Dans l'ombre de l'atelier, Iris ponçait puis repeignait les masques. Elle le faisait tendrement, une première couche de peinture blanche, ou noire, puis les traits et les détails. Les détails c'est le plus important, c'est l'âme, c'est ce que l'on voit derrière le masque. Ce qui subsiste dans la mémoire. Des rayures, des points, des fioritures... des vides.
Pendant ce temps, Noé jouait de la sansula, une musique douce parcourait la salle, le bâtiment, la ville. Peut être que la mélodie arriverait jusqu'au masque de chat accroché au pont, au bord de la cité. Celui-ci s'occupait de 4 autres masques de chaton, ils avaient besoin de douceur pour dormir. Peut être que la motarde l'écoutait, où qu'elle soit.
Les manchots du cap avaient envahi l'atelier et déambulaient entre les outils, Iris, les masques, les poutres en bois et les notes de musique. Ils étaient silencieux, existant par leur présence, sans interagir avec qui que ce soit. Ils étaient transparents, vivants dans leur monde, ne s'occupant de rien ni de personne. Des inconnus au même visage, de ceux que l'on croise tous les jours, et que l'on oublie de par leur nombre. Noé pensa que cela était triste de ne pas exister, et puis il se rassura en se disant que s'ils n'étaient plus dans cet entrepôt, ils leur manqueraient. Sûrement.
Il y eut un bâillement général et la jeune fille se frotta les yeux. Les oiseaux se couchèrent autour du vieil homme et la gamine posa sa tête sur ses genoux. Elle sombrait doucement dans la mélodie.
« Grand Père, toi qui repose le cœur des vivants, quelle est l'histoire de ta sansula ? »
Et il lui raconta.