4 Janvier

C’était une grande maison. Alors que Sophie la découvrait pour la première fois, elle sentit une certaine admiration. Située au fond de la rue Allison, la maison avait des dimensions gargantuesques. Quatre étages, un sous-sol, un grenier, un nombre déraisonnable de chambres pour un nombre ridiculement grand d’espaces de rangement, le tout reliés par un enchevêtrement de corridors, couloirs, passages et portes à la dérobée. 

Dressée sur toute sa hauteur, la maison couvrait le soleil et projetait une large ombre sur la voiture qui se garait en face.

À genou sur la banquette arrière, Sophie fixait la grande facade de la maison. On ne pouvait deviner qu’elle était inhabitée depuis une décennie, tant les planches qui la constituaient demeuraient surprenamment blanches et les fenêtres sans aucunes salissures. Si elle se concentrait, Sophie pouvait même clairement voir à travers, observer pour la première fois les pièces de ce qui sera sa nouvelle maison pour très longtemps. 

Sophie se tourna vers sa mère qui coupait le moteur, lui éructant :

« C’est bon ? On est enfin arrivés ?

— Je ne sais pas, répondit-elle mollement. Demande à Alice.

— On est enfin arrivés, Alice ? »

Ladite Alice demeura silencieuse. Sophie la secoua violemment, sans obtenir de réponse. Puis Sophie regarda son père qui était en train de se réveiller, affalé sur le siège avant.

« Papa ! Alice me dit que cette maison est trop grande. Et elle ne veut pas la partager avec d’autres. 

— Je vais retenir le message, somnola-t-il.

— Dis-le lui, renchérit-elle en montrant Alice à bout de bras. Et sois poli, sinon elle te punira.

— Chérie, je suis un peu fatigué…

— Dis-le lui ! insista Sophie d’une voix aigüe. »

Son père soupira, puis il se retourna lentement. Il fixa la poupée droit dans les yeux :

« Je te promets que personne ne te dérangera, Alice. Parce que tout un étage te sera entièrement réservé. Contente ? »

Sophie agrippa la tête d’Alice et la rapprocha de ses oreilles. Elle se tint immobile un court instant, très attentive, puis hocha la tête et éloigna sa poupée d’elle en la tenant par le cou. Sophie fit oui de la tête à son père : Alice est satisfaite.

Sophie ouvrit la portière et sortit de la voiture en courant, traînant Alice derrière elle. Sophie examina d’un coup d’œil rapide l’entrée : un palier de quelques marches en bois, une large double porte aux grosses poignées de cuivres, un écriteau disant « Bienvenue chez les Anson ». Si la porte était en excellent état, l’écriteau était grandement endommagé, couvert d’éraflures, pendant pitoyablement à l’une des poignées. Sophie sourit et se diriga vers l’écriteau.

            Elle est petite. Il lui reste des cheveux et ses quatres membres. Elle arrache et agite. Elle le lance au loin, à côté des deux autres. La petite a une autre plus petite et étouffe la petite. Elle ne bouge pas.

Dans la voiture, Arthur Simon est maintenant complètement réveillé. Chose facile, quand on fait semblant de dormir tout le long du trajet, écouteurs dans les oreilles. Il regarde la maison et siffle :

« Le ménage va être costaud.

— Et alors ? rétorqua Ellie Simon. C’est toi qui va le faire ? »

Arthur ne lui repondit pas. Sans que leurs regards ne se croisèrent, il sortit de la voiture. Ellie soupira et sortit elle aussi. Les deux commencèrent à décharger la voiture en silence tandis que Sophie les réjoignit. Elle tenait sa poupée dans une main, et l’écriteau dans l’autre. Elle le montra à sa mère.

« C’est quoi ça ?

— Demande à ton père, répliqua Ellie sèchement.

— C’est quoi ça ? demanda-t-elle en se tournant vers son père. Alice ne sait pas.

— Les Anson sont la famille qui étaient là avant nous, répondit Arthur, portant à bout de bras plusieurs bagages. Ils sont partis il y a quelques années maintenant. Et non, je ne sais pas ce qui leur est arrivé. Maintenant, aide moi à porter les valises. 

— Non. Je peux avoir les clés de la maison ? »

Arthur sourit, mais ses yeux regardèrent Sophie sans aucune chaleur. Il sortit un trousseau de clé de sa poche et le donna à Sophie. Sans dire merci, celle-ci se dirigea vers la grande porte d’entrée. Ellie ne dit rien, se contentant d’allumer une cigarette pendant qu’Arthur prenait le plus de bagages possibles.

J’ai peur. Elle approche, approche. Amie ou ennemie ? Les deux autres sont plus grands. Ennemis, certainement. La petite est en face. J’ai envie de hurler. Je me retiens. Il ne faut pas qu’ils me voient. Je ne sais pas ce qu’ils pourraient me faire. 

Je regarde la petite qui pend dans la main de la petite. Elle me fixe en retour. Elle sait ? J’entends son nom. Alice. La pire. 

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Kieren
Posté le 04/02/2021
Pour l'instant, ça va, pour l'instant. Ca a l'air d'être une bonne famille de merde, avec une bonne relation pourrie entre tout le monde. L'introduction de l'histoire est a hurler de rire, mais c'est juste parce que le malsain me remplie de joie =)

A priori, dans une histoire qui fait peur, on a rarement deux fantômes, ou alors ce sont des alliés, et la menace vient de ce qui est nouveau. Alice et sa poupée de chair et de sang seraient les méchantes de l'histoire ?

Ouh ! Tant de suspens....
Le Saltimbanque
Posté le 06/02/2021
ah bon ??? À hurler de rire ???? Voilà une réaction assez inattendue, mais qui fait toujours plaisir néanmoins.

J'espère que la suite te fera plus flipper... ou toujours autant rire. Tant que c'est fun pour toi, je suis preneur.
Isapass
Posté le 30/11/2020
Bon ben, on sent direct que ça va pas très bien se passer. A priori, on aurait tendance à garder la poupée à l'oeil (figure aussi classique de l'horrifique que le clown, à peu de choses près), pourtant, j'ai l'impression que ce n'est pas la poupée mais la maison qui parle en italique, non ? Ou un truc dans la maison ?
Bref, je sens déjà que je vais trembler.
Sur la forme, il me semble avoir vu plusieurs erreurs de concordance des temps (je crois que je t'ai déjà dis ça pour ton autre histoire, non ? Désolée si je suis lourde). Mais sinon ça se lit bien !
Je continue.
Blackval31
Posté le 10/06/2020
Super glauque, j'adore ! la relation avec la poupée à l'air assez malsaine...
en tout cas, c'est très bien écrit, c'est fluide et ça se lit bien ! Je passe à la suite !
Le Saltimbanque
Posté le 11/06/2020
Suuuuuuuper !
Anna-Lucia
Posté le 04/06/2020
Brrr j’ai l’impression d’être dans un véritable film d’horreur. Ça pour mettre l’ambiance, tu met l’ambiance! Tout y est, le suspens, le glauque. J’ai envie de savoir la suite mais en même temps sur la réserve sur l’avenir de Sophie et de sa poupée.

Très réussi. Bravo. Je lis la suite
Le Saltimbanque
Posté le 05/06/2020
Merci !
Alice_Lath
Posté le 12/04/2020
Haha la maison hantée, la fameuse, l'ambiance pour le moment m'évoque la première saison d'American Horror Story (que j'avais juste dévoré!). Oui, après avoir lu le Branleur du Temps, je viens me perdre dans cette histoire car j'avoue que j'adore l'horrifique et que PA en manque. Puis cette histoire avec la poupée, les italiques, brrrrr, je sens que je vais frissonner à merveille huhu Serait-ce une autre poupée qui observe Alice arriver? (en plus jme tape le même prénom hahahaha)
NM Lysias
Posté le 08/04/2020
Bonjour,

Ce chapitre marque le début de l'effroi. Il est sans conteste la porte qui nous même vers un univers inquiétant, bordé d'âme démoniaque.
Cela me fait pensé à The boy, le film.
Hâte de voir ce que Alice va faire. Hâte de savoir qui est cette personne qui regarde par la fenêtre. Une autre poupée, l'âme d'un enfant égaré, d'un animal domestique...
L'histoire débute avec simplicité. Une agréable lecture.
Le Saltimbanque
Posté le 09/04/2020
Et c'est bien vu : The Boy est le seul film d'horreur avec une poupée démoniaque que j'ai vu (tout le reste est au-dessus de mes forces).
Content que cela fonctionne. C'est dur à écrire, le calme avant la tempête
NM Lysias
Posté le 09/04/2020
J'aime beaucoup...
Moi aussi les film d'horreur, je ne peux pas. Genre Anabelle, je n'ai jamais regardé.
Disons que the Boy c'est plus de la tension...
J'aime bien ton histoire.
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