La musique battait son plein. Quelques instants plus tôt, quelques marches plus haut, entre le rayon hygiène et celui des conserves, c’était encore du Katy Perry que crachait une quelconque radio nationale. Désormais, il s’agissait d’un orchestre de jazz qui pinçait et martelait cordes de violoncelles et touches de piano. Contrairement à la chanteuse américaine, cette musique-ci n’émanait pas des vieilles enceintes qu’avait fait poser Ahmed, le gérant de la supérette, quelques années plus tôt. Les notes, les voix, rien n’était dématérialisé, et des musiciens de chair et d’os s’exécutaient sous les yeux d’Astrée.
Son panier sous le bras, elle bouscula quelques couples de danseurs en rebroussant chemin. Tant pis pour le curry, elle y reviendrait à un autre moment. Ou elle enverrait Pâris en acheter. De toute façon, les rayonnages avaient disparu. Tout n’était plus que tables, chaises, serveurs, danseurs, et cette effroyable odeur de tabac. Astrée toussa sous les volutes de fumées, et plusieurs regards convergèrent vers elle. La surprise ou la moquerie se lurent dans chacun d’entre eux.
— C’est vous qui n’êtes pas dans la bonne époque, grinça-t-elle dans un murmure.
Avec son jean usé jusqu’à la corde, ses cheveux en vrac, son tee-shirt trop large et son petit panier en plastique rouge dans le pli du coude, nul doute qu’elle faisait tache au milieu de ces noceurs en robes à frange, bandeaux à plumes et costards trois pièces. Astrée en avait l’habitude désormais. Si elle avait espéré que son retour à Paris mettrait un terme aux phénomènes, elle s’était fourvoyée. Ses incursions involontaires dans d’autres époques n’étaient devenues que plus fréquentes de semaine en semaine.
— Bonsoir, lui murmura un homme aux cheveux gominés en arrière et à la fine moustache au-dessus d’un sourire carnassier.
— Pitié, vous pourriez être mon arrière-grand-père, rétorqua-t-elle en accélérant sa fuite.
Au sommet des quatre marches, elle retrouva Ahmed derrière sa caisse enregistreuse, les rayonnages habituels, et Katy Perry qui hurlait toujours.
— Tu n’as pas trouvé le curry ?
Le sourire du commerçant n’était que de façade. Dans ses yeux, Astrée décelait l’inquiétude qu’elle inspirait à tous. Par-delà son épaule, elle jeta un regard vers l’arrière salle. Plus l’ombre de la moindre fête. Les rayonnages avaient réintégré leur espace-temps. La jeune femme distinguait même les condiments alignés quelques mètres plus bas.
— J’ai changé d’avis, répondit-elle à défaut de pouvoir lui expliquer.
Astrée ne contrôlait rien. Lorsqu’elle atterrissait dans une autre époque, elle ne savait pas comment en revenir. Tout semblait très aléatoire et indépendant de sa volonté. Aussi, ne prendrait-elle pas le risque de redescendre. Elle était bien trop soulagée de s’être extraite des années folles sans trop de difficultés, cette fois.
— Je mets ça sur ta note ? demanda-t-il en rangeant les quelques courses dans un sac.
Il avait l’habitude. Ahmed tenait cette supérette depuis tellement d’années qu’il était devenu un visage incontournable du quartier. Un quartier un peu trop chic, au sein duquel les Beynac faisaient figure d’exception de par leur simplicité… et leurs difficultés financières. Astrée le remercia d’un sourire qui n’atteignit pas ses yeux, et disparut dans le cliquetis de la cloche mécanique apposée à la porte vitrée.
La rue était déserte. La fin de l’été avait sonné le glas des errances touristiques et cet arrondissement était redevenu ce qu’il avait toujours été : morne et terne. A l’image d’Astrée, finalement. Depuis son retour de Beynac, bien des semaines plus tôt, elle n’avait repris ni poids, ni couleurs. Chaque jour était un nouveau pas vers l’invisible où l’invisible serait elle. Elle ne dormait plus. Elle n’en avait ni l’envie, ni le courage. L’épuisement se lisait sur ses traits, mais c’était toujours mieux que ses terreurs nocturnes qui semblaient avoir redoublé d’intensité, sans jamais lui laisser le moindre souvenir. Cela avait au moins le mérite de confirmer l’une de ses théories. Une théorie à laquelle elle ne voulait plus penser.
Son sac en plastique à la main, elle poussa la lourde porte au bois bleu délavé qui donnait directement sur la large cour intérieure. La végétation défiait l’urbanisation entre chaque pavé verdissant, contrairement à la seule et unique plante en pot qui pourrissait dans un coin. Une volée de marches, une nouvelle porte plus tard, et Astrée émergeait enfin dans la salvatrice protection du foyer. Si elle avait eu le choix, elle n’aurait plus jamais quitté ces murs, car sortir c’était potentiellement s’exposer à l’Autre. Et puisque l’Autre pouvait prendre la forme de Lui, c’était un risque qu’elle ne voulait pas courir. Elle redoutait sa présence et souffrait de son absence. Rien ne saurait lui être épargné.
— Baronnette, tonna une voix dans son dos.
— Astrée, Tonton, le reprit-elle en s’extirpant du réfrigérateur où elle était occupée à ranger ses maigres courses.
L’homme qui lui faisait face, la petite cinquantaine grisonnante dans tout ce qu’elle pouvait avoir de séduisant, arborait un sourire tendre aux lèvres, et un chat dans les bras. De son complet trois pièces ne demeurait que le pantalon de bonne facture, et la chemise dont il avait roulé les manches sur ses avants-bras. Astrée jeta un coup d'œil à l’horloge murale. Son oncle avait beau avoir officiellement achevé sa journée de travail depuis plusieurs heures, Astrée devinait à sa tenue qu'il avait ramené des dossiers à la maison, et n'avait pas encore pris le temps de se doucher ni même de se changer.
— J’ai reçu un appel intéressant de l’agence immobilière, annonça-t-il en tirant une chaise pour s’y installer.
— Intéressant comment ? demanda-t-elle avec suspicion.
Astrée avait appris à se méfier du jugement de son oncle concernant la vente de la Gentilhommière. Ils n’avaient pas la même définition de ce qui était digne d’intérêt ou non.
— Tu ne pourras pas refuser, cette fois.
Louis avait tellement insisté sur le « cette fois » qu’Astrée ne pu ignorer le reproche et prit la mouche instantanément.
— Tu projetais sérieusement d’accepter l’offre de Castelnaud ? s’indigna-t-elle. Ce sont nos ennemis depuis la nuit des temps, et tu voudrais leur vendre notre dernier reliquat de prestige ? Sache que nos ancêtres te jugent en cet instant même, tonton.
Pas vraiment impressionné, ledit tonton étouffa un ricanement dans son poing.
— Là, j’ai une offre au prix, reprit-il en faisant glisser un document sur la table.
— Qui ?
— Un fonds d’investissement.
Astrée s’approcha, un verre de vin à la main qu’elle déposa devant son oncle avant de s’emparer du document.
— Richard Braxton & Sons, London, lu-t-elle. Londres ? Tu veux vendre aux Anglais ?
— Pourquoi pas ?
— Moi vivante, on ne vendra pas Beynac aux Anglais ! Il en est hors de question.
— Baronnette, reprit-il sans perdre ni patience ni superbe. Dois-je te rappeler que je ne te demande ton avis que par politesse ? Beynac appartient à ton père et moi-même, et…
— Et tu préfères que je te laisse aller t’entretenir avec ton frère ? Je t’en prie, fais-moi ce plaisir, le coupa-t-elle sans ménagement. Tu en profiteras pour lui demander de prendre une douche, la dernière date probablement d’il y a plus d’un mois.
Aucun miracle ne s’était produit durant l’absence d’Astrée, et Philippe, son père, était toujours ce même homme brisé qui ne nourrissait plus la moindre envie de rien. Captif du mausolée qu’était devenue sa chambre, il ne sortait plus que pour récupérer une bouteille pleine lorsque la précédente sonnait désespérément vide.
— Tu m’as envoyé là-bas pour que je me charge de toutes les démarches à ta place, reprit-elle. Alors oui, la moindre des choses est de m’inclure dans la finalisation de cette vente.
C’était d’ailleurs l’accord qu’ils avaient passé ensemble avant qu’elle n’accepte de descendre dans le Périgord.
— Donc les Anglais, c’est non ?
— Comment peux-tu encore te regarder dans la glace ?
— Je prends ça pour un « non », s’amusa-t-il. Il y a une deuxième offre au prix, également, tu y jetteras un œil ?
D’une gorgée, il vida son verre avant de se redresser. Louis venait de s’accorder une pause trop longue aux yeux de l’acharné de travail qu’il était.
— Laisse-moi deviner, Lord Voldemort ? ironisa Astrée en cherchant l’information sur le bout de papier.
— Non, un particulier au patronyme bien français.
— Ca ne sonne pas très français, non, rétorqua la jeune femme en trouvant enfin le passage en question.
— C’est basque. Mais je peux leur demander un arbre généalogique sur huit générations afin que tu sois certaine de ne pas vendre à un hypothétique ennemi ancestral.
Il était déjà à la porte.
— Non, ça ira, grommela-t-elle.
Qu’importait qu’ils soient allemand, suisse ou espagnol, Astrée ne voulait pas vendre. Sauf que cette fois, elle devait se rendre à l’évidence, elle n’avait aucun contre-argument dans sa manche. Même le prix était celui demandé. Pourtant, Astrée s’était assurée de largement surestimer le bien afin qu’une contre-offre soit obligatoire. Comment était-ce possible ? Quel idiot pouvait bien accepter de payer pareil prix pour un bien nécessitant autant de travaux ? Qu’importe, elle était au pied du mur, désormais.
A peine son oncle dans la cour qu’Astrée s’empressait de refermer la bouteille de vin pour la ranger dans le placard sous clé. Son père trouverait toujours un moyen de se procurer de l'alcool, autant ne pas trop lui faciliter la tâche. Astrée rangeait la petite clé dans sa poche de jean lorsqu’un nouvel individu fit son entrée dans sa cuisine. Décidément, que de visites !
— Ah, tu es là ! se réjouit instantanément le jeune homme.
Où voulait-il qu’elle soit ? Simon, l’aîné de Benjamin donnait l’impression de parvenir au bout d’une bien longue quête, alors que la cuisine était probablement le premier endroit où il l’avait cherché. La tignasse blonde bien disciplinée, les avant-bras immaculés, Simon n’était pas à proprement parler le sosie de Benjamin. Il était la version originale et bien plus soignée. Comme Astrée, il était un aîné Beynac. Comme Astrée, ce statut avait fait de lui le réceptacle de toutes les attentes familiales. Simon avait fait son droit, Simon avait excellé dans tout ce qu’il entreprenait, Simon était désormais un brillant avocat très prometteur. Simon avait fait la fierté des générations le précédant. Simon avait l’étoffe du futur baron de Beynac. Malheureusement, malgré ses quatre années de plus qu’Astrée, Simon était l’aîné de la branche cadette. Simon ne serait jamais baron. Et cela tombait plutôt bien car Simon n’avait jamais eu envie de ce titre. « Je suis homosexuel et je ne veux surtout pas d’enfant, merci d’éviter de me confier l’avenir de la dynastie. » lui avait-il rétorqué un jour qu’elle l’accusait d’être jaloux.
— J’ai une soirée ce soir, j’ai besoin d’un plus un.
— Demande à Clément.
— On s’est séparés.
Astrée en abandonna son activité première, à savoir le lave-vaisselle qu’elle s’apprêtait à vider, pour se retourner vers son cousin.
— Pourquoi ?
La surprise supplantait l’empathie.
— Il souhaitait une relation libre. Pas moi.
D’un mouvement de bras Simon chassa ce souvenir comme s’il ne s’agissait guère plus que d’une agaçante petite mouche.
— Et… Ça va ? hasarda-t-elle malgré la nonchalance affichée par Simon.
Chez les Beynac, on apprenait dès le berceau à bien masquer ses émotions pour ne surtout pas les imposer aux autres. Ce serait mal venu. Pourtant, malgré cet endoctrinement, cela faisait bien des jours qu’Astrée n’en était plus capable de son côté. Alors comment Simon parvenait-il à agir avec autant de désinvolture après l’implosion de son couple ? Ils avaient été ensemble pendant cinq ou six ans, Clément faisait partie des meubles.
— Parfaitement.
Le sourire qui accompagna cette réponse n’eut rien de feint. Il allait bien. Simon allait réellement bien. Alors pourquoi Astrée était-elle incapable de s’extirper de son propre état dépressif ? Elle n’avait pas de statut de couple dont elle devrait faire le deuil, pas plus que l’habitude de l’autre dont elle devrait se défaire. Tout au plus un baiser et une partie de jambes en l’air. Mémorables, certes. Mais pourquoi ne parvenait-elle à s’en délester ?
— Alors, cette soirée ? reprit-il, visiblement peu enclin à s’étendre sur le sujet.
— Pourquoi tu ne demandes pas à Pâris ou Benjamin ?
Astrée n’avait aucune envie de sortir et devoir forcer un sourire. Aucune envie de prétendre. Aucune envie de subir les diverses injonctions que les festivités engendreraient immanquablement. On la pousserait à danser, puis à boire pour se détendre un peu. Comme si l’alcool pouvait être la solution miracle à tous les problèmes. Son père était le contre-argument ultime de cette théorie.
— Ce n’est pas ce type de soirée. Sphère professionnelle, quelques enjeux… Bref, je préfère éviter tout incident.
Et elle ne connaissait que trop le comportement possible de son frère et de son cousin en soirée. Elle donnait raison à Simon sur ce point. Cela dit, pourquoi elle ? N’avait-il pas quelques collègues ou amies qui auraient pu faire office de « plus un » ?
— Et puis ça te fera du bien de sortir de ta grotte, un peu.
Sa grotte qui n’était autre que sa chambre dans laquelle elle passait le plus clair de son temps. Lorsqu’elle n’était pas dans la cuisine, évidemment. Simon, comme son oncle, s’imaginait qu’elle avait quelque part retrouvé ses esprits, et révisait d’arrache-pied. Il n’en était rien. Mais tant qu’ils le pensaient, Astrée avait la paix.
— Je n’ai rien à me mettre, Simon, je…
Argument qu’il chassa d’un mouvement de main tandis qu’il étirait un sourire triomphal. Astrée n’avait pas donné son accord, elle n’avait fait que se trouver une énième excuse pour refuser. Pourtant, Simon lui donna l’impression contraire, et tourna les talons avec satisfaction.
— Ne t’en fais pas, j’ai la tenue parfaite pour toi, annonça-t-il depuis le hall d’entrée.
Astrée chercha bien à le dédire, alla jusqu’à l’interroger sur ladite tenue, mais pour toute réponse, n’obtint que l’écho des pas de son cousin sur les pavés de la cour. Elle s’était faite avoir comme une débutante, et devait bien reconnaître le talent de Simon à obtenir le verdict de son choix. Foutus avocats ! Et dire qu’elle venait de s’engager à passer la soirée cernée par une armée d’entre eux.
D’un geste rageur, elle tira un plat à gratin dans lequel elle déballa le poulet entier. Sans le moindre ménagement, elle tartina ce dernier d’une bonne quantité de beurre avant de l’enfourner sans se donner la peine d’un préchauffage. Jeanne en aurait probablement fait une crise d’épilepsie. Astrée se débarrassa de cette pensée en quelques tapes contre ses joues, et se remit en mouvement. Songer à à la vieille postière l’amenait toujours vers d’autres réflexions, et d’autres individus. Il ne le fallait pas. Alors, aussi injuste que cela puisse être, Astrée, pour sa propre survie mentale, interdisait au manque de s’insinuer.
Durant les premières semaines, les appels en absence de la postière avaient été fréquents. Puis ils s’étaient espacés, jusqu’à disparaître totalement de l’écran de son portable. Astrée ne voulait pas entendre sa voix. Laisser son accent à couper au couteau s’infiltrer dans son lobe frontal, c’était s’exposer à contempler la blessure béante que la jeune femme n’avait fait que planquer sous le tapis. Comme la poussière dans la chambre de son frère, celle-ci n’avait pas disparu pour autant. Astrée ne faisait que l’ignorer, ce qui lui permettait de fonctionner, du moins à peu près.
Une assiette sur laquelle trônait un malheureux sandwich, à la main, Astrée grimpa le vieil escalier menant à l’étage supérieur. La verrière deux étages plus haut, laissait filtrer les rayons d’un soleil hasardeux dans lesquels les grains de poussière dansaient avec langueur. Par habitude, elle donna trois petits coups contre la porte et entra sans attendre nulle réponse.
Plongée dans le noir, la vaste pièce sentait le renfermé, le tabac et la sueur. De cela aussi, elle avait l’habitude. Sur une petite table ronde, Astrée troqua l’assiette pleine contre une assiette vide où l’on avait écrasé quelques mégots. De sa main libre, elle tira les lourds rideaux, dévoilant des carreaux crasseux. Un gémissement plaintif s’exfiltra de sous les draps du lit, mais n’entama en rien l’action de la jeune femme. Après les rideaux, ce furent les battants de la fenêtre qu’elle tira. Un air sain et dépourvu de la moindre odeur s’efforça de prendre possession des lieux.
Le regard d’Astrée évita soigneusement les photos, les souvenirs, ou encore la robe de chambre très féminine qui pendait toujours au bras d’un fauteuil, tandis qu’elle s’employait à ramasser linge sale et cadavres de bouteilles. L’homme ne parlait pas. L’homme ne faisait que grommeler sous l’épaisse couette qui le protégeait du monde extérieur. Astrée ne cherchait même plus à entamer la moindre ébauche de conversation, elle savait ses efforts vains. Elle se contentait de nourrir l’homme et l’obliger à se lever au moins une fois par jour pour venir fermer la fenêtre qu’elle abandonnait, ouverte, en tournant les talons.
Un étage plus haut, elle se débarrassa du linge sale dans la panière de la salle de bain, puis grimpa d’un étage supplémentaire pour rejoindre ses quartiers, sous les toits. Pâris et elle s’y étaient installés dès qu’ils avaient été en âge de le faire. Ainsi, relativement isolés de leurs parents, ils avaient pu arpenter l’adolescence avec son lot de musique trop forte et de claquages de portes sans trop déranger les adultes. Deux chambres, une salle de bain, et une salle de jeux commune qu’ils avaient achevé de transformer en salon confortable, lorsque les petites voitures et les Legos avaient été remplacés par téléviseur, console de jeu et platine vinyle. C’était le lieu que Pâris privilégiait le plus.
Pourtant, en arrivant à l’étage en question, Astrée n’y trouva ni Pâris, ni Benjamin. S’ils avaient été dans la salle commune, elle aurait entendu leurs éclats de voix dès le palier. Elle s’apprêtait tout de même à s’en aller vérifier, lorsqu’en passant devant la porte de chambre de son frère, elle surprit des murmures étouffés par la porte close. Cela aussi était très inhabituel. Pâris ne fermait jamais sa porte, même lorsqu’il se changeait, ce qui occasionnait quelques instants gênants pour sa grande sœur quand elle passait au mauvais moment.
Sa curiosité piquée, elle tenta d’abaisser la poignée qui lui résista. Ils avaient fermé à clef ? Pourquoi diable s’étaient-ils enfermés dans cette chambre ? Sa tentative avortée eut le mérite de provoquer une réaction par-delà la porte close, et un bruit de chute s’ensuivit.
— Vous fabriquez quoi, là-dedans ? demanda-t-elle. Et pourquoi la porte était-elle verrouillée ?
Elle était la seule autre personne à monter jusqu’ici, aussi prenait-elle cette démarche de manière très personnelle. Ils s’étaient isolés d’elle, cherchaient à lui cacher ce qu’ils étaient occupés à faire. Cela n’avait aucun sens, et cela ne lui disait rien qui vaille.
— On est occupé… commença la voix de Benjamin qu’elle sentait hésitant. On fait des choses !
— Voilà qui ne me rassure pas.
Sans précipitation, elle se rapprocha de la porte de droite, celle de sa propre chambre, et y récupéra la clé qui traînait dans la serrure. Et toujours très tranquillement, alla insérer cette dernière du côté de chez son frère. Lorsque le cliquetis se fit entendre, il était trop tard pour les deux garçons. Tels des lapins dans des phares, ils s’étaient immobilisés au milieu de la pièce. Au sol se trouvait tout ce que le canapé et les fauteuils de la salle commune avaient comptés de coussins, ainsi que le matelas dont le lit de son frère avait été dépouillé. Astrée jeta un regard au sommier nu, et à son frère qui se tenait debout dessus, puis obliqua vers son cousin qui, à quelques mètres plus loin, tendait les bras en direction de Pâris, comme prêt à le réceptionner.
Lasse, Astrée tourna les talons et referma la porte derrière elle.
— On mange dans deux heures, les informa-t-elle au passage.
— On mange quoi ? voulu savoir Pâris par-delà la cloison.
La jeune femme avait beau avoir rejoint sa propre chambre et fermé la porte, elle l’entendait comme s’il s’était trouvé juste à côté d’elle. Les joies de l’isolation sommaire des très vieux bâtiments.
— Poulet au curry, répondit-elle en se laissant rebondir contre son matelas. Mais sans curry.
Un plaisir de retrouver Astrée et je vois que le décalage temporel ne s'améliore pas ^^
J'ai cru un instant que ça serait Syssoï qui rachèterait la baraque via une société écran ou autre ^^ (quoique, le basque ne pourrait-il pas être Pierre ? ^^
On sent qu'il y a un truc avec la maison n'empêche, vu ses réticences à vendre.
Se retrouver à un diner mondain, c'est bien la dernière chose où je la voyais, mais Simon a de bons arguments et Astrée a lutté en vain. J'attends de voir la robe, j'hésite entre le tailleur chic classique ou la tenue trop décolletée/fendue qui la mettra mal à l'aise :p
Je suis en train de calculer que s'il l'embarque à un spectacle de danse où elle reverrait Syssoï sur scène ça serait... mouarf ^^
Jeanne appelle en vain, perso je me méfierai de l'arrêt, elle est capable de faire la route jusqu'à Paris, la petite dame !
Et les 2 cousins ensemble. Ok ils semblent construire une cabane comme des gamins (ou s'entrainer au cirque :p) mais pour avoir fermé la porte à clef... ils connaissent suffisamment Astrée pour savoir qu'elle serait blasée, donc, ça doit leur servir de couverture pour autre chose.
J'adore la phrase de fin, encore une fois ^^ Bon, 2h pour le poulet, j'espère qu'il est assez gros pour le supporter :p N'empêche, tout ce fil conducteur du curry ça donne des petits détails c'est chouette (avec l'hérésie de l'absence de préchauffage, ah ah Jeanne ne m'aimerait pas ^^).
Très curieuse de voir où tout ça va nous mener ^^
Et concernant le poulet, tu noteras donc les talents de cuisinière remarquables d'Astrée hahaha !
Pour tes autres interrogations : ça arrive bientôt ! ^^