Depuis quelques instants, Sofia avait l’impression d’avoir reçu un coup de massue sur la tête.
« Mais…Qu’est-ce que tout cela signifiait… ? » pensa Sofia.
Son père, lui cachait un secret ? Jamais elle n’aurait pu imaginer cela.
Quelle était cette vérité qu’il redoutait tant de lui révéler ? Une vérité si terrifiante au point qu’il l’avait dissimulé à sa propre fille et qu’il suppliait quelqu’un d’autre de l’avouer à celle-ci. Et quel était le lien avec la Collecte de la Générosité ? En quoi la perspective de se rendre à cette œuvre de charité de Chesbury lui avait donné l’impression d’être au pied du mur ? Sofia s’y était rendue tous les ans depuis toute petite et pourtant, jamais cela n’avait causé la moindre crainte à son père. Alors pourquoi était-ce le cas cette année ?v
D’une main tremblante, Sofia saisit une autre des feuilles. Il y était écrit la même chose que ce qu’elle venait de lire mais avec des tournures de phrases différentes. Elle en prit une autre. Puis une autre. Sur toutes ces feuilles étaient consignées les mêmes craintes de son père mais à chaque fois formulées d’une autre manière, accompagnées de ratures et de coquilles. De toute évidence, il s’agissait de brouillons. Son père s’était tellement rendu malade au sujet de cette histoire qu’il avait passé des heures à rédiger ces ébauches de lettres afin de trouver la meilleure façon possible pour convaincre ce mystérieux correspondant de raconter à sa fille les pénibles révélations auxquelles il faisait allusion. Mais de quoi s’agissait-il ? Et qui était cette personne à qui il demandait cette faveur ?
Sofia compulsa les feuilles, à la recherche d’un indice mais aucune d’entre elles ne portait de traces de l’abominable vérité dont faisait mention son père. Ni d’indication sur l’identité ou l’adresse de la personne à laquelle il formulait sa demande désespérée.
Tandis qu’elle continuait de tourner les brouillons avec précipitation, une légère douleur s’éveilla au niveau de son index. Elle venait de se couper le doigt avec une des feuilles. Elle déposa ces dernières sur le bureau et appuya sur la phalange endolorie pour faire compression. C’est là que, juste à côté de ces feuilles, elle trouva une boite entamée. Son père ayant été médecin, elle reconnaissait d’emblée certains médicaments. De la digitaline. Un médicament pour soulager des problèmes cardiaques.
Sofia se tétanisa et craignit de comprendre. Et si c’était l’angoisse que lui avait procuré toute cette histoire qui avait finalement conduit son père à avoir la crise cardiaque ayant abrégé sa vie ? Ce dernier le disait lui-même dans sa lettre « Ces pensées jouent des vilains tours à mon cœur »
Elle en était profondément bouleversée…
Puis Sofia s’aperçut que cela faisait plus d’une vingtaine de minutes qu’elle était montée dans la chambre, abandonnant les deux hommes à qui elle avait pourtant dit qu’elle ne faisait que monter sa valise.
Mais au fait…Et si la personne à qui son père avait demandé de révéler cette mystérieuse vérité à sa fille était justement l’un de ces deux hommes ? Et s’il s’agissait de Jerry Jaw ? Lui qui avait rencontré les parents de Sofia à l’époque où ces derniers habitaient encore à Londres, c’est-à-dire bien avant la naissance de cette dernière. De plus, Jaw avait l’air anxieux lorsqu’il avait posé les yeux sur Sofia. Sans parler du « Je ne sais pas quoi faire, j’hésite. Que feriez-vous à ma place ? » qu’il avait adressé à son collègue… Faisait-il fait mention à cela ? Avait-il fini par accepter de se charger de livrer cette vérité à Sofia après avoir appris la mort de son père ?
Sofia devait en avoir le cœur net.
Elle sortit de la pièce, descendit les escaliers et se dirigea dans la cuisine. Elle ouvrit le robinet, passa un peu d’eau sur ses yeux afin d’atténuer le plus possible les traces de ses récentes larmes. Une fois cela fait, elle prépara trois tasses de thé qu’elle disposa sur un plateau en métal argenté accompagné de biscuits et de napperons puis se rendit dans le living. Sofia s’excusa auprès des deux hommes au sujet de son absence, prétendant qu’elle avait eu certaines choses à faire. Chacun s’assit ensuite dans un fauteuil autour de la petite table basse en bois doré.
-Mr Jaw, si je puis me permettre, dans quelles circonstances avez-vous connu mon père ? demanda Sofia tout en lui tendant une tasse de thé d’où s’échappait de la vapeur.
Le malaise de Jaw devint tout de suite palpable.
-Merci…, dit-il en saisissant la tasse. Eh bien…C’est compliqué…
Il avait le regard légèrement fuyant.
Sofia en était maintenant convaincue. C’était lui à qui son père avait chargé de transmettre à sa fille la redoutable révélation. Mais Jaw semblait réticent à l’idée de parler. Peut-être avait-il fini par se rétracter à la dernière seconde. Elle allait devoir s’y prendre autrement pour lui tirer les vers du nez. Elle tenta un coup de bluff.
-Vous savez, avant de mourir, mon père m’a parlé de…de quelque chose qui s’est produit il y a vingt-sept ans… Il m’a dit qu’il n’avait jamais osé m’en faire part jusqu’à présent car ça avait été trop difficile pour lui.
-Oh, alors il vous a tout avoué ? demanda Jaw, surpris.
-Oui…
-Je comprends qu’il ne soit jamais parvenu à vous raconter cette histoire… Il faut dire que ce n’est pas rien…
-En effet…, se contenta-t-elle de répondre, espérant que Jaw en dirait plus de lui-même.
-Vous savez Miss Snow, il ne faut pas lui en vouloir. En ne vous révélant rien, il a souhaité vous préserver. C’était un secret lourd à porter. Vous imaginez, un drame qui secoue le pays entier…
L’appréhension de Sofia se mua en terreur.
-Quoi ? Le pays entier ? Qu’est-ce qui a secoué le pays entier ?
La surprise redoubla dans le regard de Jaw. Il ne comprenait pas sa réaction.
-Eh bien…vous savez…Le Jour de l’Explosion…
Sofia eu l’impression que son cœur allait s’arrêter.
-Le Jour de l’Explosion ? paniqua-t-elle. Mon père a quelque chose à voir avec le Jour de l’Explosion ?
Elle déposa à la va-vite sa tasse sur la petite table basse, renversant maladroitement du thé sur celle-ci dans un tintement aigu et fixa Jaw. En une fraction de seconde, une chaleur de terreur engloutit Sofia d’une traite, son cœur battant à tout rompre. Jaw quant à lui était complètement perdu.
-Mais…je…je croyais que votre père vous en avez parl…
-J’ai menti ! J’ai dit ça pour vous vous faire cracher le morceau. J’ai découvert une lettre de mon père où il parlait d’une vérité qu’il n’osait pas m’avouer sans mentionner de quoi il s’agissait. Et maintenant, vous allez tout me dire.
Elle était comme une bombe dégoupillée, prête à exploser à la moindre seconde. Jaw se sentit piégé, plus mal à l’aise que jamais.
-Miss Snow…, dit-il en déposant délicatement sa tasse sur la table basse, je ne crois pas que ce soit une bonne idée…
-Désolée Mr Jaw, mais je ne vous demande pas si c’est une bonne idée !
-Je ne tiens pas à vous l’annoncer moi-même. Ce n’est pas mon rôle…Il vaudrait mieux que ce soit quelqu’un de votre famille qui…
A bout de nerfs, Sofia se redressa d’une traite et la bombe explosa.
-Mon père vient de mourir ! Ma mère est morte quand j’avais un mois et ma tante quand j’avais deux ans ! Je n’ai plus de nouvelles de mon oncle depuis des années et je n’ai jamais connu mes grands-parents ! Je n’ai plus de famille ! Je n’ai plus que mon cousin et il n’est pas plus au courant que moi de toute cette histoire ! Alors maintenant je vais vous le redemander une dernière fois, dites-moi ce qu’il s’est passé !
Elle avait hurlé ces mots avec tant de désespoir. Ses yeux emplis de larmes brillaient d’un rouge vif. Jaw et Jameson étaient tout aussi chamboulés que déstabilisés par la réaction de Sofia. Ils ne savaient plus où se mettre, ni quoi dire ni quoi faire.
-Miss Snow…, dit Jaw, embarrassé. Etes-vous vraiment sûre que…
-PARLEZ !
-Très bien, très bien, dit-il doucement en dressant les paumes de ses mains vers Sofia. Je vais tout vous expliquer. Mais je préfère vous prévenir Miss Snow, ce n’est pas le genre de révélation…facile à entendre…
Depuis quelques secondes, l’imagination de Sofia s’était enflammée, échafaudant toutes sortes d’hypothèses possibles et imaginables au sujet du lien que son père pouvait avoir avec le Jour de l’Explosion. Calmement, elle se rassit et prit quelques instants pour dompter les battements de son cœur qui martelaient sa poitrine.
-Est-ce que mon père a couvert le coupable du Jour de l’Explosion ? demanda Sofia d’une voix qu’elle s’efforçait de maîtriser.
-Eh bien…
-Oh non, non…Ne me dites rien…Je ne veux rien savoir…Si dites-moi…Non…
Sofia était désespérée. De toute évidence, cette nouvelle allait lui déchirer le cœur. Il était déjà suffisamment en miettes, avait-il besoin qu’on l’achève davantage ?
Mais c’était plus fort qu’elle. Elle devait savoir.
-Maintenant dites-moi tout. Tout. Qu’a fait mon père ? Et ne m’épargnez aucun détail.
Jaw se rassit. Les mains jointes l’une à l’autre sur ses genoux, il réfléchissait de toute évidence à la manière la plus euphémique de raconter à Sofia ce qu’elle voulait savoir.
-Eh bien…En vérité Miss Snow…Ce n’est pas votre père qui est impliqué dans le Jour de l’Explosion. C’est votre mère.
-Ma…Ma mère ?
-Oui…Il y a vingt-sept ans, elle a été accusée d’être l’instigatrice de l’attentat du Jour de l’Explosion.
Est-ce que le "il" du prologue était son père, j'ai l'impression qu'il manque un wagon ?
Sur les cinq premiers chapitres + prologue, mon constat est que l'écriture est fluide. Petit bémol pour le premier qui a failli m'assommer. Que ça soit dans la longueur ou la quantité de détail sur l'univers. N'étant pas familier avec la reine Victoria, ou Londres, c'était chaud et cela m'a demandé plusieurs relectures.
Avis purement subjectif, j'aurais préféré que l'histoire commence par la révélation, et que les chapitres suivants soient cousus autour. Un peu comme un tableau d'enquête, où tous les fils sont reliés à la victime au début, puis s'étoffent.
J'ai lu avec plaisir ce nouveau chapitre.
Petit passage que j'ai particulièrement aimé : "Son père s’était tellement rendu malade au sujet de cette histoire qu’il avait passé des heures à rédiger ces ébauches de lettres afin de trouver la meilleure façon possible pour convaincre ce mystérieux correspondant..." -> très bien ce passage, très visuel, ça apporte un gros plus au passage.
Je souligne une phrase qui au contraire m'a paru flou, je pense que tu t'es emmêlé les pinceaux :
"Faisait-il fait mention à cela ?"
J'aime bien le rythme assez rapide du chapitre. C'est peut-être un peu facile que la révélation arrive si vite, que par chance, deux personnages ayant parfaitement connaissance d'un secret gardé depuis vingt-sept ans attendent comme par hasard dans son salon alors qu'elle découvre à l'instant même qu'il y a un secret, mais ça reste intéressant et ouvre sur autre chose (j'imagine que ce sera lié à quelque chose de plus gros). Je suis curieuse de la suite tout de même.
À bientôt.