Il ne fallut pas plus du reste de la journée pour que la nouvelle se propage au reste de la ville. Voilà qu’on ne parlait plus que de ça : Comment la fille d’un petit Baron avait-elle pu réussir à séduire l’éminent Duc à peine de retour chez lui ? Cela relève de la prouesse. Bien évidemment les exploits insoupçonnés de Joséphine Conquérant se passèrent sans même que cette dernière ne soit au courant. Elle n’était pas sortie et ne comptait pas aller mettre le nez dehors si ce n’est par nécessité. Ressassant encore les images passées, la jeune femme eut bien grand mal à se concentrer tandis qu’elle avait le nez plongé dans livre des comptes du mois dernier tentant de trouver réconfort dans les chiffres et les marchandises récemment arrivées.
- Mademoiselle, le courrier est arrivé. Une lettre et une invitation, informa Ninon la domestique attitrée de Joséphine depuis son enfance.
- A quel propos l’invitation ?
- La Vicomtesse Perink souhaite vous inviter à prendre le thé demain après-midi.
Voilà quelque chose de bien intriguant. Jamais encore la jeune Conquérant n’avait reçu d’invitation provenant directement de la Vicomtesse. Il faut dire qu’elle et sa fille ne se sont jamais bien entendus et que Joséphine a toujours tout fait pour s’en tenir éloignée. Alors que lui vaut cet honneur ? A son humble avis, cela n’est clairement pas pour échanger sur les dernières pâtisseries dont tout le monde raffole.
- Dites que je suis souffrante et que le docteur préconise un total repos, répondit Joséphine dans un sourire amusée en imaginant la tête de la Vicomtesse en voyant son invitation se faire renvoyer.
- Bien.
- Et la lettre ?
- Elle vous est adressée personnellement, dois-je la lire ?
- N’y a-t-il rien marqué dessus ? Le destinataire par exemple ?
- Non. Elle a été remise en main propre à une domestique s’étant rendu au marché.
- Fais-moi voir ça.
Quittant son livre et ses calculs, Joséphine pose sa plume et attrape l’enveloppe blanche immaculée tandis que seul son nom semble y figurer. Deuxième curiosité de la journée visiblement. Il y a habituellement au moins un deuxième nom y figurant.
Déchirant sans ménagement l’enveloppe elle y découvre un petit carton doré sur lequel sont marqués à peine quelques mots : « Certaines soirées sont distrayantes alors que certaines matinées sont blessantes.»
Ce n’était pas signé. Il n’y avait rien qui pouvait laisser transparaître l’identité de la personne lui ayant rédigé ces mots, néanmoins, la demoiselle n’étant pas née de la dernière pluie elle devine aisément de qui cela pouvait bien provenir.
Chose fâcheuse qu’il sache qui elle est et que cela ne soit pas réciproque. Cela lui donne une position qu’elle n’apprécie pas.
- Brûle moi ça et fait passer le mot aux domestiques sortant de la maison : Si un inconnu vous approche, vous avez le droit de le frapper. J’en prendrais l’entière responsabilité.
- C’est entendu, je leur dirais. Puis-je néanmoins vous poser une question ?
- Je t’en prie, Ninon tu es ce qui se rapproche le plus d’une amie pour moi alors ne te gêne pas.
- Est-ce vrai que vous avez découchée la nuit passée ?
Manquant de s’étouffer, Joséphine lève les yeux vers sa domestique qui la regarde confuse et gênée. Peut-être était-ce là une question à ne pas poser après tout. Néanmoins, les rumeurs de la ville ont atteint les oreilles du personnel de la maisonnée et elle ne peut se de demander si ce que l’on dit est vrai. La jeune maîtresse de maison avait-elle passée la nuit avec le Duc revenu en ce début de saison ?
- Disons simplement que le temps file à vive allure quand on s’amuse et je n’ai guère vu ce dernier défiler.
- Au moins, vous vous êtes amusée. Chose qui est plutôt rare tant vous n’aimez pas vous rendre à ce genre de festivité.
- Il est vrai.
- Auriez-vous par hasard croiser quelqu’un qui aurait éventuellement su vous divertir suffisamment pour que vous n’ayez pas conscience du temps ?
Apercevant le léger sourire intriguée de sa domestique suspendu au bout de ses lèvres, Joséphine lève les yeux au ciel et repose ces derniers dans son livre en reprenant où elle en était avant d’être interrompue.
- Il me semble que tu as des choses à faire Ninon, dit-elle alors en la regardant du coin de l’oeil s’éloigner.
- Je comprends et me retire. N’hésitez pas à me faire demander si vous avez besoin de quoique ce soit.
- Crois-moi, je n’y manquerais pas.
De nouveau seule, Joséphine s’appuya contre le dossier de son fauteuil, soupirant légèrement. Pourquoi lui avait-il envoyé cette lettre ? Pourquoi se donner cette peine ? Ses motivations lui échappe tandis qu’elle se perds dans les devinettes. Quel esprit peut-il trouver cela amusant ? Etait-ce trop demander d’au moins signer de son nom afin qu’elle sache au moins à qui elle avait à faire ?
- «Certaines soirées sont distrayantes alors que certaines matinées sont blessantes», répéta-t-elle en se touchant le bout des lèvres comme prise dans sa réflexion, Je pourrais en dire de même. Un compagnon de nuit bien charmant mais un comportement au petit matin horripilant !
Petite question de précision:
« - N’y a-t-il rien marqué dessus ? Le destinataire par exemple ? »
--> il me semble que le nom du destinataire figure sur la lettre, à savoir "Joséphine", donc c’est plutôt l’identité de l’expéditeur qui manque, non ? :o
C'est assez drôle de voir Joséphine ne pas savoir l'identité de son inconnu alors qu'il lui suffirait simplement de sortir de chez elle !
Je trouve le petit mot très mignon ! D'autant plus que si on en crois sa lettre, il a été blessé et pourtant, il fait le premier pas. Comme quoi malgré tout, Joséphine l'a bien marqué ^^
Bon, eh bien, les choses vont de mal en pis pour cette pauvre Josephine, qui ne va vraiment plus pouvoir avoir un moment de calme, surtout avec cet étrange mais charmant inconnu qui ne semble pas vouloir oublier toute cette histoire
Quel charmant inconnu effectivement :')