37. Adieux

Par Rachael

Le temps est traître. Dix minutes ne pourraient jamais suffire à remercier Gus, à lui expliquer qu’il m’avait donné du pouvoir ; pouvoir sur la matière, certes, mais surtout sur ma vie. Grâce à lui, avec ou sans magie, j’avais voyagé, je m’étais émerveillée, j’avais aidé les autres, j’avais pris des décisions. J’avais vécu et j’avais grandi.

Pendant que les mots tournaient dans ma tête sans s’ordonner, Gus descendit dans ma main. Je le tins devant moi. Il se composa un air bravache pour déclarer :

— C’était bath, Léo ! Splen-di-de. On recommence quand tu veux.

Je souris malgré moi alors que des larmes mouillaient mes cils. Druse vint voleter devant moi pour les sécher de ses ailes.

— Vous êtes si drôles, tous les deux ! Je suis fière de vous avoir eus pour amis.

La voix de basse d’une cloche me fit sursauter :

— Jules, c’est quatre heures qui sonnent ? Oh non, pas déjà ?

Jules leva la tête à des bourdonnements lointains aux quatre coins de la ville.

— Fichtre, tu crois qu’il faut faire confiance aux cloches de Paris ?

Un second coup retentit, sur la Seine, du côté de Notre-Dame. Son vibrato grave claqua comme un rappel à l’ordre.

— C’est l’heure, m’étranglai-je.

Druse vint se poser sur l’épaule de Jules pour lui murmurer ce que j’imaginai être des adieux au creux de l’oreille. Je regardai Gus avec désespoir. Je n’avais jamais été très douée pour les séparations, de toute façon.

— Oui, c’était bath, Gus !

J’aurais bien aimé en dire plus, dénicher l’une de ces expressions familières qui faisaient le sel des conversations avec Gus, mais au troisième coup du bourdon de Notre-Dame, Jules cria :

— J’y vais, alors ?

Sans attendre ma réaction, il empoigna la manette. Il me regarda, haussa les sourcils et je me vis lui répondre oui de la tête. Parce qu’il le fallait bien, même si la décision sortait d’une partie de moi, froide et raisonnable, qui me faisait horreur. J’allais perdre Gus ; j’allais perdre la magie qui avait fait de moi quelqu’un de spécial, mais surtout d’entier.

Jules releva le commutateur. Je sentis une énergie immense se déployer autour de moi, puis la ville fut plongée dans le noir.

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Raza
Posté le 22/11/2023
C'est court, mais je pense que tu le sais ^^'... Le risque d'étirer le moment peut le rendre trop artificiel, mais ici, tu aurais un peu de marge pour laisser monter l'émotion (mon impression vient peut-être de ma lecture décousue... donc à prendre avec les pincettes qui vont bien)
OphelieDlc
Posté le 03/08/2021
La violence de ce court chapitre. Evidemment, il est parfait. L'urgence de l'instant correspond à la fin précipitée et déchirante de cette amitié et de tout ce qui faisait la singularité de Léontine. C'est court et intense. On le lit à contre-coeur tandis que Léo et Gus le vivent à contre-coeur. Mais sauver le monde vaut bien quelques sacrifices.

Je crois que je vais me garder l'épilogue pour un peu plus tard. Je n'ai vraiment pas envie de refermer ton livre tout de suite. Il va me falloir un petit temps de process, haha !
Rachael
Posté le 12/08/2021
C'est exactement ça : dur pour Léontine de se sacrifier, même si elle n'a pas vraiment le choix. Du coup, tu me diras ce que tu penses de la fin, et du ton de l'épilogue...
Merci pour ta lecture fidèle !
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