« Et je me suis arrêtée au barrage, je veux dire, pourquoi ne me serais-je pas arrêtée, j’avais un laisser-passer dans la poche. Donc, je le tends au constable, il le tamponne, quand tout à coup, son crétin de collègue, Wilburt Baladier, surgit de nul part et commencer à baratiner un charabia incompréhensible, et avant même de comprendre ce qui m’arrive, je suis au poste-»
« Doucement, doucement, ce n’est pas un concours du record de mots prononcés à la seconde ma petite.» Soeur Marie Charlène interrompit ma tirade, et heureusement d’ailleurs. Je pris une inspiration, la première depuis une bonne minute et mis ainsi fin à mon apnée involontaire.
Il fallait dire que je peinais grandement à me détendre. C’était stupide en soi, la situation avait perdue toute son urgence. Une brève toilette avait débarrassé ma peau de la pellicule de sueur, de crasse et de rouille qui l’avait recouvert, je portais des vêtements non seulement propres et moelleux mais qui avaient l’avantage non négligeable d’être secs, l’Aurateur m’avait assuré qu’il avait informé Mathurin de la situation et je me trouvais désormais assise face à un feu ronflant à souhait, un bol de ragout dans les mains. Enfin, un bol ou il y avait eu du ragout. On allait pas se mentir, car même si mes mains peinaient encore à se dégourdir, la cuisine de Frère Salvateur était simplement irresistible, et cela n’avait rien à voir avec le fait que j’avais jeuné toute la journée. Son mijoté de mouton, cette sauce épaisse et brune, tacheté de thym, je me serais jetée dessus même en temps normal. La simple pensée d’ailleurs, me faisait dévisager mon bol vide avec mélancolie.
Non, je n’avais plus aucune raison d’être anxieuse, et ne pouvais pas même blâmer mon état physique. Ma gorge s’était bien mise à chauffer en fanfare, mais le sirop de perpentine que Soeur Marie Charlène avait ajouté dans ma tisane commençait à faire son effet. Ce qui à nouveau, était loin d’être surprenant. Quand il lui arrivait de glisser quelques mots sur sa vie d’avant, un peu malgré elle, c’était pour mentionner des anecdotes de chaman de terrain.
Je me demandais parfois, si je - non. Bref.
L’important, c’était que j’allais bien désormais. Il y avait bien mon genoux qui avait légèrement posé problème, mais je ne m’attardais pas dessus. Pour être franche, je m’en étais désintéressée à la seconde ou la Soeur m’avait demandée de poser ce fichu talon droit sur ce stupide tabouret et que j’avais poussé un hurlement à en réveiller les morts. Ce qui était normal, il devait être foulé mais rien de grace. Après tout, elle s’était occupée sans aucun problème de mon épaule -qui je le rappelle avant son passage avait plus de trou qu’initialement prévu. Une épaule, c’était une articulation, comme le genoux, et cela ne pouvait pas être bien différent. Le fait qu’il ait triplé de volume et tourné au bleu, cela n’était pas un mauvais signe, au contraire. Si cela avait été vraiment grave, je ne ressentirais plus rien, et elle ne se serait pas contenté d’emmailloter ma jambe dans un micmac de bandages blancs et de tiges en bois. Elle avait tenté par tous les moyens de croiser mon regard au lieu de le fuir, elle m’aurait prévenue enfin, au lieu de me laisser ronchonner sur ce Sceptimus - ou autre, peu importe son petit nom pourri de mage pourri.
Au passage, cette ronchonnade était complètement légitime. Passait encore de me jeter des ombres aux trousses, je ne dis pas que je l’acceptais de gaité de coeur, mais je pouvais comprendre la logique. En revanche, maltraiter mon petit genoux de la sorte, à moins d’une semaine de la rentrée du Conservatoire de Boléro, c’était stupide et méchant. Je pouvais deviner sans mal la crise de nerfs furieuse que Maitre Desjardins ne manquerait pas d’avoir, et le plus injuste dans cette affaire, c’est qu’il trouverait un moyen de me blâmer.
« Bref, et ensuite ils ont passé une bonne heure à me faire attendre, puis à me convaincre de signer leur confession pourrie, et quand ils se sont rendus compte que leurs réquisitoires stupides ne fonctionneraient pas, ils en sont venu à la conclusion que me casser l’arcade sourcilière serait un argument de taille pour me persuader de le faire. » Je finis mon récit. Il n’y avait pas grand chose d’autre à ajouter après tout, et Soeur Marie Charlène était visiblement de mon avis.
Elle demeura silencieuse une bonne minute, fixant le foyer de flammes bleues au creux de la cheminée, les ombres dansant assez étrangement le long de son visage.
« C’est... tout bonnement stupéfiant. » Elle finit par murmurer, une, ou deux, oui six fois. Elle ne semblait pas s’en rendre compte d’ailleurs, et ramassa mécaniquement le bol vide -tristesse de mon âme!- posé en équilibre sur mes cuisses. Le simple effleurement de ses doigts envoya une joute douloureuse le long de ma jambe droite, pour s’accumuler dans mes orteils.
Cela devait être dû à l’immobilité de ma jambe et rien de plus.
Elle maugréa alors quelques mots mais de manière assez inintelligibles et avant que je puisse lui demander de répéter, elle s’était excusée et avait quitté la pièce, laissant derrière elle une fine odeur d’herbe médicinale.
Bon, qu’elle trouve cela également étrange, c’était bon signe. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose: l’erreur judiciaire apparaissait si évidente qu’elle serait probablement réglée dans la matinée. On me présenterait des excuses, je prétendrais les accepter sans faire d’esclandre, et Maitre Desjardins serait si impressionné par ma retenue qu’il n’oserait pas me réprimander de quelques manières que ce fut. Cette journée se transformerait alors lentement mais surement en péripétie, puis en anecdote qui ne vaudrait pas même la peine d’être mentionné, même en passant, le jour de mon marriage. Je doutais que je pourrais jamais en rire, mais j’étais tout du moins convaincue que jamais elle ne me causerait du chagrin.
Je pris à cet effet quelques brèves inspirations dans l’espoir d’à minima détendre ma nuque et chasser ce sentiment aussi inexplicable que désagréable. Je n’étais plus en danger. Cette impression d’être un animal en cage, c’était aussi ridicule qu’épuisant et j’en avais assez.
Rien ne semblait pouvoir venir à bout de la raideur de mon cou. J’avais la sensation désagréable d’être observée, et c’était idiot. La faute à mes nerfs. Je tâchais de me changer les idées et laissais mon regard dériver le long de la pièce. L’Auratoire était décidément un bien beau bâtiment et le parloir ne faisait aucune exception. Il peignait ici, un sentiment harmonieux et dux, sans la moindre prétention de grandeur ni le plus petit soupçon d’étalage. Les murs n’étaient pas sculptés ni peint d’or, comme on aurait pu
s’y attendre, mais demeuraient d’un ton bleu ciel uni, se mariant magnifiquement à la lueur des flammes ésos et un sol en pierres grises mais lisses. Il y avait bien quelques étagères ici et là, en bois sombre vernis, portant de manière nonchalante les carnets de Saint Émilien comme s’il s’agissait de simples ouvrages de cuisines. La seule folie de cette pièce, c’était le fauteuil dans lequel je me trouvais, pelucheux à souhait, d’un bleu nuit tendre, et la causeuse assortie à quelques pieds de là.
Enfin, ça et la cheminée.
Elle n’était pas riche en soi, bien au contraire. Elle était bien loin d’être taillée en marbre, comme elle l’aurait dû l’être, et était composée de la même roche que le sol.
Cependant...
Je ne parvenais pas à trouver un seul pouce laissé brute. L’intégralité de la surface était gravée et faisait partie d’un réseau d’arabesques si complexe que je me demandais bien comment l’artisan avait bien pu tenir le cap. Il en allait de même du foyer, si impeccable, immaculé même, que cela en devenait presque dérangeant. Peut-être était-ce pour cela que je ne parvenais pas à me détendre, les feux magiques avaient toujours eu la fâcheuse manie de me mettre mal à l’aise. J’avais par trop de fois surpris un visage ou une oreille parmi les flammes pour demeurer tranquille face à celui-ci-
Non, je devais me calmer.
Soeur Marie Charlène l’avait invoquée elle-même, et je doutais sincèrement qu’elle ne l’ait fait sans prendre quelques précautions Nevers d’éventuelles oreilles indiscrètes.
Pourtant...
C’était très certainement de la paranoia, mais ces flammes étaient assez étranges, même pour un foyer ésotérique. Elles étaient bien trop disciplinées, et il y avait cet éclat sur la buche blanche-
La lourde porte grinça avec panache, et une odeur de noisette grillée m’arracha de ma contemplation. Je fis immédiatement volte face, à en empirer davantage mon torticolis, mais ce n’était pas grave. Soeur Marie Charlène venait de réapparaitre sur le ponton de la porte, un lourd plateau à la main et sur lequel se trouvait-
« Des choux! » Je m’entendis rugir de manière aussi douce et féminine qu’un porcelet, ce qui ne fut pas sans faire rire l’acolyte.
« Ah, tu ne pensais tout de même pas être privée de dessert, non? » Elle répondit joyeusement, avant de déposer le plateau sur la petite table noire et non seulement il y avait une myriade de petits choux, mais en plus il y avait un nouveau service à tisane, fumant à souhait et de tout évidence à la cannelle.
L’odeur manqua de me rendre tout à fait folle, mais grace au ciel, Soeur Marie Charlène me tendit une assiette de patisserie avant que je ne perde définitivement la raison. Ce fut à peine si je grommelais les usages de remerciements avant de mordre à pleine dans dans la pate- et très bien.
Très bien, j’acceptais cette journée comme le prix nécessaire à ce moment, à cette crème si onctueuse, si fondante, et par tous les Saints sur ma vie, j’étais désormais dans l’impossibilité légale de me plaindre, mais ainsi en fut-il.
Si Maitre Desjardins me surprenait, ou en venait à apprendre que je me goinfrais de patisserie, il ne manquerait pas de me faire passer un sale quart d’heure, mais il n’était pas là et je n’avais pour ma part aucune intention de le lui dire.
Sans compter que mon genoux nécessiterait de toute manière quelques jours de repos, donc ces choux étaient actuellement le cadet de mes soucis-
« C’est des pommes confites? » je m’écriais, alors qu’un délicieux éclat, aussi fondant qu’une embrasse, vite me caresser le palet.
« Oui, Frère Siméon avait sur-estimé nos besoins élémentaires et fut alors amené à expérimenter sur la question de la conservation, non sans succès d’après moi. » Elle ajouta et je ne pouvais qu’hocher la tête comme une idiote -mais pour être franche, je préférais passer pour une simplette plutôt que d’être forcée à m’arrêter de manger et de lui répondre.
J’en vins même à méditer sur le sort de mon Esprit Familier, qui était visiblement en train de tout donner afin de se faire réembaucher.
Pendant ce temps, l’acolyte souleva le couvercle de la tisanière et une odeur folle de cannelle satura ce qui me restait de narines. Non pas que je m’en plaignais.
« Du sucre? » Elle me demanda alors, et je n’en crus pas mes oreilles, ni mes yeux quand je réalisais ce que le petit ramequin contenait.l s’agissait d’une poudre si blanche qu’elle me fit figurativement mal aux yeux.
Je ne parvenais pas à me rappeler de la dernière fois ou j’en avais vu, encore moins mangé. Madame Silverine elle-même avait été obligée de transiter vers le sirop de betterave pour son salon et pourtant ni son fond de commerce, ni ses clients n’étaient les plus en peine.
La stupeur dut se lire sur mon visage car l’acolyte eut une tique nerveux.
« Il s’agit d’une fond de réserve. » Elle tenta de se justifier et j’eus honte de moi. Cela n’avait absolument pas été mon intention, et je ne la jugeais absolument pas.
« Je suis désolée, c’est de la simple surprise. S’il vous plait.»
« Les temps sont durs, et nous avons beaucoup de chance ici de la dévotion de certains fidèles. » Elle ajouta lentement, non sans touiller ma tasse. J’observais avec fascination, voir regret, les derniers cristaux de sucre se mêler à la tisane.
« Tant mieux, non? »
« Si tu veux mon avis, certains le font davantage pour... tranquilliser leur
conscience. » Elle murmura après avoir balayé la pièce de gauche à droite.
Elle me tendit alors la tasse, translucide à souhait. Il n’y avait ici, pas une seule tache graisseuse à la surface, pas un seul dépôt de gruy de carotte, rien. C’était de la tisane à la cannelle, du sucre, de l’eau, et rien de plus.
Je me laissais cinq secondes afin de réfléchir à ce qu’elle venait de dire. Pour être franche, je ne savais pas vraiment quoi répondre à cette pique. J’avais la vague impression qu’elle me demandait mon avis sur un sujet bien plus épineux qu’il n’y paraissait.
Grace au ciel, je n’eus pas à le faire. Un bruit répétitif emplit le couloir, et ce fut sans surprise que la silhouette de l'Aurateur apparut à l’embrasure de la porte.
« Par tous les Saints, notre invitée est encore debout, ma Soeur? » Il demanda tranquillement.
« Nous étions sur le point d’entamer la tisane, Aurateur. Vous joindrez vous à nous? » Elle lui répondit l’air de rien, comme si son arrivée était impromptue.
Je doutais que cela fut le cas en revanche, à la vue du plateau. Si encore la présence de la troisième tasse pouvait apparaitre comme une simple précaution, il y avait un même nombre de morceaux de sucre. Même en temps normal cela m’aurait très sincèrement surprise que Soeur Marie Charlène se permette d’ajouter un morceau supplémentaire sans raison apparente.
L’Aurateur s’installa alors dans le deuxième fauteuil, en face de moi, et y demeura silencieux un petit moment, humant sa tasse fumante.
« Cassini ait pitié, cette soirée se révéla des plus particulière. » Il finit par dire paisiblement, et c’était très clairement une question.
Je pris une gorgée de tisane, afin de tenter de me tranquilliser et de me laisser un petit instant de réflexion. C’était l’Aurateur, je le connaissais bien, je ne pouvais douter ni de sa bienveillance à mon encontre, ni de ses
bonnes intentions. Il l’avait tant prouvé par le passé, et s’était d’ailleurs dépêché de le réitérer cette nuit, oser douter de lui m’apparaissait odieux, tout simplement.
« Oui, particulière, c’est le mot, et j’aimerais bien que cela s’arrête d’ailleurs. »
« Comment vas-tu?»
« Mieux, merci. Merci mille fois d’ailleurs, je ne pense pas que je pourrais jamais assez vous remercier, ce mage... »
« Il n’y a aucun remerciement à présenter, la situation est des plus limpides. » Il m’arrêta doucement « Et Scetus... n’est pas un mauvais garçon, tu dois le comprendre. Sa vie est loin d’être aisée et, inutile d’y aller par Quatre Chemins, cet horrible attentat, envers de si jeunes magiciens, est propice à échauffer les esprits les plus raisonnables. »
J’hochais vaguement la tête en buvant une gorgée de tisane afin de ne pas avoir à répondre. Si je comprenais parfaitement le sentiment d’horreur, pour la simple et bonne raison que je le ressentais également, je trouvais cela un peu facile de le dédouaner de la sorte, en particulier quand il avait manqué de me faire découper en petit morceaux par ses ombres, ce qu’il aurait d’ailleurs fait si l’Auratoire n’avait pas été apparemment enchanté pour l’en empêcher.
Mais à en juger par le regard du vieil homme, il connaissait visiblement assez ce mage pour ne pas lui en tenir rigueur et probablement, ne pas tolérer que quiconque ose en faire autrement.
« Ont-ils trouvés les coupables? » Je décidais alors de m’aventurer sur une autre voix.
« Pas encore. Cette affaire est... des plus étranges, pour ne rien te cacher. » Il dit lentement, le regard un bref instant fixé sur sa tasse. « J’ai eu une brève discussion avec l’Inspecteur Balladier, comme il est d’usage en cas d’asile, et... la réaction de cet homme a été des plus troublante. »
« C’est à dire? » Je dis, en essayant de prétendre que mon coeur ne s’était pas mis à tambouriner dans mon torse.
« Il semble persuadé de ta culpabilité. » « Il se trompe. »
« Tu n’as pas à le répéter, je le sais. » Il dit tranquillement, et mon froncement de sourcils le fit sourire « Ses supposées ‘preuves’ peuvent être au mieux désigné comme déplorable. Ce supposé témoin... impossible. Je me demande bien ou il est allé chercher une pareil histoire. »
« Moi aussi. »
« Quelque chose semble te tracasser, mon enfant. » Il dit aimablement et j’hésitais un bref instant. Quelque chose me hurlait de ne surtout rien dire, mais c’était idiot. C’était l’Aurateur dont on parlait, douter de sa bonne foi, c’était odieux.
« Cette historie de témoin, justement, est étrange. » Je finis par me jeter à l’eau.
« Ah, comment donc? »
« Il a décrit ma robe. » J’avouais, et quelque chose sembla mourir dans mon esprit.
« Cela n’est pas très surprenant, tu la portais à l’interrogatoire, je me trompe? »
« Non, enfin, je l’avais sur le dos, quand je suis entrée dans la salle, ils m’en ont donné une autre ensuite. Si je me rappelle bien, ils souhaitaient faire des tests ésos dessus. Mais justement, je trouve cela étrange, car cette robe, Madame Catherine venait littéralement de l’achever dans la nuit et-»
« Cassini ait pitié, mais bien entendu, il s’agissait de ton anniversaire hier, dix-neuf ans, c’est bien ça? » Soeur Marie Charlène s’écria et je hochais vaguement la tête.
À ma décharge, la journée avait été assez pénible.
Cela n’avait pas été tant du à la subite annulation de toutes les festivités. Si je devais être franche, j’avais été davantage soulagée que déçue, et mon amie Berthe s’était arrangée pour me faire parvenir une carte signée par presque tout la classe de ballet -tout ceux dont l’attention m’importait. Le problème, c’était que cela faisait alors plus de deux jours et demi que le petit démon qui me servait de soeur était enfermée à la maison. Et qu’il avait suffi d’un tout petit moment d’inattention pour qu’elle prenne la poudre d’escampette. Une petite fille, seule, alors que les esprits des deux bords étaient si échauffés que même à Saint Maurice, le couvre-feu ne parvenait pas entièrement à dissuader certains miliciens à chercher les ennuis. Le matin même, on avait retrouvé un corps, dans un état plus proche de la charpie que de l’être humain, si bien qu’à en croire les témoins, tout le monde avait rendu son petit déjeuner.
Inutile de préciser le soulagement, quand Mathurin avait passé la porte, une dizaine de minutes plus tard, le visage blême, la moustache fricotante, une Lizzie étrangement silencieuse dans ses bras, les pieds boueux, et nous avions poussé un soupire de soulagement.
« Il y a tout de même quelque chose qui me surprend, pour ne rien te cacher. » l’Aurateur me ramena à la réalité « Pourquoi, Cassini m’est témoin, étais tu dehors? »
Si la voix était douce, le regard en revanche racontait une toute autre histoire.
Bon. Je n’allais visiblement pas devoir attendre un face à face avec Madame Catherine pour me prendre un savon.
« Comme je l’ai dit à Soeur Marie Charlène, je faisais des livraisons pour-»
« Mais vois-tu, je trouve cela tout bonnement stupéfiant, que Madame Drèke t’ait laissé sortir de la sorte. » Il renchérit, les yeux mi-clôt. « Avait-
elle une course à faire? » « Non-»
« Dans ce cas, je ne sais pas, Monsieur Drèke avait-il un colis à faire livrer? »
« Non plus- »
« Tu me trouves tout bonnement perdu, ma chère enfant. Comment alors, ta mère de loi a-t-elle pu te laisser sortir de la sorte, puisqu’il n’y avait là aucune raison? »
« Alors, ce n’est pas ce qui s’est produit, enfin, pas exactement? » Je maugréais, et l’Aurateur souleva les sourcils, ce qui était davantage une sommation à continuer mon récit qu’une requête. Il n’avait pas vraiment tort, après tout, la vérité devait être rétablie.
S’il n’en avait tenu qu’à Madame Catherine, je ne serais pas à l’Auratoire, avec un genou plus proche du roti que de l’Articulation. La crétinerie m’était due et la seule erreur de Madame Catherine était d’avoir été forcée de gérer plus d’un crétin à la fois.
La veille, elle avait été on ne pouvait plus explicite. Personne ne quitterait la maison. Point barre. Je n’avais pas même ouvert la bouche pour protester qu’elle s’était empressée de me faire comprendre à quel point mon travail d’été lui était insignifiant.
D’ailleurs, tout travail lui apparaissait risible, comme elle s’était dépêchée d’ajouter, non sans fusiller du regard son mari. D’ordinaire Mathurin n’allait jamais au conflit, mais il fallait souligner que d’ordinaire, Madame Catherine n’était pas d’humeur à empêcher les gens d’aller travailler, bien au contraire. Elle était de l’avis que le travail, c’était la santé, et je ne comptais plus les fois ou elle m’avait envoyé, moi et mon angine, à l’Instruction.
Inutile donc, de préciser que cela avait dégénéré. Mathurin était un
constable de la maréchaussée. Posté à plus de trente lieu des frontières de la capitale, certes, et dans probablement la bourgade la plus tranquille et la plus dépourvue d’histoires, bien entendu. Il n’en demeurait pas moins un membre des forces de l’ordre, et s’il ne s’était pas présenté alors qu’une des pires crises sécuritaires de la décennie secouait la capitale et que, au risque d’insister sur un détail peu ragoutant, on venait de repêcher un hachis parmentier d’individu dans le Grand Canal.
Personne ne se transformait volontairement en pâté, tout comme personne ne souhaitait laisser les responsable libre de recommencer.
Cela aurait fait tâche.
Quiconque doté d’un soupçon de matière grise face à cette dispute apocalyptique serait arrivé à la conclusion que la climat sentait aussi bon que des latrines et qu’en conséquence la démarche la plus logique serait de se terrer dans une cave. On se trouvait après tout à moins de trois jours -maintenant un- d’un vote septentrional. Même les esprits les plus modérés s’échauffaient sur la question, et les autres... n’avaient pas attendu les événements de dimanche pour considérer la rue comme une cour de pugilat.
Disons que le couvre-feu n’avait pas été de trop pour rétablir un semblant d’Ordre.
Loin des préoccupations sensées d’une personne normale, doté d’un cerveau normal et d’un instinct de survie normal -ou qui ait à minima la décence d’Exister- j’avais remarqué la petite moue de Mathurin et en avait conclut que peu importe l’issue de cette ‘discussion’, il tenterait une sortie. Malheureusement pour lui, il n’était pas exactement discret et en conséquence se ferait prendre. Si j’étais assez discrète, je pourrais donc me servir de son échec comme diversion pour prendre la poudre d’escampette.
Ni vue ni connue.
Bon visiblement cela avait été un échec cuisant.
À nouveau, cela pouvait paraitre stupide, et le saucisson qui me servait actuellement de genoux ne pouvait qu’acquiescer -enfin s’il lui avait été possible de bouger- mais il y avait un contexte. Je n’étais pas idiote pour rien. J’étais même d’habitude nordströment raisonnable. Le hic, c’était que dans une semaine, je reprenais les cours au Ballet de Boléro. D’ordinaire déjà, cela me demandait un travail assez phénoménal mais quelque chose me disait que cette année, cela serait pire encore. Maitre Desjardins m’avait interdis, en des termes des plus explicites d’établir la moindre amitié particulière. Cela avait d’ailleurs fait rugir de colère Madame Catherine, et pire encore, Mathurin avait froncé de la moustache mais il n’y avait aucune raison de s’énerver. C’était, au contraire, une très, très bonne nouvelle. Maitre Desjardins était connu pour trois choses:
1. Interdire les coussinets lors de l’échauffement.
2. Son froncement de sourcils perpétuel.
3. Exiger un désert sentimental à ses jeunes premiers.
Bon. La numéro trois pouvait paraitre un petit peu étrange en soit, mais-
Oui, non, c’était étrange, mais ce n’était également pas le sujet, qui était que je devais, je pouvais espérer-
Bref. Inutile de spéculer.
Je pouvais cependant espérer devoir abandonner mon petit travail de livreuse et faire ainsi une croix sur le minuscule salaire qui suivait. Cette semaine était donc en théorie ma dernière opportunité de constituer un petit pécule, et cette journée avait été une promesse de prime de risque impossible à résister. Je m’étais donc résolue à sortir à l’aube, à doucement m’extirper de ma chambre, à pousser gentiment la porte d’entrée, saisir mon bicycle et à tranquillement mettre les voiles. Avec un peu de chance, mon absence ne serait pas trop remarquée et je serais rentrée pour l’heure du déjeuner.
Visiblement Sainte Cassini avait fait la grasse matinée, ou pire encore avait choisi de favoriser le camps adverse, à savoir la nordströmique petite Lizzie. Du haut de ses six ans, ma petite soeur avait délicatement placé son doudoumateur -que je lui avais offert- pile dans le contre angle de ma
porte. Je n’avais pas même eu le temps de me rendre compte de la catastrophe apocalyptique qu’un tintamarre insupportable avait réveillé la maisonnée.
Inutile de préciser que le savon de Madame Catherine avait été légendaire -ma fesse droite ne serait plus jamais la même- et j’avais cru de prime abord devoir faire une croix sur mes plans... jusqu’à ce que la porte d’entrée craque, et que nous entendîmes toutes les trois Mathurin pousser un soupire de déception.
Si je n’avais pas été trop préoccupée à lui en vouloir d’utiliser mon échec pour faire une sortie discrète -et oui j’avais pensée à faire la même chose mais il était supposé être l’adulte responsable- j’aurais compris son désespoir. Arriver si près du but, sans se faire détecter, pour être mis à défaut par du bois sec.
Il y avait de quoi râler.
L’explosion qui devait suivre ne se fit pas tarder, et Madame Catherine cessa de me secouer les épaules pour aller botter les fesses de son crétin de mari. Cela me laissa alors assez de temps pour mettre à exécution mon plan B: me glisser par ma fenêtre.
De manière rétrospective, cela aurait dû être mon plan A.
J’étais donc sortie, pour le meilleur et pour le pire, en me prenant un regard tout à fait abominable et contris de Lizzie. Inutile de supposer, j’allais retrouver mon lit peuplé d’une myriade d’araignées.
Mais vu la situation actuelle, j’étais prête à accepter toutes les araignées du monde, aussi répugnantes fussent-elles, si cela impliquait de pouvoir rentrer chez moi sans davantage d’encombres.
Soeur Marie-Charlène me dévisagea un instant, la stupéfaction l’ayant visiblement rendue muette.
« Es-tu, complètement- t’es-tu cognée à la tête, à tout hasard? » Elle finit par hoqueter.
« Euh, non-»
« Sidonie, le Chancelier t’apparait-il comme une personne désintéressée? » Elle aboya de plus bel.
Je retins un petit hoquet, que je tentais de dissimuler en toux, mais même ainsi, c’était davantage un ricanement. Ces derniers temps la seule chose qui mettait tout le monde à peu près d’accord, c’était à quel point Monsieur Commodus Corintinus Commodore III -les mages et leurs noms vraiment- était un petit con et que l’Assemblée Septentrionale ne pourrait pas venir assez vite pour lui botter les fesses hors de son siège.
« Et donc, ma petite Sidonie. Quand un sale petit prétentieux-» « Ma Soeur, un peu de charité. »
« Je pense au contraire, que ma description était la plus charitable possible. »
« Et bien, tentez donc l’impossible, ma Soeur. »
« Cela serait pêcher par le mensonge, Aurateur. »
« Inutile de s’attarder davantage. » Il soupira, avant de clore à nouveau ses paupières.
« Comme je le disais, si cet homme décrète un couvre-feu, mettant à l’arrêt la ville toute entière, ses tisseries et laboratoires alchimiques compris, tu dois bien comprendre que la situation est grave. »
« J’avais le droit de sortir, j’avais un laisser-passer- »
« Ce n’est pas une question de droit, c’est- par tous les Saints c’est du Bon Sens! La liste des morts et des blessés n’est pas assez longue à ton gout? Voulais-tu à ce point y ajouter le tiens?»
« Bien sur que non- »
« Et pourquoi? Pour dix duccas! Nordström nous emporte-»
« Ma chère Soeur, je vous prierais de ne pas invoquer la Maligne dans Sa Maison. »L’Aurateur dit tranquillement, les yeux mi-clôt.
« Cassini me pardonne. » Soeur Marie-Pierre dit, l’air on ne pouvait moins désolée « Mais sa Sainteté ait pitié-»
« Chère Soeur, vous avez bien assez sollicité notre Sainte de Miséricorde pour la soirée. » L’Aurateur dit, la voix si douce, si apaisante... et ma peau se hérissa toute seule.
Mon esprit se mit à me marteler cette fresque et si sur le moment, elle était apparue terrifiante, le souvenir en était tout bonnement horrifique. Nul doute que mon esprit devait déformer ma mémoire, car personne, pas même le plus fou des sculpteurs de pierre n’aurait osé insuffler un plis si dur, presque mauvais, à Ses Lèvres.
« Quelle pensée te trouble ainsi, mon enfant? » Une voix tranquille me ramena au monde des vivants.
Il était hors de question que je confis le fond de mes pensées, en particulier quand elles frisaient le blasphème, aussi je me laissais une seconde pour rassembler mes esprits.
« Je repensais à cette journée. » Je dis, et ce n’était pas un mensonge en soi. « Et je me demandais, l’Inspecteur répétait en boucle qu’une personne m’avait vu à l’Acropole quand- et je ne comprends pas comment c’est possible. »
« C’était probablement une stratégie afin de déterminer si oui ou non tu t’y trouvais bien. »
« D’accord, mais on était à moins d’un cycle après les faits, ils auraient simplement pu faire une évaluation de ma trace. »
« Et ils ne l’ont pas fait, est-ce cela que tu dis? » Soeur Marie Charlène fronça les sourcils. « Mais pourquoi-»
« Il doit y avoir une explication rationnelle à ce comportement. » L’Aurateur lui coupa la parole, doucement, mais fermement « L’Inspecteur Balladier peut être qualifié de bien des manières, mais incompétent notoire n’en fait
pas parti. »
En effet, j’avais bien un adjectif aux lèvres mais il était assez grossier.
« Il est inutile de te tracasser à ce sujet, cette affaire finira par se régler paisiblement. » Il ajouta « Tu n’as rien à te reprocher, il ne peut s’agir que d’une malheureuse erreur. »
« Mais c’est assez étrange, il était plus préoccupé par mon itinéraire de livraison que par ce que j’avais à lui dire sur cette journée. »
« Ah?» l’Aurateur se contenta de dire.
« Et je n’arrêtais pas de dire que je pouvais- je veux dire, on va pas se mentir, c’était un Vendredi de Grace, et donc de fête, et il y avait bien une bonne dizaine de personnes qui pouvaient attester que je me trouvais chez moi, donc je ne comprends pas- »
« Comme je l’ai dit, il s’agit sans l’ombre d’n doute d’une erreur-»
« Mais excusez-moi, c’est une erreur idiote, parce que même si personne n’avais pu attester que je me trouvais à une cinquantaine de lieux de l’Acropole, je veux dire, je n’ai pas la moindre once de sang ésotérique dans le sang, alors je ne vois pas dans quel univers les golems m’auraient laissés franchir les portes adrianique de la Colline. »
«Ce n’est pas impossible à proprement parlé.» L’Aurateur poursuivit doucement. « Il n’y a eu aucune brèche, et les golems n’ont pas été mis hors d’état d’accomplir leur devoir. La seule explication est qu’ils ont laissé passer les coupables.»
« Mais c’est impossible! »
« Ah, ma petite Sidonie. » L’Aurateur dit, les lèvres étirés en un fin sourire « Il n’y a rien d’impossible en matière de magie. »
« ... mais donc c’était des mages? » Je secouais la tête. L’idée de faire exploser une école était déjà assez abominable ainsi, mais s’il s’agissait de
surcroit d’un mage ou d’une magicienne de la haute... ils se connaissaient tous sur la Colline. Il ou elle avait forcément côtoyé les parents des... et dans quel but? Cette crise ne profitait à personne, et très certainement pas aux mages.
Un éclat inquiétant jaillit dans le regard du vieil homme, et j’aurais presque juré que la pénombre grandit le long des murs.
« Blâmerais-tu les mages pour leurs malheurs, mon enfant? »
« Vous venez de dire que les golems avaient été détraqués par de la magie. » Je protestais, les joues rouges écarlates.
« De la magie, pas un mage. » Il souligna, comme s’il s’agissait d’une différence capitale.
La fatigue était probablement en train de causer des ravages sous mon scalpe, car je ne voyais aucune différence entre les deux notions. À partir d’un moment, pas de flux, pas de rune. Pas de rune, pas de golem détraqué. Pas de golem détraqué, pas de golem détraqué.
Et ces flammes qui semblaient tout faire pour m’hérisser la nuque. À moins bien entendu...
« Vous voulez dire, avec des cristaux d’ésiop? »
« Pourquoi pas? »
« Ils sont loin d’être des abrutis à l’Acropôle, non? Ils ont bien dû prévoir cette éventualité avec des contre-sorts appropriés. »
« À nouveau, en matière de magie, il n’est jamais question de possibilité intrinsèque. Tout est relatif à la puissance à disposition. »
« Mais, dans ce cas là, détraquer un golem, ça aurait nécessité une quantité débilement grande de puissance et la personne en question aurait atteint un summum de non discrétion. » Je répondit, en essayant de
ne pas imaginer un blaireau tellement couvert de cristaux qu’il en clignotait et cliquetait.
Ce n’était pas drôle.
« Ou alors, il pourrait s’agir d’une obscure teknologie. » Soeur Marie- Charlène souligna, visiblement de mon avis.
« Le contexte est déjà bien assez tendu ainsi, une escalade n’est dans l’intérêt de personne et très certainement pas de nos... comparses de Dixm. »
« Et l’Impérium? » Je renchéris alors. La haine que nos voisins du sud nous vouaient, et à nos mages en particulier, était après tout de notoriété publique.
« Quand bien même ils en auraient la volonté et les ressources, la science n’a à ce jour jamais triomphé face à l’ésotérisme. En supposant que cela soit possible, il semble peu probable qu’ils se gardent de clamer leur supériorité. »
« Notre Sainteté vous entende. » Soeur Marie Charlène s’écria, en se frappant par trois le front.
« Elle entend nos prières, ne vous tracassez donc pas à ce sujet. » Il renchérit « Par sa grace, cette affaire se règlera-t-elle d’elle même... »
J’hochais la tête, à nouveau principalement par désir de ne pas faire d’esclandre, mais... loin de s’en aller, mon malaise s’était gentiment installer dans mon esprit et je me pris à fixer les flammes.
« Sidonie? » Une voix m’arracha de ma contemplation.
« Pardon, j’ai décroché. »
« Je te demandais, si par hasard, Mathurin t’avait dit quelque chose. » « À quel sujet? »
« L’attentat, qu’en pense-t-il? »
« Il pense que c’est horrible, bien sur. » Je ne parvins pas à retenir mon froncement de sourcil à temps.
« Je veux dire, au sujet de l’enquête, t’a-t-il dit quelque chose? » Il insista, et je n’avais plus assez de tisane pour me laisser le temps de réfléchir.
Je devrais probablement répéter ses paroles, qui étaient anodines en soi mais...
Non.
« Mathurin est un constable, pas un inspecteur. » Je répondis.
« Mais il doit bien avoir une petite idée, non? Il ne t’a vraiment rien dit? »
« Il est constable à Bourg Saint Maurice, cela serait assez improbable qu’il ait quelque chose à dire sur une enquête d’Acropole, ou dans le cas contraire, cela voudrait dire que les inspecteurs de la Haute Ville ont la parlotte facile, et cela serait vraiment aussi idiot que non professionnel. »
« Ah, je sais mais... tu dois excuser la curiosité du vieil homme que je suis. » L’Aurateur plaisanta doucement « Nous avons tant de questions et si peu de réponses... c’est là qu’est tout le problème. »
Il n’en était pas moins perplexe, pour ne pas dire déçu, et je n’en comprenais pas vraiment la raison. Il ne se passait jamais rien au Bourg Saint Maurice, c’était un fait, et la raison pour laquelle tous ses habitants avaient choisi de s’y installer.
« Il vous a dit quelque chose? » « Plait-il? »
« Mathurin, quand vous l’avez ésophoné. » Je répliquais, et la lueur fugace dans son regard me déplut au plus au point. « Qu’a-t-il dit d’ailleurs? »
« Comme je te l’ai dit, j’ai contacté Mathurin afin de l’informer de la situation, tu n’as pas de tracas à te faire. » Il dit, la voix si paisible que quelque chose hurla dans mes oreilles.
« Mais qu’a-t-il dit? »
« Qu’y avait-il à dire en de pareil circonstances? »
« Je ne sais pas justement, d’ou ma question-»
« Sidonie, la soirée a été éprouvante pour tous et toi en particulier, il serait sage d’aller te reposer et de ne pas chercher à échauffer ton esprit-»
« Mais il a bien du dire quelque chose, au moins s’il comptait venir, il compte venir, n’est-ce pas? » Je poursuivais. Même si je savais que lui couper la parole était vraiment impoli, je ne parvenais pas à m’en empêcher. Un sentiment vraiment désagréable croissait dans mon ventre, assez pour accélérer les battements de mon coeur. Mathurin serait bien obligé de venir, non? Il ne pouvait pas m’abandonner à mon sort. Certes, je n’étais pas mal lotis, mais-
« Sidonie-» L’Aurateur m’appela, mais entre la fatigue, la douleur de ce fichu genoux, ces flammes étranges et mon coeur, le reste de ses paroles glissa sur mon esprit sans parvenir à me paraitre intelligible. Je tentais par tous les moyens de couper court à cette perte de contrôle, et me mit à expirer le plus lentement possible.
Il avait raison, je n’étais plus en état de réfléchir, le plus sage était de jeter l’éponge et d’aller dormir. J’aurais tout le temps de poser mes questions dans la matinée, de préférence à Mathurin.
Un problème à la fois.
Je levais alors la tête. Si auparavant l’Aurateur semblait apathique au possible, ce n’était plus qu’un lointain souvenir. Ses sourcils étaient si froncés que cela en aurait presque été inquiétant, et à en juger par l’expression de Soeur Marie Charlène, je devais avoir manqué un sacré
sermon.
Bon.
J’avais deux options.
Ou bien je lui demandais de répéter, au risque de l’énerver davantage, ou bien je jetais une phrase aussi vague que possible et sonnais la retraite. L’option une était plus honnête, et celle que je devrais probablement préférer mais...
N’avais-je pas passé une journée bien assez difficile? Ne méritais-je pas un petit temps mort?
« Je n’arrive plus à réfléchir correctement, je vais vous écouter et aller dormir.» Je dis alors, et l’acolyte sembla retenir un soupire de soulagement. L’Aurateur se détendit également, mais pas complètement.
« Il serait sage, en effet, que tu ailles dormir sur ces bonnes paroles. » Il dit en se levant « Nous avons beaucoup à discuter, je pense. »
À ma gauche, les flammes crépitèrent.
Je comprends ce que tu as voulu faire dans ce chapitre mais je pense qu'il arrive trop tôt. On n'a pas encore eu le temps de se questionner de se faire des théories sur qui pourrait être à l'origine des problèmes de Sidonie. En fait, on ne connaît pas encore assez l'univers et les personnages à ce stade de l'histoire pour être intéressés (ça n'est que mon ressenti) par un bilan de la journée décisive. Le nombre de personnages et d'évènements évoqués rend le truc assez flou et confus, on ne sait pas trop quoi retirer de ce chapitre sinon que les ennemis de Sidonie sont puissants (ce que tu avais déjà habilement sous-entendu plus tôt). Alors, je ne sais pas exactement comment améliorer ce chapitre, mais je pense qu'un ou deux suspects principaux dans l'esprit de Sidonie serait suffisants. On a aussi beaucoup d’événements rapportés par le dialogue, ce qui casse un peu l'immersion par moments. Je me demande si utiliser des flashbacks de moments importants de la journée ne serait pas plus efficace et intriguant pour le lecteur.
J'ai bien raccroché sur la fin du chapitre par contre, avec la discussion avec l'aurateur, on retrouve un peu le tempérament de Sidonie, perdue dans la discussion, son humour. On sent que l'aurateur commence à se faire ses petites théories et qu'il ne dit pas tout. Ce personnage est vraiment intéressant, je suis curieux de voir ce que tu vas en faire.
Ah oui, petit détail, tu as un pb de mise en page à certains moments il y a des retour à la ligne au milieu du texte.
Mes remarques :
"situation avait perdue toute son urgence." -> avait perdu toute urgence ?
"La simple pensée d’ailleurs, me faisait dévisager mon bol vide avec mélancolie." -> son simple souvenir me faisait ?
"Ma gorge s’était bien mise à chauffer en fanfare," couper le bien ? (en général c'est un mot qui alourdit sans apporter beaucoup, j'ai aussi tendance à trop l'utiliser)
"Il y avait bien mon genoux qui avait légèrement posé problème," -> genou
"il devait être foulé mais rien de grace." -> grave
"avant son passage avait plus de trou qu’initialement prévu." -> trous
"On me présenterait des excuses, je prétendrais les accepter sans faire d’esclandre," bien sûr mdrr (très sympa ce paragraphe, plein d'ironie)
"avant de mordre à pleine dans dans la pate- et très bien." -> pleines dents ?
"vite me caresser le palet." -> vint ?
"se révéla des plus particulière." -> particulières
"Je décidais alors de m’aventurer sur une autre voix." -> voie
"Ses supposées ‘preuves’ peuvent être au mieux désigné comme déplorable." -> désignées / déplorables
"« Pourquoi, Cassini m’est témoin, étais tu dehors? »" je trouve que l'expression n'apporte pas grand chose ici
"que la climat sentait aussi bon" -> le climat
"Maitre Desjardins était connu pour trois choses: 1. Interdire les coussinets lors de l’échauffement. 2. Son froncement de sourcils perpétuel. 3. Exiger un désert sentimental à ses jeunes premiers." très drôle ce passage
"et cette journée avait été une promesse de prime de risque impossible à résister." un peu étrange cette tournure
"Avec un peu de chance, mon absence ne serait pas trop remarquée et je serais rentrée pour l’heure du déjeuner." couper à remarquée ?
"Voulais-tu à ce point y ajouter le tiens?»" -> tien
"l’ombre d’n doute d’une erreur-»" -> un
"même si personne n’avais pu attester" -> avait
"Ce n’est pas impossible à proprement parlé." -> parler
"L’option une était plus honnête, et celle que je devrais probablement préférer mais... N’avais-je pas passé une journée bien assez difficile? Ne méritais-je pas un petit temps mort?" eheh on retrouve la verve de Sidonie
J'attaque la suite !
Oui des retours que j'ai eu, ce chapitre est trop confus et je l'air réorganisé pour limiter les 'miettes' éparpillées un peu partout (j'ai recommencé avec Sidonie qui explique de manière chronologique la journée). Je comprends que ce chapitre arrive un peu tôt mais, c'Est un peu la seule fenêtre possible pour donner sa version des faits et 'droper' ni vu ni connus les coupables. Après ce moment, les personnes avec qui elle interagit soit savent ce qu'il s'est produit, soit sont tellement convaincus de savoir ce qu'il s'est produit et de connaitre son rôle qu'ils ne veulent pas discuter, soit n'en n'ont strictement rien à faire.. En fait, ce qui s'est produit ce jour-là, je compte explicitement jamais le dire. Des aspects seront éclaircis, mais jamais entièrement (et absolument pas dans cette intrigue-ci). C'est une conspiration après tout ^^
J'avoue j'ai un peu de mal avec les flashback en tant que lectrice, (surtout depuis que je regarde CrazyBombShow, j'entends juste la voix off qui dit 'DANS LE PASSEY!') avec l'exception pour les moments traumatiques (car c'est un symptômes du PTSD donc ça me sort pas de l'histoire ).
Encore merci pour tes retours ^^
à plus!
Je peux le comprendre aussi. C'est sûr que le flashback à outrance peut être écoeurant ^^
Je viens de relire ce chapitre 5 pour te faire rapidement un commentaire (je vois que tu avances vite dans ta réécriture) ! Je focalise sur ce qui me manque pour profiter d'une lecture plus fluide, comme les autres fois.
J'admets volontiers que je ne suis pas dans mes meilleures aptitudes cognitives donc j'espère que ça sera quand même constructif.
C'est pas une critique mais le chapitre est long donc c'est difficile de cibler la réponse, j'espère que tu comprendras à quelles parties je fais référence.
La personnalité de Sidonie est toujours aussi attachante dans ce chapitre, on voit qu'elle a 400 idées par heures et un tempérament à prendre la vie du bon côté, à faire des plans, à essayer de toujours chercher une porte de sortie. Et ça se voit autant dans ses pensées (en temps réel) que dans les actes qui ont été les siens depuis le début du récit.
Même si elle dit qu'il était stupide de sortir et qu'elle a joué de malchance, au final elle a aussi l'intelligence de ne pas "subir" des situations très contraignantes et elle a aussi l'intelligence sociale de respecter son entourage, d'avoir des bonnes relations avec tout le monde y compris des gens comme ses voisins, l'Aurateur et la soeur guérisseuse. Sortir pendant le couvre-feu avec un laisser-passer pour se faire de l'argent c'est un peu le prix de sa liberté si j'ai bien compris le contexte très oppressant dans lequel elle vit (contraintes liées au ballet, contraintes liées à sa soeur et poids des contraintes religieuses aussi, qui pèsent sur le récit depuis son origine).
Honnêtement je pense que tout est clair. C'est normal (au vu de sa personnalité) de recevoir les informations sur sa vie personnelle dans le désordre, elle n'a pas une "pensée structurée" et elle se parle à elle-même surtout... même si elle réfléchit à comment répondre aux questions, elle se remémore des faits et la mémoire est toujours assez désordonnée, on ne pense pas dans un ordre logique, structuré.
Ceci étant, le moment où je ne comprends plus rien ce sont les implicites des relations religieuses (tu en parles un peu avec Cléooo) mais effectivement je m'étais posé la même question qu'elle "hein ? où est la question là ?!" donc j'ai clairement du mal à rentrer dans l'interrogatoire entre Sidonie et l'Aurateur.
J'ai même du mal du coup à comprendre ce qu'il veut réellement savoir (peu importe que ça soit réel, mais en tous cas je ne lui prête pas d'objectif dramatique clair quand je lis, donc j'ai beaucoup de mal à savoir ce que je dois chercher comme information). Et c'est pareil pour la soeur... pourquoi elle a prévu cet interrogatoire avec l'Aurateur : qu'est-ce qu'ils essayent vraiment de lui faire dire ?
Je crois qu'il serait préférable d'insister sur une question de départ claire pour le lecteur (et ça peut être mensonger, par exemple être l'interprétation de Sidonie des intentions qu'elle prête à l'Aurateur et à la soeur). Là pour moi ça fait trop d'implicites d'un coup, je m'attends à trop de pistes différentes pour rester focus sur l'histoire.
Finalement ça ressemble un peu trop à une scène de vie réelle, c'est pas assez "dramatisé" pour que ma lecture soit facilitée, guidée si tu veux... parfois je ne comprends plus qui parle ou pas, je perds un peu le fil des dialogues quand ça se met à parler magie et à faire des hypothèses liés à l'attentat avec (encore une fois) beaucoup d'éléments inconnus.
Dont trop de personnages évoqués en même temps, la mère, la soeur, le maître de ballet, la voisine, Mathurin, l'inspecteur...
Je pense que la confusion est renforcée par le fait que le dialogue n'est pas assez cadré pour que je "devine" automatiquement comment les choses s'organisent, enfin j'ai le sentiment personnel que le flou sur les intentions de CHAQUE personnage + flou sur les relations que Sidonie a avec les différents personnages + flou sur les circonstances de l'attentat, sachant que le témoin ment, qu'on l'a vue avec une nouvelle robe qu'elle mettait pour la première fois, que c'était son anniversaire mais qu'elle ne l'a pas fêté etc. = trop d'informations avec très peu de critères de hiérarchisation.
In fine je ne sais pas quoi "retenir".
J'ai besoin qu'un signal clair du récit me dise que l'enquête va être développée et qu'il faut que je commence à réfléchir aux indices.
En clarifiant les possibilités magiques (trop d'informations retenues pour qu'on puisse apprécier la sincérité ou non des personnages, la crédibilité ou non de leurs hypothèses et leur lien d'intérêt ou d'affection pour x ou y info donnée. Par exemple, pourquoi l'Aurateur protège les mages ? - même si c'est pas la vraie raison il faudrait au moins le début d'une explication logique autre que "je le connais c'est un chic type")
A un moment tu écris "Soeur Marie Pierre" c'est bien la soeur Marie-Charlène ? sinon j'ai pas compris pourquoi une autre soeur débarquerait.
J'espère mis quelques grains à moudre dans le moulin de ta réécriture ! :)
merci beaucoup pour tes remarques! Ça m'aide beaucoup pour la réécriture ^^
Initialement l'effet brouillon c'était un peu 'voulu'. En fait dans ce chapitre, il y a objectivement presque toutes les informations pour reconstituer la journée, comprendre ce qui s'est produit et pourquoi ce lundi a été aussi nul. Je ne voulais pas le dire explicitement parce que c'est un mystère qui ne sera pas résolu dans ce livre-là, mais il fallait quand même le placer ici pour pouvoir l'utiliser plus tard. ^^
Je suis en train de reformuler/réarranger cependant, pour structurer davantage (se concentrer sur son 'alibi'), et expliquer les règles de bienséance religieuses (l'Aurateur protège les mages tout simplement parce que c'est un mage. Le fait qu'un non magique puisse atteindre un poste à haute responsabilité c'est récent, et dans les ordres religieux, ce n'est pas prêt d'arriver. C'est une question de 'bienséance' et de 'bon sens'. Comme la magie c'Est une 'volonté divine', alors les mages sont plus 'divins' que les autres et 'davantage prédisposés' à comprendre les messages de Sainte Cassini, donc à guider les fidèles) <= j'aime écrire les trucs qui m'énervent ahahah
encore merci pour tes commentaires !
Je viens de lire ce 5ème chapitre et je te fais un retour.
J'ai apprécié la tension qui se dégage de la discussion entre Sidonie et l'Aurateur. Pour le moment, j'ai du mal à isoler les éléments qui risquent d'être important par la suite, j'ai l'impression que chacun cache un peu son jeu, mais ça met en place une belle tension.
Dans ce chapitre aussi, on découvre encore certains éléments de l'histoire (le ballet, les personnages qui y sont liés) et je crois avoir un peu mieux cerné leur personnalité dans ce chapitre.
Concernant la forme, ta mise en page a bugué à plusieurs endroit !
Ici :
"Les murs n’étaient pas sculptés ni peint d’or, comme on aurait pu
s’y attendre, mais demeuraient d’un ton bleu ciel uni (...)"
et ici :
"Si tu veux mon avis, certains le font davantage pour... tranquilliser leur
conscience."
et ici :
" C’était l’Aurateur, je le connaissais bien, je ne pouvais douter ni de sa bienveillance à mon encontre, ni de ses
bonnes intentions."
et ici :
"Cassini ait pitié, mais bien entendu, il s’agissait de ton anniversaire hier,
dix-sept ans, c’est bien ça?"
et ici :
"« Avait-
elle une course à faire? »"
et ici :
"Mathurin était un
constable de la maréchaussée"
et ici :
"pile dans le contre angle de ma
porte."
et ici :
"mais incompétent notoire n’en fait
pas parti."
et ici :
"je devais avoir manqué un sacré
sermon."
Je te note aussi quelques coquilles :
- "j’aurais presque juré que la pénombre grandit le long des murs." grandissait pour la concordance de temps
- en début de texte j'ai noté que tu utilisais "dévisager" pour un objet et je ne suis pas sûre qu'on puisse l'utiliser pour un objet
- "rien de grace" -> de grave
- "d'une fond de réserve" -> d'un
- "tout la classe de ballet" -> toute
Je te donne un conseil que je trouve utile moi quand j'écris, c'est de relire le chapitre à voix haute. Particulièrement utile pour repérer les répétitions. Tu en as quelques une, par ci par là, et quand tu te lis à voix haute tu les entends forcément.
Un élément du texte qui m'a semblé obscur :
"« Cassini ait pitié, cette soirée se révéla des plus particulière. » Il finit par dire paisiblement, et c’était très clairement une question." -> où est la question ?
Pour terminer la fin du chapitre se termine sur un petit cliffhanger, mais ils ont tellement parlé dans ce chapitre que je me demande de quoi ils vont parler au prochain ^^
Je te dis à bientôt pour la suite :D
Encore merci pour tes conseils avisés (c'est vrai qu'en lisant à voix haute je me suis rendue compte des répétitions, alors que quand je relis je trouve ça beaucoup moins évident!) et ravie que cela t'ai plu!
Je ne l'ai pas précisé ici (et je devrais probablement en y réfléchissant bien) mais les religieux de Cassini prêtent serment magique leur interdisant physiquement de mentir ou de chercher la confrontation sans raison (il y a des conditions de légitime défense envers soi-même et autrui tout de même). Résultat, pour en apprendre plus, l'Aurateur ne peut pas ouvertement interroger Sidonie, c'est à elle de lancer la discussion sur le sujet (c'est une règle vraiment pourrie mais avec des raisons pragmatiques, mais ça c'est une toute autre histoire). D'ou la tournure de phrase étrange, et Sidonie qui souligne que c'est une question alors que cela n'en a pas l'air. Les gens 'apprennent' à lire les intentions des Aurateurs et c'est considéré comme très impoli de prendre un Aurateur au premier degrés (est-ce que cela à voir avec le fait que je meurs d'amour pour les dialogues multicouches? Complètement. J'adore les dialogues ou tout le monde dit techniquement la vérité mais de manière tellement insidieuse que c'est en pratique un mensonge éhonté!).
Encore merci pour ton retour, ça fait super plaisir!