Le vent salé fouettait le visage de Katy, elle ferma les yeux pour savourer l’air marin. Delphine, qui se tenait à ses côtés, l’imita.
Après un léger changement de trajectoire, le bateau filait avec un bon vent vers la Cocardie. Cela faisait trois jours qu’elle était sur le Briseur de Vagues. Elle osait réellement croire, désormais, que sa sauveuse ne préparait pas un piège. Elle se sentait gonflée d’espoir.
Il était prévu qu’ils arrivent au port du Poisson-Chien en fin d’après-midi.
— Ah ! Ce qu’il fait bon ! s’exclama Delphine.
Katy acquiesça.
— Dis, Katy, on restera amies, hein ? s’enquit la jeune fille blonde d’une voix tout d’un coup sérieuse.
Cette dernière sursauta, avant de la dévisager longuement. Amies, hein ? Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait plus entendu ce mot. Il sonnait comme un rire à ses oreilles. Katy acquiesça doucement, laissant naître sur son visage une expression émue.
— Chouette !
___
Comme prévu, en fin d’après-midi, les mouettes vinrent accueillir le Briseur de Vagues, ils ne tardèrent pas à apercevoir le port.
Katy rejoignit la cabine de Delphine, afin de ne pas risquer d’être vue par des personnes passant sur les quais. Marin s’arrangea avec une de ses connaissances pour qu’on la guide, une fois la nuit tombée, jusqu’à l’adresse de Théodorus Stew.
En attendant, les deux jeunes filles jouaient aux cartes à la lueur d’une lanterne. La Muette avait déjà perdu cinq parties, car elle ne connaissait pas ce jeu. D’après sa nouvelle amie, il s’agissait d’un divertissement que l’on trouvait uniquement sur les bateaux.
Soudain, des exclamations retentirent sur le pont, ainsi que des ordres.
Delphine sursauta tandis que la fugitive devenait livide. Elle connaissait bien cette langue, le bruit sourds des bottes sur le plancher. Un terrible pressentiment s’empara d’elle. Là où les Amaryens passaient, ils finissaient toujours par y avoir des cadavres.
Sa sauveuse aussi semblait inquiète, elle se leva d’un bond et sortit de la cabine en lançant :
— Je vais voir ce qu'il se passe !
Katy aurait voulu la retenir, lui dire de ne pas se précipiter dans la gueule du loup. Mais c’était trop tard.
Delphine revint rapidement, échevelée. Elle se précipita sur un tiroir d’où elle sortit une longue corde.
— C’est un contrôle, il vont venir fouiller partout. Ils vont te trouver ! Tu dois fuir !
Elle accrocha le bout de la corde à sa table de chevet (qui était soudée au navire), et lança le reste à travers son hublot.
— Allez dépêche-toi ! Vite ! Sers-toi de la corde pour descendre et nage jusqu’au quai !
Katy s’exécuta et passa les jambes par l’ouverture. Mais l’écoutille était très petite et la jeune fille brune dut se contorsionner pour arriver à passer la moitié de son corps, pressée par son amie.
Les secondes s’étiraient, les minutes paraissaient infinies. Elle finit par passer les épaules et commença à descendre. Mais à cet instant, les Amaryens firent irruption dans la cabine.
Lorsqu’ils virent Katy qui essayait de s’enfuir, ils se précipitèrent sur elle. Delphine s’interposa alors.
Katy voulut lui crier de s’écarter, mais la jeune fille blonde se contenta d’un grand cri de trois mots.
— Pars ! Enfuis-toi !
Alors, un soldat sortit son couteau.
Delphine évita le premier coup.
Mais pas le deuxième.
La gorge tranchée, elle s’écroula sur le sol, dans un jet de sang.
Sans s’en rendre compte, Katy lâcha la corde et tomba dans l’eau saumâtre du port.
Elle sentit à peine le contact froid de la mer. Par réflexe, elle se maintint à la surface. Ses yeux étaient fixes et sa conscience éteinte.
Un hurlement de douleur se fit entendre sur le pont.
— DELPHINE !
Katy reconnut la voix de Marin. Ces cris furent comme un électrochoc pour la Muette. Elle se remit à penser.
— Sales monstres ! Je vais tous vous tuer ! rugit la voix.
S’ensuivirent des bruits d’affrontement, de lames et de coups de feu. Bientôt, les voix des autres marins rejoignirent celle de leur capitaine. La lutte était engagée sur le bateau.
Elle voulut pleurer, mais il n’y parvint pas. Elle nagea jusqu’au quai et se hissa à terre. Le combat opposant l’équipage et les Amaryens avait distrait les soldats qui gardaient l’entrée du port. Katy se faufila dans la foule bigarrée de la ville du Poisson-Chien, abandonnant lâchement ceux qui l’avaient aidée. Sauver sa peau, c’était ce qui comptait. Après tout, Delphine lui avait dit de s’enfuir. Il fallait qu’elle honore son sacrifice.
Elle chercha des yeux les noms de rues. Elle ne connaissait pas la ville, elle savait juste que Théodorus Stew habitait « 10 rue du Homard ». Cette adresse l’amusait, quand elle était petite. « 10 rue du Homard, dans la ville du Poisson-Chien. » C’était sans doute pour ça qu’elle l’avait retenue.
La fugitive traversa les bas-fonds de la ville autant que les beaux-quartiers. Elle passa devant des usines de métallurgie et de tissu. Perdue, elle repassa plusieurs fois au port, où se mêlaient les odeurs de sel et de poisson. Elle remarqua d’ailleurs que le Briseur de Vagues avait disparu.
Les Amaryens fouillaient la ville, mais elle les esquivait, allant tel un fantôme dans les rues mal famées.
Épuisée et meurtrie, elle aperçut enfin l’inscription « rue du Homard ». Soudain fébrile, elle parcourut la rue. Mais cette dernière n’était pas éclairée malgré la nuit qui était tombée, et elle n’arrivait pas à lire les numéros. Si elle sonnait à la mauvaise adresse, elle était presque sûre de se faire dénoncer. Désespérée, Katy finit par se laisser choir entre deux poubelles. Repliée en position foetale, seule au milieu des rats qui la regardaient avec curiosité.
Puis soudain, il y eut une cascade de lumière. Éblouie, elle leva les yeux vers la porte d’une vieille maison qui déversait un torrent de clarté. Une silhouette se dressait au milieu de la lumière, comme une divinité descendue du ciel.
— Tiens, fit l’apparition, mais que faites-vous ici mademoiselle ?
Lorsque les yeux de Katy se furent habitués à la luminosité, elle put voir l’homme qui la dominait. C’était un vieillard aux cheveux blancs hirsutes et aux rides profondes. De grande taille, il possédait un nez en bec d’aigle et portait une blouse blanche. Ses yeux opalins fixaient la jeune fille avec intérêt.
— Attends une minute… murmura-t-il.
Il braqua sur la rescapée une lampe à cristaux. Ses lèvres frémirent, ses prunelles brillèrent.
— Viens à l’intérieur, ordonna-t-il d’une voix inégale.
Comme un automate, Katy se leva et le suivit dans la maison. Elle n’osait pas y croire.
— Katy ? C’est bien toi ?
Elle acquiesça la tête, Théodorus Stew l’étreignit.
Petite remarque linguisitique :
-Elle accrocha le bout de la corde à sa table de chevet (qui était soudée au navire) => la parenthèse me semble inutile, elle met le discours sur un autre plan et indique que ce qui est dit n'est pas important, je pense qu'une virgule suffirait...
C'est un plaisir de te lire, en tout cas !
A bientôt !
Je suis assez d'accord pour les parenthèses ^^
Merci pour ta lecture et ton com' <3
Je vois ce que tu veux faire ! J'aime bien que ça gambade, chez toi, mais c'est vrai c'est à double tranchant : le lecteur risque de ne pas s'attacher si on n'a pas assez au niveau des sensations et des émotions. Après, ce n'est que mon avis, et ça dépend de ton projet, de ce que tu veux rendre, et tu fais ce que tu veux bien entendu :D d'autant que pour l'instant je n'ai lu qu'une toute petite partie de ton texte, donc tout est à relativiser ;)
A très vite !
Ouiiii merci <3