4 - Délivrance

Par Dae

Un râle tira Maëlle de ses songes. Cela allait bientôt être fini. Le bras gonflé avait viré au noir. La peau se craquelait sous l’action des dévoreurs de chair, ces créatures qui condamnaient toute victime de leur piqûre. La scène devant ses yeux s’était transformée. L’homme attaché à une chaise n’avait même plus conscience de celle qui lui avait infligé cette torture. Car il ne s’agissait plus de Jérémy devant elle. Les années avaient passé. Elle était devenue une belle jeune femme qui respirait la joie, une joie sauvage, inquiétante parfois. Pourvue d’un physique des plus séduisants, elle maniait avec habileté l’ingénuité à son profit pour amener ses proies masculines dans son antre. Elle avait alors tout le loisir de profiter des jours de leur calvaire.

Elle adorait cette façon d’infliger la mort, lente, douloureuse. Elle en avait fait sa spécialité,  son métier. Et quel métier, celui d’infliger mort et souffrances. D’ailleurs, ses concurrents l’avaient surnommée Maëlle, la cruelle. Elle ne cherchait pas à comprendre pourquoi elle aimait tant cela. Elle l’avait accepté et profitait de chacune de ses « sessions » comme elle avait surnommé ces périodes infâmes. Elle irradiait de bonheur face au spectacle qui avait lieu sous ses yeux. Voir cette peau gonfler, devinant le grouillement des insectes sous celle-ci. Les craquelures sur le torse nu ondulaient sous l’effet des parasites qui cherchaient à sortir. Bientôt ils perforeraient la dernière barrière, après s’être nourri des chairs, déchiquetant vif leur hôte. Son contrat, un obscur politicien, avait été particulièrement plaisant par ses râles. Le monde des politiciens, un monde inépuisable de clients. Peu intéressée par les méandres de ce monde-là, elle profitait néanmoins de leurs jeux et coups en traître afin d’en écarter les gêneurs.

Le moment de la délivrance approchait. Elle reconnaissait les prémices, ces déchirures sanglantes sur la peau nue de sa victime. Ils allaient enfin naître. Souriante, elle s’installa confortablement afin de mieux pouvoir contempler le travail de ses petits. Un témoin de la scène aurait été glacé d’effroi à l’air maternel qui se peignait sur son visage…

Un nouveau contrat.

Maëlle jubilait. Elle venait tout juste de découvrir dans sa cache secrète un nouveau message. Elle allait pouvoir de nouveau se laisser aller à son atroce penchant. À la lecture de la missive, sa future proie était un homme, un inconnu pour elle. Il n’y avait que son nom, étrange. Habituellement ses clients donnaient moult détails sur le sort de leur ennemi désigné. Avec le pli mortel avait été joint le double de ses gages habituels. Elle était donc libre de la méthode et aucune contrainte de temps n’avait été donnée. Il s’agissait d’une journée comme elle les aimait. La traque allait débuter.

Ses informations prises, elle dénicha l’hôtel particulier de sa cible. Comme à son habitude, la tueuse professionnelle commença par observer sa future victime, afin de pouvoir utiliser à son propre avantage les habitudes de celle-ci. Chaque détail comptait dans son métier pour assurer son anonymat et sa sécurité. Cette fois-ci, l’objet de sa chasse ne faisait pas partie du monde politique. Il n’était qu’un inconnu, un jeune homme élégant. Il était de ces jeunes célibataires séduisants au vu de l’effet qu’il provoquait au contact des demoiselles en quête d’époux. De ses premières constatations, elle avait déduit que sa future victime avait une vie bien tranquille pour un homme seul. Il n’avait aucune liaison secrète, ni aucun vice inavouable. Il semblait même éviter le contact humain. La vie de sa proie apparaissait à Maëlle d’un ennui mortel. Pourtant, un quelque chose d’intrigant l’interpellait sans qu’elle arrive à mettre le doigt dessus.

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