Lily ne s’était pas trompée. Elle retrouva un Séraphin fort satisfait de lui-même quand il lui ouvrit la porte de son bureau.
Ses yeux noirs, soulignés par un maquillage charbon, pétillaient dans ses orbites sombres tandis que ses joues, recouvertes d’une barbe de jais élégamment taillée, tremblaient nerveusement. Contenir le rire moqueur qui lui venait d’ordinaire si facilement devait lui demander un effort considérable. Ses lèvres fines étaient pincées, suivant probablement les mêmes recommandations. Tout, jusqu’à sa façon de pencher son dos vers l’arrière en toisant son vis-à-vis, respirait l’impertinence et le défi.
Séraphin était une personnalité atypique et, tout comme son apparence, son lieu de travail reflétait fidèlement cette identité totalement assumée. La première chose que l’on pouvait voir en s’y engouffrant – mot le plus fiable pour décrire la seule et unique manière de s’introduire dans un tel lieu – était un tableau de Courbet. Et non le moindre : L’Origine du monde se pavanait effrontément dans un cadre en bois doré sculpté, sans aucune pudeur pour les individus de tous âges qui venaient consulter son propriétaire. Juste en dessous de cette œuvre d’art provocatrice, un dinosaure en plastique était accroché au mur. Dans sa gueule était insérée une petite clé et, autour de son cou, une inscription indiquait qu’il s’agissait d’un passe pour les lieux d’aisances qui se situaient au bout du couloir.
Toujours dans l’entrée, un authentique meuble Louis XIV enveloppé d’autocollants en tous genres trônait aux côtés d’un portemanteau en forme de pommier et d’un distributeur de bonbons retro. Sur l’antique console, triomphait un sablier géant que Séraphin retournait à chaque fois qu’il accueillait quelqu’un, comme un rappel de la valeur de son temps. Évidemment, l’humilité n’était pas la qualité première de ce personnage haut en couleur.
- Lily, te voilà, mais… tu es en retard, précisa-t-il sarcastique.
- Très drôle ! riposta-t-elle en fronçant les sourcils.
Mais qu’avait-elle aujourd’hui ? Tout l’agaçait… Il serait tellement plus facile de faire comme Séraphin ou Lucien et de s’amuser de la situation. Comprenant que le cœur n’y était pas, son hôte adopta une attitude solennelle et l’invita à s’installer. Ouvrant élégamment son bras recouvert de tatouages et bijoux en tout genre, il lui désigna l’espace de consultation.
L’entrée abracadabrante donnait sur une pièce des plus bigarrées. Des fauteuils et sièges disparates entouraient une table basse en bois recouverte de traces de tasses à café. Au lieu de paraître négligé, cet ensemble de ronds brunâtres rendait le meuble, à l’origine plutôt fade, très esthétique et presque ensorcelant. Lily savait que cette incongruité mobilière était sa raison d’être dans le bureau de Séraphin. Il était bien trop raffiné pour tolérer la moindre souillure accidentelle. Et puis, il ne consommait jamais de café. « Trop excitant ! » avait-il décrété. Un comble pour l’homme le plus stimulant qu’elle connaissait.
La table basse reposait sur un tapis tissé, râpé et délavé par le va-et-vient quotidien. Il offrait une touche berbère à cet aménagement éclectique dont la seule règle résidait dans la diversité de ses origines. La panoplie des assises proposées aux visiteurs en était l’apothéose. Elles pouvaient, à choix, engloutir son occupant dans un mélange de coussins moelleux aux arabesques hindoues, permettre un meilleur maintien avec un dossier cuirassé et austère digne d’un couvent, atteler jusqu’à cinq personnes côte à côte le long d’un interminable sofa nordique ou encore proposer une position bouddhique sur un pouf à même le sol. Cette fabuleuse variété de modèles allait jusqu’à des strapontins accrochés au mur sur le côté et un divan pour les adeptes de la position horizontale.
Séraphin goûtait peu la routine. Il s’amusait à changer de place d’une séance à l’autre alors que Lily savait pertinemment que son séant chérissait particulièrement la discrète chaise en bois recouverte d’un coussin finement brodé. Séraphin le cachait à tout le monde, mais il souffrait d’une hernie depuis quelques années – chose très surprenante pour son âge mais voilà ! rien chez Séraphin ne se conformait aux normes. Si une chaise traditionnelle soulageait au mieux les lancées qui montaient le long de sa colonne vertébrale à force de rester assis toute la journée, il n’en montrait rien.
Alors que son dos hurlait de douleur, il ne broncha pas quand il se laissa tomber sur le petit pouf birman. Il se frottait les mains. Avide de nouvelles révélations sur l’évolution des enfants que suivait Lily dans le cadre de sa consultation, il l’interrogea sans plus attendre.
- De qui vas-tu me parler aujourd’hui ?
- J’ai longuement réfléchi au milieu de la foule, dehors, et je voudrais plutôt te parler de quelque chose qui me préoccupe depuis quelque temps déjà…
Séraphin applaudit du bout des doigts, faisant tinter ses bracelets dorés.
- Hahaaa, Lily cogite… je suis curieux… raconte !
Elle ne savait pas par où commencer ni comment exprimer son sentiment sans être confuse. Séraphin sembla saisir ses tergiversations, car il ajouta :
- Lance-toi, on mettra de l’ordre après, rappelle-toi…
Il lui indiqua d’un geste gracieux la petite pancarte négligemment posée sur la table basse où était inscrit :
Si la vue d’un bureau encombré évoque un esprit encombré alors que penser de celle d’un bureau vide ?
[Albert Einstein]
Lily n’arrivait pas à démarrer. Le simple fait d’y penser lui donnait l’impression de cracher dans la soupe qui l’avait nourrie et fait grandir. Avec une grimace, elle vomit plus qu’elle énonça ses inquiétudes. Les mots sortirent en jets brouillons et discordants pour ne s’arrêter que lorsque Lily eut enfin épuisé tous ses tourments. À la fin de son flot chaotique de paroles, elle se sentit vidée et fourbue, comme après une mauvaise grippe. Ses membres grelottaient, son front en sueur tambourinait, ses bras s’étaient recouverts de plaques écarlates et son cœur battait à tout rompre.
La pétillante malice de Séraphin s’était envolée quand il la questionna avec un sérieux qu’elle ne lui connaissait pas :
- Où est la Mouche ?
C’était ainsi que Séraphin surnommait le colibri de Lily. Ce sobriquet l’aurait certainement heurtée s’il n’était pas venu de lui. Mais Lily savait que Séraphin portait une affection et une attention très particulières à ce petit oiseau. C’était d’ailleurs lui qui le lui avait offert des années auparavant La question ne lui parut pas moins inopportune pour autant.
- J’ai laissé Sagesse dans mon bureau…
- Pourquoi ? insista-t-il sur un ton incisif.
- Il était fatigué après ma séance avec Dune.
- Évidemment…
Séraphin avait rassemblé ses mains devant son visage ténébreux. Cette posture lui conféra un air profond que Lily jugea en parfait décalage, autant avec son allure qu’avec les questions qu’il lui posait. Face à ce silence de plus en plus gênant, elle ne put s’empêcher de poursuivre d’une voix embarrassée :
- Je ne comprends pas bien où tu veux en venir.
- Nulle part, répondit Séraphin dans un sourire bienveillant, si ce n’est que tu as besoin toi aussi de repos, mais c’est bien là le problème, n’est-ce pas ? Comment dors-tu ? ajouta-t-il immédiatement, soulignant le caractère rhétorique de sa question précédente.
- Bien… Moi, ça va, ne t’inquiète pas, fit Lily pour le rassurer. J’aimerais plutôt que tu m’aides à savoir si j’ai raison de m’inquiéter…
Séraphin sépara ses mains et chassa une mouche imaginaire, dans un geste d’impatience.
- Là n’est pas la question.
Lily resta interloquée. Séraphin avait un esprit extrêmement rapide et arborescent, ce qui rendait sa lecture presqu’impossible. Les petites voix qu’elle saisissait au vol étaient trop furtives et inextricables pour avoir du sens. En ce moment, elle ne comprenait pas du tout son inquiétude. D’ailleurs, elle n’attendait pas de sa part qu’il détournât la conversation pour se préoccuper de son état de santé : là n’était pas le sujet aujourd’hui. Elle s’était donné beaucoup de peine pour s’ouvrir. Le minimum de courtoisie était de se pencher sur la question qui l’agitait, elle, et non celle qu’elle occasionnait chez lui, tout Séraphin qu’il était. Lily en avait assez de son petit jeu de devinettes.
- Pour moi oui, s’impatienta-t-elle.
Séraphin fronça ses sourcils finement dessinés. Ravalant des idées qu’une fois de plus Lily ne parvenait pas à assimiler, il entama un résumé qu’elle jugea incroyablement pertinent pour dire les propos anarchiques qu’elle avait rendus quelques minutes plus tôt.
- Très bien. Tu es préoccupée de la tournure que prend ton travail, car on te demande de plus en plus, de manière sournoise et non officielle, de donner la priorité au développement des phénomènes pour une rentabilisation au sein de notre communauté plutôt que leur assimilation harmonieuse pour le bien-être des enfants que tu accompagnes. Et tu te demandes quelle attitude tu dois prendre face à ce dilemme, ton éthique s’opposant aux loyautés que tu as développées envers ton employeur.
Un peu honteuse du manque de confiance qu’elle lui avait octroyé en l’accusant presque de ne pas l’avoir écoutée, Lily répondit un « Exactement » mi-franc mi-interrogatif.
- En ce jour de célébration de la Noble Cause, quelle meilleure attitude que de la remettre en question ?!
Si Lily ne connaissait pas les élans séditieux de Séraphin, elle aurait pu prendre cette remarque comme une remontrance.
- Tu en penses quoi, toi ? s’enquit-elle.
- Je pense que toute idéologie a ses limites. La Noble Cause a proposé de valoriser les différences, de changer le point de vue commun sur ce qui était maladroitement appelé « les maladies psychiques » en les intégrant pleinement dans le bon fonctionnement de la société.
Lily se sentit mal face à ce rappel des valeurs louables de la Noble Cause. « Qui suis-je pour les remettre en question ? » pensa-t-elle au fond d’elle-même. Son visage s’était assombri. Séraphin le perçut.
- Je continue : depuis la mise en pratique de ces beaux principes et les premières apparitions des phénomènes qui s’ensuivirent il y a – quoi ? 400 ans ?, de l’eau a coulé sous les ponts. Subrepticement, notre compréhension des phénomènes est passée de « oh, mais oui : la différence a du bon ! » à « comment faire sans elle ? »
Lily sentit comme une bouffée d’air la ranimer.
- De l’acceptation à l’instrumentalisation, reprit-elle plus pour elle-même. C’est exactement ça ! J’ai l’impression d’assujettir mes patients aux Très Hautes Autorités… Mais comment empêcher ça ?
- Pourquoi veux-tu l’empêcher ?
Lily répondit, indignée :
- Pour moi, l’exclusion ou l’intégration forcée, c’est du pareil au même : c’est mépriser les libertés individuelles !
- Qui souffre de ça ?
Prise de court par la question de Séraphin, Lily se mit à bredouiller :
- Heu ! Je… Eh bien, mes patients, tout d’abord…
- Évidemment, mais encore ?
- Tous ceux qui n’ont pas vraiment eu le choix de leur profession étant donné leur affinité avec l’un ou l’autre élément naturel.
- Tu as des exemples précis ?
- Pas forcément… J’imagine, voilà tout !
- Qui d’autre ?
- Comment ça ?
Ne comprenant pas où Séraphin voulait en venir, Lily tenta une brève incursion dans ses pensées, mais il le remarqua et la réprima :
- Voyons, Lily ! Ce n’est pas très poli et tu n’as pas besoin de ça : ce n’est pas un casse-tête !
Elle avait néanmoins eu le temps de saisir furtivement la préoccupation principale de son mentor et en méditait les raisons. On en revenait donc là : Séraphin se faisait du souci pour elle. Mais pourquoi particulièrement maintenant ? Tout à coup, Lily comprit. Ce n’était ni un hasard ni une farce s’il l’avait fait venir précisément ce jour-là. Il savait que ce contexte de fête allait faire ressurgir ses doutes consciencieusement enfouis au fond d’elle-même et espérait qu’elle les lui confierait. Car si Lily ne leur accordait pas de place dans son quotidien surchargé, ils la travaillaient bel et bien depuis longtemps. Avec un soupir, elle admit presque à contrecœur :
- Moi. Oui, moi j’en souffre…
Après un silence introspectif que Séraphin respecta, elle ajouta d’une voix à peine audible :
- Je ressens une énorme pression au niveau de mon travail. J’ai l’impression qu’on me dit à la fois de prendre soin de mes patients et de les intégrer au plus vite dans la vie active… C’est complètement contradictoire ! Je ne m’y retrouve plus. Et je crois que ce qu’on attend de moi correspond de moins en moins à mes propres valeurs.
-Et tu t’épuises à trouver des compromis…
- Je ne sais pas, peut-être.
- Ce n’était pas une question.
Du même coup, Séraphin se leva et passa les dix minutes restantes du sablier à fouiller dans ses tiroirs encombrés à la recherche de quelque chose. Un papier. Ou un document officiel. Lily n’avait pas bien saisi. Et ses petites voix s’étaient rapidement mises à chanter une berceuse en boucle. C’était une stratégie efficace de la part de Séraphin. Il la connaissait si bien. Mais c’était une stratégie à la fois inquiétante : Séraphin cherchait à lui cacher son intention. Lily envisageait le pire.
Grommelant sur le nettoyeur qui avait rangé son chaos organisé, Séraphin commençait à franchement s’énerver lorsqu’elle comprit enfin la teneur du sésame qu’il s’évertuait à récupérer.
« Non, mais je rêve ?! Il n’a rien compris s’il croit que ça va m’aider… » pensa-t-elle en se redressant sans plus attendre.
Prenant conscience que Lily avait découvert ce qu’il tramait, Séraphin la rejoignit en trois grandes enjambées et enferma délicatement ses mains dans les siennes.
- Lily, il faut que tu penses à toi.
- Je te remercie, Séraphin, mais la séance est terminée, lança-t-elle en désignant le sablier d’un mouvement de tête.
- Baliverne ! Tu esquives…
Baissant les yeux au sol, Lily récupéra honteusement ses mains. Elle détestait inquiéter ses proches. Elle aurait eu mieux fait de se taire. Mais elle n’avait pas anticipé la tournure de la discussion. Rejetant la proposition tacite de Séraphin de faire une pause dans son travail, elle le remercia encore une fois pour l’aide que lui avait apportée sa clairvoyance. Son résumé lui avait remis les idées en place. Elle n’en attendait pas plus.
Quand elle referma la porte du bureau, elle eut juste le temps d’entrevoir son mentor claquer le battant de son pupitre si violemment que le bouton se dévissa et tomba lourdement au sol.
Un peu sonnée par le spectacle de ce mouvement rageur, Lily se repassa la conversation qui l’avait précédé. Grâce à Séraphin, elle se sentait plus consciente de ses doutes et déterminée à en faire quelque chose de constructif. Désolée de l’avoir inquiété, elle se félicita néanmoins de lui avoir parlé. Une fois de plus, Séraphin s’était montré à la hauteur. Il finirait bien par se calmer ; il n’y avait vraiment pas de quoi se mettre dans des états pareils…
Traversant le bâtiment, Lily se sentit de plus en plus légère.
Lorsqu’elle ouvrit la porte du Géopolis, elle fut à nouveau envahie par l’ambiance saturée de réjouissances. Décidant de ne plus lutter contre ce bain de bonne humeur, elle se laissa porter par les flots de rires et cris d’émerveillement alors que le locomoteur la ramenait à l’entrée de l’Académie.
- Mais maman, tu ne comprends pas, ça me fait mal…
- Arrête de pleurer, Lily. Je sais très bien ce que c’est, moi aussi je suis passée par là : tu dois te montrer forte et faire fi de tes petites voix, voilà tout ! Allez ! On y va, maintenant.
- Je ne veux pas ! Je veux rester seule, je ne veux pas aller à la fête foraine. Il y a trop de gens… trop de gens qui souffrent, ça me fait mal.
Lily se réveilla en sursaut, frissonnante. Elle s’était assoupie sur le locomoteur et le climat festif l’avait ramenée bien des années plus tôt. Quand elle n’avait pas encore appris à contrôler les petites voix qui l’accablaient.
Chassant ce pénible souvenir de ses pensées, elle essaya de se repérer en regardant de tous les côtés, mais il faisait sombre. Avant même de recouvrer son sens de l’orientation, elle sentit le locomoteur s’arrêter sous ses pieds. Tout à coup, Lily constata qu’elle était seule sur l’escalier ambulant. Personne non plus dans les environs. Elle avait dormi tout l’après-midi, debout sur sa marche d’escalier à faire des tours à travers les bâtiments de l’Académie. « Punaise ! Mes patients !! » Lily s’en voulait tant. Elle s’était endormie alors qu’elle devait voir six familles l’après-midi même. Comment allait-elle rattraper ce retard ? Et, plus improbable encore, comment se faisait-il que personne ne l’ait réveillée ?! « C’est quand même un monde ! Je dors debout au milieu d’une foule et pas un seul citoyen pour s’en inquiéter… »
Ruminant son exaspération, plus envers elle-même que quiconque, Lily descendit du locomoteur et entreprit de se rendre à la station d’aéroplane à pied. « Encore heureux, je vois l’Amphimax, je ne dois pas être trop loin… » Lily s’étonna néanmoins de l’absence totale de lumière, tant sur le bâtiment outrageusement décoré peu de temps auparavant que dans les allées du site. « Mais quelle heure peut-il bien être ? » Plissant les yeux pour distinguer où elle posait les pieds, elle ne vit pas immédiatement le ciel s’éclairer de lumières multicolores, formant un bouquet pyrotechnique des plus resplendissants.
Séraphin est un sacré phénomène ! Rien que la description de son bureau est tellement jouissive à lire ^^ Et sa manière de parler... ^^
On en sait plus sur Lily, c'est intéressant cette particularité et ces bribes de son passé qui lui reviennent.
A bientôt !
Je réponds en une fois pour tes 3 commentaires dont je te remercie. J'aime le fait qu'ils soient également critiques et suis contente que ta curiosité reste attisée :-)
Raaah! Les longues phrases et les adverbes: mon plus grand combat! Ils me viennent spontanément et me semblent ensuite si indispensables.... Mais je prends note et vais tenter de m'améliorer!
Les personnages vont de plus en plus prendre forme au fil des chapitres, tout particulièrement Lily. Mais n'hésite pas à noter si tu as l'impression que ça traîne un peu.
Bonne suite de lecture et au plaisir de te relire à nouveau...