34. Le Maître.

Par FloCes

La salle du trône était figée ! Plus personne ne bougeait. Un petit cri plaintif attira l’attention sur le petit être au sol, qui en profita pour prendre la parole.

            « Ho puissant roi Giull, je voulais vous prévenir qu’un individu était entré de force au château en vainquant systématiquement tous ceux qui lui barraient le passage. Et les Humains qui voulait vous prévenir sont tous tombaient comme des mouches ! »

            Le roi ne sembla pas surpris, et répondit sans regarder le Quasi.

            « Et ça t’a pris autant de temps pour venir ! On ne peut pas dire que tu ais été efficace. Je ne te tuerais pas aujourd’hui créature, mais ça sera la dernière fois… ma salle du trône n’est pas autorisée aux sous-Humains ».

            — Tu n’as pas changé p’tit Giull, toujours aussi… exigeant !

            — Arrêtez de m’appeler comme ça, je suis…

            — … Roi maintenant ! Je le sais. Félicitations d’ailleurs. Ça n’a pas dû être facile ?

            Jodd semblait vouloir insinuer quelque chose, mais le roi ne releva pas. Il rangea ses épées et ordonna à ses soldats d’en faire autant et de sortir. Seul Odran, ainsi que Mélusine, Ephrem et Nicolin, tenait maintenant compagnie au roi et à Jodd.

            « Que venez-vous faire dans mon palais, demanda le roi, d’un ton cordial. »

            — Je voulais simplement rendre visite à une connaissance.

            — Après tout ce temps ? Alors que je vous croyais mort !

            — Ça ne fait pas si longtemps pour moi.

            Jodd se tourna vers le groupe d’Ephrem et s’adressa à ces derniers :

            « Que diriez-vous de quitter ces lieux ? leur proposa-t-il. Nous avons assez abusé de l’hospitalité du roi. Et nous avons des affaires urgentes à régler. »

Jodd tourna le dos à Giull, sans un au revoir, passa devant le groupe d’Ephrem en leur adressant un sourire, et fut loin quand Odran prit la parole :

            « Majesté ? demanda-t-il. »

            — Laisse-les passer, ordonna-t-il.

            Odran s’inclina, et Ephrem, suivis de son groupe, sortit de la salle du trône.

            « Mon roi, puis-je… »

            — Il s’appelle Jodd, coupa le roi en tournant le dos à son général pour aller s’assoir. Il a été mon instructeur, et je croyais l’avoir tué. Cela date d’avant mon couronnement. C’était la condition que je m’étais fixée…

Une fois installé, il fixa Odran sans ciller et continua :

            « J’aurais dû m’en douter, ricana Giull, sans joie qu’il ne pouvait pas mourir pour si peu. »

            — Il est si fort que ça, grand roi ?

            — Tu n’as pas idée. Mais rien d’anormal pour un Maître.

            — Un maitre ? répéta Odran sans comprendre.

            — Oui, un Maitre. Satané demi-dieu ! cracha le roi Giull.

 

            Ephrem était sorti du château, Mélusine et Nicolin juste derrière lui. Jodd les attendait, sourire aux lèvres. Il les invita à les suivre. Mélusine attrapa une manche de son frère, inquiète de ce qui allait arriver.

            « Ne le suivons pas, Ephrem. Il est sans doute venu finir ce qu’il avait commencé. »

            — Crois-moi ma belle, si j’avais voulu le tuer, il serait mort.

            — Il a raison Mélusine, mais il vaut mieux que j’y aille seul. Vous, dit-il en regardant sa sœur et son jeune élève, attendez-moi ici. Si je ne reviens pas…

            — Ne dis pas de bêtise, cria Nicolin. On y va tous ensemble.

            Mélusine approuva, et c’est en silence qu’ils suivirent Jodd jusqu’à une plaine déserte.

            « Comment te sens-tu mon garçon. »

            Pour toute réponse, Ephrem dégaina son épée.

            « Tu as raison, commençons ! »

            Voyant que Mélusine et Nicolin s’apprêtaient à interférer, Jodd joignit ses doigts comme pour les claquer, mais Ephrem l’interrompit.

            « Attends ! Ils n’interviendront pas. »

            — Quoi ! Ephrem, nous n’allons pas encore te regarder te sacrifier !

            — Tatie Mélusine à raison !

            — Je vous l’interdis. Vous n’êtes pas de taille, et de toute façon, il vous clouerait au sol d’un claquement de doigts !

            — Oui, hésita Mélusine, tu as peut-être raison, mais on ne peut pas…

            — S’il te plaît Mélusine. C’est différent aujourd’hui. Je suis différent !

            Mélusine se rappela l’histoire qu’Ephrem leur avait racontée. Des pouvoirs qu’il aurait acquis. À contrecœur, il le laissa faire comme il voulait.

            « Très bien, finit-elle par céder. »

            — Monsieur a pris la confiance apparemment ! railla Jodd. Bien. Je ne vais rien leur faire, et juste m’occuper de toi, je te rassure.

            Ephrem ne répondit pas. Il était concentré à l’extrême. Ses yeux fixés sur ceux de Jodd. Mélusine poussa un petit cri quand elle vit Jodd disparaitre, puis réapparaitre à côté d’Ephrem, qui valdingua à quelques mètres de là ! Mélusine et Nicolin coururent vers lui. Ce dernier se plaça devant son maitre pendant que Mélusine se jeta sur Ephrem. Elle sentit son corps qui se soulevait par à-coup. Morte d’inquiétude, elle voulait l’examiner pour vérifier l’ampleur des dégâts. À sa grande surprise, elle vit que son frère était juste en train de sourire ! Il se releva, reprit son épée au sol, et se tourna de nouveau vers son adversaire.

            « Je t’ai vu cette fois. »

            Mélusine et Nicolin n’en croyaient pas leurs yeux. Ephrem allez bien, et il semblait s’amuser.

            « Oui tu m’as vu, et en plus, tu n’as rien de cassé, le complimenta Jodd. »

            Ephrem se remit en garde, mais Jodd leva les mains en signe de capitulation.

            « J’abandonne ! cria-t-il. »

            Mélusine et Nicolin ne savaient plus quoi penser.

            « C’est une ruse, maitre ! cria Nicolin finalement. »

            Ephrem, déçu, rangea son épée. Il ne ressentait aucun danger, aucune envie de combattre… Son adversaire n’en était plus un.

            « Je m’excuse de t’avoir un peu bousculé petit, ricana Jodd. »

            — Un peu bousculé ! s’indigna Mélusine. Il a failli mourir, et s’il ne l’est pas…

            — Mélusine ! le stoppa Ephrem.

            Jodd le regarda, curieux d’en apprendre plus. Mais rouge de honte, elle se cacha derrière Ephrem.

            « Ok ! souffla Jodd. Je vais commencer par montrer patte blanche. Je n’ai pas voulu te tuer. Ni toi, ni personne d’ailleurs ! »

            — Menteur ! cria Nicolin. Tu as tué mon ami.

            — Ton ami ?

            — Oui, Siflette, mon oiseau.

            — Ha ! Je vois. Le piaf alors. Ne me traite pas de menteur, moucherons, j’avais dit que j’allais faire disparaitre l’un de vous, c’est ce que j’ai fait !

            — M’en fiche, tu l’as tué, meurtrier.

            Mélusine lui caressa la tête pour le réconforter. De son coté, Jodd claqua des doigts. Un oiseau affolé apparut et vola vers le jeune homme, et commença à le picorer la tête de façon frénétique.

            « Aïe ! Arrête, stupide oiseau, cria Nicolin en courant dans tous les sens. »

            Jodd, qui se tordait de rire, était le seul à trouver cette situation amusante. Ephrem s’approcha de sa sœur, lui adressa un sourire, puis reporta son attention sur l’homme à l’aspect négligé.

            « Qui es-tu ? »

            Jodd prit un air sérieux, mais il gardait quand même une expression, malgré lui peut-être, de malice !

            « Je me nomme Jodd, et je suis un Maître, et un Constellaire ! »

            En entendant ces mots, Mélusine sauta sur place et plaqua ses mains devant sa bouche.

            « Maître ! répéta Nicolin. »

            — Constellaire ! compléta Ephrem.

            Imitant sans le vouloir ses propres élèves, Mélusine se mit sur la pointe des pieds et leva la main pour signifier qu’elle savait ce qu’était un Maître, et un Constellaire. Jouant le jeu, Jodd pointa un doigt vers elle pour l’inviter à prendre la parole.

            « Les Maîtres, récita Mélusine, sont des demi-dieux. Ce sont des êtres qui naissent en ayant un talent absolu dans un domaine. C’est de là qu’est né par la suite le terme maîtrise. Au fil du temps, on a fini par écrire différemment le mot, pour désigner ceux qui avaient un talent qu’ils pouvaient transmettre. Comme toi, expliqua-t-elle en regardant Nicolin, qui appelle Ephrem maitre. Ça se prononce pareil, mais ça ne s’écrit pas pareil, insista-t-elle à l’adresse d’un Nicolin vexé. Il est également écrit, continua l’Elfe sans reprendre son souffle, qu’une fois qu’un Maître a atteint son niveau le plus élevé, soit son zénith, il cesse de vieillir ! »

            — BINGO ! Un point pour la jolie Elfe.

            Toute contente d’elle, Mélusine reprit une grande respiration avant de compléter :

            « Les Constellaires ne sont ni des Dieux, ni des demi-dieux. Cependant, ils excellent dans la magie, à un niveau bien supérieur aux Elfes. J’ai lu, dit-elle en sautant pour montrer qu’elle avait compris quelque chose, qu’ils étaient capables de prouesse magique, rien qu’en claquant des doigts ! »

            — Et un point de plus pour notre Elfe préféré ! cria Jodd en faisant le show.

            — Un demi-dieu. Et un Constellaire.

            Ephrem examinait Jodd, et il n’y voyait rien de divin... de l’extérieur du moins !

« On dirait juste un ivrogne ! »

Mais pour l’avoir affronté, il savait qu’un Humain normal ne pouvait pas se déplacer aussi vite ni frapper si fort !

            « Pourquoi m’as-tu attaqué ? demanda Ephrem qui ne perdait pas le fil. »

            Soudain, l’atmosphère changea. Le demi-dieu était devenu plus sérieux que jamais.

            « Les choses sont en train de s’accélérer, et je devais savoir de quel bois tu étais fait. »

            — Ce qui signifie ? demanda Mélusine.

            — Ephrem, reprit Jodd, sais-tu qui tu es ?

            Ils comprirent que le demi-dieu ne parlait pas du prénom du jeune homme.

            — Toi oui, je suppose ?

            — Exactement !

            — Et pourquoi on te croirait ? cria Nicolin, qui n’avait toujours pas réussi à calmer Siflette.

            — À toi de voir. Mais Joch et Trud me font confiance eux.

            — Tu connais mes parents ? questionna Ephrem. Où sont-ils ? Ils vont bien ?

            — Attention Ephrem, il ment peut-être raisonna Mélusine.

            — Peut-être ! admit Jodd. Mais je suis ta dernière chance de les revoir. À moins que tu veuilles de nouveau tenter ta chance avec le bon roi Giull ?

            Ephrem sortit la lettre que lui avait remise le roi Mellas, et le regarda avec peine.

            « Il ne nous aidera pas ! comprit-il dépité. »

            — Par curiosité, ouvre la lettre, lui demande Jodd.

            Ephrem et Mélusine trouvèrent bizarre le rictus du demi-dieu. Comme s’il se retenait de rire à une blague qu’il connaissait d’avance. Ephrem ouvra la lettre, Nicolin s’approcha, et ils la lire (l’un d’eux fit comme si). Et à chaque mot, on voyait les sourcils d’Ephrem et de Mélusine se levait davantage. Ephrem passa la missive à Jodd, qui lut à son tour :

« Alors vieille branche, comment va le cœur ?

Emmène ces gamins avec toi, tu vas bien rire !

PS Il se passe réellement quelque chose… »

            Jodd se torda de rire, se tapant les genoux.

            « J’en étais sûr. Il n’a pas changé ! Sous son air sérieux et blasé, ce Mellas est un p’tit marrant. »

            Ephrem et Mélusine ne goutaient pas la plaisanterie. L’Elfe se tourna vers son frère et lui caressa le dos.

            « Arrête ! ordonna-t-elle au demi-dieu. Ephrem fondait beaucoup d’espoir dans ce message. »

            — Il peut arrêter maintenant, dit Jodd en déchirant le bout de parchemin. Comme je te le disais, je peux t’amener à tes parents. Mais à une seule condition.

            — Laquelle ? demanda Mélusine.

            — Tu dois me suivre et accepter que je t’entraine !

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