Le conseiller Hiver les congédia sans ménagement, non sans avoir prit Nour dans bras. Juste un instant, mais un instant qui plongea Madame Fi et Mademoiselle Izencourt dans une perplexité totale, Méroé dans l'incompréhension, Oren dans le dégôut et Nour dans la stupeur. Elle resta un moment derrière la porte du bureau, complétement sonnée.
– Avance petite, j'ai un prisonnier à aller voir, fit sèchement Méroé.
– Mais, il vient de dire que je ne retourneras jamais chez moi, c'est pas possible. Je dois rentrer, je veux revoir mon père.
– Tu es vivante et visiblement ton père aussi, alors de quoi te plains-tu ? Rejouis-toi, ton sort aurait pu être tout autre. L'annonce de ton arrivée va bouleverser toute la population, je te conseille de te montrer discrète, je t'aurais à l'oeil. Malgré l'entouthiasme du conseiller je ne crois pas à ton histoire et quand j'aurais prouver que tu mens je t'enverrai au cachot. Maintenant, trouve une âme charitable pour t'héberger, demain tu iras à l'école où tu rencontreras la petite-fille du conseiller.
Méroé les laissa sur la passerelle à l'entrée d'Epoké. Nour avait le moral dans les chaussettes. Oren tenta de la réconforter.
– Tu aurais dû voir ta tête quand le conseiller t'a fait un calin, fit-il avant de s'exclaffer.
– Mais pourquoi il a fait ça, c'était …. beurk.
– Je confirme. Son changement de comportement était assez bizarre, je me demande pourquoi.
Nour aussi se demanda pourquoi un tel revirement, était-ce après que Madame Fi eut confirmer qu'elle venait de Terra, à moins que ce ne soit quand elle avait montrer le médaillon, elle ne savait plus.
– Si tu as pu venir dans notre monde, tu pourras repartir, j'en suis certain. C'est logique. Tu veux bien dormir chez moi ce soir, et tous les autres soirs ?
– Ce serait super, répondit Nour qui commençait effectivement à s'inquiéter. Ta famille sera d'accord ?
– Il n'y a que mon père et moi, il sera très content d'avoir une invitée comme toi.
Oren ne vivait pas à Epoké, mais dans un charmant hameau, bourgade de chaumières aux toits fumants où toutes les maisons en pierre, aux beaux jardins bien entretenus, se ressemblaient. Celle d'Oren était chaleureuse, les murs étaient peints à la chaux, des fauteuils en bois tortueux trônaient près de la cheminée, sur un très grand tapis en laine bouclée de mouton.
— Je crois pas que mon père soit encore rentré. Papa ? Papa ? l'appella-t-il, mais seul le silence lui répondit.
Un coucou, accroché sur un mur, fit sursauter Nour. Un petit oiseau rouge en sortit et piailla de façon mécanique et agaçante.
– Ah, c'est l'heure du goûter. Installe-toi, je vais nous préparer quelque chose, tu veux bien ?
— Oui merci, j'ai faim.
Nour se retrouva seule dans le salon. Le silence emplit de nouveau la pièce. Ici, on n'entendait pas les voisins de l'appartement du dessus se chamailler, ni l'ascenseur. Elle jeta son dévolu sur un des fauteuils, retira son sweat avant de regarder autour d'elle, et décida finalement de le garder sur ses genoux.
Quand elle se réveilla, deux visages étaient penchés au-dessus d'elle.
– Eh ben, t'avais du sommeil en retard, on dirait, commenta Oren. Ca s'est mon père, tu peux l'appeler Elias.
Encore assoupie, Nour se redressa et mit quelques secondes à réaliser où elle se trouvait.
Mince, c'était pas un rêve.
Monsieur Tannen ressemblait à son fils, l’embonpoint en moins. Il était assez grand et fort, barbe et cheveux hirsutes, la voix grave et le regard rieur.
– Je suis désolée de vous déranger, fit Nour en se redressant sur le canapé.
— Ce n'est absolument pas le cas, répondit Elias. C'est une histoire assez extraordinaire qu'Oren m'a raconté.
— C'est vrai qu'on trouve pas une terrayenne tous les jours, commenta fièrement Oren en désignant Nour avec ses mains, comme si elle était une récompense qu'il aurait gagné à la fête foraine.
— Oui Oren, tu as accompli là un exploit remarquable, se moqua le père. Nour, tu es la bienvenue parmi nous, aussi longtemps que cela sera nécessaire. Oren, tu veux bien montrer lui ta chambre pendant que je prépare le dîner.
La pièce, bien plus vaste que celle de Nour, était pleine de jouets et de maquettes de bateaux, d'oiseaux. Il y avait de beaux rideaux, un tapis, un vaste bureau et des piles de livres un peu partout en plus de ceux sur les étagères sur les murs. L'atmosphère douillette invitait au repos.
— Je suis bien content, avoua Oren en s'asseyant sur son lit. J'admire ton calme, si je m'étais retrouvé en Terra je crois que je serais terrorisé.
Mais, ELLE AVAIT PEUR, elle était pétrifiée, liquéfiée. Elle était dans un monde parallèle, elle allait dormir chez des inconnus, elle irait dans une nouvelle école, c'était terrifiant.
– Tu as peut-être des cousins ici, des grand-parents. Peut-être que je les connais, fit Oren pour lui, étonné à l'idée de cette persperctive.
Sa mère avait-elle de la famille dans ce monde ? D'où lui venait le médaillon ? C'était peut-être une piste. Elle devait avertir son père que ce lieu existait, il devait être tellement inquiet.
Le coucou du souper sonna bientôt, et ils précipitèrent dans la cuisine. Oren disposa différents plats sur la table, Nour reconnu de la soupe fumante, des petits pains, du riz, des fraises, mais aussi des légumes qu'elle n'avait jamais vus auparavant ainsi que des poissons frits qui semblaient avoir des ailes. Elle mourait de faim. Au cours du repas, elle se détendit un peu et mangea de bon coeur. Oren et son père se racontèrent leur journée respective, et tous les deux furent très curieux concernant les us et coutumes de Terra. Nour parla beaucoup, et tous les trois rirent souvent de bon coeur.
— Oh, mais j'y pense, sais-tu dans quel monde tu te trouves ? demanda Elias.
— Oui, Doradéa. Et l'île c'est Epoké, répondit-elle fièrement.
— Bonne mémoire Nour, fit Oren. Notre pays se nomme An Domhan. Doradéa se divise en trois zones, An Domhan compte une dizaine de petites villes, presque toutes situées en bord de mer. Les elfes vivent de l'autre côté. Ils habitent ce monde depuis des millénaires et ne viennent presque jamais chez nous, moi j'aimerais trop y aller. Les dragons vivent dans la dernière zone, la plupart du temps, sauf quand.... Enfin tu sais.
Comment oublié ce moment où un dragon avait piqué sur elle.
—Vous avez eu beaucoup de chance aujoud'hui, dit Elias l'air sérieux. Ces attaques sont de plus en plus fréquentes, j'en ignore la cause mais cela m'inquiète. Je crains que quelqu'un manipule certaines de ces bêtes.
– Qui papa ?
– Je ne sais pas Oren, mais certainement une personne qui veut semer le chaos et créer la discorde entre les hommes et les elfes. Les elfes aiment profondément les dragons, ils y ont vus leurs âmes sœurs. Ce sont grâce à eux que les elfes ont acceptés, je devrais dire tolérer, Myrddin et ses compagnons. Enfin passons. Oren t-a-t-il parlé de son école ?
– Je sais juste que son nom est le Sanctuaire mais j'ignore pourquoi.
– Le Sanctuaire a été crée par Myrddin. A l'époque on y étudiait la psychokinésie, la télépathie et la physique quantique. De nos jours seuls l'astronomie, les mathématiques et l'herboristerie demeurent. Le Conseil a voulu que cette école soit réservée aux enfants des conseillers, des hauts magistrats, des gens d'armes. Dans ma famille, nous en sommes les gardiens depuis son ouverture. C'est pour cela qu'Oren a le droit d'y aller, même si j'aurais préféré autre chose.
Nour aida Oren à débarrasser la table, elle essuya la vaisselle tandis qu'Elias passait le balai.
– Il y a beaucoup de coucous chez vous, fit-elle quand un nouveau retentit.
– Ah oui, s'exclama Elias en riant. Oren est tête en l'air, et je rentre tard tous les soirs. Oren pourrait se laisser distraire par un papillon et oublier qu'il est dans sa propre maison. Les coucous sont là pour le rappeler à l'ordre.
– Oui, confirma Oren. Il y en a pour le réveil, le coucher, le goûter, les repas, le bain.
Nour se rendit compte qu'Oren et elle avait un point commun : la solitude, assumée, du moins en apparence.
À l'heure du coucher, et bien qu'elle soit confortablement installée sur un lit de camp à côté d'Oren, elle eut bien du mal à s'endormir. Elle ressassa la journée qui venait de s'écouler, l'immense lune, le dragon, la cruelle Méroé, Oren le sauveur. Que serait-elle devenue si elle ne l'avait rencontrer ?
Elle espéra qu'Azénor, sa petite-fille qu'elle devait voir le lendemain serait différente. Une boule se serra dans sa gorge quand elle pensa au lendemain, aux dizaines voire plus de regards curieux la dévisageant sans scrupule, tandis qu'elle virait au cramoisi ; aussi les moqueries, les insultes auquelles elle n'échapperait pas.
Après un long moment elle tomba enfin dans les bras de morphée, non sans avoir le cœur serré en songeant à son père. Comme il lui manquait.