💍 5. Rendez-vous chez le tailleur 💍

Si ce n’était pas pour les caprices de sa sœur, Joséphine ne serait probablement jamais sortie de chez elle. Pourtant, voilà deux jours que leur père est absent pour affaires et qu’il ne reste dans la demeure que deux petits démons faisant perdre la raison à quiconque leur prêtant une oreille attentive. Invitée pour l’anniversaire d’une copine, la cadette des Conquérant avait expressément demandé à avoir une nouvelle robe afin de pouvoir s’y montrer car selon elle «Rien n’était plus jouissif que de gâcher la journée d’une personne si détestée», un comportement que Joséphine pouvait cautionner mais peinait à comprendre : Si Ambre ne portait guère la voisine dans son cœur, pourquoi se rendre à sa fête ? A sa place, elle déclinerait l’invitation et passerait sa journée à profiter des livres de la bibliothèque de son père qu’elle connaissait par cœur.

Descendant la rue afin de se rendre chez le tailleur, plusieurs regards les dévisageant rendirent la jeune femme plus qu’inconfortable. Autant elle en avait pris l’habitude lors des soirées, mais pourquoi soudainement cela se produirait en pleine journée ? Elle posa un instant ses yeux sur Ambre continuant à gambader gaiement et envia presque son insouciance. Où était-il le temps où elle agissait ainsi ? Où elle en avait que faire des regards, des petites messes basses, des ricanements se produisant à chaque fois qu’elle passait ou apparaissait quelque part. Cela n’a-t-il dont pas de fin ? Pourquoi faut-il que sa vie ou bien le moindre de ses faits et gestes soient ainsi scrutés et surveillés par des gens dont elle peinait à retenir l’identité ?

Arrivant chez le tailleur, elle ne fut guère surprise par les petits groupes déjà présents. De toute évidence, un énième goûter ou une nouvelle soirée se profil déjà à l’horizon.

- Joséphine Conquérant ! siffla alors une voix montant dans les aigus alors que l’interpellée venait à peine d’arriver.

Se retournant légèrement, Joséphine aperçu arriver vers elle telle un boulet de canon, Tania Reed poussant quelques jeunes filles se tenant devant des mannequins tandis qu’elle ordonna à Ambre d’aller voir quel tissu pourrait bien lui convenir. Joséphine ne connaissait que trop bien Tania pour savoir que cette démarche et cette attitude allait certainement lui prendre toute l’énergie qu’elle n’avait pas encore utiliser en sortant de la maisonnée en cette fin de matinée.

- Tu nous fais presque un honneur en te montrant parmi les simples mortels que nous sommes après la soirée chez la Comtesse. Finalement, je ne suis guère étonnée, tu sais définitivement bien cacher ton jeu, cracha Tania à peine arrivée à sa hauteur.

- Puis-je savoir de quoi veux-tu parler ? Il ne me semble pas que l’on ait passé la soirée ensemble et pourtant tu sembles m’accuser d’avoir eu un quelconque comportement déplacé, répondit Joséphine tentant de garder le plus grand des calmes.

- Oh Joséphine, Joséphine, pas à moi ! Nous sommes amies oui ou non ? Nous nous connaissons depuis si longtemps que je serais presque déçue et blessée que tu ne m’avoue pas certaines petites choses.

- Je te prie sincèrement d’être plus claire dans tes propos Tania, insista alors la jeune femme agacée d’avoir à supporter chaque personne s’étant soudainement rapprochée pour épier et écouter

- Es-tu souffrante d’une quelconque maladie pour ainsi jouer l’ignorante ? Tout le monde t’as vu au bal partant dans les bras du Duc de Varsox.

- Le Duc ? toussa-t-elle

Un ricanement lui échappe. Le Duc de Varsox ? Ce même étrange personnage faisant courir toutes les plus folles rumeurs à son sujet ? Voilà donc. Passer la surprise, Joséphine reconnue n’être qu’à moitié surprise. Ceci expliquerait bien des choses. Son insistance pour avoir son avis en parlant de lui, son comportement charmant et pourtant provocateur sur bien des plans et enfin la demeure dans laquelle elle s’était réveillée au petit matin n’était certainement pas celle d’un noble de petit rang comme elle. Sans oublier, la lettre reçue peu de temps après. Seul un noble ennuyé s’amuserait à jouer ainsi.

- As-tu passé la nuit avec lui ?

L’oppression et l’obligation que Tania mettait dans la forme de ses questions appelait Joséphine à lui répondre, mais elle n’en avait guère envie. Pourquoi lui donnerait-elle une quelconque information sur sa vie privée ? Cela ne la regardait pas. Ni elle, ni tous ceux s’étant soudainement joint à ses côtés.

-Eh bien ! Si je n’étais pas un homme habitué à un tel spectacle, je pourrais presque croire qu’il y a une assemblée ici qui maltraite une pauvre âme, annonce soudainement une voix.

Coupant la conversation et offrant à Joséphine une fenêtre de sortie, l’intégralité du groupe se retourne pour faire face au Duc entrant à son tour dans l’atelier sous le regard gêné de quelques uns. Rapidement, ce dernier en quelques enjambées, est venu se tenir aux côtés de Joséphine, lui prenant la main avant d’y déposer un léger baiser sur le revers.

- Nous nous retrouvons, chère amie.

- Votre...Excellence, bafouilla Joséphine confuse et maintenant savante du titre et du rang de la personne se tenant à ses côtés.

Le comportement de cette dernière vient étonné le nouvel arrivant s’attendant à une toute autre réaction de sa part. Peut-être avait-elle honte de l’avoir rembarré ? Ou peut-être était-elle gênée de s’être retrouvée presque nue devant lui ? Bien qu’elle l’était, théoriquement. Le Duc tenta de dissimuler un sourire amusé afin de préserver son sérieux face à une situation qui était loin de lui plaire. A-t-il été toujours ainsi ? Une majorité aimant écraser en faisant pression sur une minorité ? Quelle bassesse de comportement.

- Il ne me semble pas que l’on est été présentés Votre Excellence, se précipita Tania afin de se tenir devant lui en lui tendant sa main, Je suis...

- Oh, mais je sais parfaitement qui vous êtes Mademoiselle Reed et vous me voyez désolé de vous surprendre sans votre masque d’hypocrisie. Avez-vous pour habitude d’harceler une jeune femme que j’ai précédemment aidé ? intervient le Duc

- A..Aidé vous dites ?

- Mademoiselle Conquérant ici présente ne s’est malheureusement pas sentie bien durant la soirée et j’ai du l’escorter jusqu’au plus proche médecin lui ayant conseillé un repos absolu pendant au moins trois jours. Cela vous amuse donc de vous acharner sur une personne en convalescence sortant à peine de son lit ?

- Non...Nullement voyons ! Je ne suis pas...

Confuse et à la fois surprise de son intervention, Joséphine se surprends à rougir alors que tous deux savaient pertinemment que le Duc mentait au nez et à la barbe de tous. Ils avaient bu et elle s’était réveillée dans son lit. Ils avaient échangés puis elle avait fui sans même prendre la peine de le remercier. Encore une fois elle s’était montrée rude avec un homme qu’elle ne connaissait pas et qui prenait visiblement de son temps pour lui venir en aide sans en savoir la raison.

- Maximilien, veille à ce que la jeune Conquérant ait ce qui lui faut et ramène la chez elle ensuite, ordonna-t-il à l’homme se tenant à hauteur de la porte.

- Bien, Monsieur.

- Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai à faire avec Mademoiselle ici présente.

Attrapant Joséphine par la main, le Duc d’un pas décidé, l’emmène jusque dans la rue principale tandis que cette dernière s’échappe de sa poigne en freinant sec son élan.

- Votre Excellence !

- Quoi ? cria-t-il soudainement

Visiblement, ce dernier était agacé et son intonation rappela à Joséphine celle qu’il eut à son égard l’autre matin.

- Je vous remercie pour ce que vous avez fait, mais cela n’était guère nécessaire, lui fit-elle remarquer

- Dois-je comprendre qu’il est dans vos préférences de vous faire ainsi rabaisser ?

- Nullement, mais je préfère de loin éviter les rumeurs inutiles. A présent, les gens ne vont faire que parler et cela pourrait être...inconvenant.

- De quoi avez-vous peur ?

- Non, pas pour moi. Pour vous, lui dit-elle.

Il s’arrêta et la dévisagea un instant. Etait-elle bien cette même jeune femme avait qui il avait passé la soirée à boire et à jurer sur les autres nobles présents ? Etait-elle bien cette même jeune femme ayant un rire tout à fait singulier rappelant étrangement le couinement d’un cochon ? Cela l’étonna. Elles étaient physiquement similaires et pourtant dans leur comportement, quelque chose les séparaient. Peut-être s’était-il trompé en demandant à Maximilien de faire des recherches sur elle et peut-être avait-il omis une potentielle jumelle ? Non. Il n’est pas le genre d’homme à faire des erreurs.

- Je suis la fille d’un Baron ayant obtenu son titre non pas par anoblissement mais en l’achetant. Nous ne sommes pas des gens de votre rang et je...

- Je vous arrête tout de suite, je m’en fiche. J’ai passé si longtemps à l’étranger que revenir et voir une société si hiérarchisée me donne la nausée. Aucun homme ne vaut plus qu’un autre et aucun homme n’est supérieur à une femme. Cela devrait même être le contraire si vous voulez mon avis. J’ai vue des choses, vécues des choses qui me laisse à penser que nous vous sommes si inférieurs en tout un tas de points. Quelque part cela est frustrant, mais c’est visiblement ainsi que la nature vous a dotées.

Pour un homme de son statut et de son age, Joséphine ne s’attendait certainement pas à ce qu’il ait ce genre de discours. Tout l’opposé aurait même été dans la norme, mais voilà un jeune homme qui ne convient pas aux étiquettes qu’on lui a sûrement données. A présent Joséphine se rends compte qu’elle l’a jugé probablement bien hâtivement.

- Puis-je vous poser une question ? s’avança Joséphine en se rapprochant de lui

- Cela dépend. Oui, je suis libre ce soir.

- Ce n’était pas ce genre de question.

- Oh, boude-t-il alors

- Pourquoi vous montrez-vous si avenant avec moi ? Nous ne nous connaissons à peine.

- Dois-je avoir une raison ? N’est-il pas plus naturel d’avoir une relation comme celle-ci plutôt qu’une respectant les convenances ? J’ai cru pendant un instant que vous étiez également ce genre de personne, mais si mon comportement vous mets mal à l’aise d’une quelconque façon que ce soit, autant me le dire et je m’ajusterais.

- Vous ne pouvez pas faire cela.

- Pourquoi donc ?

- Parce que c’est ainsi. Vous êtes Duc et...

- Et ? Avant d’être Duc, je suis aussi un homme, un être humain doué de raison et de sentiments. N’êtes-vous pas, en votre qualité de femme, un être humain également ? Répondez-moi sincèrement.

- Si.

- Alors cela nous rends égaux. En outre, je reviens à peine d’un long voyage dans un pays que je reconnais à peine comme le mien. Je n’ai pas vraiment d’amis ou de liens familiaux établis ici et la solitude me rends particulièrement aigri. Dans mon aigreur, je suis allé sur le balcon lors d’une soirée et je vous ai rencontrée. Nous avons bu sans aucune modération et nous avons parlé pendant des heures durant. Savez-vous ce que ça fait que de parler de tout et de rien avec une personne qui vous écoute sincèrement sans arrière pensée ? C’est plaisant et réconfortant.

- Est-ce pour cela que vous ne m’avez pas dit qui vous étiez ? Que vous vous êtes gardé de vous présenter ?

- Vous en avez fait tout autant. Vous auriez pu être la Princesse que je ne l’aurai su que bien trop tard. Et effectivement si je vous avez dit que j’étais le noble a l’égo bien trop grand pour se montrer au public venu lui gaver les oreilles, vous seriez-vous comporté comme vous l’avez fait à mon égard ? Probablement pas et vous le savez autant que moi.

- Ou peut-être bien que je vous aurais surpris car Son Excellence venant de rentrer, je doute qu’elle ait entendu toutes les rumeurs courant à mon sujet.

- Il est vrai. J’ai néanmoins entendu les complaintes d’une jeune fille solitaire n’aimant pas sa vie et n’ayant aucun ami avec lequel s’amuser.

Elle se souvient avoir eu ces mots à la bouche, mais quel a été sa réaction en l’apprenant ? Avait-il eu pitié ? Eut-il été triste pour elle ? Non. Il l’a regardé, lui a souri tendrement et amusé puis lui a demandé de trinquer à leur solitude commune. Voilà comment cela s’est passé.

- Vous pouvez en faire toute une histoire, Joséphine Conquérant, mais vous et moi partageons beaucoup de choses en commun et je crois qu’à l’heure actuelle, c’est tout ce dont j’ai besoin. Une bouffée d’air frais dans cette société renfermée.

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DB18
Posté le 10/04/2021
J'adore le Duc! Je comprends qu'il soit déstabilisé par l'accueil de Joséphine, très différent de leur conversation de la veille. Mais vu son attitude je comprends que toute la ville en parle, il est tellement galant avec Joséphine!
ManonSeguin
Posté le 11/04/2021
Ahaha déjà 5 chapitres et séduite, je suis contente ! Je pense que ce petit personnage devrait te plaire.
Alison CXC
Posté le 31/01/2021
Mais j'aime tellement leurs interactions :O En revanche, le Duc me titille déjà un peu. Il a l'air drôle, libre penseur mais il semble cacher bien des choses niveau caractère: il a d'ailleurs l'air assez "soupe au lait" et cela sans transition ^_^''

J'ai hâte d'en apprendre plus sur ces deux personnages car j'ai l'impression que Joséphine n'est pas aussi lisse que ça et qu'une fois qu'elle aura goûté à une certaine liberté d'action et de pensée... il va être difficile de la contenir, pour notre plus grand bonheur !
ManonSeguin
Posté le 31/01/2021
Quel Duc ne te titille pas toi au juste ? :') Ahaha et j'aime que tu cherches déjà les secrets et les mystères (y'en aura pas beaucoup je te préviens) :') <3 Et bientôt tu en sauras plus...très bientôt !
Alison CXC
Posté le 02/02/2021
Je suis dans ma période Duc haha ceci explique cela xD
HarleyAWarren
Posté le 19/01/2021
Il a bon caractère ce duc, je l'aime bien. Et puis, il est sacrément progressiste par rapport à la société où il vit, c'est un très bon point, même si ça ne doit pas être évident non plus (enfin, il a l'air d'avoir le caractère pour tenir ses positions)
Bref, j'attends la suite avec impatience :D
ManonSeguin
Posté le 19/01/2021
J'aime beaucoup aussi ce début de personnage ^o^ (normal tu me diras c'est moi qui écrit avec mdr) mais j'ai hâte de pouvoir sortir tous ses vilains défauts et de creuser certaines choses :)

Et la suite arrivera bientôt ! :D
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