’un qui vient d’apprendre la présence d’un esprit démoniaque. » Lazarus nota, comme on parlait de la pluie et du beau temps.
« On va s’en débarrasser, parce que on peut s’en débarrasser, n’est-ce pas? »
« En théorie il suffirait de détruire le corps. » Il renchérit, non sans observer comme si j’étais une attraction des plus divertissantes.
« Et en pratique. » Je tentai de ne pas trop me braquer, mais ce fut un échec.
Mafalda se mit à mordiller son ongle de pouce.
« Cette enveloppe a été conçu par la volonté d’un esprit et non d’un mage, il n’y a pas de faiblesse programmée. » Lazarus poursuivit aimablement.
« Et il est forcément maléfique. »
« Un tel voyage nécessite une certaine volonté. Les émotions positives sont rarement suffisantes, et quand bien même, ce dernier vous a traqué, je doute que cela soit pour discuter. »
Je hochai lentement la tête, mon regard se perdant un instant sur la petite plante décorant la table de salon. Une toute petite plante que je m’évertuais de maintenir en vie, malgré l’absence totale de main verte dans ce manoir. On m’avait prévenue, mais je n’écoutais pas, il fallait que j’écoute. L’erreur-
Non, ça suffisait avec cette obsession là. Pas ce soir, tout du moins.
« Donc, ce que vous êtes en train de dire, c’est qu’il y a un esprit psychotique qui se promène actuellement dans la lande, avec un corps presque indestructible et une volonté de transformer l’un de nous en sandwich. » Je m’entendis blâmer d’un air badin. Comme son col de chemise.
« Oui, c’est cela. » Il dit, en perdant pendant une brève seconde sa contenance. Un éclat furieux illumina son regard.
Pour ma plus grande surprise, j’en tirais une sombre satisfaction. Presque aussi sombre que ce rouge à lèvres de Claradac Alina-
« Je trépigne d’ailleurs d’impatience d’entendre quelle excuse tu concocteras pour expliquer ta présence, en pleine nuit, dans la lande. » Il tonna alors, la voix anormalement forte.
Je me mordis la joue, afin d’empêcher quelque chose de stupide de sortir.
« Je rangeais une échelle, rien de plus. » Je dis, et j’espérais vraiment que quelqu’un observait tout là haut, parce que face à l’étendue infinie de possibilité, je m’étais contenté de la plus nulle la plus raisonnable.
Je voulais dire, ‘une réunion’ me suppliait d’être prononcée.
Cela ne suivait pas vraiment dans les Cieux, malheureusement. Ou alors était-ce mon visage, un peu trop expressif et qui laissait deviner ma pensée. Toujours était-il que Lazarus tiqua.
« J’ignore ce qui est le plus exaspérant, que tu essaies de m’apaiser avec une pareil excuse, si stupide, ou que tu sois convaincue que cela puisse fonctionner. »
« Navrée de briser vos illusions sur mon intellect. »
C’était sorti tout seul. Vraiment, c’était sorti tout seul.
« Nous avons fait quelques réparations aujourd’hui, nous rangions les outils et autres matériel quand, le Lemure est apparu. » Mafalda dit, et je crois qu’elle fit bien, car Lazarus s’était mis à me sourire, mais c’était celui qui n’atteignait pas ses yeux, le froid, calculateur.
Son regard glissa dans sa direction.
« Il me semblait avoir été clair sur la question. » Il dit alors, et sa voix me hérissa la peau tant elle était froide.
« C’était une erreur. » Mafalda tenta de se justifier et quelque chose dans le regard que Lazarus lui jetait, cela me donna envie de faire la peste.
« Qui lui a couté une réunion en plus. » Je dis alors d’une voix douce.
Mafalda me fit les gros yeux et ce fut à peine si je le remarquai. Lazarus me fixait de cet air étrange, et j’étais trop occupée à lui sourire aimablement pour me préoccuper des yeux de hiboux qu’elle me jetait.
« Je souhaiterais m’entretenir un moment avec Mademoiselle Drèke. » Il dit alors calmement. « Me serait-il possible d’abuser de votre hospitalité Mafalda? »
Je crus très sincèrement que Mafalda allait refuser, ou Scetus, à minima. Si jusqu'à présent son expression était taciturne, il me jetait désormais un regard noir et scandalisé à souhait.
Enfin, ça, c'était ce que je devinais du coin de l'œil. Lazarus semblait prêt à me dévorer d'un simple regard, il fallait que je fus prête à faire de même.
Scetus prit la main de Britannicus, qui protesta un peu, Mafalda me glissa un bref regard désapprobateur en secouant la tête et la porte se claqua
Nous nous toisâmes pendant une bonne minute. Il souhaitait cet entretien, alors il allait devoir craquer le premier. S’il pensait sincèrement que j’allais lui faire cette fleur, il se mettait le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate.
« T’a t’on jamais dit que tu étais d’une rare impertinence? » Il finit par dire d’un air anormalement posé.
Le problème, c’était ses yeux. Ce n’était pas un regard, c’était de la lave en fusion, et le voir associé à un tel ton, c’était déconcertant.
« Oh oui, vous seriez bien loin d’être le premier à vous en rendre compte.» Je répliquai avec mon pire sourire de peste disponible.
Un mince sourire étira ses lèvres.
« J’avoue ne pas saisir en quoi tu pourrais te sentir concernée. »
Ah! Qu’est-ce qu’il allait s’imaginer maintenant.
« Mais en rien, d’ailleurs je n’ai rien dit. » Je répliquai.
Il s’avança alors vers moi, avec une telle lenteur que cela en devint vraiment insultant. Il ne se gêna absolument pas pour envahir mon espace vital, et j’Avais trop d’orgueil pour battre en retraite.
« Ma parole, serais-tu jalouse? » Il finit par dire, son souffle effleurant presque mes lèvres.
« Absolument pas. Vous êtes bien libre d’avoir toutes les réunions qu’il vous plait.» Je répliquai, probablement avec toute la mauvaise foi à ma disposition. Non, bonne foi au monde, la bonne foi au monde.
« Menteuse. »
« Sortez donc votre mexo, et reposez moi la question. »
« C’est inutile, quand tu mens, un petit pli apparait, juste là. » il dit, en m’effleurant de sa main ganté une de mes commissures de lèvres.
Je me retins de frissonner, avec succès.
« Vous ne vous gênez pas pour poser des questions indiscrètes, je ne vois pas ce qui m’interdirait de faire de même, voilà tout. »
« Oh, c’est une simple question d’équilibre alors? »
« Mais totalement. » Je répliquai sur le même ton, et c’était vrai. Monsieur n’avait aucun dilemme moral à aller fouiller jusqu’aux registres de Pictanie je ne voyais pas en quoi… en quoi-
Une petite minute.
« Comment saviez vous que je venais de Pictanie, d’ailleurs? » Je demandai tranquillement, et une brève étincelle de surprise jaillit dans son regard.
« C’est toi, qui me l’as appris. » Il répondit prudemment. Une légère tension apparut au niveau de sa mâchoire.
« Non, je vous en ai parlé après que vous ayez fait vos recherches, avant cela, il aurait fallu m’arracher les ongles, et encore, vous auriez lâché l’affaire avant moi. » Je dis « Et je suis la seule à le savoir, littéralement, toutes les autres personnes au courant sont ou de l’autre côté du mur ou mortes- oh ma Cassini. »
Mon regard bascula sur la petite plante, le parc, le vent. La conversation.
« Je crains de ne pas te suivre. »
« C’était ça l’erreur. » Je dis, et dans les tréfonds de mon esprit, un étrange sentiment de soulagement exaspéré étincelé, avant de disparaitre.
« Quelle erreur? »
« Dans le parc, j’avais la sensation que vous aviez commis une erreur, ça m’a bien pris la tête au passage, je ne vous remercie pas, mais maintenant, mais bien sur. » Je réalisai, alors que des petits détails défilaient dans mon esprit, qui m’avaient jusqu’alors échappés ou surpris et qui désormais prenaient tout leur sens « Vous l’avez lu dans mon esprit. »
Il tiqua. Ah! Beria Lazarus avait tiquer, véritablement, par ma faute!
Je savourai cette victoire sans modération.
« Plait-il? »
« Vous êtes un mentaliste. » Je poursuivis.
« Ah, qu’es-tu encore aller chercher. » Il ricana, mais moi aussi, je notais son petit pli, au coin de son oeil. Je notais également qu’il, je notais également que vous ne niez absolument pas.
« Vous êtes un tricheur, depuis le début vous lisez mes pensées, et en plus je me retrouve à boire du mexo! Vraiment inutile. » Je croisai les bras.
« Au risque de briser tes illusions, je ne suis pas un mentaliste. » Il dit prudemment, et non, cela n’allait pas prendre. Il avait fait- vous avez fait une erreur, Monsieur Lazarus.
Maintenant il fallait passer à la caisse.
« Prouvez-le. »
« Je crains que la justice ne fonctionne pas ainsi. »
Je ricanai, de manière assez peu élégante ou féminine mais je m’en fichai.
« Vous voulez vraiment discuter justice avec moi? »
« Cette situation est indémêlable, il me serait assez ardu de prouver ce que je ne suis pas puisque tu en sembles convaincue, envers et contre tout. »
« Vous pourriez boire du mexo, et le confirmer. » Je répliquai, sans trop espérer.
Mais il le fit, pourtant. Ce fut à mon tour d’adopter une expression de merlan fris, mais non sans raison. Lazarus sortit une petite fiole de sa poche et en bu une gorgée, sans modération.
« Je ne suis pas un mentaliste. » Il dit d’un air goguenard
« Vous lisez dans mon esprit. »
« Non, je n’ai pas lu tes pensées. »
Je ne tentai pas de cacher ma surprise, puisque de toute manière, il pouvait lire mes pensées. Même s’il prétendait le contraire.
« Vous mentez. »
« Cela serait là impossible. » Il répondit d’un air aimable, puisant un véritable plaisir dans ma confusion.
Il devait avoir bu un antidote, sans l’ombre d’un doute.
« Étiez vous avec Claradac Alina avant de venir ici ce soir? » Je revins à la charge.
Lazarus m’observa un petit moment, évaluant probablement ses paroles. Car il allait mentir, et le prouver à l’instant.
« Oui. Je ne vois pas en quoi cela prouve ton argument cependant. » Il finit par dire.
« Il fallait que je vérifie que cela marchait sur vous. »
« Et c’est le cas, satisfaite? »
« Non, vous mentez, j’ignore comment, mais vous mentez. Vous lisez mon esprit, ce n’est pas matière à débat, ni une question philosophique, c’est un fait. »
« Au risque de briser tes théories, il est de notoriété publique que je suis un élémentaliste. » Il dit aimablement « Comme tu as pu en faire l’expérience à quelques reprises. »
Il le clamait avec une telle certitude, si sur de lui-
Mais moi aussi, j’étais certaine de moi. Il avait fait une erreur, et c’était ça.
« Soit, retirez vos gants donc. »
« Me demander de retirer mes gants, chère Sidonie, serait aussi impudique que si je te demandais d’ôter ta chemise. »
« J’ai vécu dans un orphelinat de guerre, l’absence d’intimité, cela a été mon pain quotidien. Et c’est assez gonflé de la part d’un mentaliste d’en appeler à l’intimité, après s’être promené dans ma cervelle pendant un bon mois. »
« Tu ne penses pas que je sois un élémentaliste. » Il changea alors de stratégie.
« Je vous trouve bien défensif. »
« Pour nécessiter une défense, faudrait-il encore avoir une attaque digne de ce nom. »
« Je sais que j’ai raison. »
« Que je sache, je ne fais que m’évertuer à souligner le contraire. Il est de connaissance publique que je suis un élémentaliste des plus doué. »
« Tout ce que vous dites, c’est que les gens sont convaincus que vous êtes un élémentaliste. »
« Ce qui est le cas. » Il dit, un éclat énigmatique dans le regard.
« Mais pas que. »
« Et quel livre as tu bien pu parcourir pour t’imaginer qu’une telle chose était possible? »
Je pris un instant pour réfléchir. En théorie, un mage ne pouvait pas disposer de plusieurs spécialités. Des quelques brides des leçons de Mafalda destinées à Britannicus, il était question de classe de runes. Si je me rappelais bien, se perfectionner dans une classe atrophiait peu à peu les capacités du mages à employer une autre famille. En théorie donc, ce que je déblatérais était impossible-
Quoique, non. Mafalda avait dit ‘atrophié’, après tout, pas impossible. Lazarus était réputé pour être un sacré mage, aussi son ‘atrophié’ cela pouvait tout et rien dire. Probablement pas assez pour percevoir les pensées d’une assemblée complète, mais quelques personnes…
« Ma parole, et moi qui pensait être une experte en pirouette. Je pensais que les mentalités étaient interdits au Septentrion. »
« C’est le cas. »
« Donc, vous n’êtes pas simplement un petit curieux, vous êtes également un hors la loi. »
« Tu dois bien peu estimer l’Ordre du Septentrion pour imaginer une telle supercherie possible. » il dit, comme s’il ne s’agissait pas d’une autre esquive.s
« Ce n’est pas un non. »
« Ai-je besoin de le dire? »
« Oui. Ce n’est pas une question d’opinion sur l’Assemblée septentrionale, mais sur vous. »
« Je ne suis pas un mentaliste, et en conséquence, je suis parfaitement en droit de siéger à l’assemblée, en tant que représentant. » Il dit aimablement « Voilà, satisfaite? »
« Je réfléchis. » Je répondis, et un éclat de satisfaction, une lueur avide, balayèrent son regard. Il me fit penser à-
Mmmmh, non, non, cela ne prendrait pas Monsieur Lazarus.
« Qui a-t-il d’autre à ajouter? Il m’est impossible de mentir, j’ai pris du mexo pour t’en assurer, et j’ai répondu à tes questions. »
« Ce n’est pas parce que vous dites quelque chose de vrai, que vous dites la vérité. »
Il eut un petit hoquet, entre le rire et la stupéfaction.
« Il me semble, bien au contraire, qu’il s’agit là du principe même de ne pas mentir. » Il dit d’une voix si moqueuse que cela en devint scandaleux. Il pouvait faire le pitre comme il lui plaisait, mais non, non.
« Vous avez parfaitement compris ce que je voulais dire. »
« En effet, et j’en soulignais respectueusement le paradoxe. »
« Ce que vous dites est vrai, mais ce n’est pas exactement la vérité, ou tout du moins, vous vous arrangez pour- vous avez parfaitement compris ce que je veux dire, merci de ne pas faire du mauvais esprit. »
« Contrairement au Lemure, que tu as délicatement décidé d’invoquer? »
« Je pensais que les Lemures choisissaient de venir à l’aide d’un mage. Et quand bien même cela serait bien moi, n’est-ce pas un tantinet gonflé de me reprocher d’invoquer malgré moi des esprits après m’avoir assignée dans un lieu hautement ectoplastique?» Je répliquai.
« Et comment, d’après toi, t’aurais-je ici induit en erreur? »
« Comme je l’ai dit, j’y réfléchis. »
« Ne trouves tu pas cela ironique, de m’accuser de mauvaise foi sans preuve, quand toi même tu es bien loin d’être irréprochable sur la question? »
« Je trouve cela au contraire honnête. Nous avons tous les deux des secrets, comme tout le monde. La seule différence, c’est que vous ne jouez pas à la loyale. »
Être traité de tricheur ne lui plut pas, du tout. On aurait dit que je venais d’insulter son honneur.
« Il te suffirait de poser les bonnes questions pour y remédier. » Il dit alors, avec la même lueur que Britannicus quand j’acceptais de jouer aux échecs avec lui.
« Y répondriez vous? »
« Pourquoi cela serait-il si surprenant? »
« Vous n’auriez pas grand chose à y gagner. »
« Cela dépend. »
« De quoi? »
« De toi, qu’es-tu prête à mettre en jeu. » Il dit, avec un sourire assez étrange.
Il cherchait à me faire peur avec cet air là, j’en étais presque certaine. S’il pensait qu’il était plus effrayant qu’un Lemure, il était parti pour une certaine déception.
« Qu’est-ce qui serait acceptable, selon vous? » Je demandai tranquillement, car je n’avais pas à avoir peur. J’avais raison, après tout.
« Je dois y réfléchir. » Il dit avec nonchalance, mais son regard s’illumina un bref instant-
C’était comme s’il avait faim.
« Et vous, qu’est-ce que vous pariez?»
« Tu as du cran, je dois te le reconnaitre. »
« Si je parie quelque chose, je ne vois pas pourquoi vous n’en feriez pas de même. »
« La satisfaction d’avoir raison. »
« Ah, mais bien sur! L’important c’est de participer, tout ça, je pensais que nous discutions sérieusement. »
« Avoir raison n’est-il pas une satisfaction en soi? »
« Ou bien entendu, et c’est pour ça que je suis supposée mettre quelque chose en jeu, parce qu’avoir raison, cela serait suffisant pour vous. C’est évident. »
Si j’avais eu du mexo dans le sang, mes lèvres auraient viré au bleu nuit. La potion faisait malheureusement assez peu de différence entre un mensonge et de l’ironie.
« En aurait-ce valu la peine? » Il demanda en jetant un bref regard à mes lèvres. Je notais cependant qu’il souriait.
« Le jour ou votre petite moue exaspérée ne vaudra plus les conséquences de l’ironie, il faudra sérieusement questionner ma santé mentale. »
« J’ai malheureusement continuellement raison. Sas assaisonnement, on se lasse de tout. » Il sauta à nouveau du coq à l’âne, espérant probablement me déstabiliser. Il n’y parviendrait pas, j’étais bien trop excité à l’idée d’avoir raison face à lui, et je refusais de lâcher cette opportunité.
« Oui, j’ai cru comprendre que vous vous lassiez facilement. »
« Et qui donc, aurait pu te faire cette remarque exactement? »
« Je dois avoir raison, pour que vous ayez si peur de mettre quoique ce soit en jeu. » Je décidai de l’imiter pour ne pas avoir à répondre « On pourrait presque utiliser cela comme une preuve à charge, non? »
« Ou alors, cela serait là une preuve de ma mansuétude. Tu me laisses, après tout, le prix de ma victoire. Ne trouves tu pas cela des plus dangereux? »
« Pourquoi cela le serait-il? Ne sommes nous pas tous les deux singulièrement différents l’un de l’autre? » Je répliquai « De toute manière, je sais que j’ai raison, et vous aussi, visiblement. »
« Que souhaiterais-tu, exactement? » Il demanda alors, la voix tiraillé par de la curiosité.
Un millier d’idées défilèrent dans mon esprit, allant de la lettre à Lizzie, une entrevue de cinq minutes avec Mathurin, une projection astrale avec Madame Catherine, mais une part de moi savait que ce n’était pas réaliste. Il n’accepterait jamais cela, et quand bien même, si je voulais un jour pouvoir filer d’ici…
Le dossier- non. Non, il me fallait un peu de temps avant de digérer tout cela. Se regrouper, décider d'un ordre de bataille. Ce dossier, je lui en reparlerai, plus tard.
« Vous jurez de cesser les promenades dans ma tête. Puisque vous n’êtes pas mentaliste, c’est une promesse qui ne devrait rien vous couter, non? »
« S’il m’était possible de me promener dans ta tête, comme tu le soulignes si joliment, ne penses tu pas que j’aurais trouvé ce que je cherchais, et cela depuis bien longtemps? »
Oh que c’était vicieux, le petit chenapan. Monsieur mangeait à tous les râteliers, cela en devenait scandaleux.
« À moins que je l’ignore moi même. » Je répliquai « Et vous devez penser la même chose, car vous avez tout de même passé un certain temps à fouiner dans mon arbre généalogique. »
« Dans ce cas là, on pourrait imaginer que je perds mon temps ici. »
« Alors pourquoi revenez vous? »
« Peut-être est-ce une question d’ennuis. »
« Ah, la réunion vient d’en prendre un sacré coup à l’orgueil! »
« Comme on te l’a si gentiment annoncé, je me lasse très vite. » Il dit, le regard pétillant de malice.
Je cherchai quelque chose de pertinent, ou à minima d’impertinent à répliquer, mais je fus doublée par l’horloge. Vingt deux heures, en fanfare.
« Fichue temps, qui s’obstine à filer. » Il dit alors, sans se départir de son air aiguisé « Soit, Mademoiselle Drèke, jouons, puisque c’est là ton désir. Tu disposes d'une semaine pour prouver tes suppositions. »
« Je demande des précisions, si c’est une semaine sans visite de votre part, ce n’est pas très honnête. »
« Les élections sans passées, j’aurais beaucoup plus de temps à te consacrer. » Il dit en me baisant la main « Si tu y parviens, je m’inclinerai, dans le cas contraire… je suppose que nous verrons bien. »
"Scetus prit la main de Britannique" -> oulà petit couac ? ^^
Intéressante, cette discussion entre Sidonie et Lazarus. J'avoue que le fait qu'il lise dans les pensées ne me serait pas spontanément venu ! Après tout, il a raison sur certains points... Si c'était vrai, se serait-il embêté à la garder si longtemps et à lui poser toutes ces questions ? Sauf s'il cherche quelque chose qu'elle a elle-même oublié et qu'il espère ainsi "l'aider" à se rappeler de cette chose. Mais bon le mexo dit aussi qu'il a raison et ne ment pas... J'imagine qu'elle ne pose pas la bonne question, et qu'il doit être autre chose de ce qu'elle l'accuse.
On verra avec la suite :D
À bientôt !
Oui, finalement elle a dix-neuf-vingt ans au début de l'histoire. L'histoire se produit plus rapidement que prévu (à la base c'était supposé se dérouler sur deux ans) et des comportements apparaissent également plus rapidement, donc un rééquilibrage était de rigueur.
Oups oui petit couac! C'est une des raisons pour lesquelles d'ordinaire je désactive mon correcteur orthographique (avec des termes comme 'magicalement', 'ésolver', et teknologique, ça devient rapidement casse pieds).
Héhéhéhéhéhéhéhéhé ^^, va savoir ?
à bientot (encore merci pour tes remarques et tes conseils )!