6 : Possédée

Sam me regarde sans bouger. Indifférente, je me glisse dans la partie cuisine et ouvre un placard. Caché derrière les paquets de pâtes se cachent mes couteaux. Des dagues jumelles chinoises, elles me sont terriblement utiles lors des combats rapprochés mais difficilement dissimulables aux portiques de sécurité. Je les glisse dans ma veste, là où j'y ai fait des poches prévues à cet effet. Vaut mieux être trop prévoyante que pas assez. Je referme le placard et vais chercher mon ordinateur pour le passer à Sam.

- Envoi des mails à tes amis pour qu'ils ne s'inquiètent pas, il est hors de question qu'on en mette d'autres en danger.

- Trop aimable, dit-il, il manquerait plus que tu tues mes potes.

Je ne relève pas sa remarque et prend mon téléphone. J'envoie un sms à John : On peut se voir ? C'est urgent, problème avec tes collègues.

Officiellement, John Aubry est mon ex. Il aura bientôt cent ans et, vous le devinerez assez facilement, il est immortel. Il m'a appris la plupart des techniques de combats que je connais aujourd'hui, entre autres choses. Nous avons travaillé ensemble comme garde du corps pendant de nombreuses années. J'ai fini par quitter le métier. Nous ne nous revoyons que très rarement.

Il m'a déjà répondu : Demain, 10H ? Tu sais où.

Je jette un coup d'œil à l'heure sur mon téléphone : presque 20 heures. Mon regard se tourne vers Sam. Pourquoi je l'aide ? J'ai réussi à refaire ma vie loin du surnaturel et de tous ses problèmes. J'ai réussi à disparaitre complètement de la mémoire des gens, alors pourquoi tout foutre en l'air ? Il y a quelque chose en lui, je ne sais pas quoi. Je vois Zoé face à moi. Je lui tournai le dos l'instant d'avant. Je ne suis plus au même endroit. Je suis maintenant assise au bar alors que j'étais dans la cuisine. La téléportation ne fait pas partie de mes dons que je sache. Je regarde autour de la pièce, je cherche quelque chose. Mais je ne contrôle pas mes mouvements.

- Où elle est passée ? dis-je.  

Ce n'est pas ma voix, c'est celle de Sam. Ça recommence, je suis dans son corps.

- Ce n'est rien, ça lui arrive de temps en temps. Dit Zoé en continuant de tourner les pâtes qu'elle a mises dans la casserole.

Comment sait-elle que cela m'arrive ? Quasiment personne n'est au courant. Il arrive à mon esprit de se retrouver dans un autre corps. Je ne contrôle pas et je ne peux rien faire, juste regarder en attendant que je retrouve mon corps. C'est surement l'effet secondaire d'être un fantôme, ce sont des sensations très déstabilisantes que d'être dans le corps de quelqu'un d'autre ; faire ses gestes, sentir ses sensations, entendre sa voix comme si c'était la mienne.

Sam se tourne vers l'ordinateur et reprend son activité. Il n'est pas sur ses mails mais sur un moteur de recherche. Il se renseigne sur les Banshees. Je ne pense pas qu'il trouvera beaucoup de choses. Les mêmes mots réapparaissent à chaque site : créature surnaturelle ; mythe ; un être torturé ; messagère de la mort ; cri strident ; souffrance. Une phrase attire mon attention, celle de Sam en faite « ses cris seraient si déchirants qu'ils transperceraient toutes les âmes humaines à proximité, glaceraient dans les veines le sang humain et blanchiraient les cheveux de celui qui les entend » l'idée le surprend et lui fait peur un instant mais il semble reprendre son calme et continu sa lecture. C'est vraiment très étrange d'entendre les pensées de quelqu'un d'autre comme étant les miennes. J'ai toujours l'impression de m'installer dans quelqu'un illégalement. Il faut que je trouve le moyen de sortir. J'y pense très fort, je me visualise ailleurs, je cri. Rien ni fait, je ne sors pas. Sam ferme l'ordinateur et cherche la salle de bain. Il se dirige vers ma chambre et y jette un coup d'œil. Elle est assez basique avec un lit double, une armoire, un plancher et un grand miroir dans un coin. Basique mais sympa pense-t-il. Il continue ses recherches et ouvre la deuxième et dernière porte du couloir. Enfin, pense-t-il. Il aura fallu qu'il explore tout l'appartement pour trouver les toilettes.

Je ne veux pas le voir faire ses besoins. Il faut que je sorte de là ! Tout d'un coup je me retrouve propulsé en dehors de son corps et je tombe par terre, derrière lui. Je mets un instant à reprendre mes esprits. Lorsque j'ouvre les yeux, je le vois penché sur moi, l'air soucieux. Zoé aussi nous a rejoints.

- Je vais bien, dis-je en me relevant.

Il faut que je prenne l'air. Je prends ma veste, mes clés et sors. 

 

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