Sur le chemin du retour, Mauricio et moi n’échangeâmes plus aucun mot. Lui culpabilisait trop pour oser ouvrir la bouche et risquer de me vexer, tandis que pour ma part, trop de questions se bousculaient dans mon esprit. De plus, une certaine angoisse commençait à me gagner petit à petit. Lorsqu’on lit des romans ou que l’on regarde des films impliquant une part de surnaturel, on voit souvent le personnage principal accepter la chose assez facilement après une petite crise de nerfs. En ce qui me concernait, ma crise de nerfs venait de passer, mais ma peur était loin d’être apaisée…
J’arrivais enfin dans la pièce commune du bâtiment G, espérant que quelqu’un m’apporte des réponses, des explications qui pourraient m’apaiser et me faire relativiser les choses. J’espérais que ces explications existent. Je ne voulais pas remettre en question ma perception du monde dans sa structure logique. S’il me fallait admettre qu’un être humain pouvait disposer de pouvoirs aussi singuliers que celui de Mauricio, alors j’aurais dû remettre en question mon rapport à la réalité.
D’un bref mouvement d’épaule, je me dégageais délicatement du soutien de Mauricio, le remerciant à voix basse tandis que je tentais de me tenir droite sur mes jambes. J’étais épuisée, certes, mais même si l’effort avait été intense, il n’avait pas duré trop longtemps et je commençais à récupérer. Cependant, je n’osais pas imaginer les courbatures qui ne manqueraient pas de me tenailler le lendemain matin.
D’un pas que j’essayais de faire le plus assuré possible, je me dirigeais doucement en direction du petit comptoir qu’Hélène venait tout juste de finir de nettoyer. Elle m’observa d’un regard un peu curieux tandis qu’elle finissait d’essuyer un mug Garfield sur lequel était écrit « I hate Mondays ».
Et en constatant la manière dont mon premier lundi sur ce campus avait commencé, je ne manquais pas de me sentir un brin concernée par cette assertion.
J’appuyais alors mes deux mains sur le comptoir en observant la géante qui, malgré le visage dépité que je lui offrais, me souriait tranquillement.
— Hé ben, tu rentres plus tôt que prévu, déjà fatiguée ? Qu’est-ce que j’te sers ? proposa-t-elle en élargissant un peu plus son sourire.
C’était vrai qu’elle avait l’air d’une barmaid en service, derrière son comptoir à essuyer ses verres. De plus, elle en avait aussi le visage avenant et décontracté. Je lui répondis alors simplement. Ce dont j’avais besoin, ce que je voulais que l’on me serve…
— La vérité, s’il te plaît.
— Heu… bon, très bien, soupira-t-elle, visiblement embarrassée. Si j’ai voulu organiser ce petit déjeuner en ton honneur, c’est parce que je t’ai entendu pleurer hier soir en passant devant ta porte…
— Quoi ! m’exclamai-je, totalement prise au dépourvu. Tu m’as entendue ? Bon sang, c’est vraiment humiliant...! Mais ce n’est pas la question. Je veux que tu me dises ce qui se passe sur ce campus, et je veux des explications claires et… je t’en prie, logiques.
Cela ne prit qu’une petite seconde à Hélène pour se rendre compte de tout ce que ma question impliquait. Son expression changea rapidement, devenant plus sérieuse et plus concernée. Elle jeta un bref regard en direction de Mauricio et lui fit signe de nous laisser seuls d’un ample mouvement de la main.
— C’est très problématique ce que tu me racontes là… souffla-t-elle alors en faisant le tour du comptoir. Assieds-toi sur le sofa et raconte-moi tout, proposa-t-elle.
J’acceptais la proposition sans hésiter. J’avais bien besoin de m’asseoir pour reprendre des forces et soulager mes jambes engourdies. Je pris une profonde inspiration…
Et je lui racontais tout, absolument tout. Depuis hier soir, je ressentais le besoin urgent de parler, de me confier à quelqu’un. Et au final, que ce soit une simple camarade de résidence importait peu. Quelque chose nous liait désormais, nous étions toutes deux de part et d’autre d’une même barrière, nous nous faisions face. J’avais un millier de questions sur cette barrière qui nous séparait et elle semblait avoir les réponses. En cet instant précis, qu’on le veuille ou non, nous étions proches.
Je lui racontais donc comment, après l’obtention de mon A level, l’équivalent du baccalauréat en Angleterre, je m’étais vivement disputé avec mon père en refusant d’intégrer les prestigieuses écoles dans lesquelles il me voyait déjà, avant de me placer à la tête de sa chaîne d’hôtels de luxe française, raison pour laquelle j’avais appris cette langue très tôt. Je lui racontais comment, avec la complicité de ma mère, j’avais discrètement cherché un établissement qui me correspondrait vraiment, comment j’avais finalement trouvé le site officiel de ce campus.
Je lui passais les détails de ma fuite de Londres vers Brest en avion, avec seulement ma mère pour me prendre dans ses bras avant que je ne parte. Je lui précisais également que j’avais déboursé plus de la moitié de mes économies personnelles afin de payer mes frais de scolarité, et également que ma présence ici était parfaitement légitime puisque j’avais reçu en retour mon dossier d’inscription validé ainsi que ma carte d’étudiante et mon visa. D’ailleurs, avec le recul, je lui précisais que je comprenais sans doute un peu mieux la lettre type que j’avais reçue, signée par le directeur, et qui se terminait par : « Merci de participer à cette grande expérience. » Et moi qui avais cru qu’il s’agissait d’une licence poétique, qu’il parlait de l’expérience de vivre une vie d’étudiante, du côté expérimental d’une université proposant des cursus aussi divers que variés.
Pour finir, je lui racontais la très mauvaise expérience que j’avais eue en découvrant le talent de Mauricio, son Emprise comme il l’appelait. Je lui racontais à quel point j’avais paniqué, je lui avouais même avoir fait une crise d’angoisse, et comment je m’étais mise à remettre en question beaucoup de choses, à quel point j’espérais qu’il y ait des explications claires. Et seul ce qui restait de ma fierté m’avait empêché d’aller jusqu’à la supplier de me donner les réponses que je désirais.
Je finissais mon long monologue passionné en tapant du poing sur la table, luttant contre ce picotement qui remontait le long de mon nez en menaçant de faire trembler ma voix. Mais je savais que si je laissais à ma voix l’occasion de trembler, des larmes finiraient par suivre…
— Je comprends, conclut Hélène avec un hochement de tête, juste avant de croiser ses mains sur ses genoux. Je comprends parfaitement l’état dans lequel tu es.
— Comment le pourrais-tu...? gémis-je honteusement, mon accent étant hors de contrôle. Tu es là, au milieu de toutes ces histoires d’expériences et d’étranges phénomènes, comme si ça n’était rien…
— Détrompe-toi, m’assura-t-elle. Tu sais, lorsque j’ai reçu un courrier de cette université qui se présentait comme prestigieuse, au départ j’ai cru à une arnaque. C’est mes parents qui m’ont encouragé à leur répondre, juste pour être sûre. Et tu sais ce que j’ai reçu en retour ?... Des billets d’avion en classe affaires pour moi et mes parents. Je te raconte pas, on était comme des fous. D’ailleurs, j’ai même gardé le petit nécessaire de toilette qu’ils ont distribué dans l’avion. Je trouve que ça fait classe, commenta-t-elle avec un sourire, cherchant à adoucir le ton de la conversation.
— Merci de chercher à me rassurer, répondis-je en forçant un mince sourire. Mais je t’en prie, dis-moi de quoi il retourne vraiment ici, je ne serais pas tranquille tant que je ne le saurais pas, Hell, demandais-je en utilisant pour la première fois son surnom, comme si j’espérais que cela l’encourage à me répondre.
— Hé bien… fit-elle en se laissant aller dans son fauteuil, croisant les jambes avant de poser ses grandes mains sur ses cuisses. Une fois sur place, nous avons été très bien accueillis. Ils nous demandaient sans cesse si on voulait manger ou boire quelque chose. Je te raconte pas comment mon père en a profité pour se bâfrer de tout ce que ma mère lui interdit à la maison, précisa-t-elle en ricanant légèrement. En ce qui me concerne, j’ai passé beaucoup d’examens médicaux. Ils ont pas mal d’installations pour ça, un vrai hôpital. Donc, après leur avoir fait perdre une heure entière en réclamant un homme pour l’examen gynécologique, ils m’ont finalement…
— Attends, l’interrompis-je, un brin incrédule. Tu préfères que ton gynécologue soit un homme ?
— Ah oui ! assura-t-elle en se frappant la cuisse comme pour confirmer ses dires. Les mecs sont plus délicats, parce que même s’ils connaissent bien leur travail, ils ont toujours cette délicatesse. Tu sais, parce qu’ils respectent le truc.
— N’appelle pas cela « un truc », grimaçais-je en détournant légèrement le regard. Moi, je ne laisserais jamais un homme s’aventurer dans ces endroits, soufflais-je avec pudeur avant de noter le trop large sourire de mon interlocutrice. Je ne disais pas ça dans ce sens ! précisais-je, rougissante.
— Ah mais tu fais ce que tu veux ! déclara Hélène en levant légèrement les bras en pouffant de rire. Bien, plus sérieusement Lili, après les examens médicaux j’ai passé un entretien avec un gars qui semblait important, genre bureau en chêne et costard italien. D’ailleurs, il s’appelait Dr Satriani, continua-t-elle, reprenant le sujet principal de la conversation.
— Tiens, c’est curieux, mais ce nom aussi me dit quelque chose, soufflais-je en baissant la tête et en portant mes doigts à mon menton. Je ne me rappelle pas d’où par contre.
— Ouais, moi aussi ça me dit quelque chose. C’est pas le nom d’un virtuose de la guitare très célèbre ? tenta Hélène.
— Non. Enfin, peut-être, mais ce n’est pas à lui que je pense… bref, ce n’est pas important, balayais-je d’un revers de main. Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Est-ce qu’il t’a expliqué quel genre d’expérience était en cours ici ?
— Ouais, expliqua Hélène en hochant la tête. Je vais te faire le résumé. En gros, il m’a dit que cette université, quoique très sérieuse, existait pour servir de support et de prétexte à une expérience scientifique.
— Oh, vraiment ? soufflais-je, profondément rassurée par l’aspect scientifique de la chose. Très bien, dans ce cas, quel genre d’expérience ?
— Le genre d’expérience que la loi ne réprouve pas, mais que la morale pourrait désapprouver, soupira Hélène en tapotant ses genoux du bout de ses doigts. Dans les sous-sols du campus, il y a quelque chose. Officiellement, c’est un objet émettant des ondes inconnues. Par contre, on a pas de précision sur la chose. Mon avis personnel, c’est qu’il s’agit d’un genre de météorite, et c’est pour ça que ça se trouve en sous-sol et que ce campus est au milieu de la campagne. En plus, le caillou doit être radioactif pour émettre des ondes, conclut-elle avec un petit sourire, apparemment fière de ses déductions.
— Je vois ce que tu veux dire. Mais il se pourrait aussi que la chose soit en sous-sol pour en atténuer les ondes et faire en sorte qu’elles déclenchent de faibles mutations plutôt que de nous tuer. Et le fait que le campus se trouve loin des villes est un bon moyen de ne pas attirer l’attention sur ce qui s’y passe. Mais ta théorie tient tout de même la route, concluais-je avec un hochement de tête.
— Ah, contente que tu mettes le doigt dessus Lili ! s’enthousiasma Hélène en levant les mains avant de se frapper les cuisses, se redressant sur son fauteuil avant de se pencher vers moi. Le Doc' m’a dit que ces ondes connectaient les cerveaux des humains entre eux, et leur faisaient développer des capacités uniques, correspondant à la nature de leur subconscient. Il m’a expliqué que la prochaine étape de l’humanité, c’était pas la médecine, mais l’évolution ; il a conclu en me disant que cette expérience visait simplement à accélérer le processus. Puis il a joué la carte du pathos en m’expliquant à quel point ces recherches pourraient être bénéfiques pour la médecine, grommela-t-elle, visiblement vexée d’avoir été prise par les sentiments. Et ça, c’est vrai qu’on peut pas dire le contraire, souffla-t-elle avant de retourner s’adosser à son fauteuil.
— Comment cela ?
— Eh bien, à quoi pourrait servir l’Emprise de Morituri selon toi ?
— Voyons voir… La mise à mort par épuisement, j’imagine ?
— Je vais te surprendre Lili, mais grâce à son Emprise, il a fait marcher un paraplégique.
— Quoi ? C’est impossible ! m’exclamais-je.
— Écoute, je suis pas docteur, alors je vais te l’expliquer comme on me l’a raconté, déclara la géante en levant une main. En gros, cette personne était paralysée à cause de connexions qui ne se faisaient plus dans son tronc cérébral. Or, l’Emprise de Morituri a forcé ces connexions brisées à se frayer un autre chemin, à construire une nouvelle route en gros.
— C’est… c’est à la fois terrifiant et… miraculeux, exprimais-je dans un souffle, tenant fermement mes mains comme pour les empêcher de trembler. Mais comment tu expliques ce genre de… de capacité.
— D’Emprise, corrigea mon interlocutrice en tapotant son genou du bout de ses doigts. Il y a eu un grand vote parmi les étudiants à une époque, pour donner un nom à tout ça. Il a été décidé de les appeler ainsi car ces nouvelles capacités ajoutent une autre dimension à notre perception du monde, une autre appréhension, bref, une nouvelle Emprise sur les choses, conclut-elle en souriant.
— Je… je comprends, soufflais-je en me mordant la lèvre. Donc, Morituri émet des ondes cérébrales qui forcent les axiomes de la marche et de la course à s’activer. Tout cela parce que son cerveau est connecté à celui des autres par ces fameuses ondes, m’expliquais-je à voix haute. Tout ceci est tenu secret pour des raisons qui me semblent évidentes, et c’est déjà un gros morceau à accepter, mais… hésitais-je avant de relever la tête vers Hélène. Comment suis-je arrivée ici sans avoir été mise au courant ?
— C’est simple, commença la géante en tirant une tablette tactile de sous la table basse. Il faut avoir été appelé, ou connaître le projet et payer les frais de sa poche, continua-t-elle en naviguant sur sa tablette. Et comme la loi oblige les universités à être répertoriées, ils ont créé un faux site internet. Normalement, tes paiements auraient dû être refusés et tes coups de fil auraient dû tomber sur des boîtes vocales, conclut-elle en me présentant l’écran qu’elle tenait.
Je reconnus très bien le site internet que j’avais découvert, son architecture, son adresse en https se terminant par un .fr des plus classiques. Puis Hélène tapota un bouton qui proposait de télécharger les dossiers d’inscription au format PDF. Le fichier se téléchargea, mais la tablette afficha ensuite un message d’erreur signalant que les données étaient corrompues et donc illisibles.
Elle alla ensuite chercher l’option permettant de situer les lieux sur Google Map, et un point rouge s’afficha en plein milieu du golfe du Morbihan, au large de l’île aux moines, une localisation incorrecte donc.
— Et normalement, reprit Hélène, comme tu ne peux pas t’inscrire en envoyant les dossiers, tu ne peux pas accéder à ton compte étudiant pour régler les frais. Dans cette histoire, c’est ça qui m’étonne le plus.
— Oui, approuvais-je en fronçant légèrement les sourcils. Un bug qui ferait qu’un site fonctionnel ne fonctionne plus serait explicable… mais aucun bug ne rend un site factice soudainement fonctionnel. Pour cela, il faudrait…
— Il faudrait que quelqu’un ait piraté le faux site, avant d’y mettre les réelles informations. Puis qu’il ait tout remis à la normale ensuite, puisque le site ne marche effectivement pas, compléta Hélène.
— En effet, je… je ne me l’explique pas, marmonnais-je en essayant de trouver la réponse.
— Bah, si ton souci principal c’est de savoir comment tu as fait pour t’inscrire, j’imagine que tu es rassurée par rapport à ces histoires d’Emprise, déclara la géante en croisant les bras avec un sourire triomphant.
— Pas vraiment. Je pense que je vais mettre un peu de temps à me faire à cette idée. Mais, est-ce que tu es sûre que le site en lui-même n’est pas fonctionnel ? Peut-être qu’il fonctionne uniquement sur certaines adresses IP. Pour que les gens qui connaissent déjà le projet puissent s’inscrire sans avoir besoin de faire le chemin jusqu’ici.
— Oh, j’y aurais pas pensé, bien joué Lili ! s’étonna Hélène en écarquillant les yeux, souriante. Comme tu viens d’une famille très riche, peut-être que tes parents sont au courant du projet de recherche et que l’adresse IP de chez toi a accès au vrai site.
— En plus, j’ai utilisé l’ordinateur de mon père ce jour-là, puisqu’il m’avait confisqué le mien, remarquais-je avant de soupirer, portant mes deux mains à mon crâne. Je n’en peux plus, je voulais simplement mener une vie d’étudiante paisible… me faire des amis, apprendre de nouvelles choses, m’éloigner de tout ça, m’éloigner de mon père...! me lamentais-je. Quelle ironie, vraiment !
— Hey, Lili… souffla Hélène en se levant pour venir se placer à côté de moi, posant une de ses grandes mains sur mon avant-bras. C’est exactement ce que tu vas faire, y a pas de soucis ! Bon, à ceci près que tu ne voudras plus jamais faire de jogging avec Morituri, plaisanta-t-elle avec un petit rire définitivement communicatif.
— Ah, oui, c’est bien vrai, soufflais-je, relativement rassurée mais mentalement épuisée. Merci Hell, ça me fait plaisir que tu aies pris ton temps pour moi. D’ailleurs, quelle heure est-il ?
— Hum, onze heures moins le quart, répondit la géante en observant l’heure affichée sur la tablette. Tu devrais te reposer en attendant d’aller déjeuner à la cafet’. Tu as ajouté des repas sur ta carte ?
— Oh bon sang ! Avec tout ça, j’ai oublié ! m’exclamais-je en me frappant le front. En plus, je dois un repas à Améthyste ! Je n’ai pas le temps de me reposer, il faut que j’aille au…
— Haha, du calme, m’interrompit Hélène en me tapotant l’épaule. Je vais aller le faire pour toi, il fallait justement que je remplisse la mienne, expliqua-t-elle avec un grand sourire. Toi, repose-toi, et profites-en pour réfléchir à ce fameux petit déjeuner anglais que tu nous as promis.
— Oh, merci, merci beaucoup, déclarais-je avec un sourire soulagé. Je te promets que je n’y manquerais pas.
Je me levais donc de mon fauteuil, confiait cinquante euros ainsi que ma carte d’étudiante à Hélène pour qu’elle y ajoute une dizaine de repas, la remerciait encore une fois et me dirigeais lentement vers les escaliers qui menaient à ma chambre, montant un peu douloureusement les marches. Je savais très exactement ce que je devais faire dans des situations comme celle-ci.
J’entrais donc dans ma chambre, refermant doucement la porte derrière moi en soupirant de soulagement. On a beau avoir l’occasion de se détendre en tous lieux, rien n’est jamais aussi bon que de rentrer « chez soi ». Je souriais très brièvement, étrangement amusée de me rendre compte que je considérais déjà cet endroit comme chez moi. J’estimais qu’il s’agissait d’une bonne chose. Après tout, n’était-ce pas le signe que les choses commençaient enfin à évoluer pour moi ? Après avoir passé autant de temps à me lamenter et à subir, peut-être que je reprenais enfin le contrôle sur moi-même, à défaut de l’avoir sur mon environnement… pour le moment.
Je m’installais alors délicatement sur le petit tabouret pliant qui se tenait contre le mur, juste à côté de l’étui de mon violoncelle, puis m’emparais de ce dernier en l’ouvrant délicatement, sortant mon précieux instrument presque religieusement.
Je frottais ensuite doucement un petit pain de colophane contre mon archer et me mettait en position. Ceci était un sentiment très personnel que je n’avouais qu’à mes proches, mais tenir un violoncelle, si tant est qu’on le fasse dans les règles de l’art, était comme étreindre un être cher tout contre soi. Et comment ne pas personnifier son instrument, alors ? Ami éternellement fidèle, qui ne fait qu’attendre que l’on vienne l’étreindre pour jouer avec lui, qui écoute sans rien dire et que l’on fait chanter pour se remonter le moral. Je l’étreignis donc, avec plus de chaleur et d’affection que jamais, et plaçais mes doigts contre son cou, caressant délicatement son ventre avec mon archer alors qu’il commençait à chanter pour moi, pour exprimer les maux de mon cœur que la parole ne saurait décrire.
Le Clair de Lune de Debussy, l’un des tout premiers morceaux que j’avais appris à jouer par cœur et qui réussissait toujours à m’apaiser, quitte à exorciser mon chagrin en le libérant sous la forme d’une larme. En jouant, je perdais agréablement la notion du temps, et même quelque peu de l’espace autour de moi. Mais cette sensation d’ivresse était douce, anxiolytique, presque libératrice. Cependant, lorsque je ne jouais que pour mon propre plaisir, je me laissais généralement un peu trop aller à mon humeur et à mes émotions, finissant par ne plus vraiment respecter le tempo établi par l’auteur. C’est pourquoi je finissais généralement par pirater mes feuillets de partition en annotant partout la mention rubato, m’attirant ainsi l’exaspération de mes professeurs. Mais la musique que je jouais à présent avait très justement été écrite pour être jouée ainsi, au bon vouloir de l’émotion de celle qui la jouait. La musique envahissait l’espace autour de moi, le rythme déterminait l’écoulement du temps, créant un monde qui n’appartenait qu’à moi, et dans lequel je pouvais me ressourcer…
Des examens médicaux de base vu que c’est une université bizarre, ok, mais un examen gynéco ? Et pourquoi parler de cet examen en particulier ?
Bonne idée l’explication de l’ordinateur du père pour expliquer son inscription bizarre. Surtout si cela mène au fait que son père soit peut-être impliqué là-dedans.
Merci à toi de continuer à lire !