La sansula

Par Kieren

Cette sansula faisait parti d'une collection impressionnante d'instrument de musique. Le propriétaire cultivait ses légumes sur son toit. Il y avait de plus en plus d'eau et de moins en moins de gens dans les rues. Lui je le croisais de temps à autre lorsque je me baladais, j'étais âgé de 33 ans.

 

On se saluait, rien de plus. Il y avait de la musique en permanence chez lui, j'entendais du piano, de la guitare, du tambour, de la trompette. Il jouait tout le temps, et bien de surcroît.

 

Et puis un jour, il appela à l'aide. J'accourus le plus vite possible et je le découvris sur son toit, devant son potager, à jouer de la sansula. Il semblait n'y avoir aucune urgence, mais il me remercia mille mondes d'être venu à son secours, car en effet, il avait soif. Je lui demandai s'il se foutait de moi, et apparemment non : cela faisait 2 jours qu'il jouait et qu'il n'avait pas bu une seule goutte d'eau. Il ne pouvait pas se lever, ou plutôt, il ne pouvait pas s'arrêter de jouer.

 

En lui donnant de l'eau, il me montra une fleur fermée au milieu de son potager. Il me raconta que cela faisait maintenant 10 ans qu'il distrayait cette fleurette car elle ne s'ouvrait pas, et ne s'ouvrirait jamais s'il s'arrêtait de jouer, lui avait elle dit. Il avait essayé tous les instruments possibles et imaginables, venus des grandes steppes de Mongolie, aux plaines les plus sèches d'Afrique, des bars de jazz des États-Unis aux églises de la vieille Europe. La fleur se nourrissait, mais elle prenait son temps. Le cultivateur n'avait pas vu assez large pour son stock de vivre et il avait fini par manquer d'eau.

 

Je lui demandai si le jeu en valait la chandelle, il sourit et me dit que c'était là toute l'histoire de la vie : on a un rêve, c'est ce qui nous fait avancer, on ne saura pas ce que cela nous aura apporté tant que nous n'aurons pas atteint notre but.

 

Je retournai le voir, de temps en temps, je lui tins un peu compagnie, même s'il avait toute l'audience dont il avait besoin. Je lus quelques livres à ses côtés, bercé par sa mélodie.

 

Hors un soir, une tempête éclata. Les eaux devinrent lames puissantes, et le vent mur infranchissable. Je commençai à me réfugier, lorsque j'entendis une douce musique dans le hurlement bestial de la nature. Je me précipitai chez le musicien, celui-ci était toujours sur le toit et jouait une berceuse à la sansula.

 

Je le pressai de rentrer se protéger, mais il affirma que la mélodie devait continuer. Alors, impuissant que j'étais devant son rêve, je déposai le manteau de cuir sur ses épaules, lui souhaitant bonne chance, et je me barricadai dans sa maison. Cela dura longtemps. Je craignais que la ville ne soit submergée une bonne fois pour toute.

 

Au matin, le silence me réveilla. Je crus que c'était la fin du voyage pour quelqu'un, mais quand j'ouvris la porte, je le découvris assis sur sa chaise, dormant avec le sourire. Devant lui, la fleur était toujours close, mais à son pied, de multiples bourgeons s'ouvraient et se refermaient, au hasard des courants d'air.

 

Lorsqu'il se réveilla, je lui demandai si cela avait valu le coup. Il pouffa en me donnant mon manteau avec sa sansula à l'intérieur. Il avoua qu'il était déçu, de ne pas l'avoir vu s'ouvrir plus tôt. Mais un rêve a une saveur unique, comme une bonne bouteille de vin. Il faut prendre le temps de l'ouvrir, imaginer son goût, deviner s a robe, avant d'affronter la réalité.

 

Et pour sûr ! Ce rêve fut un grand cru !

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