Katy se retourna vivement, le cœur emballé.
Une jeune fille un peu plus âgée qu’elle se tenait accroupie à un mètre de là, l’observant avec curiosité. Elle portait un pantalon marron et une chemise blanche d’homme, ses cheveux cuivrés alourdis de nombreux cristaux de sel.
Ses yeux bleus comme l’océan ne reflétaient pas d’agressivité, mais l’Alycienne restait tétanisée.
— Pourquoi tu fuis les soldats ? demanda la fille avec le ton qu’on emploierait pour dire « Il fait beau n’est-ce pas ? »
Comme Katy ne dit pas un mot, l’autre insista.
— Tu peux répondre tu sais, je ne te dénoncerai pas.
Jugeant qu’elle n’avait rien à perdre, la jeune fille désigna sa gorge du doigt et fit une croix avec ses mains.
— Ah je vois ! Tu es une Muette et tu t’es échappée.
Son interlocutrice hocha la tête.
— Bon…
Elle sembla réfléchir, puis se tourna vers Katy, une lueur joyeuse dans le regard.
— Tu vas venir avec moi. Je vais te cacher dans ma cabine. Demain, nous partons. Quand nous serons assez loin des côtes, je te ferai accepter de force par mon père. C’est le capitaine de ce bateau, Le Briseur de Vagues. Au fait, je m’appelle Delphine.
La Muette cligna plusieurs fois des yeux. Était-elle sincère ? Était-ce un piège ? De toute façon, elle n’avait pas vraiment le choix. Elle hocha la tête sans parvenir à sourire.
Delphine la guida jusqu’à une cabine individuelle, située au-dessus du pont principal.
— Alors, fit la jeune fille une fois qu’elle furent installées sur sa couchette. Écris-moi ton nom.
Elle lui tendit une feuille et une plume. L’Alycienne s’en saisit mais stoppa son geste à peine entamé. L’encre forma une auréole sombre autour de la plume. Elle se mit à trembler. Elle savait encore lire, mais elle n’avait pas écrit depuis plus de quatre ans.
— Ça ne va pas ? S’enquit Delphine.
Katy inspira profondément. Son nom, juste son nom. Elle savait l’écrire, ça. Elle traça difficilement Katy Pumbleton et rendit la feuille. Son écriture brouillonne était celle d’une enfant. À vrai dire, elle n’était même pas sûre que ce soit lisible.
— Eh bien, enchantée, Katy ! La rassura Delphine. Bon, on doit se coucher, si mon père voit que ma cabine est allumée, il viendra à coup sûr. Je vais m’allonger par terre, avec ce coussin ça ira.
« Non, non, ce n’est pas la peine ! C’est moi qui vais dormir par terre » s’exclama Katy avec des gestes précipités, mais Delphine lui répondit avec un large sourire :
— Non, j’insiste, la vie ne doit pas être facile pour toi, c’est tout naturel.
Katy hocha la tête, désarçonnée par tant de générosité.
Son hôte commença à se déshabiller sans aucune gêne ; après un instant d’hésitation, Katy l’imita. Delphine ouvrit de grands yeux quand elle vit les marques de fouet sur son dos et les bouts de tissus imbibés de sang sur ses bras.
— Mon dieu ! Fais-moi voir ça.
La Muette n’eut pas le temps de réagir, Delphine lui arracha ses sommaires pansements d’un coup sec.
— Mais c’est en voie d’infection ! Il faut absolument nettoyer ça ! Attends, j’ai une trousse de secours.
Katy se laissa faire, Delphine lui passa un baume sur le dos et des pansements avec du désinfectant sur les bras. Cela la soulagea beaucoup.
La jeune fille blonde lui prêta même une de ses chemise de nuit. Elles se couchèrent.
Katy n’avait pas aussi bien dormi depuis longtemps.
___
Le lendemain, elle fut réveillée par les bruit des pas des matelots qui se préparaient au départ. Elle vit que Delphine avait quitté la cabine.
Katy n’eut pas à l’attendre longtemps, car elle revint peu après son réveil, avec le petit-déjeuner.
— Mon père s’appelle Marin, oui, je sais, ce n’est pas très original, expliqua Delphine tout en mangeant, mais en fait, dans ma famille, on est marin de parent à enfant depuis des générations. Tu vois, moi je n’ai pas de nationalité par exemple, je descends rarement à terre. Je suis sur ce bateau, c’est ma maison. Ma mère, elle, était Alycienne, je dis « était » parce qu’elle est morte. Un jour de tempête, on a fait un empennage incontrôlé, et la baume l’a heurtée et l'a propulsée dans la mer. On n'a jamais retrouvé son corps.
Katy avait cessé de manger ; elle observa Delphine, qui parlait de la mort de sa mère avec tant de naturel. Elle n’osait même pas penser à la sienne.
— Bon ! Je t’ai dit les choses les plus importantes sur moi ! Maintenant à toi, tu vas écrire. Tu vas me dire où tu veux aller, et je demanderai à mon père de changer de route.
La Muette se retrouva de nouveau afce au bout de papier. Mais elle ne savait pas comment s’écrivait « Poisson-Chien », d’autant plus qu’il s’agissait de mots cocardiens. Piteuse, elle opta pour le dessin. Par chance elle se souvenait de la signification étrange du nom, qui la faisait rire quand elle était petite. Elle forma maladroitement un chien et un poisson sur le papier blanc.
Le visage de son interlocutrice s’illumina quand elle lut le papier.
— Tu as drôlement de la chance ! C’est sur notre chemin ! Enfin, pas tout à fait, mais je convaincrai mon père de faire un détour.
Elle redevint sérieuse.
— Tu as dû traverser des épreuves très dures. On dit que les Muets sont des prisonniers de guerre… c’est vrai ?
Sa voix était douce, chaleureuse. Pourtant Katy détourna sèchement la tête. Elle le regretta immédiatement en voyant les épaules de Delphine s’affaisser. Elle serra les poings. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas parler de sa famille. Au contraire, elle voulait faire vivre leur mémoire et ce paradis qu’elle avait perdu, raviver la chaleur de ses souvenirs lointains. Mais des lettres griffonnées maladroitement sur un bout de papier ne ferait jamais l’affaire, entre moins une tentative hideuse de dessin. Elle voulait parler de sa famille.
Delphine ne laissa pas le malaise perdurer et se redressa, joyeuse .
— Bon ! Je vais devoir te laisser, je dois aider pour les manoeuvres ! Je te retrouve dans une heure, tu vas te cacher jusqu’à demain, d’accord ?
Katy hocha la tête, les lèves tremblantes.
— Super ! Je reviens te tenir compagnie, désolée de te garder enfermée. Préviens-moi si tu as le mal de mer !
Elle sortit, tout sourire
Katy se recroquevilla sur la couchette. Une sensation étrange, presque douloureuse, vint chatouiller le fond de ses yeux. Elle réalisa avec un temps de retard qu’il s’agissait de larmes. Elle n’en avait pas verser une seule depuis des années. Elle n’était plus au manoir, Garold n’allait pas la fouetter, elle pouvait les laisser sortir. Malgré ça, les pleurs ne vinrent pas, continuant de creuser, lancinant, les bords de ses orbites. La jeune fille tenta de se distraire en écoutant les bruits du bateau ; plusieurs fois, elle eut peur en entendant de forts claquements et des cris. Mais tout cela paraissait normal, alors elle se rasséréna tant bien que mal.
Il y eut de plus en plus de roulis. Katy avait une constitution solide, mais elle eut quand même mal au ventre. La nausée était désagréable, mais mille préférable à ces années de larmes refoulée qui semblaient prêtre à exploser derrière ses yeux.
Elle fut soulagée de voir Delphine revenir. Cette dernière lui expliqua en détail les manoeuvres qu’elle venait d’effectuer. Mais la fugitive ne comprenait pas la moitié des mots qu’elle prononçait. Peu importait, elle aimait simplement l’entendre parler.
Delphine avait parcouru le monde entier à bord du Briseur de Vagues, et vu tous les pays, découvert toutes les cultures. Elle lui parla du Solcho, le continent désertique au sud, des gens à la peau noire, de ceux aux yeux bridés du Tsuwang, des animaux étranges de la Traîné d’Étoiles…
Le temps passa vite, et à midi, on toqua à la porte.
— Delphine sors de là, c’est l’heure de manger, résonna une voix très grave, tu es bizarre aujourd’hui. Pourquoi tu restes dans ta cabine ?
— Si j’ai envie de rester dans ma cabine, ça me regarde, Papa ! Et je veux manger ici, aussi ! Demande à Jim de m’apporter le repas. Toi, l’accès t’est interdit !
— Quoi ? protesta la voix, mais qu’est-ce qui t’arrive ?
— Rien du tout, apprends à respecter ma vie privée.
Marin finit par abandonner la partie et s’éloigna. Quelques minutes plus tard, on toqua de nouveau.
— Delphine ? C’est Jim, je t’apporte ton repas.
— Chouette, s’exclama-t-elle en lui ouvrant.
Elle se tourna vers Katy.
— T’inquiète pas, il est digne de confiance, il ne te dénoncera pas.
La Muette opina. Elle n’avait pas vraiment le choix, de toute façon.
Jim était un garçon de dix ans, chétif, avec des cheveux châtains coupés courts et des yeux bleus-gris. Il poussa un petit cri de surprise en voyant Katy. Delphine le prit par le bras, l’attira à l’intérieur de la cabine puis claqua la porte.
— Un…un…passager clandestin... bégaya-t-il.
— Oui oui c’est ça, elle s’appelle Katy et elle est sous ma protection, d’accord ? Alors motus et bouche cousue.
Le garçon hocha lentement la tête.
— Delphine… tu vas te faire gronder par ton père…
— J’m’en fiche ! Elle avait besoin d’aide, c'est une Muette évadée, elle a perdu sa famille, tu entends ? Je n’allais pas la laisser se faire prendre quand même.
— Oui, je comprends, murmura tristement Jim, je sais ce que c’est…
Katy vit les yeux du matelot s’embuer. Elle pouvait y lire des horreurs semblables à celles qu’elle avait vécu.
— Mais ne parlons plus de ça, se reprit-il, comment vous faites pour la nourriture ? Je ne peux pas demander deux portions, ce serait trop louche.
— Oh ce n’est pas grave, on va partager ! répondit Delphine, il y en a assez pour deux !
Jim hocha la tête, circonspect, puis s’en alla.
La portion de Delphine n’était pas spécialement grande, mais les deux jeunes filles mangèrent à leur faim.
L’après-midi s’écoula vite et lentement à la fois. Katy s’immergea autant qu’elle put dans les récits fascinant de son hôte providentielle, sans pour autant oublier les larmes qui refusaient d’immerger ses yeux.
Delphine était une pipelette de premier ordre, le torrent de mots qui sortaient de sa bouche était intarissable. Elle lui rappelait un peu celle qu’elle était autrefois, joyeuse et bavarde.
La jeune fille blonde ne semblait pas être gênée par cette conversation à sens unique. La Muette en vint même à se demander comment elle faisait pour ne pas se casser la voix, à force de parler. De temps en temps, Delphine s’absentait pour des manoeuvres. Katy, elle, aurait aimé pouvoir commenter ses récits, rire à ses blagues, et peut-être lui raconter elle-aussi quelques anecdotes d’un temps révolu.
___
Le soir, Jim leur apporta le dîner, puis elles se couchèrent.
Mais Katy ne parvint pas à fermer l’oeil de la nuit ; elle avait l’impression qu’à chaque instant le bateau allait couler tandis que les horribles grincements qui retentissaient faisaient un tel boucan qu’elle n’arrivait même pas à s’entendre penser.
Le lendemain, ses cernes indiquèrent à Delphine le peu de sommeil qu’elle avait réussi à capter.
— C’est normal pour une première nuit de navigation, ça arrive à tout le monde. Tu verras, tu t’y habitueras.
Puis elle se leva d’un bond.
— Bon ! Il est temps de te montrer à mon père !
Et avant que la Muette ne puisse faire quoi que ce soit, la jeune fille blonde sortit comme une bourrasque de la cabine.
Elle revint peu après, en compagnie du capitaine.
— Et voilà ! annonça-t-elle fièrement en désignant Katy.
Le père de Delphine était un colosse blond à la peau halée. Lorsqu’il vit la passagère clandestine, il écarquilla le yeux et se tourna vers sa fille.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!
— C’est une Muette évadée, elle s’appelle Katy.
L’intéressée rentra la tête dans les épaules devant l’orage qui s’annonçait.
— Qui t’a permis de la ramener ?! rugit-il.
— Personne, c’est pour ça que j’ai attendu qu’on soit assez loin des côtes pour te le dire, répondit Delphine avec un grand sourire. Maintenant, on ne peut plus faire demi-tour sans nous mettre en retard.
— Je vais la jeter à l’eau !
— Non ! Tu dis toujours qu’il faut être généreux avec les autres, même les inconnus ! Je ne fais qu’appliquer tes conseils !
Marin sembla se calmer, puis il se frotta les tempes d’un air fatigué.
— Tu as raison, déclara-t-il après un long silence, elle peut rester.
— Chouette ! Je t’adore Papa !
Elle lui sauta au cou.
— C’est ça, grogna-t-il.
— Ah ! Et tu serais gentil de l’emmener au port du Poisson-Chien aussi.
Il soupira.
A bientôt !
De larmes, elle n‘en a donc pas versé?
Je lis la suite ce week-end, à bientôt !
- — Ah je vois ! (Un espace en trop)
- qu’elle(s) furent installées sur sa couchette.
- « Non, non, ce (y a un espace en trop) n’est pas la peine !
- s’exclama Katy avec des (pareil) gestes précipités
- lui prêta même une de ses chemise(s) de nuit.
- elle fut réveillée par les bruit(s) des pas
- elle fut réveillée par les (et j’auras pilot dit “le” mais je sais pas) bruit des pas
- La Muette se retrouva de nouveau afce (face)
- les lèves (lèvres) tremblantes.
- qui semblaient prêtre (prêtes) à exploser
Et comme d'hab, le correcteur automatique s'est enclenché tout seul :
- "afce"
- « entre moins » encore moins ?
- « joyeuse . » espace en trop
- « Elle sortit, tout sourire » manque un point
- « Elle n’en avait pas verser » versé
- « mais mille préférable » fois ?
- « années de larmes refoulée » refoulées ?
- « semblaient prêtre » prêtes
- « cheveux châtains coupés courts » coupés court
- « yeux bleus-gris » bleu-gris
- « récits fascinant » fascinants
- « le torrent de mots qui sortaient » je pense que c’est correct mais j’aurais plutôt mis sortait
- « elle-aussi » sans tiret