5. Gimme Shelter - The Rolling Stones

Il appartenait à un homme entre deux âges au-dessus du crâne chauve, dont les cheveux poivre et sel en épis poussaient à l’horizontal derrière ses oreilles. On ne voyait que le col de sa chemise, mais il n’y avait pas de doute possible : elle était orange.

            Ses yeux étaient rieurs et il ne cessait de faire des signes aux trois adolescents toujours en état de choc. Ses lèvres bougeaient avec animation, mais aucun son n’en sortait.

            – Il y a… Il y a un homme… Dans ton… Iris, il y a un homme dans ton miroir, balbutia Thomas en le pointant du doigt.

            – Mon dieu, souffla Elia dont le corps tremblait. Est-ce que c’est… Normal ?

            Incapable de parler, Iris secoua la tête. Plusieurs fois.

            – Il essaye de nous dire quelque chose, déclara Thomas d’une voix blanche. Je crois.

            En effet, il les désignait de la main, avant de serrer le poing en le secouant.

            – Il veut qu’on joue à toc toc qui est là ? supposa Elia sans pour autant faire un geste.

            Thomas se leva lentement comme si tout geste brusque pouvait aggraver la situation. Les deux filles le fixèrent d’un air apeuré lorsqu’il s’approcha du miroir et doucement, y colla presque sa figure. Le sourire de l’homme s’agrandit et sa bouche remua de plus en plus vite quand Thomas avança son poing. Il tapa trois coups secs sur le verre et recula en trébuchant.

            Comme s’il avait soudain branché une enceinte, les paroles de l’inconnu résonnèrent dans la pièce :

            – … en règle générale. Ce serait fantastique et je me suis dit... Une seconde… Ça fonctionne !! Mais c’est merveilleux ! Mer-ve-illeux ! Enfin ! Et vous êtes là, tous les trois, quelle belle journée ! Je suis tellement excité ! C’est une date qu’il faut inscrire dans l’histoire : Yasmine, cria-t-il en se penchant sur le côté, notez bien la date d’aujourd’hui ! Notez-la, vous dis-je ! Mais vous devez avoir tant de questions… Et je vous comprend, c’est normal, on serait déboussolé pour moins que ça.

            – Mais mais mais, balbutia Iris qui était sortie de sa torpeur et dont le sens des priorités était dangereusement chamboulé. Comment pourquoi avez-vous… Qu’est-ce qui de… Où… Vous êtes qui ?

            – Certes ! J’en oubliais les civilités ! Je me nomme Ramsovu, natif de la ville Cuivrée et premier Entopiste d’Aether, pour vous servir.

            – Ah ouais, carrément… murmura Thomas en hochant continuellement la tête de bas en haut.

            – J’ai rien compris, gémit Elia avec fatalité.

            – Je n’ai qu’un mot à dire : Iris, il y avait quoi dans ta citronnade ? questionna Thomas.

            – Rien d’assez fort pour qu’on se retrouve face à ce…

            – Surveillez votre langage, Mademoiselle Tanner ! s’exclama le dénommé Ramsovu d’un ton joyeux.

            – Hallucination collective, hallucination collective, ne cessait de répéter Elia en entourant ses genoux de ses bras.

            – Allons allons, il faut vous reprendre, chers amis. Nous avons tant de choses à faire, et aucune seconde à perdre !

          – Arrêtez ça ! Arrêtez de parler, maintenant !

            Iris ne savait plus où donner de la tête. Le bon sens avait sauté par la fenêtre. Elle croyait nager en plein délire, ce dont elle aurait été certaine si Elia et Thomas ne l’avaient pas partagé.

            – Qu’est-ce que vous faites ici ? Et d’où est-ce que vous venez ?

            – Ce que je fais ici ? répéta l’inconnu avec de grands yeux. Par les Quatre au grand complet, je suis venu vous chercher ! Quant au lieu d’où je viens, il a pour nom Aether et c’est le pays de vos familles à tous les trois ainsi que le vôtre désormais.

            – Jamais entendu parler.

            Ramsovu éclata de rire.

            – C’est normal ! Votre temps n’était pas encore venu. Aether ne se montre que lorsqu’il est temps pour nous de le découvrir.

            – Et pourquoi il serait temps pour nous précisément aujourd’hui, s’enquit Elia d’une petite voix.

            Ramsovu lui sourit.

            – Jeune Elia Sorel, la réponse à votre question est devant vos yeux. Vous voilà dans cette pièce rassemblés de votre plein gré, comme de par hasard face à ce petit miroir dans lequel vous me voyez. Nous avons été fascinés par la rapidité avec laquelle vous êtes allés l’un vers l’autre : le doute n’était plus possible. Vous êtes promis à réaliser de grandes choses.

            – Mais de quoi vous parlez, à la fin ? s’énerva Iris en se levant. Vous êtes conscient qu’on ne comprend rien à rien à ce que vous déblatérez ?

            – Je conçois votre trouble. Il est toujours difficile d’appréhender l’Aether quand on habite dans l’Aer.

            – Tout le monde habite dans l’air, non ? risqua Thomas. Sinon, c’est plus compliqué pour respirer, je me trompe ?

            – Il s’agit ici de l’A-E-R. C’est le monde dans lequel vous avez vécu jusqu’à présent, en opposition à l’Aether, qui désigne ce qu’il y a de plus pur.

            – Vous êtes mégalomane, hasarda Iris.

            – Tous les Aetheriens le sont un peu, je suppose. Mais vous appartenez aussi à ce monde. Vous y avez même une place de choix.

            – J’ai une question, lâcha Iris d’un ton sec. C’est une blague, tout ça ? Ma mère vous a payé pour nous inventer toutes ces histoires ? Elle a dû remplacer mon miroir par un écran, je ne sais pas comment elle s’y est prise, mais je le découvrirai.

            – C’est loin d’être une plaisanterie, Mademoiselle Tanner. La situation est bien trop sérieuse pour cela. Si vous le voulez bien, je vais vous dire ce que j’ai à vous raconter et racontez ce que j’ai à dire, puis vous verrez s’il y a lieu de me croire ou non. Cela vous convient-il ?

            Les trois amis échangèrent un regard : Iris ne répondait plus de rien, on voyait sur le visage d’Elia les vestiges de son coup de frayeur et Thomas affichait son air ahuri accentué par un épi conséquent sur le côté de sa tête.

            – Puisque vous êtes là, dit Iris, distrayez-nous.

            – Parfait ! applaudit Ramsovu. Mon histoire remonte à des millénaires, le jour de la formation de l’Univers. Personne au monde ne s’accorde sur la manière dont il est né, mais depuis les philosophes grecs jusqu’à nos scientifiques les plus pointus, tous sont d’accord pour décrire la présence de forces dans la nature dès le Commencement.

            Intriguée par le timbre profond du conteur, Iris se rassit entre Thomas et Elia, leur dos appuyés contre son lit.

            – Auparavant, il y avait le Chaos. Nul ne sait ce qui régnait avant lui, on sait seulement ce qui est né par lui. Du Chaos surgit le Multiple : il était composé des quatre vénérables forces élémentaires. J’ai nommé l’Air, la Terre, l’Eau et le Feu. Ensemble, ils constituent tout ce qui existe et tout ce qui existera. Ils sont présents dans le plus petit fragment de bactérie comme dans la plus imposante des montagnes. Ils sont immuables, éternels et changeants : leur forme varie, leur quantité aussi, mais ils sont partout. Ces Éléments et leurs composés, que vos scientifiques ont cru bon de nommer et classer dans un tableau…

            – La classification périodique de Mendeleïev ! s’exclama Elia.

            En remarquant les regards de ses amis, elle ajouta :

            – Simple réflexe… Désolée, poursuivez je vous en prie.

            – Il n’y a pas de mal. Ces Éléments et leurs composés, disais-je, se sont modulés pour former des planètes notamment la Terre, qui fait partie de votre monde. Cette planète est particulière – les Quatre Éléments s’y trouvent en quantités étudiées pour rendre possible la merveille la plus précieuse de la Nature : la Vie. C’est grâce à la spécificité de cette Terre qu’elle a été choisie comme lien avec Aether. Après la création du monde, il fallait aux Quatre Éléments un sanctuaire, l’assurance de sauvegarder l’harmonie sur la Terre, c’est-à-dire dans l’Aer. Du Multiple se forma l’Unique lorsque les Quatre se muèrent en un lieu où ils cohabitaient en parfaite harmonie : on l’appelle Aether. C’est là que je vis. C’est de là que vous venez.

            – Non. Je viens de Bretagne, rétorqua Elia.

            – Moi je suis née à quelques kilomètres d’ici, renchérit Iris.

            – Et moi je ne sais pas d’où je viens mais je suis à peu près certain de ne pas avoir vécu dans un monde parallèle, termina Thomas.

            Ramsovu poussa un soupir.

            – Évidemment, évidemment, pour l’instant vous ne savez rien d’Aether et Aether ne sait rien de vous. Tout sera bientôt plus clair mais hélas le temps me manque et je ne peux rester plus longtemps aujourd’hui. Soyez ici demain à l’heure où nous parlons, je terminerai mes explications. Ce fut un plaisir, jeunes gens, je vous salue !

            Le verre du miroir se brouilla et le visage du curieux personnage disparut aussi vite qu’il était entré dans leurs vies.

            – Tu vois que j’étais pas cinglé ! apostropha Thomas.

            – Ou alors on l’est tous les trois, marmonna Iris d’un air sombre.

            – C’était… commença Elia.

            Ils restèrent silencieux, ne sachant quels mots mettre sur ce qu’ils venaient de vivre.

            – Vous y croyez ? demanda Thomas, anormalement calme.

            – Ça m’a paru quand même très réel, avança Elia.

            – Mais c’est impossible ! Ce qu’il dit, l’existence d’un pays imaginaire : ça ne se peut pas, répliqua Iris.

            – Alors comment tu l’expliques ?

            – Un canular. Une plaisanterie bien orchestrée. Je ne sais pas. Tu sais quoi ? Je vais appeler ma mère et nous connaîtrons le fin mot de l’histoire.

            Les deux autres haussèrent les épaules. Iris prit son téléphone, déterminée à découvrir la vérité.

            – Ma chérie, tout va bien ? Où es-tu ?

– Maman ! s’écria-t-elle. On est à la maison. C’est bon, on a bien rit. Thomas et Elia sont même prêts à croire ton ami en chemise orange.

– Tu as invité Elia à la maison ? Je suis fière de toi mon Iris ! Mais de quoi tu parles ?

– Le miroir de ma chambre. C’est un écran, c’est ça ? Tu l’as trafiqué ce matin quand j’étais en cours pour me faire une frayeur, mais j’ai deviné en moins de deux, précisa-t-elle fièrement avec un clin d’œil pour Elia.

– Je ne comprends rien à ce que tu racontes : et je te signale que je travaille depuis 8h ce matin. Tes amis restent dîner ?

– Tu veux dire que… Tu n’as pas touché à mon miroir ?

– Je ne suis même pas entrée dans ta chambre, Iris !

– Jure-le sur la Gibson.

– Je le jure.

– Ok. A ce soir.

Iris raccrocha. Son visage se décomposait lentement. Maya ne jurait pas au hasard. Et personne d’autre n’avait accès à sa chambre. Ce qui laissait peu de possibilité concernant la vérité.

– Ce type parlait vraiment à travers mon miroir.

– Et s’il disait vrai pour ça…

– …peut-être qu’il disait vrai pour le reste aussi.

 

Quoique ce soit, il leur était à tous les trois arrivé quelque chose d’incroyable. Ils ne savaient pas à quel point. Ils n’étaient même pas encore sûrs d’y croire.

Des heures après le départ d’Elia et Thomas, sous ses couvertures, Iris n’arrivait pas assimiler ce que l’étrange inconnu leur avait raconté. Ils s’étaient quittés dans un état second, sans pouvoir en parler comme s’ils avaient peur d’admettre la réalité de cette rencontre. Quant à sa mère, elle n’en avait même pas reparlé. En un sens, Iris espérait qu’elle se réveillerait le lendemain sans aucun souvenir de l’évènement.

 

            C’était raté. Sa première pensée au réveil fut identique à celle que formula Thomas en la voyant arriver au lycée. Il était en avance, ce qui était suffisamment rare pour marquer la nature peu commune de la situation.

            – Bien dormi ? entama-t-il – puis sans attendre de réponse il poursuivit : Moi non. J’ai cru devenir fou, à retourner tout ça dans ma tête toute le nuit. J’ai juste hâte d’aller chez toi ce soir pour me conforter dans mon délire. Tu as vu Elia ce matin ?

            – Non. Et c’est bizarre, c’est la fille la plus en avance du monde, d’habitude. À un moment, je croyais même qu’elle dormait ici.

            Comme la sonnerie se faisait entendre, Thomas et Iris se résolurent à monter en cours sans Elia. Ils s’assirent avec une certaine inquiétude dans la classe parsemée : nombre de leurs condisciples étaient déjà partis en vacances. Ils commençaient à penser qu’Elia avait fait de même, lorsqu’elle se montra enfin. En entrant, elle leur adressa un regard appuyé et vint s’installer à côté de Thomas.

            Dernière semaine de cours oblige, leur professeur n’avait pas fait attention à son retard, il ignora complètement les bavardages ambiants, trop occuper à discuter avec le surveillant de la salle voisine.

            – J’ai fait des recherches au CDI ce matin, annonça Elia avec excitation.

            – Je me disais bien que si tu étais en retard, ça ne pouvait être que pour étudier, ricana Iris.

            – Et tu as trouvé des choses ? s’enquit Thomas.

            – Notre mystérieux homme d’orange vêtu… commença-t-elle.

– Ramsovu, corrigea Thomas.

– Et bien, il ne nous a pas totalement raconté n’importe quoi. Ou alors il a fait des recherches approfondies. Ce qu’il a dit sur la création de l’univers, la présence du Chaos qui s’est ensuite divisé : il n’est pas le seul à le soutenir. Empédocle, un philosophe grec avait formulé cette théorie. Aristote disait aussi que les forces élémentaires étaient partout autour de nous.

– Waouh, tu es allée dans le rayon Grèce antique ? Tu dois bien être la seule.

– En fait j’ai découvert ça sur Wikipédia. Et ce n’est pas tout : Aether, c’est le nom grec de l’Éther.

– Le produit qui endort les gens ? questionna Thomas avec surprise.

– Pas seulement. Selon Aristote il s’agit de l’air respiré par les dieux et aussi la substance qui compose l’âme. Soit ce qu’il y a de plus pur au monde.

– Ça concorde avec ce que Ramsovu raconte, remarqua Thomas.

– Ça nous prouve aussi qu’il a pu tout piquer à internet, contra Iris, irritée.

– Mais pourquoi il se serait donné la peine de faire des recherches ?

– Je ne le sais pas encore.

– Nous verrons bien ce soir, conclut Elia. 

Le niveau sonore ambiant devint bientôt trop important pour avoir une conversation réfléchie. Thomas sortit un jeu de cartes. La journée se résuma à cela, ponctuée de fréquents coups d’œil à l’horloge murale.

 

Ils furent les trois premiers à franchir les grilles du lycée après leur dernière heure de cours, et ce fut en courant presque qu’ils avalèrent la distance qui les séparait du miroir de la chambre d’Iris.

            En y parvenant, celle-ci jeta son sac à terre sans grande considération et planta son regard dans le verre. Il ne lui renvoya que son reflet inquisiteur et le visage interrogatif de Thomas en arrière-plan. Elle s’en détourna rapidement, déçue.

            – Iris ! s’écria alors Elia. Elle désignait quelque chose derrière son épaule.

            Le petit homme était réapparu. Le cœur d’Iris eut un raté : elle savait qu’elle devait s’y attendre mais ce n’était pas quelque chose à laquelle on pouvait facilement s’habituer.

            – Fantasmagorique ! s’extasia Ramsovu. Je suis ravi de vous revoir ! Non pas que je doutais de votre présence, mais en Aer, tout peut arriver. Comment allez-vous, jeunes gens ? Rassurez-moi, une unique journée s’est écoulée dans votre monde aussi ? 

            – Oui, bien sûr.

            – C’est bien. C’est parfait. Le temps est une chose étrange, plus encore que l’espace. Quoique cet objet me donne du fil à retordre, rit Ramsovu avec un coup d’œil vers le cadre du miroir.

            – Parlons-en, de cet objet, intervint Iris. Comment il fonctionne ?

            – C’est en réalité un système très sommaire concocté par les ingénieurs d’Aether qui permet de relier notre pays et l’Aer. Il est lié à un miroir jumeau qui se trouve devant moi, et dans lequel je vous vois. Je ne saurais vous en dire plus, n’étant pas un expert en la matière. Je laisserai aux ingénieurs le soin de vous expliquer la science des communications transdimensionnelles. Néanmoins celui-ci n’est pas très fiable.

            – Comment ça se fait que je ne vous ai jamais vu dedans jusqu’à maintenant ? Une seconde… Vous m’avez espionnée à travers ce truc ? Vous voyiez tout ce que je faisais ? demanda Iris dont la colère montait aussi vite que les mauvaises idées au cerveau de Thomas.

            – Oh non ! Pas du tout ! Je vous rassure, s’empressa de rectifier Ramsovu. Nous ne sommes pas des voyeurs. En réalité la communication était très difficile avant que vous établissiez un contact. Nous distinguions à peine l’autre côté, votre monde était très flou si vous préférez. Par ailleurs, cela fait peu de temps que nous nous sommes attelés à la tâche de vous contacter. Nous avons attendu d’être absolument certains de votre identité avant toute tentative.

            – Et maintenant vous en êtes sûrs ?

            – Aucun doute n’est possible ! Nos instruments ne se trompent jamais. Le destin non plus.

            – Le destin ? grogna Iris. Qu’est-ce que le destin vient faire ici ?

            – Il me faut vous raconter la suite de mon histoire ! s’excita Ramsovu. Si vous êtes prêts à l’entendre.

            – Oui ! dit Thomas. Je veux dire, allez-y, nous sommes tout ouïe.

            – Extraordinaire ! Prodigieux ! fit Ramsovu en tapant des mains comme un enfant le jour de Noël.

            – Énervant, Pète-sec, murmura Iris à l’oreille d’Elia. Il me fatigue je te le dis.

            – Vous savez à présent comment a été fondé Aether, le lieu de rassemblement des quatre Éléments, reprit Ramsovu sans diminuer en enthousiasme. Le pays regorgeait d’une végétation luxuriante et d’une faune diversifiée qui coexistaient paisiblement. Mais il manquait la présence d’une espèce qui serait déterminante pour maintenir l’harmonie : l’humanité. Sur Terre, le Feu, l’Air, la Terre et l’Eau ont chacun choisi un représentant. Nous situons cet évènement vers le septième siècle avant notre ère. Ils ont jeté leur dévolu sur les personnes les plus dignes d’agir en leur nom : quatre humains dont la lignée serait liée aux forces élémentaires à jamais. Quatre humains dont vous descendez chacun.

            En faisant abstraction de tout le folklore, Thomas s’attarda sur un détail des plus concrets :

            – Mais… Nous sommes trois…

            Pour la première fois, le visage de Ramsovu s’assombrit, comme si les mots de Thomas avaient réveillé de mauvais souvenirs.

            – Je vous l’accorde. Si vous le voulez bien, prenons les choses dans l’ordre. Nous reviendrons à ce problème plus tard.

            Retrouvant le sourire, il poursuivit :

            – Ces quatre premiers Éléments reçurent en eux un pouvoir qui les connecta avec une Force élémentaire. Ils pouvaient user de ce pouvoir comme bon leur semblait mais leur mission initiale consistait à faire perdurer la paix entre les Éléments sur Terre et en Aether. Ils vivaient ainsi entre deux mondes, demeurant comme des êtres respectés en Aer et comme des dirigeants en Aether.

            – Qui habitait en Aether ? demanda Elia, passionnée par le récit. Vous avez dit que seuls les animaux y avaient leur place. Alors qui y avait-il à diriger ?

            Les pattes d’oie de Ramsovu se plissèrent de plaisir.

            – Bien vu, Elia. Il s’avère que lorsque les Quatre Éléments originels ont légué un peu de leur Force aux quatre premiers humains, quelques morceaux de pouvoir si je puis dire, ont été donné à quelques Terriens en infime quantité. Cependant, seuls les Quatre Éléments peuvent passer de l’Aer à l’Aether : c’est leur rôle de conduire ces habitants choisis par l’une des Forces, de la Terre jusqu’en Aether. Les Aetheriens sont aujourd’hui les descendants des personnes transportées par les Quatre. En Aether, les habitants sont répartis géographiquement dans les provinces gouvernées par chacun des Quatre Éléments. L’Érédie pour l’Air, la Nestalie pour l’Eau, et l’Arvainnie est celle de la Terre.

            – D’accord.

            Iris eut un regard choqué pour Elia qui venait d’accepter posément toutes les explications de Ramsovu – qui parlait au travers d’un miroir, fallait-il le rappeler ?

            – Mais que font les Quatre Éléments en ce moment ? questionna Elia.

            – Les Quatre ne sont pas toujours appelés. Il n’y en a eu qu’une dizaine depuis leur apparition. Lorsque l’équilibre d’Aether et de l’Aer est compromis, les Forces présentes dans les membres de leurs lignées se réveillent : les nouveaux Quatre Éléments sont désignés. Et aujourd’hui, c’est à votre tour.

            Tout cela constituait beaucoup d’informations à digérer pour une seule journée. Les idées des trois amis se mélangeaient dans leurs esprits de manière confuse. Était-il possible que Ramsovu dise vrai ? Pouvaient-ils imaginer être en possession d’une Force dont ils ne soupçonnaient absolument pas l’existence la veille ? Iris souleva un autre problème :

            – Si nous sommes… ce que vous prétendez que nous sommes, comment se fait-il que nous ne vivions pas en Aether ? Pourquoi ce n’est que maintenant qu’on entend parler de vous ?

            – Tant que nous ne savions pas si vous seriez appelés, vous ne pouviez pas vivre en Aether, et par conséquent, en connaître l’existence, dit Ramsovu qui avait manifestement réponse à tout.

            – Vous aviez dit que nous ferons les choses dans l’ordre, se souvint Thomas. Est-ce qu’il est temps qu’on sache pourquoi vous nous nommez les Quatre alors qu’on n’est que trois ?

            Ramsovu marqua une pause durant laquelle il parut se battre avec lui-même.

            – Je me demande si c’est le moment… hésita-t-il. Je ne pense pas que vous êtes prêts à tout entendre : après tout, reprit-il en se redressant, vous venez de rencontrer ce monde.

            Malgré leur curiosité, les trois amis n’insistèrent pas : ça leur faisait déjà trop à emmagasiner.

            – Quatre Forces élémentaires, quatre familles, réfléchit Elia. De qui descendons-nous, Thomas, Iris et moi ?

            Ramsovu retrouva à nouveau sa légèreté.

            – Vous le savez, au fond de vous. J’en suis certain.

            Il les observa tour à tour en silence. Et les trois amis échangèrent des regards, se détaillant mutuellement. Elia baissa la tête. Un sourire naquit sur ses lèvres.

            – L’Eau. Je suis l’Eau. Je veux dire, si je devais choisir…

            Elle la releva, le visage décidé.

            – Je serais l’Eau.

            Ramsovu opina du chef.

            – Bravo Elia Sorel. Monsieur Burcet ?

            – La Terre, déclara Thomas sans aucune hésitation.

            Ils se retournèrent d’un même mouvement vers Iris pour la dévisager.

Elle mit du cœur à l’ouvrage pour les ignorer. Cette histoire était totalement folle : elle refusait d’y croire, d’imiter Thomas et Elia qui se laissaient bercer par ces illusions de contes de fées remplies de pouvoirs magiques. La vie, ça n’était pas comme ce que décrivait Ramsovu : on travaillait pour vivre et on cherchait le bonheur sans relâche pour finir par le perdre un jour. Des pères quittaient leurs petites filles, des mères se retrouvaient abandonnées, des enfants seuls, du jour au lendemain. On ne pouvait pas tout régler avec de la magie, des pouvoirs, une force ou quel que soit le nom qu’on leur donnait.

            Et pourtant.

Et pourtant, une toute petite voix au fin fond d’Iris lui murmurait qu’elle était intimement convaincue par les paroles de Ramsovu, que ces histoires lui étaient familières comme si elle les avait vécues dans une autre vie, comme si elle avait attendu durant les quinze premières années de son existence que cet homme habillé d’orange vienne la bouleverser. Et surtout, qu’elle savait très bien de qui elle descendait. Ce qu’elle cachait au fond d’elle-même.

            – L’Air.

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A.W. Zephyrus
Posté le 21/01/2023
"– Jure-le sur la Gibson."
On n'a définitivement pas les mêmes métriques. 😂

" Le cœur d’Iris eut un raté : elle savait qu’elle devait s’y attendre mais ce n’était pas quelque chose à laquelle on pouvait facilement s’habituer."
-->"[...]ce n'était pas une chose à laquelle on pouvait facilement s’habituer."

"Ils ont jeté leur dévolu sur les personnes les plus dignes d’agir en leur nom : quatre humains dont la lignée serait liée aux forces élémentaires à jamais. Quatre humains dont vous descendez chacun."
-->Ma main à couper que le quatrième c'est Max.........

Oh ! Coup de théâtre : je pensais qu'Iris serait le feu. Interesting...? Je suis curieux de voir en quoi elle matche avec l'élément.
Vincent Meriel
Posté le 13/11/2022
Bonjour,

Voilà un chapitre qui m'a donné plus de mal, bien que les points soulevés soient éminemment intéressants ! (La magie c'est cool, la magie avec un peu de Grecs c'est mieux ^^)

La réaction des personnages confrontés pour la première fois à de la magie semble plutôt cohérente (j'adore le premier balbutiement d'Iris, on y sent bien la confusion). (même si la partie sur la citronnade est peut-être de trop)

La coupure avec l'école évite trop de worldbuilding d'un coup, ce n'est pas mal.

Je vais laisser tomber le style pour ce chapitre du coup (il pourrait être surement un peu plus fluide, mais ça va) et essayer de me concentrer sur les points qui m'ont vraiment posé problème pour la lecture ou la compréhension.

- Il y a un étrange décalage de marge dans les premiers dialogues (jusqu'à ce que iris appelle sa mère). Ce n'est "que" de la mise en page, mais cela complique la lecture.

- "Il appartenait à un homme entre deux âges au-dessus du crâne chauve" => "au crâne chauve" ou même "un homme chauve entre deux âges" serait plus compréhensible.

- "– Il essaye de nous dire quelque chose, déclara Thomas d’une voix blanche. Je crois." => Il faudrait mettre le "je crois" au début, ou le retirer, mais ici il alourdit pour rien.

- "Les deux filles le fixèrent d’un air apeuré lorsqu’il s’approcha du miroir et doucement, y colla presque sa figure." => Le "deux" est inutile, il n'y a que deux filles. Je pense que le doucement et surtout sa virgule, nuisent à la fluidité du passage.

- " Le sourire de l’homme s’agrandit et sa bouche remua de plus en plus vite quand Thomas avança son poing." => Je ne vois pas trop ce qu'exprime sa bouche bougeant plus vite, je pense que " Le sourire de l’homme s’agrandit quand Thomas avança son poing." est déjà très clair.

- "Mon histoire remonte à des millénaires, le jour de la formation de l’Univers." => à moins qu'on se place sur un point de vue chrétien, la formation de l'univers remonte à bien plus que "des millénaires". Je pense que " Mon histoire remonte à la formation de l’Univers." suffirait.

- "de forces dans la nature" => Je crois qu'il s'agirait plutôt de force "de" la nature ? Le terme nature en soit est un peu étrange en emploi lors de la création de l'univers et qu'il n'y a du coup pas encore de "nature". (élémentaire, utilisé plus bas me semble plus clair)

- "Ils sont immuables, éternels et changeants" => Je vois l'éternel, mais à la fois immuables et changeants, j'ai du mal.

- " se sont modulés pour former des planètes notamment la Terre, qui fait partie de votre monde." => Je ne suis pas sûr du sens de modulé, "agrégés" ou "assemblés" me semble plus logique. Je ne suis pas sûr de l'intérêt de la dernière partie, la Terre c'est normalement bien leur monde.

- Je ne comprends pas l'intérêt du sanctuaire des Quatre Éléments dans le maintien de l'harmonie sur Terre.

- Je suis un peu perdu sur l'Aether, car je ne vois pas comment il permet aux gens d'y vivre si c'est le mélange spécifique sur Terre qui le permet.

- "– Iris ! s’écria alors Elia. Elle désignait quelque chose derrière son épaule." => Ils s'attendent au retour de Ramsovu, du coup cela parait étrange qu'elle crie. Elle pourrait à la limite "s'exclamer".

- "Ces quatre premiers Éléments reçurent en eux un pouvoir qui les connecta avec une Force élémentaire" => Si je comprends bien ici on parle d'humain, je ne sais pas pourquoi le terme "Elements" est utilisé du coup. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un titre honorifique, mais ce n'est pas clair.

- "Cependant, seuls les Quatre Éléments peuvent passer de l’Aer à l’Aether" => le cependant, m'a induit en erreur avant plusieurs relectures. Un "Comme seuls les Quatre Éléments..." éviterait peut-être la confusion.

- "c’est leur rôle de conduire ces habitants choisis par l’une des Forces" => l'utilisation du présent me perturbe, je ne comprends pas si ce fut leur rôle lorsque les force élementaires confièrent leur pouvoir, ou si c'est encore leur rôle (et donc qu'il n'y a pas que des descendants des premiers en Aether).

- C'est assez peu standard que les Quatre Éléments sont à la fois des dirigeants et des personnes absentes en tant de paix. J'aime bien l'idée et ça ne bloque pas la compréhension, mais j'espère qu'on en saura davantage plus tard.

- La façon qu'à Ramsovu d'éluder la question du quatrième élément n'a rien de rassurant. Il pourrait le faire plus subtilement ou ne rien en dire, mais il risque juste de déclencher une panique là. (bien qu'il pique aussi ma curiosité ^^)

Voilà pour la compréhension, je suis désolé cela fait beaucoup, mais j'ai vraiment du relire très attentivement le texte pour comprendre les implications de chaque chose.

La bonne nouvelle de mon côté, c'est que maintenant que j'ai mon diplôme en Aether, je vais pouvoir lire la suite :P

À bientôt.
Lau_doria
Posté le 14/11/2022
Bonjour!

Le diplôme en Aether se mérite, apparemment! Je te remercie pour cette analyse complète. Ce chapitre est une clef de l'univers du livre, c'est donc important qu'il soit très clair. Je me rends compte que ce n'est pas trop le cas!

Oui, le terme "Elément" est un titre pour des humains. Il y en a eu plusieurs générations jusqu'à aujourd'hui (d'où l'emploi du présent de vérité générale).

La "Nature" c'est un peu l'assemblage de tout ce que les éléments constituent. La vie, mais aussi la planète, les minéraux, tout ça.

L'intérêt d'Aether, c'est le maintien de l'équilibre entre les forces élémentaires qui s'expriment aussi sur Terre. Ceux qui y vivent ont la capacité de voir et contrôler ces forces, dans une certaine mesure. Ces habitants ne sont pas les descendants des Quatre. Ils ont juste un peu de leur pouvoir en eux.

Bien sûr, nous allons en apprendre plus sur ce quatrième élément!

Penses-tu que ce chapitre est trop dense au niveau des informations? Ou que je dois simplement le clarifier?

Merci encore et bonne lecture!
Vincent Meriel
Posté le 15/11/2022
Bonjour,
Je ne pense pas qu'il soit trop dense, d'autant que les informations sont pertinentes pour comprendre l'Aether.
Les clarifier devraient suffire, peut-être même en mettant un peu trop d'informations au début puis en retirant le superflue.
Bon courage !
Lau_doria
Posté le 15/11/2022
Merci du conseil, à bientôt !
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