35. Ulysse a froid

Par Romane

Viya ne sent plus que la fièvre et le froid qu’elle répand dans ses os. Elle se rappelle d’Antigone, de sa discussion avec Dan. Elle se souvient d’avoir parlé de la peur. La peur, la peur, la peur…

La peur n’existe plus, car Fid conte sans s’interrompre. Il s’est installé dans le chariot avec elle et tient Viya contre lui. Ses bras sont un maigre rempart contre le vent glacial. Sur des plaines givrées, ils filent vers ce qui doit être le nord.

– Ma fille, tu dois être forte.

La voix pressante de Sœur Helena surgit dans son esprit, se glisse entre les phrases que son mentor déroule toujours.

– Tu y es presque. Tiens bon.

Elle ne comprend pas ces mots. Cette interruption l’insupporte. Elle ne signifie plus rien. Viya n’est plus sur la plaine. Elle vogue sur une mer étale. Au loin, il y a une côte, une île si lointaine qu’elle en est minuscule. La joie d’Ulysse, pourtant, la traverse déjà, et elle sait que ce morceau de terre est celui que le guerrier appelle de ses vœux depuis tant d’années. L’île d’Ithaque, enfin.

Un rayon de soleil perce le ciel de Grèce et le froid un instant disparaît.

*

Ils étaient peut-être à dix kilomètres de la montagne lorsque le chariot cessa d’avancer, empêtré dans l’épaisse couche de poudreuse.

 Fid descendit de leur attelage, le cœur débordant d’angoisse. Le sommet le narguait, si proche, mais inatteignable. L’état de Viya s’était brutalement dégradé au deuxième jour de leur voyage. Huit jours durant, il avait conté inlassablement, ne s’accordant que de très brèves pauses quand Viya sombrait elle-même dans un sommeil désormais immanquablement fiévreux. Même là cependant, les phrases continuaient de défiler sous ses paupières lourdes.

Une averse de neige tombait depuis deux bonnes heures sur la région et avait fini par rendre la route impraticable. La silhouette de la Montagne, au loin, était perdue parmi le blizzard. Dan sauta à terre, ses cheveux plaqués sur son crâne par des flocons fondus. Il commença à tenter de dégager l’essieu, et Élisabeth, qui veillait Viya, vint lui prêter main-forte. Les deux jeunes gens s’interrompirent au bout d’une minute de vains efforts, le souffle court.

– Ça ne sert à rien, trancha la jeune fille rousse. On se retrouvera à nouveau bloqué dans dix mètres…

Fid tenta de calmer son angoisse et rejoignit Viya à l’arrière de la charrette. Il chercha son pouls, fut soulagé de le trouver erratique, mais présent. Elle était si faible que son contact ne la réveilla pas.

— Vous pouvez la porter ? demanda-t-il aux jeunes gens.

— On se relaiera, acquiesça Élisabeth.

Ils n’avaient de toute façon plus d’autres options que d’aller à pied au Prieuré. Élisabeth emmitoufla délicatement Viya dans une couverture.

— Tiens-bon, murmura-t-elle en lui caressant les cheveux.

 Dan prit la malade dans ses bras et posa sur la Montagne un regard déterminé. Sans les jeunes, Fid réalisa qu’il n’aurait sans doute jamais pu la sauver.

– Si je perds votre rythme, ne m’attendez pas, ordonna-t-il. Ne vous retournez pas. Amenez-la à la source le plus vite possible !

Ils se mirent tous en marche.

Très vite, la jambe de Fid commença à protester. Il avait passé les derniers jours dans une immobilité presque totale et la présence de la Montagne, lui semblait-il, exacerbait ses douleurs. Il serra les mâchoires.

Il tiendrait et il ferait tenir Viya avec lui. Une voix perfide lui murmura qu’aucune histoire n’avait le pouvoir de maintenir en vie un cœur qui se meurt. L’entendait-elle seulement, plongée dans les limbes enfiévrés où elle dérivait ? Il enferma ces pensées dans un coin de son esprit.

– Viya ? Tu veux savoir la fin de l’Odyssée, n’est-ce pas ? Alors, tiens bon.

Une bourrasque glacée le fit claquer des dents. Qu’importe. Les mots lui tiendraient chaud. Plus que jamais, de l’air froid qu’il inspirait il devait faire de l’or. Pour elle.

Alors il raconta, avec sa jambe qui tremblait, son nez qui coulait, ses lèvres bleues. Il raconta Ulysse, qui enfin arrivait sur les rivages d’Ithaque, Ulysse qui rencontra la déesse Athéna, et qui lui enjoignit de gagner anonymement sa demeure. Car les temps avaient changé et nombreux étaient ceux qui assiégeaient à présent la maison d’Ulysse, prêts à en dilapider les richesses et convoitant Pénélope.

Le visage de la jeune fille demeurait un marbre figé. Il tenta tant bien que mal de refouler son angoisse.

– Ulysse rentre à Ithaque, murmura-t-il. Ulysse rentre chez lui, et toi aussi. Tu entends ? Toi aussi.

 

*

. Ulysse est sur le seuil de sa maison. Il regarde la silhouette de Pénélope. Il regarde, mais il n’entre pas. Il n’a plus la force de faire un pas.

Par l’entrebâillement de la porte, il voit des corps inconnus, qui festoient et qui boivent. Il aimerait tant, Ulysse, connaître la chaleur de l’âtre qui brûle, au fond de la pièce.

Goûter les bras de Pénélope, la douceur de sa peau.

Ulysse reste sur le seuil. Les vêtements de mendiant qu’il a enfilés sont impuissants contre le froid. Ses pieds sont fichés dans la terre, pris dans le gel, ses doigts rendus gourds. Pénélope passe près de lui sans le voir. Sa robe ondule autour de ses chevilles. C’est elle, la femme qu’il aime, jusque dans son regard de ciel. Un regard qui passe à travers lui sans reconnaître le fantôme qu’il est devenu, derrière les haillons de mendiant qu’il a enfilé. Cette vision le fait frissonner, allume en lui une étincelle d’amour impuissante.

« Pénélope, viens me chercher ! », voudrait-il crier. « C’est moi, je suis sur le seuil. Si près de toi, mon amour… »

Il franchirait la porte, Ulysse. Il rentrerait chez lui. Mais Pénélope ne voit pas l’ectoplasme transi de froid devant sa porte. Elle ne voit que le déguisement qui le recouvre, celui d’un être qui a voulu jouer à s’inventer autre que lui. Même son vieux chien a montré les crocs, menaçant. Ulysse sent qu’il devrait se faire une raison. Car c’est trop tard, maintenant. Les rires du banquet s’estompent et laissent place aux chants des oraisons.

Le froid va prendre Ulysse, qui s’est tant égaré qu’il ne pourra jamais rentrer à la maison.

 

*

La Matriarche se tenait debout sous la pluie à l’entrée du Prieuré, comme si elle savait déjà tout de la tragédie en cours. Lorsque les Légendiers franchirent les portes de l’enceinte, elle leur présenta un visage grave que Fid fit de son mieux pour ignorer.

– Sauvez-la.

Sœur Helena s’avança et posa ses doigts sur le poignet de la jeune fille.

– Son pouls est à peine perceptible, j’ignore si…

– Essayez ! ordonna-t-il d’une voix éraillée, effrayante.

La Matriarche opina.

– Venez, vite.

Ils traversèrent le Prieuré au pas de course pour gagner la Montagne, qui s’élevait en pentes abruptes à quelques centaines de mètres d’une sorte de hameau qui abritait les habitations des sœurs. Sur leur trajet, celles-ci se joignaient à eux, comme des papillons blancs dans leurs robes écrues.

Ils durent grimper une partie du versant, couverte de conifères. Fid serra les dents. Sœur Helena n’émettait pas un son et les jeunes suivaient sans mal son pas, mais le Légendier était gêné par sa jambe dans son ascension. C’était sans doute sur ses inclinaisons couvertes de givres que Viya avait passé ses nuits, peut-être dans cette grotte qu’il apercevait sur sa droite qu’elle s’abritait. Un terrain si hostile... Comment pouvait-on laisser une enfant y errer des nuits entières ?

Comment pouvait-on la mener, adulte, au bord de la mort ?

La rage balaya la fatigue de Fid. Il fixa un regard brûlant sur le sentier devant lui. Il l’avait déjà gravi, autrefois. Certes, en pleine possession de sa force physique et de sa jeunesse, mais il recommencerait.

   Lorsqu’à mi-distance du sommet, Sœur Helena les invita à entrer dans les entrailles du mont, il était exténué. Elle les fit pourtant encore louvoyer dans des corridors de pierre qui étaient au Légendier bien trop familiers. Ils débouchèrent enfin dans une vaste salle naturelle au cœur de laquelle coulait une source. La faille se trouvait dans une autre caverne, à quelques encablures.

– Restez ici. Le site est sacré. Mes Sœurs, avec moi.

Deux femmes ôtèrent Viya des bras d’un Dan tremblant de froid et de peur. Élisabeth était tout aussi livide. Lorsque Fid s’approcha d’elle, elle se blottit contre son épaule.

— Tout va bien, la tranquillisa-t-il. On a réussi.

Une douleur sourde pulsait dans sa jambe, mais il respirait plus librement.

Il regarda les femmes du Prieuré allonger Viya à côté du bassin, la tête posée contre la margelle. Sœur Helena s’avança alors pour plonger une coupelle dans l’eau et la porta aux lèvres sèches de Viya.

Il ne se passa rien d’extraordinaire. Ses joues ne rosirent pas, elle n’ouvrit pas les yeux. Il n’y eut nulle lumière, nulle convulsion. Viya demeura simplement allongée là, immobile. Peut-être fallait-il du temps. Peut-être y avait-il encore d’autres étapes, des rituels, une incantation, une…

– L’eau est entrée en elle, entendit-il alors une Sœur prononcer. C’est sans effet.

Fid ne comprit tout d’abord pas ces mots. Lui, il ne comprenait pas des mots ! Une partie de son esprit s’en étonna, avec le détachement extrême que confère parfois la vraie terreur. Il les sentait prêts à exploser à son esprit, lorsque Sœur Helena s’adressa une nouvelle fois à ses compagnes.

– Dans ce cas, immergez-la.

– Mais, ma très chère Sœur…

– Immergez-la.

Les femmes débarrassèrent la jeune fille de son manteau, ôtèrent ses gants et l’écharpe de Fid enroulée autour de son cou. Il entendit le bruit de clapotis lorsque le corps de Viya fut plongé dans le bassin. Il vit ses cheveux se déployer en une couronne sombre autour de son visage.

Sœur Helena se pencha au-dessus de l’eau pour passer une main sur le visage de sa protégée. Une étrange prémonition se fraya un chemin dans son esprit. Sa gorge se serra. Il voulait la rejoindre. Il le devait. Mais lorsqu’il esquissa un pas vers elle, une Sœur anonyme le retint fermement par le bras.

Son mouvement attira l’attention de la matriarche qui tourna la tête vers lui, le regard empreint de tristesse.

– Je suis désolée, Légendier Fid.

Un rai de lumière se fraya soudain un chemin à travers la voûte de roche qui les surplombait et fit danser des grains de poussière. Si le monde avait été plus enchanteur, ç’aurait été un signe. Le moment où les paupières de Viya auraient papillonné avant de s’ouvrir tout à fait. Cela se passait ainsi, dans les histoires. Mais ce n’était qu’un odieux rayon de soleil, qui exposa à la vue de tous ses yeux larmoyants et sa mâchoire serrée.

– Je suis désolée, répéta-t-elle. Il n’y a rien que je puisse faire.

– Bien sûr que si. La Source doit la guérir.

– Vous ne comprenez pas.

Une intense douceur descendit sur les traits de Sœur Helena, mais le murmure qu’elle prononça aurait pu détruire l’univers tout entier :

– Son cœur s’est arrêté.

 

*

 

Voilà. Pénélope ferme la porte. Elle la ferme, sans même regarder celui qui sous le porche la supplie en silence. Parce qu’il ne parle plus, Ulysse, sa bouche est scellée par la glace.

Pénélope ferme la porte, presque distraitement, comme on le fait quand on réalise qu’il y a un courant d’air. La maigre chaleur qu’exhalait l’intérieur s’évanouit. Et voilà qu’Ulysse n’a plus rien pour résister au froid qui l’étreint de toute part. Ça lui rappelle quelque chose de confus. D’autres froids, d’autres portes refermées.

 Le petit tambour sanglant qui bat dans sa poitrine se couvre lentement de givre, il rate un battement, puis un deuxième.

Au-dessus du monde, pourtant une voix grave  racontait une autre histoire, où la porte n’est pas close et où Ulysse, s’il porte ses guenilles, est drapé de l’étoffe invisible des héros. Elle le protège, elle lui tient chaud. Là-bas, Ulysse n’a pas froid et il va entrer dans la maison. Parce que s’est écrit. Oui, parce que c’est comme ça.

Mais pas ici. Pas pour le Ulysse qui tremble dans la neige.

Cet Ulysse-ci meurt. Il meurt dans l’hiver, il meurt affaibli.

 Et dans la maison, l’histoire continue sans lui.

 

 

 

*

– Son cœur s’est arrêté.

Contre lui, Fid sentit Dan glisser à genoux, tandis qu’Élisabeth poussa un cri. Lui crispa ses doigts sur le pommeau de sa canne à s’en blanchir les phalanges. Il lui fallait au moins ça pour tenir debout tant son corps, soudain, se mit à trembler. Il se dégagea de l’emprise de la Sœur et marcha vers le bassin. Dans son dos s’élevaient la respiration hachée de Dan et les murmures indignés des Sœurs - que son oreille de conteur nota par réflexe, mais dont il ne tint pas compte.

Il s’accroupit avec effort à côté de la source, méprisant la douleur dans sa jambe. Helena soutenait la tête de Viya hors de l’eau. La jeune fille demeurait inerte. Il tendit vers elle des doigts tremblants, qu’il posa sur sa joue sans qu’elle ne réagisse à ce contact. Quelques-unes de ses mèches courtes collaient à son front et lui donnaient l’air d’une enfant. Elle était une enfant.

– Je comprends votre douleur.

La compassion qui suintait de cette phrase lui donna la nausée. « C’est vous qui l’avez tuée ! » aurait-il voulu hurler. « Vous et votre montagne. Quel est ce prix que vous exigez de celles que vous appelez vos élues ? » 

Mais il ne put articuler qu’un son si terriblement rauque qu’il ne reconnut pas sa propre voix :

– Vous ne comprenez rien.

– Vous n’avez rien à vous reprocher.

Il aurait pu formuler tant d’objections qu’il renonça à répliquer. À la place ses yeux s’aimantèrent sur Viya et refusèrent de la quitter quand deux Sœurs s’approchèrent pour la hisser hors du bassin sur un signe de la matriarche.

– Nous allons laisser son corps ici pour la veillée funéraire, expliqua avec douceur Sœur Helena. C’est notre rituel, même si elle n’a pas été initiée.

– Je veux la ramener à Hydendark, sur l’Archipel des Légendiers.

– Ce n’est pas là-bas qu’est sa place. Vous le savez. C’est cette erreur qui l’a tuée.

Fid serra les mâchoires. Les mots montaient en lui, brûlants, rageurs, et il renonça à les retenir. Il détourna son regard du corps de Viya pour le porter sur la matriarche.

– C’est cette montagne qui l’a tuée ! C’est cette faille ! Elle détruit la vie de tous ceux qui l’approchent ! La mienne, celle de Viya, même la vôtre. Regardez-vous, vous êtes enchaînée à elle !

– C’est votre souffrance qui parle. Vous savez que tout ceci n’est pas la faute de l’Intermonde, mais celle de vos choix, à tous les deux. De mauvais choix.

Il n’eut pas la possibilité de rétorquer. Une Sœur entra soudain dans le sanctuaire et glissa quelques mots à l’oreille de Sœur Helena, qui se décomposa.

– Ils viennent ici, murmura-t-elle. Ils viennent détruire la faille.

Fid repensa aux paroles d’Eugénia. Tout allait finir ici, elle l’avait prédit. Ses poings se serrèrent. Savait-elle également que Viya ne survivrait pas au voyage ?

Et si oui, comptait-elle sur sa mort, et alors, pourquoi ?

– Ce sont Igane et Eugénia, n’est-ce pas ?

– Je ne connais pas leurs noms ou leur nombre, mais la Montagne se sait menacée.

« Qu’ils l’emportent ! Qu’ils réduisent cet endroit en poussière ! » aurait voulu crier Fid. Il savait qu’il allait pourtant devoir encore se battre. Il fallait préserver l’Intermonde.

Mais il n’avait pas la force de lutter.

Dan et Élisabeth s’approchèrent, livides. La Matriarche recula de quelques pas pour leur offrir un peu d’intimité. La main du garçon caressa doucement la chevelure de la jeune fille, tandis que la Légendière rousse sanglotait doucement.

– Tu peux la sauver, murmura alors Dan.

Ce n’était pas une question, mais une certitude, qui brillait dans les larmes qui lui mouillaient les yeux. Le Légendier ignorait la nature exacte des sentiments qui liaient les deux jeunes gens l’un à l’autre, mais la douleur sur le visage de son confrère n’avait pas besoin d’avoir un nom. Il le regarda droit dans les yeux et murmura d’une voix rauque :

– Non, gamin. Je ne peux pas. Je suis désolé.

Il s’était attendu à ce que Dan le contredise. Qu’il argumente, bataille. Mais celui-ci se contenta d’acquiescer en essuyant une larme qui roula sur sa joue. Il se pencha vers la jeune fille pour l’embrasser sur le front. Il murmura ensuite une parole que Fid ne comprit pas, puis il se détourna. Élisabeth se contenta d’effleurer le front de Viya avant de rompre d’un pas. Le cœur broyé, l’homme les regarda s’éloigner tous deux.

– Nous avons peut-être une heure devant nous, avant que ces ennemis soient à nos portes, l’informa alors Sœur Helena, sans se départir de sa sollicitude. Je vous laisse lui faire vos adieux, après quoi mes Sœurs s’occuperont d’elle. Si le Prieuré est attaqué, mieux vaut laisser son corps ici. Il sera à l’abri.

Elle quitta la salle, ses compagnes sur ses talons.

 Demeuré seul avec Viya, Fid la serra dans ses bras, pressa ses lèvres contre sa tempe. Une première larme perla enfin à ses paupières, puis une seconde.

Des milliers de phrases d’adieu qui se pressèrent à son esprit, aucune ne franchit la barrière de ses dents serrées. Aucun poète ne savait-il donc écrire la mort ?

Il prit alors une lente inspiration.

Là où coule le Styx, il est un froid polaire, il est un vent glacial qui fige les vivants aux portes des Enfers… Et ils pleurent, et ils fixent, le cœur lourd, impuissant, leurs aimés qui s’en vont explorer l’abyssal. Mais derrière le vent, derrière l’horizon, ce sont des plaines de lumières que les morts rejoignent en dansant.

 Les mots résonnèrent sous la voûte. C’étaient les siens. Depuis qu’il avait quitté l’Ordre des Orateurs, il n’avait plus créé. Il s’était abandonné dans les phrases des autres. Sa gorge se serra. Viya méritait mieux que l’oraison d’un poète raté.

Elle méritait mieux que toutes ces promesses que lui, Légendier égoïste et imbuvable, lui avait fait miroiter et pour lesquelles elle avait refusé son destin.

Elle méritait la vie, elle méritait qu’on l’aime, la fin de l’Odyssée et toutes ces autres histoires qu’elle aurait dû conter…

Il la berça doucement contre lui.

– Pardon…

 

 

 

 

 

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Edouard PArle
Posté le 12/04/2024
Coucou Romane !
Magnifique chapitre. Wow, tu m'as touché très très fort !!
La comparaison avec la variante de l'Odyssée où Ulysse termine seule est brillante ! Elle rend la mort (j'ai encore du mal à y croire mais je vois mal comment tu vas ressusciter Viya) de l'héroïne d'autant plus poignante et convaincante !
J'ai l'impression qu'on est arrivé au point culminant de la tragédie qu'est la vie de Viya jusqu'ici. Je suis très très curieux de la suite.
Les adieux de Fid sont magnifiques de par leur impuissance et la douleur qui en ressort. La chute de chapitre est vraiment très marquante !
Je sais pas trop quoi dire de plus, tu m'as bien secoué...
Mes remarques :
"Un rayon de soleil perce le ciel de Grèce et le froid un instant disparaît." -> et un instant, le froid disparaît
"Ulysse qui rencontra la déesse Athéna, et qui lui enjoignit de gagner anonymement sa demeure." -> qui rencontrait (...) qui lui enjoignait
"Ulysse rentre à Ithaque, murmura-t-il. Ulysse rentre chez lui, et toi aussi. Tu entends ? Toi aussi." très jolie tournure !!
"Mais Pénélope ne voit pas l’ectoplasme transi de froid devant sa porte. Elle ne voit que le déguisement qui le recouvre," très beau !
"Voilà. Pénélope ferme la porte. Elle la ferme, sans même regarder celui qui sous le porche la supplie en silence. Parce qu’il ne parle plus, Ulysse, sa bouche est scellée par la glace." tout le paragraphe qui suit est magnifique !! la phrase de fin est somptueuse, bravo !
Un grand plaisir, tu l'as compris xD
A bientôt (=
Louison-
Posté le 16/08/2021
Coucou Ciel !

Eh bien, quel chapitre... Tout au long, je me disais : mais Viya réveille-tooooi s'il te plaît :'( C'est douloureux, et je sais vraiment pas si elle va s'en sortir. Combien de fois, je me disais que les héros peuvent pas mourir dans les romans, et combien de fois, je me suis fait avoir, alors oui, je sais pas... j'espère vraiment que ce sera pas le cas ! Sinon, sinon.... ok sinon je sais pas comment je réagis haha.

Dans tous les cas, j'ai trouvé ce chapitre très beau ! Il y a de jolies trouvailles stylistiques, et tu as bien su faire passer l'émotion :) Varier avec les parties en italique apporte beaucoup, je trouve. Ca ajoute de la poésie ! Et comme je l'ai déjà relevé dans un chapitre précédent, j'aime bien la référence à Ulysse. Ca me parle :)

Enfin voilà, rien à y redire. Chapitre assez dur à lire, j'espère vraiment que Viya va s'en sortir !
Romane
Posté le 18/08/2021
Merci pour ton retour sur chapitre ! :-)
Contesse
Posté le 13/08/2021
Coucou Ciel :)

Je ne suis pas très bien, après la lecture de ce chapitre xD Mais au fond de moi, je sais que Viya n'est pas morte !

Je suis d'accord avec dodo : le parallèle avec l'Odyssée est très parlant et presque évident ! Ça ajoute au tragique et à la fatalité de la scène je trouve.

Bon, j'ai quand même hâte qu'Eugénia et Igane arrivent pour bien mettre le bazar dans tout ça ! Et je suis qu'Eugénia va bientôt révéler sa vraie nature, ses vraies intentions, et j'ai hâte ^^

A bientôt <3
Romane
Posté le 15/08/2021
Merci pour ton commentaire !
dodoreve
Posté le 16/07/2021
J'ai en réalité lu ce chapitre il y a plusieurs jours, mais le sommeil me guettait trop pour que je prenne le temps de mettre des mots sur mes impressions. Je vais essayer d'y revenir malgré tout !

J'ai beaucoup aimé l'alternance entre les passages en italique et la narration classique. Tu disais dans l'une de tes dernières réponses que c'était difficile d'exprimer la faiblesse d'un personnage depuis son point de vue, et je trouve que c'est une excellente idée de le faire de cette manière. Surtout que l'on connaît les détails de l'Odyssée, donc on peut apprécie les petits écarts que tu fais et comprendre ce qu'ils signifient pour ton histoire. C'est vraiment bien trouvé. Je ne sais pas si cette impression trouvera sa résonance plus tard, mais je me disais toutefois que j'aurais aimé comprendre davantage pourquoi cette histoire et pas une autre. Je vois bien le potentiel (Ulysse qui rentre parmi les siens après sa longue errance), mais faudra-t-il rendre le lien plus explicite ? Faut-il ? Le veux-tu ? Je ne sais pas encore, il me faudra du recul, et je trouve ça appréciable de faire l'effort de ces réflexions plutôt qu'elles soient livrées sur la table, mais comme toujours, je te laisse ces questions sans réponse au fil de ma lecture malgré tout.

"Des milliers de phrases d’adieu qui se pressèrent à son esprit, aucune ne franchit la barrière de ses dents serrées. Aucun poète ne savait-il donc écrire la mort ?" J'ai trouvé ça très joli, et j'ai encore plus aimé la tentative vaine de trouver les mots avant de s'en remettre à celui, tout simple et unique, que tu as choisi pour la fin.
Romane
Posté le 18/07/2021
Coucou Dodo !
Merci pour ton avis !

Je trouve assez juste ce que tu dis sur l'explicitation autour de l'Odyssée. C'est vrai que je compte un peu sur le lecteur pour trouver le lien (en l'occurence, le fait de rentrer chez soi, et de faire aussi la paix avec les souffrances vécues). Cependant, ce n'est peut-être pas accessibles pour tout le monde - en particulier les jeunes, à qui cette histoire est destinée. C'est à réfléchir.

Merci pour ce que tu me dis sur la fin du texte !
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