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Par Liné
Notes de l’auteur : Après réécriture, j'ai fusionné certains chapitres entre eux, ce qui peut bousculer le marquage "lu" de certain-es lecteurices. Si vous êtes perdu-es, n'hésitez pas à me demander où vous en étiez !

   Les marmites recrachent des monceaux de vapeur, les cocottes-minutes sifflent en chœur et les fours s’enflamment. Pourtant, par-dessus ce chahut orchestré, les rires des femmes parviennent à s’imposer.

— Et demain, devinez ce qu’il y a au programme !

   Un torchon s’envole, une main experte la plaque contre l’anse d’un couvercle et le soulève : un nuage réconfortant s’en échappe, frappe le nez et vient distiller dans l’air des traces invisibles de paprika.

— Quoi donc ?

   La main au torchon est celle de Maryse, la sous-cheffe de Farid, et la voix qui interroge appartient à Lucile, la première commise.

— Une « queue du diable » dans la forêt ! répond Sam. Tous les ans, on lui répète que ce jeu est ringard et que les ados s’en foutent. Ils sont bien trop grands pour se courir après avec un bout de foulard coincé dans le froc. Rien à faire !

   Dans le brouhaha des ustensiles en pleine action, Maryse et Lucile s’esclaffent. Elles rigolent comme le font les femmes à la chair lourde : leur poitrine se soulève avec emphase, leur gorge s’ouvre de bonheur et leurs yeux pétillent. Reines dans leur cuisine, elles savent où placer le moindre de leur geste et c’est avec beaucoup de naturel que le rire s’ajoute aux soubresauts de leur chorégraphie. Elles travaillent et s’amusent de concert : Lucile fait glisser une cagette de poivrons fraîchement lavés que Maryse agrippe aussitôt d’une main tandis que, de l’autre, fendant les airs, un couteau aiguisé se tient prêt à frapper. La secousse des épaules ne vient gêner en rien le claquement sec de la lame au cœur du légume, et le coup de poignet maîtrisé sépare les graines de la pulpe avec une dextérité fascinante. 

— Vous le changerez pas, ce vieux singe, lâche Lucile en s’attaquant à une troupe de courgettes. Ce jeu-là, avant que tu rejoignes la Fourmilière, il y tenait déjà comme à la prunelle de ses yeux !

   Impressionnée par tant de vivacité, Claire reste en retrait et observe la danse des cuisinières. Sam est plus à l’aise qu’elle : assise sur le plan de travail, ses jambes se balancent sans gêner personne et ses talons marquent contre les placards un rythme irrégulier.

— Quand on parle du loup… prévient Maryse entre deux poivrons.

   Le claquement de son couteau ne parvient pas à masquer le grincement de la porte. Dans l’encadrement apparaissent Jules, des paquets de classeurs plaqués contre sa poitrine, et Klaus, portant à bout de bras un nouveau lot de cagettes. La vapeur en profite pour se faire la malle, nappant d’une brume bouillante leur peau déjà couverte de sueur.

— Livraison de la matinée ! clame Klaus en déposant vingt kilos de carottes. D’autres suivent, ne fermez pas la porte.

   Il s’éclipse. Les interventions de l’intendant font partie intégrante des rituels culinaires que Maryse et Lucile ont perfectionnés avec les ans : une pincée de mots leur suffit.

— Claire, on peut se parler deux minutes ?

   Sam cesse de battre la mesure. Le couteau suspend son manège, manque un « clac » puis repart comme si de rien n’était. 

— Bien sûr, répond Claire.

   Elle s’apprête à sortir de la cuisine mais Jules lève une main diligente et la retient :

— Pas la peine de sortir, ça va être bref. Et puis je suis pressé. C’est au sujet de la chapelle. Bon. J’ai bien considéré la chose, et je ne pense pas que ce soit une excellente idée. D’abord, cette chapelle est un lieu de culte, certains y vont encore pour prier. Et surtout, le bâtiment est vétuste. La charpente est en trop piteux état et j’ai peur pour la sécurité des enfants.

— Mais si des gens y prient, des ados peuvent bien y…

— D’autant que cette idée de salle de spectacle, je n’y crois pas trop. Je n’y vois aucun intérêt. Qui va s’occuper de ces nouveaux ateliers ? Comment s’insèrent-ils dans le Programme ?

— Je peux m’en occuper, ça ne me dérange pas.

   Tchac ! Cachées sous les coups de couteau, les deux cuisinières font mine de se désintéresser de la situation ; elles baissent les yeux, jettent quelques regards à la dérobée. Claire poursuit :

— Au contraire, rien ne me ferait plus plaisir !

   Lucile ajoute de l’huile dans les récipients et les poêles se mettent à grésiller. Jules est obligé d’élever la voix s’il souhaite dominer la cacophonie ambiante :

— Ce n’est pas la question. On ne peut pas débattre du sujet ad vitam aeternam ! J’ai déjà été suffisamment conciliant quand tu as inventé cette histoire de journée à l’envers. Tu es force de propositions et c’est tout à ton honneur. Mais tes idées ne sont pas toujours les meilleures pour les enfants !

   Claire ouvre la bouche mais aucun son n’en sort : elle est prise au dépourvu. Klaus pénètre en trombe dans la cuisine, le visage rougi et à moitié dissimulé derrière une montagne de cagettes. Jules ne prend pas garde à lui et poursuit à l’attention de Claire :

— Pense à cette scène de… de téléphone portable entre Yanis et Alyssa ! Ça ne se serait pas produit si j’avais empêché cette journée à l’envers d’avoir lieu ! J’ai été faible en te donnant mon autorisation et j’en suis responsable. Des enfants en ont payé le prix. Une fois, pas deux ! La chapelle restera une chapelle !

   Rompu, Klaus dépose les cagettes sur une table. Le bois tremble, les légumes se trémoussent dans leur prison. L’intendant se redresse et ne se donne pas la peine de reprendre son souffle avant d’exposer :

— Tout va bien, Jules. La chapelle est en bon état, je m’en suis assuré. Il faut encore débarrasser deux ou trois vieilleries, Claire et moi on s’en occupe sur nos heures de pause. Et j’estime que dans quatre jours, les gamins pourront y jouer. Personne ne vient prier. Ça fait une semaine qu’on retape tout, et on n’a pas croisé âme qui vive. De toute façon, le niveau de poussière laissait définitivement croire que cette chapelle était à l’abandon. C’est une belle idée qu’a eue Claire. Et si cela ne fonctionne pas, si le théâtre n’intéresse pas les enfants, on n’aura qu’à transformer le lieu en annexe pour l’infirmerie. Rebecca sera contente. Quant au Programme, pas de souci : je cède ma place à Claire. J’ai trop de travail d’intendance, je ne peux pas continuer à gérer les ateliers de sport. Je lui donne tous mes créneaux jusqu’à la fin de l’été.

   Il adresse un sourire forcé à Jules, agrippe un paquet de cagettes vides, et sort comme il est entré. Jules est abasourdi. Il se tourne vers Claire, réfléchit. Une phrase, peut-être deux, tente de franchir ses lèvres. Toutefois il doit bien se l’avouer : son intendant l’a coiffé au poteau.

— Hé bien, ça me semble réglé, résume Maryse l’air de rien.

   Les cuisinières jettent les poivrons sur l’huile et les grésillements reprennent de plus belle. Le directeur se contracte et ses liasses de classeurs se compriment entre ses bras.

— D’accord ! hurle-t-il finalement.

   Et, sans rien ajouter, il tourne les talons et disparaît. Les quatre femmes restent silencieuses un instant, aux aguets. Puis, soulagées, échangent un clin d’œil et pouffent de rire.

 

 

 

   Tout est parfait. Les jaunes, les rouges et les bleus dansent au milieu de ce paysage vert idyllique. Il y a quelque chose de joyeux, de fougueux, à observer les queues virevolter. Esquisser des courbes incertaines. Alors que les arbres, eux, s’élèvent droit, fiers et brutaux jusqu’aux cieux.

— Clémence, tu perds ta queue ! Clémence !

   Jules met sa main en porte-voix et sa remarque atteint sa cible. Il convient de toujours mettre sa main en porte-voix. Autrement, la suggestion passe pour un ordre hurlé. Et ce n’est pas l’effet escompté.

— Clémence !

   Enfin, la fillette l’entend. Elle se retourne, le front froissé, baisse le regard et comprend que sa queue se perd. Comme indiqué. D’un geste rapide, elle enfouit l’extrémité du ruban — qu’elle a jaune, et le jaune lui va très bien — dans son pantalon et reprend sa course. Non, sa marche pesante. Car Clémence ne court pas mais se dandine. Son corps empoté slalome entre les arbres, arbitrairement, sommairement, avec le pied leste de celle qui se refuse à l’effort. Cependant sa démarche grossière trahit une chair trop graisseuse, ses coudes sont pliés au-dessus de ses hanches adipeuses, ses fesses marquent des mouvements de bascule presque obscènes. Cette gamine pourrait avoir le charme de son âge, soupire Jules. Et pourtant, on la laisse s’empiffrer à tout bout de champ.

   L’ordre est rétabli : Clémence se fond dans la masse, le serpentin jaune valdinguant entre ses cuisses. Les adolescents se poursuivent, les bras se tendent, les mains cherchent les queues ennemies — une pluie de couleurs, en voilà une image poétique.

   Même s’il faut bien l’admettre : la course est molle. L’an passé, même combat. Rien à voir avec les jeux que l’on inventait autrefois. Quand Jules était haut comme trois pommes, que ses parents l’inscrivaient en colonie de vacances. Souvent en montagne. La mer, il n’a jamais aimé ça : trop de bleus, et cet horizon qui n’en finit pas lui donnait déjà la nausée. Les arbres, au moins, s’arrêtent quelque part. Jules garde un souvenir ému des expéditions enfantines dans les forêts. Des jeux de rôle, des jeux de piste. Des récits qui gonflent de bouche à oreille. Des lutins et autres créatures féeriques qui, croyait-il, peuplaient les environs. La joie, l’excitation qui allaient avec. Jusqu’aux histoires d’horreur racontées tard au coin du feu, celles qui lui glaçaient le sang et l’empêchaient de dormir. Rien que d’y penser le rend nostalgique.

   Aujourd’hui, les jeunes n’échangent plus rien de réel, ne s’intéressent plus à la nature. L’idée de courir dans les bois ne les enchante guère. Une maladie toute particulière les transforme en individus amorphes, apathiques. Une gangrène sans consistance, que Jules serait bien en peine de nommer. Mais une gangrène, à n’en pas douter. Qui les cloue au sol, le nez rivé dans leurs gadgets dernier cri. Bon. C’est dommage. Un univers s’offre à eux, une vie entière. Il leur suffirait de se secouer. D’agripper cet avenir qui les attend, de s’en saisir. Ils le méritent tellement — innocents qu’ils sont. 

   Heureusement, la raison est du côté de Jules et il sait qu’en forçant les enfants, il leur fait du bien. Il leur ouvre des perspectives que, seuls, ils n’envisageraient pas d’atteindre. Et ils en ont besoin.

   D’autant que la gangrène gagne du terrain : dans cette panoplie de couleurs, les animateurs eux-mêmes ne s’enthousiasment pas. Jules les voit, trottinant çà et là sans conviction. Tentant mollement d’attraper un enfant, faisant mine de s’égayer. Mais tout est décousu. Les gestes sont paresseux. Les sourires las. À croire que Jules est le dernier représentant d’une génération qui savait faire les choses comme il se doit.

— Hé patron ! Et toi, tu cours pas ?

   Sofiane surgit devant Jules. L’animateur freine sa course et fait des bonds sur place. Les mèches de cheveux que la sueur n’a pas collées contre son front sautillent.

— Très peu pour moi ! répond Jules. Je vous observe de loin.

— Il y a ceux qui cravachent et ceux qui triment, c’est ça ?

   Le visage jovial de Sofiane se veut aussi rassurant qu’à l’accoutumée. Toutefois sa pique irrite le directeur : ce genre d’insinuations lui déplaît. Il est un bon patron. Pas parfait — qui l’est ? Mais un bon patron malgré tout. Juste et droit. Honnête. Impliqué dans le bien-être des jeunes. Un brin rancunier et ça, il le sait et n’en abuse pas. Chaque été, il met un point d’honneur à faire sentir son ouverture d’esprit. Les animateurs peuvent lui parler. Les enfants également. À cœur ouvert. Alors pourquoi enfoncer le clou, entériner son ascendant sur les habitants de la Fourmilière ? Oui, il dirige et eux obéissent. Et donc ?   

— Si c’est ainsi que tu vois le monde…    

   Jules se renfrogne. Sofiane ne demande pas son reste et s’éloigne, marchant à petites foulées. Son interaction avec le directeur a refréné le peu d’ardeur qu’il mettait dans le jeu. Car même Sofiane, ce grand dadais qu’aucune épreuve ne saurait décourager, s’essouffle à se plier aux règles. Jules le sent bien : d’année en année, son animateur le plus fidèle lui échappe. Glisse. Hors de lui, hors d’atteinte. Bon. Le directeur pince les lèvres : il lui faudra remédier à cette dérive.

   Un rapide tour d’horizon confirme ses doutes : la Fourmilière n’est plus ce qu’elle était. Sofiane s’ennuie. Sam, la plus jeune, papillonne d’un groupe d’enfants à l’autre, pataude. Celle-là n’a jamais su quoi faire de ses deux bras. Et Klaus court lui aussi — en revanche, Jules a dû le convaincre de participer à l’excursion. Reste Claire, cette finaude un peu vulgaire que Jules ne parvient pas à canaliser. Elle ne manque pas d’énergie. Loin s’en faut. Néanmoins il faut voir quel genre d’énergie elle s’échine à communiquer aux enfants !

   D’autant qu’elle a beau jouer le jeu, pourchasser les petits, s’approcher des queues en faisant mine de ne pas y arriver — laisser les enfants croire qu’ils gagnent, une ruse d’une malhonnêteté parfaitement inutile — elle ne respecte aucune consigne. Les règles de la « queue du diable » précisent pourtant que les joueurs de chaque équipe, reconnaissables à la couleur du foulard enfoncé dans le pantalon telle une queue, doivent retirer la queue des autres équipes. Certes il s’agit d’une variante, mais tout de même : les explications de Jules étaient limpides. Rien de compliqué. Alors pourquoi diantre Claire s’amuse-t-elle à faire tomber tous les foulards ?

   Elle en rit, avec ça. Ça a l’air de la passionner. À bien la regarder, elle semble porter un masque, jouer une sorte de comédie. Celle de la jeune femme branchée, indépendante. Libérée. Jules s’en doute, il y a des domaines intimes dans lesquels elle ne rechigne pas à plonger corps et âme. Des pratiques qu’elle doit avoir, des mots, qui font mauvais genre, horriblement mauvais genre, et dont elle se gausse. Bon. Puisqu’elle n’a rien d’une figure maternelle pour les enfants, sa place est peut-être à trouver ailleurs. Sur un tournage de films pour adultes, tiens. Ou en talons et mini-jupe sur le trottoir. Elle y ferait fureur. Au lieu de quoi elle parasite la Fourmilière, s’installe telle une tique, le tout dans des élans de fierté — qu’elle ne cache pas ! — à faire pâlir le diable en personne. De l’importance, voilà : elle aime se donner de l’importance. Se croire très haute, avec ses sourires, ses vêtements moulants, cette fausse grâce et cette satanée auréole dont elle s’affuble. À crier sur tous les toits à quel point le théâtre signifie pour elle « la vie ». Mais quelle vie ?   

   Elle n’a pas de vie. Une fille comme elle, ça n’est entourée que de néant. Pas de mari, pas même un compagnon à l’horizon. Rien d’étonnant : aucun homme sérieux ne resterait dans les parages. Pas d’enfant et après tout, Jules le lui accorde : être stérile pour une femme, ce n’est pas un choix. Bon. Elle pourrait adopter. C’est ce qui se fait. De même, pas de métier stable. Jusqu’à ce que Jules la rencontre — coup de chance pour elle. D’ailleurs, à y repenser, il se demande bien par quel hasard elle est parvenue à faire bonne impression lors de son entretien d’embauche. Elle a dû jouer de ses charmes. L’embobiner, mentir. Et elle l’avait dans la poche. Quant à un éventuel foyer, une maison, certainement rien à espérer là non plus. Lorsqu’il en aura le temps, Jules farfouillera dans ses dossiers estampillés « ressources humaines » et vérifiera son adresse postale. Histoire de visualiser depuis quel trou à rats, exactement, elle s’est faufilée jusqu’ici.

— Chat, c’est toi qui es !

   En attendant, son comportement n’est pas acceptable. On ne saute pas ainsi du coq à l’âne, de la queue du diable à chat perché !

— Claire !

   Il a oublié de mettre ses mains en porte-voix. Tant pis. Elle s’interrompt en plein élan et se tourne vers lui, les yeux grands ouverts — elle sait très bien feindre la surprise — et le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

   Ce sourire. Ce satané sourire. Qui la défigure de part en part, qui coupe son visage en deux. Encore un peu et c’est dans cette gueule-là, toute rose, qu’on risque de chuter tête la première. Oh, ses dents sont blanches, là n’est pas le problème. Suspicieusement blanches, même. Non, ce qui dérange, c’est cette jovialité malsaine. Ce désir maladif de dire qu’elle va bien, que tout va pour le mieux. De cracher sur le monde sa bonne humeur aux couleurs perçantes. Alors qu’on s’en rend vite compte : elle ment. Une hypocrite. Une manipulatrice.

   Bon. Il va falloir que Jules garde un œil sur elle. Sans quoi elle pourrait profiter de la déliquescence ambiante. Creuser un trou au sein de la Fourmilière et y faire son nid. C’est comme cette pièce de théâtre qu’elle veut à tout prix monter. Une pièce de théâtre, ce n’est pas dans sa fiche de poste. Quel bien cela pourrait-il apporter à qui que ce soit ? Et puis, surtout, quel besoin a-t-elle d’agir en dépit des conventions ?

   Allez savoir comment Klaus en est arrivé à la seconder. Lui qui fait montre d’un caractère désabusé en toutes circonstances. Immanquablement, le suivant sur la liste sera Sofiane. Une victime très accommodante. Les décolletés, les cils battants et les paroles caressantes finiront par avoir sa peau. Tous les ans, un nouveau flirt. Sofiane s’en sort sans aucun bâtard dans les jupons — ce qui, à force de courir la gueuse, relève de l’énigme cosmique. Et il faut dire qu’elle en joue, avec lui. Depuis le premier jour. Il a tiré le gros lot. D’ailleurs le spectacle a déjà démarré : Jules voit bien que l’animateur tourne autour d’elle. Qu’il agite la queue et bave comme un caniche, prêt à tremper son autre, de queue. Consternant.

   Plus Jules y pense, plus l’évidence le frappe : tout part à vau-l’eau. Il est de son devoir d’agir. Et vite.

   Il s’avance vers elle d’un pas décidé. Hors de question de montrer le moindre signe de faiblesse. De toute façon, la mollesse n’est pas inscrite dans ses gènes. Lui.

— On stoppe le jeu trente secondes ! Claire, bouge pas. J’ai un truc à expliquer à tout le monde.

   Décidément non, rien ne va. À commencer par cette figure mi-intriguée mi-contrite qu’elle affiche. On dirait qu’elle sait de quoi il est capable mais que, dans l’expectative, elle consent encore à le laisser la guider. Avant de prendre son propre envol, de lui filer entre les doigts. Et de se croire tout permis.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-elle.

   Tuer dans l’œuf. Il faut qu’il tue dans l’œuf cet esprit de rébellion avant que la rébellion, la vraie, n’advienne pour de bon.

— On joue à la queue du diable, là. Pas à chat perché.

— Pardon, je me suis laissée emportée dans l’euphorie du moment ! Mais je…

— Et ce n’est pas une tenue appropriée pour courir. Ni une tenue appropriée tout court.

   Il la toise, tourne autour d’elle. La scrute. Ne rate aucune parcelle de vêtement.

— Bon. Déjà, le mini-short, c’est à oublier. Vraiment insensé. Tu savais, toi, que certaines filles un peu rondes peuvent avoir des brûlures entre les cuisses, par cette chaleur ? Il faut qu’elles se couvrent les jambes. Par pudeur, et aussi pour éviter les frictions. Bon, toi tu n’as pas ce problème-là, manifestement. Pense à Clémence, par exemple : elle est passablement enveloppée, tu lui donnes le mauvais exemple.

   Claire se tourne et se retourne. Ouvre sa bouche rose et laisse entrevoir ses dents blanches, mais ne parvient à formuler aucune contestation.

— Et je crois que ce soutien-gorge n’est pas adapté à ta poitrine. Pardon de te le dire, c’est sûrement gênant, là, devant tout le monde. Si je t’expose ainsi c’est que, encore une fois, en tant qu’adulte, tu fais figure d’exemple. Quand tu cours, ça fait comme des… ça… enfin, ça rebondit, quoi ! Bon. Si tu veux, j’ai conservé une tripotée de magazines féminins laissés par des animatrices avant toi, je sais que certains abordent le sujet des tailles de soutien-gorge.

— Mais… qu’est-ce que… balbutie-t-elle.

— Jules, qu’est-ce qui te prend ?

— Oh, patron, vous devriez avoir ce genre de conversation en privé, non ? Pas devant les mômes…

   Jules ignore les remarques de Klaus et Sofiane et poursuit :

— Enfin, de manière plus générale… Il faudrait revoir ton comportement. Je ne dis pas ça pour être méchant, note-le bien. Seulement voilà : tu es brutale. Tu dis les choses telles qu’elles sont, et c’est très bien. Par contre, tu n’y mets jamais les formes.

   Il se penche vers elle et poursuit à voix basse :

— Ton problème de stérilité, par exemple. Une maladie pareille, ça ne se balance pas comme ça, en plein repas. Devant de parfaits inconnus. C’est une information personnelle, tout de même — trop personnelle.   

   Il se redresse, tente un sourire mais ses lèvres se tordent en un rictus. En vérité, il doit bien se l’avouer : il est désolé pour elle. Profondément navré. Une jeune fille qui n’a rien d’autre au monde que sa propre vulgarité, quel gâchis.

   Autour du directeur plane un silence de mort. Claire demeure paralysée, les bras ballants. Elle ne s’attendait pas à un tel traitement, et le choc a le mérite de la faire taire. Pour une fois. Quant aux autres animateurs, pas mieux : Sofiane bouchée bée, Klaus les sourcils froncés, Sam recroquevillée sur elle-même. Les enfants, eux, balayent la jeune femme de leurs regards interloqués. Avec un peu de chance, le discours du directeur en éduquera plus d’un.

   En définitive, Jules a jeté un pavé dans la mare. Il le sait. Néanmoins chacun son rôle : il fallait bien que quelqu’un se dévoue. Et qui d’autre que le directeur pour crever un abcès ? Désormais, il l’espère bien, les rapports entre chacun seront plus sains.

 

 

 

   Les pleurs, les cris. Puis les cris, et les pleurs.

   Ça ne s’arrête donc jamais.  

   Il aurait dû se douter que la tâche serait si compliquée. Toutefois, impossible d’employer un animateur spécialement habilité. Trop cher. Et la Fourmilière ne peut décemment pas envisager de dépenser autant d’argent pour un seul enfant. En vérité, Jules a confiance en son équipe : le dévouement de Séverine, la rigueur de Klaus et la jovialité de Sofiane feront l’affaire. Devront faire l’affaire. Pas le choix.

   En attendant, les pleurs et les cris, les cris et les pleurs. Difficilement supportables.

— Léa, ma puce, tu ne te souviens vraiment pas où tu as rangé ce t-shirt ?

   Grognements de Léa.

   Mais voilà, Séverine prouve une fois de plus la logique infaillible du directeur : avec l’handicapée, son animatrice sait être plus prévenante et, surtout, plus patiente qu’avec les autres enfants.

— Peut-être un troisième t-shirt, alors ? propose-t-elle avec douceur.

   Devant le visage ridé de Séverine, la peau lisse de Léa se déforme, se congestionne, se crispe. Un miroir. Ce que cette gamine sera et fera, passée la soixantaine — pour peu qu’elle y parvienne — demeure un mystère aux yeux de Jules.

   Au moins, Léa apporte un peu de diversité. Un challenge, cette jeune fille que ses parents sont venus déposer à la Fourmilière. Anxieux au possible, la confiant à Jules comme on abandonnerait un moineau mourant. Oh, il était au courant. Les parents avaient téléphoné, tout avait été communiqué, transmis, organisé. Accepté. Les médicaments : des gélules bleues et rouges, le matin et le soir. Les habitudes : la timidité de la fillette, son besoin de se réveiller au son de telle musique, sa fascination pour le papier — des kilomètres de papier, Léa peut assembler des kilomètres de papier et en faire des origamis, des puzzles géants et même des tapis colorés. Les angoisses : la lune, l’odeur du café, les bruits surprenants, le toucher de quelqu’un qu’elle ne connaît pas suffisamment.

  Au fond, tout cela n’avait rien de bien compliqué. Jules avait lui-même une cousine handicapée, qu’il chérissait beaucoup. Ils n’avaient que quelques années d’écart. Lorsque leurs parents se retrouvaient, certains étés, il s’occupait d’elle. Les jeux : il s’adaptait à sa lenteur, lisait plusieurs fois les règles. Le bain : il la savonnait dans une grande bassine disposée sous le soleil confortable du jardin. La nuit : il se forçait à s’endormir après elle, rassuré par le sifflement paisible de son sommeil innocent.

— Non ! Non !

   Bon, quoi encore ?

   Léa se débat. Gesticule. Agite ses menottes. Séverine, elle, perd pied.

— Un peu d’aide ?

   Jules tourne la tête. À ses côtés, tout proche de lui, s’impose le visage radieux de Claire. Un visage coincé au milieu de cet amas de cheveux sombres qu’elle s’échine à ne pas dompter. Derrière, Sam se retranche dans l’ombre de sa nouvelle copine. Ces deux bonnes femmes sont donc inséparables.

— Ce serait pas de refus… souffle Séverine.

   Les hurlements hoqueteux de Léa continuent d’inonder les lieux. Claire entre dans le dortoir. Son épaule frôle celle de Jules et le directeur recule. Sam, elle, reste dans le couloir. Invisible.  

— Alors, Léa, on ne sait plus quoi porter ?

   Claire s’agenouille devant Léa et l’enferme dans son sourire le plus dévastateur. Ce fameux sourire. Et la gamine n’a pas le choix : où qu’elle regarde, elle ne peut esquiver ces quenottes blanches. Pourtant, à la plus grande surprise du directeur, Léa se calme. Oh, son front reste aussi plissé qu’un accordéon. Et son menton frissonne : la tempête menace encore. Jules l’observe, curieux de voir comment Claire compte gérer son affaire.

— On va enfiler ce t-shirt-là, tu veux bien ?

   Un flottement. La gamine étudie le bout de tissu. Et puis non, rien n’y fait : cris, pleurs. Décidément !  

— Bon, Claire ! Tu vois bien que tu n’arrives à rien, là !

   Il pénètre dans la pièce, bouscule la jeune femme et, à son tour, se positionne devant Léa. Non pas à genoux, tel un vulgaire serviteur, mais debout. En hauteur, penché par-dessus la fillette. Il prend une profonde inspiration, toussote, et ajoute un peu de miel dans sa voix :

— Alors, il paraît que tu as perdu ton t-shirt fétiche ? Ce n’est rien, on va en mettre un autre.

   Il arrache le t-shirt des mains de Claire et le tend vers Léa.

— Celui-ci, par exemple. Je vais t’aider à l’enfiler.

   Le bout de tissu remue sous le nez de Léa. L’handicapée le suit des yeux, concentrée comme une mouche devant un pot de confiture. C’est bien : elle a compris. Elle est prête à abdiquer.

— On va d’abord enlever ce haut de pyjama.

   Satisfait, Jules empoigne le pyjama et découvre le ventre de la fillette. Aussitôt, Léa se braque. Cris, pleurs, grognements, tout y passe.

— Mais enfin… ? s’étonne le directeur.

— Je veux pas !

   Elle crée un vacarme de tous les diables et n’épargne aucune miette de vide. Désarçonné, Jules se redresse et insiste :

— Il faut bien s’habiller !

   Pour mieux se faire comprendre, il n’a d’autre choix que de hausser le ton. 

— Tu ne vas tout de même pas rester ici toute la journée, enfin !

— Jules, vous ne devriez pas crier…

— Je ne crie pas ! Mais Séverine, comment veux-tu qu’elle m’entende, avec tout le boucan qu’elle fait ?

— Je veux pas !

— Séverine a raison, appuie Claire, t’arranges rien, là… Une seule personne suffit.

— Je veux pas, je veux pas !

— Bordel, vous allez pas m’expliquer comment m’occuper d’une handicapée !

— On est trop nombreux. Laissons Séverine seule avec Léa pour le moment.

— Ma puce, tente Sam en se rapprochant de Léa, calme-toi. Tout va bien…

— Je veux pas m’habiller devant… devant… !

— Jules, vraiment, vous devriez sortir !

— Non ! On va pas laisser une gamine faire sa loi ! Pas de caprice !

   Les deux mains de Jules fondent sur Léa, agrippent le pyjama et le soulèvent brusquement. Les cris de la fillette redoublent. Sa bouche s’ouvre grand, la salive entre les dents et, sous les larmes débordantes, ses yeux se révulsent de terreur. Elle se débat, parvient à repousser une main tandis que l’autre la maintient encore. Alors cette main de Jules s’élève, prend de l’élan et vient frapper la joue. La gifle est inattendue, résonne. Et réduit tout le monde au silence.

   Jules la relâche. La fillette part se blottir contre le mur, cache son visage rosi sous ses dix doigts tremblotants. Il est allé un peu loin. Bon. Mais au moins, la voilà calmée. Pour de vrai.

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Jamreo
Posté le 17/11/2019
Ton écriture est vraiment particulière : tu t'attardes sur des petits détails, des sensations physiques exprimées en images inhabituelles (par exemple "se déchirer la bouche"). Le résultat est assez déboussolant, on dirait que les corps sont désarticulés, il y a des bouts ici et là, on a du mal à faire le lien entre telle partie du coups et telle autre. C'est étonnant !

Je note un dégoût de l'immobilité chez Claire, serait-elle un peu voire beaucoup hyperactive ? :P

En tout cas tu nous offres un portrait minutieux de ces adolescents, on plonge dans leurs difficultés, tout ce qu'on ne voit pas forcément du premier coup d'oeil, c'est vraiment intéressant ^^
Liné
Posté le 17/12/2019
Argh, je réponds avec dix trains de retard ! Merci Jam' !
J'espère que ces passages inhabituels ne sont pas trop lourds, ou ne n'aboutissent pas à trop d'incompréhensions... ? En fait, Léa étant handicapée, je me suis un peu lachée sur le style pour montrer les images étonnantes qui peuvent surgir dans sa tête - et la démarquer d'autres personnages. J'espère que ce n'est pas too much !
Jamreo
Posté le 18/12/2019
Ben en fait, c'est un élément de ton écriture que j'ai remarqué dans tous tes chapitres d'Avant les cendres, pas uniquement celui-là ! Mais non, dans tous les cas ça donne de la particularité, c'est pas gênant : juste singulier !
Jupsy
Posté le 06/10/2019
Coucou Liné,

J'ai beaucoup aimé la façon dont tu décris le point de vue Léa. Cela permet de se mettre à place, de prendre conscience des difficultés qu'elle rencontre pour entrer en interaction avec le reste du monde. Est-ce que tu t'es renseignée sur le sujet pour l'écrire ? Ou est-ce que tu as suivi ton instinct ?

J'ai aimé le fait que Clémence lui vienne en aide, mais aussi que les autres fassent front pour la défendre.

Quant à Claire, j'ai eu la sensation de la voir agir comme un démineur avec Léa. Ne sachant pas totalement comment la prendre, elle avance à tâtons, veut la pousser mais hésite car elle n'est pas sûre de connaître le moment où la jeune fille va craquer. On saisit alors l'épuisement que cela engendre chez Claire. Elle veut comprendre la jeune fille, mais elle se heurte aussi à la sensation de n'arriver à pas grand chose alors que les efforts sont là. Je trouve ça intéressant parce que l'on voit clairement le fossé entre valide et handicapé. On voit qu'il n'est pas simple à combler, qu'il faut faire avec les attentes des uns et des autres et qu'il faut accepter les compromis... Le fait qu'on ne peut pas demander la même chose. Qu'il faut s'adapter même si ça peut être compliqué. C'était clairement intéressant d'avoir les deux points de vue, de sentir que ce n'est pas simple, que cela ne peut être que nuancé.

Bref c'était un chouette chapitre. :)
Liné
Posté le 15/10/2019
Merci Jupsy !

J'ai fait quelques recherches pour ce roman (sur les sorcières notamment). Pour Léa, j'ai entamé quelques recherches mais je me suis rapidement rendue compte que ça ne serait pas nécessaire : il y a tellement de handicaps mentaux différents, je ne voulais pas me restreindre à un seul. J'ai préféré tabler sur un mal-être non précisé afin d'éviter les clichés, d'éviter les stigmatisations et les jugements de type "elle est anormale", et afin de créer une empathie sur le mode "moi aussi j'ai déjà ressenti ça".

Tu as tout à fait mis le doigt sur le ressenti de Claire en la désignant de "démineur" !
Rachael
Posté le 02/09/2019
Ah, moi aussi j’ai aimé la scène avec Lea, sa difficulté, les efforts surhumains qu’elle fait pour faire sortir ces mots de sa bouche. On comprend qu’elle est handicapée, qu’elle a plus de difficulté qu’une personne ordinaire, mais cette difficulté, tout le monde l’a rencontrée à un moment ou à un autre, peut-être pas manière si aiguë cependant… Ça en fait une sorte d’héroïne, je trouve, par le côté hyper difficile pour elle de ce qu’elle entreprend.
Du coup, ça nous permet aussi de découvrir l’humanité de Claire, qu’on voyait plutôt en bulldozer jusqu’ici, si je me rappelle bien (c’est que j’ai laissé passer un peu de temps depuis ma dernière lecture…)
Encore une fois, c’est hyper bien écrit, évocateur. J’ai juste une question : je ne connais pas l’œuvre, mais si Matty est un des personnages principaux, est-ce que ce n’est pas un peu osé de la part de la troupe de le faire jouer par Lea ?
Liné
Posté le 05/09/2019
Hello Rachael ! Je suis très contente de te retrouver par ici :-D
Et encore plus si ce chapitre t'a plu. J'avoue avoir pris beaucoup de plaisir à décrire le point de vue de Léa, j'y ai trouvé un côté très libérateur (paradoxalement).
Matti est bien le personnage principal de la pièce de Brecht. Mais en fait, le spectacle que Claire et Sam sont en train de monter est un ensemble de saynètes, dont l'une est tirée de la pièce de Brecht. C'est explicité via quelques dialogues notamment, dans d'autres chapitres. Mais je devrais sans doute remplacer le mot "pièce" par "spectacle" dans la plupart des occurrences, ce serait un chouïa plus clair...
Merci encore et à très vite !
AxelleC
Posté le 19/06/2019
C'est très émouvant ce passage du point de vue de Léa.
Vraiment, je le trouve hyper-réussi.
 
Enfin, on est un tout petit peu avec Claire !!!! La profondeur derrière la vulgarité qu'elle a montrée dans les chapitres précédents, c'est intéressant et on a envie de gratter encore sous la surface.
 
Tu vois, avec ce que tu montres de Clémence là, j'ai encore plus de mal avec sa réaction envers Simon dans le chapitre 7. 
C'est vraiment le jour et la nuit. Mais bon. ;)
 
Bref, comme tu le vois, je continue à lire !!!!  
Liné
Posté le 19/06/2019
Je souhaitais effectivement que le lecteur découvre Claire après coup. C'est-à-dire, que le lecteur se fasse une opinion sur elle d'après les actions des différents personnages, mais aussi d'après ce qu'ils pensent d'elle (et comme tu le dis si bien en ce qui concerne Jean-Marie, les points de vue sont souvent biaisés) - et que, seulement ensuite, le lecteur comprenne ce qu'il se passe exactement dans la tête de Claire. Ca permet de créer une certaine distanciation entre les personnages, de mettre leurs psychologies en miroir.
Pour Clémence, en revanche, j'aime bien l'idée qu'elle puisse être nuancée à ce point. Après tout, ce n'est pas Simon en lui-même qui l'énervait dans le chapitre 7, mais la situation dans laquelle elle se trouvait (victime de grossophobie). Ce qui ne l'empêche absolument pas de vouloir aider Léa par ailleurs :-) 
Rimeko
Posté le 06/06/2019
Coucou à nouveau Liné !
Ouais je suis bête et j'ai oublié de lire ce chapitre là avant le suivant xD Heureusement que ton histoire a déjà une chronologie inversée... ! (Quoique, je m'en serai p'têt rendue compte plus vite si ça avait pas été le cas)
 
Coquillettes et suggestions :
"butte (bute - sinon ça a un autre sens ^^) et tombe et chute mais se relève toujours" 1) il y a en général une virgule avant "mais", et 2) tombe et chute ça me paraît un peu trop proches comme mots, niveau sens...
"Elle se bouscule, rassemble les mots qu’elle peut, les jettent (jette) pêle-mêle sur sa langue"
"Ca (Ça) y est elle y est arrivée"
"Je serai sorti d’ici bien avant qu’elle ait lieu, votre pièce à la con." Sorti ? On dirait qu'il parle d'un séjour en prison XD
"A (À) force de trembler, elle en a des haut-le-cœur."
"A (À) l’annonce d’une énième répétition"
"Ses paumes s’ouvrent autour d’elle, les vingt doigts à l’affût, enveloppant la jeune fille" ... Vingt ? On n'a pas que dix doigts par personne ? XD
"A (À) bientôt pour les détails."
"Une résidence, dans quatre semaines !" Une résidence ?? Kékecé ?
 
Wow, ç’aurait été dommage que je le rate, ce chapitre, j’ai adoré o.O J’aime beaucoup la façon dont tu mets ta plume si particulière au service du ressenti de Léa, dont tu décris son malaise, ses mouvements incontrôlés, avec l’idée qu’elle est détachée de son corps et en même temps dominée par lui, et son angoisse par rapport aux spectateurs, à la pièce toute entière… Surtout que je me suis reconnue dans certains de ses réactions, peut-être pas à ce point-là, mais quand même. Et c’était exprimé très justement ! (Tiens, d’ailleurs, tu as décidé qu’elle avait un handicap particulier, ou… ?)
J’aime bien aussi le fait que Claire se retrouve démunie par rapport aux crises de Léa, pour une fois, et que ce soit Sam qui prenne le relais, et qui le fasse bien. Oh, et aussi, j’imagine que c’est par rapport à Léa l’histoire de Jules et de l’enfant handicapé… (Mon cerveau de poisson rouge a oublié, les détails, mais je me souviens que j’étais curieuse à propos de cette altercation.)
Bref, maintenant j’ai hâte qu’il y ait un nouveau chapitre !!
Liné
Posté le 06/06/2019
Ha, contente que cette partie t'ait plu ! Je me suis beaucoup amusée à l'écrire et, curieusement, elle m'a "glissée d'entre les doigts" (il y a un côté lâcher-prise dans la voix de Léa qui est ressorti dans mon processus d'écrire et m'a obligée à une grande dose de fluidité, c'était très satisfaisant). Je suis contente que tu t'identifies à Léa car, après tout, qui n'a jamais connu de grosses poussées de stress ?
Effectivement, dans les chapitres précédents, Jules et Claire évoquent une fille handicapée : c'est bien de Léa dont il s'agissait :-) 
Merci pour les coquilles ! Halala, vingt doigts... Et sinon, une résidence, c'est une phase organisée de création artistique. Par exemple, une compagnie de théâtre peut demander et obtenir une résidence dans un théâtre, un local ou autre structure d'accueil, afin d'y rester quelques jours ou quelques semaines et avancer dans l'écriture, dans le jeu, dans la mise en scène, etc... d'une pièce. C'est assez fréquent et relativement connu, surtout dans le spectacle vivant, du coup je me permets de ne pas le préciser (je me souviens que tu avais buggé sur l'acronyme MJC : Maison des Jeunes et de la Culture, lesquelles sont justement susceptibles d'organiser des résidences). 
A très vite !
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