C’était une étrange petite fille.
Lorsqu’on la voyait pour la première fois, elle ressemblait pourtant à toutes les autres petites filles. Une peau de lait, de long cheveux noirs qu’elle portait en un haut chignon serré.
Mais lorsqu'elle riait, on voyait ses pieds se détacher du sol.
Son poids variait avec ses sentiments.
Étrange petite fille, je vous avais prévenue.
Heureuse, elle était légère comme une plume.
Triste, elle s’enfonçait dans le sol avec la lourdeur du plomb.
Depuis quelques mois, elle ne s’envolait plus beaucoup en éclats de rire. Son père avait du quitter la maison pour l’hôpital. Elle ne comprenait pas tout, les grands ne voulaient pas l’inquiéter. Mais à chaque visite, le visage malade semblait plus pâle, plus fragile, et elle était de plus en plus lourde.
La danse l’aidait à s’échapper : lorsqu’elle virevoltait dans son justaucorps, les soucis la quittaient, elle enchaînait gracieusement arabesques et entrechats dans les airs.
Un jour, alors qu’elle effectuait une pirouette aérienne, la porte du studio s’ouvrit.
Sa mère apparut, les yeux rouges et gonflés, le visage pâle, le menton tremblant.
La petite fille heurta le sol avec fracas et s’enfonça dans le plancher.
Sinon j'aime beaucoup l'idée de la petite fille qui s'envole quand elle est heureuse ou s'enfonce quand elle est triste.
On voit l’événement venir et - pourtant - ça nous attrape sans difficulté.
J'adore quand un texte me provoque cette réaction vraiment physique, comme le plomb qui tombe au fond de l'estomac, ou une main qui se referme sur le cœur (oui, je ne fais pas dans la comparaison originale, aujourd'hui xD). C'est ce que ce travail m'a provoqué alors : chapeau !