6- Pluie et Problèmes

Notes de l’auteur : Et on continue dans le catastrophisme et les pluies de problème!
À nouveau tout retour est bienvenu, je cherche à m'améliorer :)

Quelque chose n’allait pas.

Le plus absurde était que cette certitude m’avait saisi avant même que la porte ait fini de se claquer. Pourtant, Soeur Marie-Charlène l’avait fait sans le moindre fracas ni sursaut, et je ne pouvais pas même blâmer l’aspect de la pièce.

Cette dernière était assez petite, bien entendu, mais ne méritait aucun sobriquet de placard. Je trouvais même sa taille réconfortante, du parquet brun clair aux murs blancs immaculés, il n’y avait pas le moindre angle mort ni coin d’ombre hors de porté. Le mobilier était sobre mais confortable, le sommier et le meuble de bain conçu dans un même bois noir vernis et il y avait même une petite chaise pale, dirigée vers le feu de cheminé. Une même flamme bleuâtre y brulait, mais la taille du foyer et la simplicité du contour en diminuait la menace. Tout du moins dans mon esprit, à nouveau si quelqu’un souhaitait jeter un coup d’oeil dans ma chambre, il pourrait toujours s’en donner à coeur joie mais tout du moins, il lui faudrait fournir un tout petit peu plus d’énergie pour s’en extirper.

Tout allait bien.

Mon genoux m’arracha à mes contemplations et je m’assis sur le lit, l’épaisse couverture et le doux matelas s’enfonçant avec moi. J’en aurais presque poussé un soupire d’aise… si ce n’était pour ce sentiment désagréable.

Je devais probablement blâmer ma journée pourrie, mon esprit devait s’être adapté aux situations d’urgences et refusait de s’en défaire. Ou alors c’était la fatigue, tout simplement, la culpabilité même. C’était probablement cela.

Je décidais donc d’ignorer cette sensation gutturale d’horreur imminente pour entreprendre d’enfiler l’habit de nuit que Soeur Marie-Charlène avait déposé sur la chaise. C’était une tunique d’initié, comme on pouvait s’en douter, en laine bleu pale, s’attachant sur le côté gauche, ce qui serait une entreprise légèrement compliquée avec une épaule en moins. Si défaire la chaine de mon pendentif fut relativement facile, ma chemise fut une étape si pénible que je décidais de commencer par ma toilette avant de me rhabiller. Cela serait de plus une occasion de véritablement évaluer certains dégâts demeurés jusqu’à présent sous silence.

Ce n’était pas que je ne faisais pas confiance à Soeur Marie-Charlène, mais tout simplement il y avait certaines choses que je préférais garder au placard, voilà tout.

Mon dos était étrangement en bon état, mais il fallait dire qu’après ce craquement de cote, je m’étais arrangée pour réceptionner les coups de matraque sur les avant-bras. Il y avait à ajouter à cela mon épaule gauche, de notoriété publique bien entendu, et mon genoux, à nouveau, à la vue de tous, et mon carde sourcilière s’enflammait de protestation mais hormis cela, je pourrais m’en sortir avec quelques bleus et quelques cicatrices supplémentaires.

Il n’y avait donc pas péril en demeure-

Une bourrasque de vent et de grêle  se fracassa contre la fenêtre, allant même jusqu’à faire trembler les braises magiques, et mon sentiment revint à la charge pour s’installer dans mon estomac- une indigestion, probablement.

Probablement.

Je tâchais alors de coiffer mes cheveux pour la nuit, ce qui à nouveau se révéla bien plus complexe que prévu, et délaissais mes deux tresses pour une seule, plus simple et plus lâche, assez tout du moins pour me garantir des noeuds carabinés au réveil. À moins bien entendu que mes cheveux, qui avaient été si magnanimes aujourd’hui, continuent sur leur lancée pendant mon sommeil. Mais quand j’eus enfin noué le ruban bleu et achevé la tresse la plus biscornue que le monde ait jamais connu, je sus que leur colère serait sans nom et qu’ils se transformeraient en masse hirsute sans la moindre pitié. Je me consolais autant que possible, en espérant que demain je ne serais pas la seule à faire face à cette pelote de noeud blond vénitien.

Un problème à la fois.

Je dégageais ma frange et achevais ma toilette, davantage par habitude que par nécessité, en espérant que cela apaise mon esprit et le persuade à se préparer à dormir. Le plat en céramique, cerné ici et là de cristal ésiop avait maintenu l’eau à bonne température et me fit assez de bien pour que j’ose enfin lever le regard vers le miroir.

J’étais prête à passer outre la zébrure du côté de mon oeil gauche car on pouvait difficilement se plaindre du prévisible en demeurant raisonnable. Mes sourcils en revanche, exigeaient une intervention assez urgente -je m’étais clairement levée en catastrophe le matin précédent pour avoir laissé un tel mono sourcil se former. En temps normal, j’aurais probablement repoussé à la matinée, mais 1. Nous étions en matinée et 2. Peut-être que me maltraiter davantage les arcades sourcilières serait une offrande nécessaire et conforterait enfin mon esprit.

Ce ne fut pas le cas, du tout, et je demeurais un moment à me fixer, passant au crible le moindre pouce de peau, cherchant désespérément des réponses mais tout ce que le miroir daigna me donner, ce fut un visage halé et constellé de tâches de rousseurs. Les cernes en particulier, transformaient mes yeux sombres d’ordinaire en deux tunnels noirs, dépourvu du moindre éclat.

Quelque chose n’allait pas.

Rien, pas même le doux martèlement de la pluie contre la vitre croisée, ou la chaleur réconfortante des flammes, ni même l’odeur de savon ne me ferait changer d’avis-

Il y avait une silhouette dans les flammes.

Je demeurais une bonne seconde pétrifiée d’effrois, refusant d’en croire mon petit regard, avant de réaliser que si je ne faisais pas quelque chose très vite, ce piniouf allait se rendre compte qu’il avait été pris la silhouette dans le sac et tenterait un truc stupide. La cheminée se trouvait entre moi et la porte, et quand bien même je n’avais pas un genoux en miette et aurait pu esquiver un crétin, la chevillette ne basculerait pas assez vite pour me laisser le temps de fuir et je n’avais aucune arme à portée pour maintenir raisonnablement quiconque à distance. Il fallait donc garder son calme, ignorer ce retour de tam-tam interne et mettre en place une stratégie de fuite, le tout avec grace et distinction.

Cassini ait pitié de moi.

Je n’étais pas même en colère qu’un petit pervers me reluquait en sous-vêtement -si d’ordinaire j’avais déjà collé quelques poings bien placé pour ce motif c’était là le cadet de mes soucis- non. Ce qui me glaçait, c’était que ce feu, c’était Soeur Marie-Charlène qui l’avait invoqué, et donc elle en avait défini les principes. Ce qui signifiait que le petit rigolo actuellement occupé à se rincer l’oeil le faisait avec leur approbation, et ça…

C’était la merde.

Ne pas fixer le reflet des flammes fut un supplice de retenu, car il ne semblait pas encore s’être rendu compte que je l’avais aperçu au vol. Mais, mes Esprits, il ne lui suffisait qu’une seule seconde pour se matérialiser dans la pièce, et quand bien même il lui faudrait s’extirper du foyer-

Je préférais ne pas y penser, c’était de toute manière contre-productif de nourrir ainsi ma panique. Paniquer, d’ailleurs, ne me servirait pas davantage aujourd’hui que cela l’aurait hier, et il fallait donc ce calmer.

Je nouais la tenue avec une lenteur infinie, afin de me laisse encore quelques secondes de réflexion.

Il fallait que je file, encore, merveilleux et incompréhensible, je voulais dire. À quoi cela pouvait-il bien servir de me sauver les fesses pour mieux me poignarder de la sorte. À moins bien entendu qu’il s’agissait du plan pour me tirer les vers du nez, mais à nouveau, c’était impossible. Ils n’auraient jamais pu prédire que je me dirige vers l’Auratoire, et quand bien même, c’était un ordre religieux. L’Aurateur ne pouvait pas repousser un demandeur d’asile, peu importe ses pêchers et je n’en avais pas- tout du moins, je n’avais pas-

Bref, ce n’était pas important.

Ce qui était critique, pour l’heure, était de s’en aller et vite. Cela allait nécessiter un peu de flegme et de sans froid, surtout avec ce genoux. Je devais d’abord jeter un coup d’oeil à la fenêtre et évaluer les environs. Ensuite…

Je refusais de prétendre fermer les yeux, j’étais persuadée que dans le cas contraire, il en profiterait pour se matérialiser dans ma chambre, m’étrangler, et il n’en était pas question.

Ma tenue était nouée, je me dirigeais sans un regard pour les flammes vers la fenêtre (ce qui à nouveau mit à l’épreuve mes nerfs). Au dehors, la pluie battait plus que jamais la mesure, déchainée par un vent absurde, au point que cela ressemblait dangereusement à une préface de Maelstrom. Cassini merci, les sols étaient trop chaud pour permettre un cataclysme mais la tempête n’en était pas moins acceptable. Le rideau d’eau était tel qu’il rendait difficilement la place visible, je ne me trouvais qu’au troisième étage de la coupole secondaire. Un seul coup d’oeil ne suffirait pas, je me laissais donc aller contre le mur, mes lèvres émettant un soupire apathique, comme si je contemplais là une version tangible de ma mélancolie. Je me forçais à alterner entre le ciel noir et la ville. Bien entendu, au moment ou j’avais besoin d’un peu de luminosité, ce micmac de nuages étouffait les plus petits soubresauts de l’aube.

Le tout était de contrôler sa respiration, demeurer aussi immobile que possible et de ne pas paniquer- et je pouvais presque entendre le murmure de Daniel.

Le réconfort fut immédiat, et mes yeux s’usèrent alors sur la place avec détermination et non plus désespoir. Je demeurais un bon trente seconde sans rien discerner, et je me serais presque convaincue qu’il n’y avait rien à trouver si un bref éclat ne vint pas se graver dans mes rétines.

À une telle distance, par un tel temps, une si petite étincelle, si lumineuse, c’était ou une rune, ou un col et non, non, non. Dans les deux cas, je ne voulais absolument pas gérer cela à nouveau. Je refusais de me retrouver à nouveau en face à face avec ce conjurateur pourri car il était hors de question qu’une ombre stupide me découpe en petits morceaux. Avec mon genoux, je ne me faisais aucune illusion sur l’issue de cet affrontement.

Il me fallait une idée, voir, mieux, une bonne idée-

Mathurin.

Je devais appeler Mathurin, lui expliquer la situation. Les paroles de l’Aurateur repassaient en boucle dans ma tête et je me demandais désormais s’il avait bien fait prévenir Mathurin. De manière rétrospective, ce n’était probablement pas le cas. Je ne parvenais pas à imaginer le moindre univers dans lequel Mathurin ne se serait pas immédiatement déplacé, si ce n’était pour m’annonçait que Madame Catherine comptait me gifler quand je rentrerais à la maison.

Il y avait le problème de la Cohorte- mais ils n’oseraient pas.

Mathurin était un constable après tout, et personne, pas même un type de la Cohorte, ne serait assez idiot pour s’en prendre à un constable. Mathurin pourrait venir avec des renforts, éclaircir toute cette affaire, tout rentrerait dans l’ordre et cette silhouette pourrait aller se faire voir là ou je pense.

Je n’avais pas le choix de toute manière. Cet abrutis avait ironiquement eu raison de me détruire le genoux, j’étais prise au piège.

Bon, inutile de laisser cet idiot, même mentalement, occuper mes pensées libre de loyer. Non, hors de question. Pour l’heure, je devais trouver une excuse afin de quitter ma chambre en éveillant le moins de soupçon possible.

Mon regard se posa sur ma table de nuit.

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Edouard PArle
Posté le 08/11/2024
Coucou Dra!
J'ai trouvé ce chapitre très chouette, il a nourri ma réflexion. Pour rebondir rapidement sur mon commentaire précédent, je trouve qu'avec peu de modifs, on peut passer du chapitre 4 au 6 sans trop de problème. Je pense qu'il y a moyen de raccourcir / modifier le 5 sans nuire la continuité.
L'apparition de cette silhouette est bien mystérieuse. Le fait qu'elle soit tolérée par ses "protecteurs" nourrit évidemment mes soupçons à l'égard de la soeur, de l'aurateur dans une moindre mesure. Ca prouve que tout n'est pas blanc ou noir, que tout ce beau monde est d'une manière ou d'une autre, lié... Bref, plein de questions se baladent dans ma tête et j'ai hâte d'avoir plus de matière pour théoriser.
Mes remarques :
"ni coin d’ombre hors de porté" -> portée
"vers le feu de cheminé." -> cheminée
"Mon genoux m’arracha à mes contemplations" -> genou
"J’en aurais presque poussé un soupire d’aise…" -> soupir
"car on pouvait difficilement se plaindre du prévisible en demeurant raisonnable." joli tournure !
"Rien, pas même le doux martèlement de la pluie contre la vitre croisée, ou la chaleur réconfortante des flammes, ni même l’odeur de savon ne me ferait changer d’avis- Il y avait une silhouette dans les flammes." très beau passage, la tension est présente !
"Je demeurais une bonne seconde pétrifiée d’effrois," -> effroi
"et quand bien même je n’avais pas un genoux" -> genou
"peu importe ses pêchers" -> péchés
"s’il avait bien fait prévenir Mathurin." -> de prévenir ?
"Cet abrutis avait ironiquement eu raison de" -> abruti
Un plaisir,
A bientôt !
A Dramallama
Posté le 11/11/2024
Coocoo Edouard!
Heheheh ravie que tu aies plus apprécié ce chapitre! ^^ On aime les suspects et... pourquoi y aurait-il des personnes dignes de confiance après tout ?
merci beaucoup pour tes remarques :)
à bientôt!
Edouard PArle
Posté le 11/11/2024
Oui, un bon roman avec intrigue policière n'a jamais de personnage complètement digne de confiance eheh
Cléooo
Posté le 26/08/2024
Coucou Dramallama ! Me revoici.

Décidément elle a JAMAIS une demi-seconde de répit xD Je me demande quand est-ce qu'elle va dormir la pauvre. Ça ne va pas l'aider à guérir tout ça.

La scène est bien représentée, même si j'ai mis un peu de mal à identifier exactement qui est Mathurin pour elle (la relation qu'ils entretiennent).

Je te fais quelques remontées sur ce chapitre (sur la forme) :

"s’attachant sur le côté gauche, ce qui serait une entreprise légèrement compliquée avec une épaule en moins." -> se détachant sur le côté ? (parce que l'entreprise à venir va plutôt être de la détacher que de l'attacher)

"Je demeurais un bon trente seconde" -> bien trente secondes ?

Coquilles :
"mon carde sourcilière" -> arcade
"pétrifiée d’effrois" -> d'effroi
"un genoux" -> genou
"il ne lui suffisait qu’une seule seconde" -> que d'une seule seconde
"de me laisse encore" -> laisser
"sans froid" -> sang-froid
"voir, mieux" -> voire mieux
A Dramallama
Posté le 27/08/2024
Coocoo Cleooo!

Oui, c’est à croire qu’une force obscure cherche à l’embêter jusqu’au bout ahahah (bon après il faut aussi garder en tête que tout se passe dans un créneau de 2 heures)

Pour Mathurin, ça s’expliquera par la suite :)

Encore merci pour tes retours ❤️
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