45- Le Cheval de Troie

« Oui…? » Je dis prudemment, et, tout sourire, il sortit un petit papier de sa poche.

C’était un plan du manoir, fait à la main. En bleu il y avait dessiné les murs, les meubles, mais ce n’était pas tout. Entre les murs se dessinaient des dizaines de petits files rouges, parfois se rejoignant, parfois interrompus.

Mais nan.

Je fixais un moment la feuille, sans oser y croire, en particulier quand un des chemins, partant de la bibliothèque, pointait vers l’extrémité du plan, une petite flèche adjacent ou il était écrit-

« Donc, ce qui tu es en train de me dire, c’est qu’il y a une galerie qui relit la bibliothèque au débarras. » Je dis, complètement sonnée.

« C’est ça. » Il dit en souriant « Sous le cadre de la carte du monde, il y a un léger petit relief, si tu appuis dessus ça fait coulisser une partie du mur. »

« Mais, comment

Un craquement raisonna dans toute la maison mais également dans tout mon être. Cela avait été si fort- on aurait dit que quelque chose venait de bondir derrière ma porte.

Prudemment, je m’approchai de cette dernière, retirai le plus doucement la clé et observait le couloir.

Ces derniers étaient plongés dans la pénombre, la petite ésolampe bleue fournissant la seule source de lumière -et encore c’était un bien grand mot. Je me résignais à ne rien déceler de la sorte et optais alors à poser mon oreille contre le parquet.

Rien, ce petite craquement mis à part, mais il s’atténuait. Quelque chose s’éloignait.

Je me relevai donc, un sentiment désagréable au ventre.

« Comment as-tu trouvé ces galeries? »

« Bah, je trouvais ça quand même bizarre qu’une ghoule apparaisse en plein dans le mur, alors j’ai tapoté sur tous les murs jusqu’à ce que je trouve un truc. »

« Quand est-ce que tu as fait ça? »

« Quand Mafalda et toi vous étiez dans la salle de musique. Je me dépêchais de finir mes devoirs avant. »

« Mais, Scetus a réparé le mur, comment-a-t’il pu ne pas s’en rendre compte? »

« Certaines galeries ont été condamnées, et celle-ci aussi, des deux côtés. Regarde. » Il dit en tapotant quelques interruptions sur son dessin.

« C’est comme ça que tu pouvais bouger aussi facilement dans toute la maison. »

« Ouaip. Ça a mis du temps à tout cartographier. »

« Mais, il doit y avoir une protection magique, non? »

« Non, parce que tu vois, Scetus son sort, il a mis une rune er’hbrin, donc son sort il est alimenté par la les flux ésotériques aériens. Donc sur une façade, ça marche trop bien, mais pour un tunnel à dix pieds sous terre, non. »

Mais nan.

« Et comment tu sais tout ça? »

« Bah, tu arrêtes pas de me dire d’écouter en leçon, et la vie est la plus grande des leçons. » Il dit en bombant le torse « J’ai trop bien fait Dodo, pas vrai? »

« D’écouter aux portes, espionner ton propre frère et profiter de moments d’inattention des adultes afin de faire quelque chose de possiblement extrêmement dangereux? » Je répliquai en croisant les bras, mais il n’y pas tôt pali que je craquai et mes lèvres se fendit en un sourire « Je suis  si fière de toi que je suis émue. »

« Bah j’ai appris des meilleurs. »

« Alors par contre, si plus tard Lizzie te pose la question, à ce moment là tu lui diras que je t’ai grondé. Si elle venait à faire pareil, j’ai de sérieuses craintes pour l’avenir du monde. »

Il eut un petit rire, et glissa sa petite main dans la mienne.

Je ne pus m’empêcher de jeter un dernier regard derrière moi. J’avais passé près de deux mois et demi dans cette chambre. Je n’irais pas jusque dire que c’était devenu ma chambre, mais…

Bref.

Il était temps de mettre les voiles.

Je demandais à Britannicus de demeurer un moment en arrière. On approchait dangereusement de l’heure d’éveil de la rusalka, et je ne voulais pas de mauvaises surprises.

J’avançais donc prudemment vers la salle d’eau, une épingle à cheveu en main, et espérant faire claquer la clé de l’extérieur. De préférence, sans qu’elle s’en rende compte-

La porte était grande ouverte, et mon coeur fit un raté.

Si c’était le cas, alors la créature était déjà réveillée, bon d’accord, on n’avait pas le temps d’être prudent. Il allait falloir mettre les voiles, et vite.

Je revins donc bien vite à ma chambre, les pas autant feutrés que possible.

« Viens, et surtout, pas un bruit. » Je chuchotais, en prenant doucement sa main.

Britannicus était vraiment discret, assez pour que cela fut notable et que je comprenne mieux comment il avait pu enquêter sur le Manoir sans que personne ne puisse s’en rendre compte.

Nous descendîmes l’escalier -à nouveau, petit pincement au coeur mais bon- traversâmes le salon d’été et enfin, la bibliothèque.

La pièce avait bien changé, depuis la première fois ou je l’avais vu. L’endroit était alors assez misérable -et c’était assez scandaleux, la quantité de livres laissés à l’abandon. Désormais, tout était net et immaculé, sans bouteille, ni d’odeur de rance. Même la cheminée était d’un blanc net. Je jetais un petit regard au panneaux gauche, celui dont j’avais émergé la première fois, et ne pus retenir un frisson.

Cette cave, par tous les Saints- que j’avais été stupide. Il suffisait que l’on soit potable avec moi pendant cinq minutes et j’en oubliais que l’on m’avait bien tabassé la cervelle.

Idiote.

« C’est ça. » Britannicus me montra la gigantesque carte encadrée, au dessus de la cheminée. Un des reliefs de fleur était légèrement plus brillant que les autres, comme s’il était astiqué toutes les semaines.

« Britannicus, tu es un génie. » Je dis en approchant mon doigt. Il y avait un touché froid, étrangement humide- peu importe. J’appuyai le plus doucement possible.

Rien ne se produisit.

Je jetai un petit regard à Britannicus, afin de savoir si c’était la normal, mais à en juger par son froncement de sourcils, ce n’était pas le cas. Il lâcha brièvement la main et se dirigea vers un des petits panneaux de livres.

Ses doigts filèrent le long des rainures et il poussa un petit soupire de soulagement.

« Ah, la porte était déjà ouverte, regarde, c’est pour ça qu’il n’y a pas eu de clic. » Il murmura, et je plissai des yeux. Un mince filet de lumière bleue émané d’une des interstices.

Mes doigts effleurèrent la petite plante sur la table adjacente par réflexe. C’était comme si je recherchai un réconfort face à cette ombre qui grandissait dans mon esprit-

Il faut se cacher, maintenant.

Une sensation froide courut le long de ma colonne vertébrale. La dernière fois que cela s’était produit, c’était dans le débarras, quelques instants avant que-

J’attrapais Britannicus et le tira derrière la causeuse.

« Qu’est-ce que » Il protesta et je plaquais immédiatement mon doigt contre mes lèvres. Il dut voir ma peur sur mon visage, car il s’immobilisa entièrement.

Nous attendîmes ainsi pendant une seconde, puis deux, puis dix- trente secondes. La peur avait du me rendre paranoïaque. Il n’y avait rien. Je poussais donc un soupire de soulagement et m’apprêtais à me lever quand quelque chose grinça, comme du bois coulissant.

Le mur projeta l’ombre d’une silhouette malingre et courbée, très vite suivie par une odeur de marécage. La rusalka. Tout prit sens en cet instant, la porte ouverte, le bouton humide. Mais qu’est-ce qu’elle fichait là à la fin? Faisait-elle des promenades nocturne, était-ce normal? Pourquoi-

Il y eut un autre bruit. Plus lourd. Un bruit de pas. L’ombre de la rusalka se fondit dans une masse noire, grandissant toujours plus, jusqu’à atteindre les onze pieds. Ce n’était pas possible, il devait s’agir d’une déformation, une mauvaise projection de l’ombre-

Un bruit rauque me secoua les tympans, un bruit familier, de la cabane.

Le Lemure.

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