5 - Ingénuité

Par Dae

Quelque temps plus tard, son choix arrêté quant aux modalités de la réalisation de son contrat, la jeune femme endossa de nouveau son rôle d’ingénue. Elle attendit que le jeune homme se rende, comme il le faisait parfois, au pavillon de chasse familial. Il semblait aimer s’y isoler de la bonne société qui l’insupportait. Parée de ses plus jolis atours, Maëlle frappa timidement à sa porte. N’obtenant nulle réponse, la séduisante jeune femme réitéra son geste plus lourdement. La porte s’ouvrit.

« Oui ? » répondit l’homme un peu abruptement.

Maëlle qui excellait dans son rôle, poussa un petit cri de surprise à l’ouverture brutale de la porte.

« Oh, par….pardonnez mon inopportune présence. Mais je n’ai d’autre choix que de quérir votre aide.

- Comment ? »

L’ingénue recula d’un pas à l’accueil peu engageant du jeune homme qui se radoucit à la crainte visible qu’il avait provoquée sur le visage de l’inconnue.

« Veuillez m’excuser, Mademoiselle. La surprise de trouver une âme en ces lieux m’a fait perdre mes bonnes manières. Il est bien évident que je vous porterai assistance.

- Je vous en remercie par avance, Monsieur » murmura-t-elle appuyant l’effet de battements de cils.

« En quoi puis-je vous aider, Mademoiselle ?

- Je suis venue en cette charmante forêt en compagnie d’amis. Ma distraction habituelle m’a éloigné d’eux et je n’ai malheureusement pas été capable de les retrouver lorsque je me rendis compte de ma déplaisante situation. Je tourne depuis quelques heures sans entrevoir l’espoir de reconnaitre de quelque manière que ce soit le lieu d’où je viens. Ayant trouvé votre maisonnette, j’ai osé y frapper avec le faible espoir que quelqu’un puisse m’ouvrir.

- Je comprends votre désarroi. Mais entrez, je vous prie. Vous pourrez vous rafraichir un instant,

- Avec joie, Monsieur » profita-t-elle de l’invitation.

L’intérieur était sobre et confortable. Un sofa et deux fauteuils entouraient une table basse en chêne. Le jeune homme invita Maëlle à s’installer dans l’un des sièges pendant qu’il ramenait deux verres et une bouteille d’un liquide ambré.

« Tenez, ce cognac vous aidera à reprendre des couleurs » dit-il en lui tendant l’un des verres empli du breuvage.

Les arômes pénétrants de l’alcool s’insinuaient dans ses narines alors que la femme ingurgitait le nectar. Ce dernier était un peu râpeux, mais nullement déplaisant au contact du palais. Maëlle sourit de gratitude. L’homme lui rendit son sourire. Une douce chaleur envahit la jeune femme sous les effets conjugués de l’alcool et du regard pénétrant du bel inconnu. Il avait les yeux d’une telle profondeur, d’une couleur irréelle, un bleu gris translucide. Elle ne s’en rendait compte que maintenant. Une étrange sensation naissait chez la prédatrice qui allait à l’encontre de tout ce qu’elle était. Maëlle se secoua intérieurement, repensant au contrat et ce pourquoi elle était venue en ces lieux. Pourtant, il régnait une atmosphère inhabituelle. Aucune de ses victimes n’avait fait naitre cette curieuse sensation. Elle aurait bien le temps d’y penser plus tard. La professionnelle qu’elle était porta à nouveau le verre à ses lèvres sous le regard toujours souriant de son hôte. La chaleur grandissait en elle faisant monter le feu à ses joues et une gaucherie inhabituelle dans ses gestes.

Me voici bien maladroite soudainement ! C’est étrange, constata-t-elle.

« Je suis bien aise de vous rencontrer enfin, chère amie. »

Le discours de l’homme avait soudainement changé de ton. Maëlle ne comprenait pas.

« Je sais que la lourdeur que vous commencez à ressentir à cet instant doit vous paraître bien inconfortable, mais permettez-moi de vous éclairer. Je n’avais que ce seul recours pour me prémunir de vos charmantes habitudes. Il y a de cela deux semaines, vous avez été engagé pour me faire passer de vie à trépas. Je suis parfaitement au courant, étant moi-même l’instigateur de cette demande. Pardonnez le moyen, mais il m’est apparu comme le plus commode pour permettre cette rencontre.

- Vous… Vous m’avez droguée ! s’exclama-t-elle.

- Bien évidemment, chère amie » répliqua-t-il, un brin déçu par le manque d’imagination de son invitée. Les yeux de l’homme si limpides exprimaient une telle innocence à cet instant. Elle comprit enfin ce qu’elle avait manqué.

« Vous êtes comme moi… »

L’homme sourit, ses yeux s’animant d’un feu incontrôlable. Il s’approcha d’elle, doucement, lui prenant la main, la baisant et lui murmura dans un souffle.

« Je le suis … »

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Akiria
Posté le 30/07/2023
Alors je dirai qu'elle n'a que ce qu'elle mérite, mais de savoir que cet homme est comme elle, ça laisse penser qu'il a fait lui aussi du mal à des innocents.
En tout cas, j'ai apprécié ma lecture, sa fin tragique est pour moi une happy end lol même si j'aurais aimé que ce type soit Jérémy, qui a réussi à s'en sortir et qui revient se venger. Prévisible peut-être.
Merci pour cette nouvelle.
Je profite aussi pour dire que la couverture est très belle 😊
Dae
Posté le 31/07/2023
Merci beaucoup de ce commentaire de fin.
Cette nouvelle faisait partie d'un ensemble dont le thème était les monstres. Ici le monstre en question se cachait derrière un masque d'ingénue. J'aime beaucoup surprendre.
Pour la couverture, il s'agit d'une photo libre de droit de Pexels dont l'auteur est Zayceva Tatiana.
Un peu de magie avec Photoshop et voilà le résultat.
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