6 septembre 2015

Par Dédé

 

6 septembre 2015 – New York

 

À l'entrée du Tonic, Wyatt était placé entre Harry et Juliet alors qu'ils faisaient la queue pour intégrer le bar. Pour l'occasion, le presque trentenaire avait pris soin de bien s'apprêter. De la cire dans les cheveux. Une chemise blanche boutonnée à l'exception des deux derniers au niveau du col. Un pantalon et des chaussures cirées noirs. À sa gauche, Juliet avait remonté ses longs cheveux roux en un chignon impeccable. Vêtue d'une veste beige, d'une jupe noire et de bottines, elle n'avait pas oublié pour autant ses fausses lunettes de vue qui lui servaient à se donner un air intelligent durant les soirées karaoké du bar. À la droite de Wyatt, Harry perdait patience dans la foule qui avançait d'un pas lent. Habillé d'un t-shirt blanc sur lequel était inscrit «Enjoy your life» et d'une simple paire de jeans, il se dandina. Il manqua de faire trébucher Wyatt qui faillit perdre l'équilibre. Son attitude risquait de les faire passer pour une bande d'amis d'ores et déjà bien éméchés. Le vigile à l'entrée ne faisait que fluidifier la circulation à l'intérieur du bar. Mais, il valait mieux ne pas trop attirer l'attention.

— Tu vas te calmer, oui ? le gronda Juliet comme si elle s'adressait à un enfant trop turbulent dans un centre commercial.

Affichant un air coupable, l'ami agité répondit :

— Euh... Désolé... Mais tu sais à quel point je ne supporte pas l'attente...

— Même moi je sais à quel point l'attente et toi, ça peut faire dix... Et encore, dix, je suis gentil ! commenta Wyatt, un sourire en coin.

Tous rirent de bon cœur au moment où ce fut à leur tour de s'installer dans le bar. L'établissement était bondé de monde alors que la soirée karaoké venait à peine de commencer. Ces soirées faisaient tellement fureur que les gens s'assuraient de s'y rendre à l'avance. Afin d'avoir pour sûr une place assise, ou bien assez d'alcool dans le sang afin de se donner le courage nécessaire pour pousser la chansonnette en public.

Alors qu'ils étaient à la recherche d'une banquette disponible, Wyatt, Juliet et Harry n'étaient pas insensibles à la voix fausse et nasillarde qui chantonnait The Look of Love d'ABC. En se retournant simultanément vers la fameuse voix, ils constatèrent qu'un homme d'une quarantaine d'années, les cheveux bruns et les yeux bleus, moustachu et de forte corpulence se cachait derrière cette interprétation insupportable. Autour d'eux, les clients semblaient se noyer dans leur boisson. Ce que les trois amis auraient fait pour faire passer la pilule s'ils avaient été au bar quelques minutes auparavant.

Pendant que Wyatt et Harry se chargeaient de parcourir les lieux à la recherche de places assises, Juliet se proposa d'aller à la rencontre des serveurs pour commander trois Lava Fizz.

— Euh... Tu vas t'y prendre comment pour nous amener les trois verres ? s'était demandé Harry.

— C'est un détail, ça... Je passe la commande, un point c'est tout ! Allez nous trouver de quoi nous asseoir, vous ! avait sommé l'amie des deux hommes.

La femme de vingt-huit ans hésita à défaire son chignon alors qu'elle se hâtait du mieux possible vers les serveurs. Son désir de plaire avait pris le dessus à la seconde où elle avait mis un pied en ce lieu. Un serveur, beau et ténébreux comme elle les aimait, tourna son regard vers le sien. Il la salua, attendant désormais sa commande.

— Trois Lava Fizz, s'il vous plaît, demanda-t-elle en souriant et en jouant des paupières.

— Tout de suite, chère demoiselle. J'espère que les trois verres ne sont pas que pour vous ?

— Ne vous en faites pas, le rassura Juliet. Je sais ce que je fais. Je ne suis pas toute seule. Je suis venue avec des amis...

Le serveur, visiblement déçu, ne demeura plus aussi motivé dans sa tentative de flirt et s'activa à lui servir les trois cocktails. Voyant que Wyatt et Harry avaient trouvé une banquette vide à côté de la scène, la femme fit mine d'être bien embêtée à ne pas savoir comment transporter ses trois boissons.

— Zut... J'aurais bien besoin d'un peu d'aide, se plaignit-elle en fixant le serveur du regard.

— Où êtes-vous installée ? Je vous apporte ça de suite.

Après lui avoir indiqué l'emplacement, Juliet rejoignit ses amis. Harry obligeait Wyatt à regarder les autres hommes autour de lui.

— Euh... Je ne crois pas en cette légende de radar, c'est tout, se contenta-t-il de dire.

— Gaydar, rectifia Wyatt. L'échelle de Kinsey ne ment pas...

— L'échelle de quoi ? Où vous voyez une échelle, vous ? Vous avez fumé dans mon dos ! s'exclama Juliet qui prit la discussion en cours de route.

Ainsi, Wyatt exposa sa théorie :

— Il est possible d'évaluer l'orientation sexuelle des gens par des comportements non verbaux selon une échelle allant de zéro à six, du pur hétérosexuel au pur homosexuel et...

— Si on se lance direct dans la discussion philosophico-sérieuse, je vais avoir besoin de mon cocktail, plaisanta la rouquine.

— Pour ce type, Kinsey... la sexualité, ce n'est pas tout noir ou tout blanc. C'est nuancé et sujet à des évolutions tout au long de la vie. Tu peux être homo et hétéro mais avoir une prédominance ou des expériences uniques voire occasionnelles, par exemple. Tout dépend de la personne, de son caractère, de son vécu, de ses envies. Bref, chacun peut être ce qu'il veut.

Il arrêta son explication, pensant que leurs cocktails allaient arriver. Fausse alerte.

— Les étiquettes, on s'y accroche et ça sert à rien. Hormis juger les gens. Chacun a le droit d'être ce qu'il veut, un point c'est tout.

— Euh... On aurait nos verres, j'aurais trinqué à ça ! approuva Harry.

— Moi aussi, les gars.

Poursuivant son discours, Wyatt continua sur le fait que le scientifique mettait de côté les stéréotypes.

— Sensibilité exacerbée, son de la voix, code vestimentaire, choix de profession... On s'imagine pas tous les jugements que l'on peut porter sur une personne de même sexe ou de sexe opposée.

— Question bête... Si on ne peut pas se fier à ces critères stéréotypés, on s'appuie sur quoi ?

— Bonne question, répondit Wyatt.

— Euh... Et tu parlais de comportement non verbal tout à l'heure. Ce n'est pas un stéréotype ça aussi ? se demanda Harry.

— Il y a pas mal d’ambiguïtés là-dedans encore. Ce que j'aime là-dedans, c'est cette idée d'échelle qui ne parque pas les gens dans deux boites distinctes. L'échelle permet de nuancer. Elle donne le droit aux gens d'être vraiment la personne qu'ils veulent être. Sans trop de compromis.

Une nouvelle fausse joie quand un serveur s'approcha d'eux pour apporter les cocktails à la table de derrière.

— Après, c'était quelqu'un de très controversé et d'un peu fou... Je n'en dirai pas plus car ça pourrait vous choquer... Mais dans le fond, je pense qu'il n'a pas tort, acheva de narrer Wyatt.

— Euh... Donc, tu penses donc que tu peux être intéressé par une fille ?

— Seul l'avenir nous le dira. Mais à l'heure actuelle, non ça ne m'attire pas.

— Merci de sous-entendre que je ne suis pas attirante, plaisanta Juliet.

— Tu sais que ce n'est pas ce que je voulais dire.

— Euh... et tu crois qu'avec Juliet, on peut changer de bord ?

Harry sembla curieux sur le sujet autant qu'il était ravi de voir Wyatt aussi décontracté. En effet, il n'avait jamais vu les choses sous cet angle-là, même s'il était certain de sa propre orientation sexuelle.

— Rien n'est à exclure, souligna Wyatt. Ce sera à vous de voir.

— Enfin, moi, vous savez quoi ? Je n'irai jamais dans les bras d'une femme, intervint Juliet. C'est... Ce n'est juste pas mon truc, c'est tout. J'aime trop les hommes pour ça.

— Et tu sais quoi ? Moi aussi ! admit Wyatt d'un ton amusé.

Le débat prit fin à l'arrivée du serveur apportant les trois cocktails à leur table. Après observation minutieuse de leur boisson, chacun leva son verre :

— Euh... On trinque à quoi ? s'interrogea Harry.

— À la superbe soirée à venir ? suggéra son amie et collègue.

— À la superbe soirée à venir ! valida Wyatt avant de boire d'une traite son cocktail alcoolisé.

Pendant ce temps, deux jeunes femmes avaient pris place sur scène, se risquant à une reprise de This is how we do. Ce qui avait eu le don de réchauffer l'ambiance de la salle. D'autres clientes improvisaient des chorégraphies sur la piste de danse durant leur performance. Les trois amis regardèrent le spectacle d'un air amusé :

— Quelle bande de folles furieuses ! nargua Juliet en regardant une femme sur le point de se jeter sur un des clients pour lui arracher sa chemise.

— Elles sont déchaînées, oui, confirma Wyatt.

Des cris retentirent dans tous les coins du bar tant la chanson de Katy Perry mettait la gente féminine dans une transe aux apparences enivrantes.

— Euh... Pour sûr, elles ont picolé bien avant le début de la soirée. Elles sont complètement torchées.

— Je sens leur odeur alcoolisée d'ici, affirmait Wyatt alors que l'une d'elles s'approcha de lui pour le faire danser.

Juliet et Harry étaient soudain très curieux de voir la réaction de leur ami. Se rappelant de celle qu'il avait eue avec la cliente du N.Y.Food, les deux craignaient le pire.

— Allez, viens avec nous, beau gosse ! supplia une femme d'une quarantaine d'années aux longs cheveux blonds et bouclés, sentant la vodka à plein nez.

Wyatt ne dit pas un mot et fit comme s'il n'avait rien vu ni entendu. Il ne put s'empêcher de rire en coin.

— Ah ! Allez, beau gosse, vas-y ! se moqua Harry, après avoir constaté que son ami s'amusait de cette situation.

Juliet prit sa suite et insista avec ironie auprès de Wyatt, désireuse de l'envoyer sur la piste de danse.

Ne se faisant pas prier davantage, le jeune homme désiré se joignit à la horde de femmes déchaînées. Il demeurait leur distraction principale. Désormais, elles en avaient presque oublié la musique. Encerclées par ces demoiselles en furie, Wyatt perdit de vue ses amis et se laissa aborder de tous les côtés. L'une d'entre elles tenta de lui déboutonner la chemise qu'il avait portée avec soin jusque là. Il se laissa faire tout en l'arrêtant avant qu'elle n'ôtât le vêtement dans son intégralité. Son torse laissé à la vue de toutes, il les laissa le caresser quelque peu du bout des doigts. Puis, il mit un terme à cette folie, craignant de se faire expulser du bar.

Revenant auprès de la banquette sur laquelle se trouvaient Harry et Juliet, il fit une proposition à ses amis :

— On s'inscrit pour être les suivants à tester le karaoké ?

— Allez-y si vous voulez mais ce sera sans moi, répondit Juliet en continuant de faire les yeux doux à son serveur qui ne semblait pas insensible à son charme.

Elle arrêta de le fixer des yeux lorsqu'une nouvelle musique s'était enclenchée. Ses amis étaient sur le point de la chanter. Très vite, elle reconnut Let's dance et s'amusa de voir à la fois Harry et Wyatt aussi concentrés sur leur prestation.

Il fallait reconnaître que Wyatt aimait tout particulièrement cette chanson. La musique pouvait lui redonner du baume au cœur parfois. De fait, il était fier de pouvoir l'interpréter en compagnie de son ami. Non loin de lui, il remarqua que l'on prenait bien soin de l'observer fixement. Au fur et à mesure que la foule se déplaçait dans le bar, il put constater qu'il s'agissait d'un homme, d'une vingtaine d'années à peine, les cheveux bruns coupés très courts, la barbe fraîchement rasée, vêtue d'une veste en cuir et d'une paire de jeans peut-être délavé. Amusé, Wyatt joua le jeu et soutint son regard face à l'inconnu. Il ne prêtait plus attention à l'écran sur lequel étaient affichées les paroles de la chanson. De toute manière, il connaissait le titre sur le bout des doigts. Relevant le jeu de regards qui se tramait entre eux, l'inconnu sourit en retour et se rapprocha de Wyatt à petits pas.

Ni Juliet ni Harry n'avait fait attention à la scène de séduction qui avait lieu sous leurs yeux. L'un était occupé à chanter, l'autre avait entamé son propre jeu de regards avec le serveur du bar. C'était donc avec étonnement qu'ils aperçurent Wyatt venir à la rencontre de l'inconnu s'approchant très près de lui comme s'il lui chuchotait quelque chose à l'oreille. Wyatt était réceptif à la tentative de séduction. Ce fut un soulagement pour eux qui craignaient une réaction brutale comme celle avec la cliente et son maudit Smoothie.

— Ça vous dérange si je vous abandonne pour ce soir ? demanda Wyatt en revenant auprès de Juliet et Harry, avec l'inconnu qu'il tenait par la main.

— Passe une bonne soirée et à demain ! répondirent-ils en chœur, dans la joie et la bonne humeur.

S'ensuivit un échange de regards très significatifs. Celui de Juliet et Harry exigeait prudence alors que le séducteur d'un soir cherchait à les rassurer.

Tout en sifflotant l'air de Let's dance, l'homme embarqua l'inconnu qui le suivit de près sans se faire remarquer. Après être sorti du bar, l'inconnu se pencha vers Wyatt et lui susurra à l'oreille :

— Alors ? Tu ne m'as pas répondu... Chez toi ou chez moi ?

Pointant son doigt explicitement en direction de son interlocuteur, l'ami de Juliet et Harry se fit comprendre sans difficulté. Hâtant le pas, l'inconnu héla un taxi et fit monter Wyatt avant de prendre place lui aussi dans le véhicule.

Conscient de ce qu'il s'apprêtait à faire, le serveur du N.Y.Food n'éprouva aucune hésitation. Dans quelques minutes, c'était son anniversaire. Il n'avait rien dit à ses amis pour ne pas en faire toute une montagne. Habituellement, c'était un jour qu'il redoutait car cela lui faisait penser à sa vie d'avant. Au temps où il avait une famille avec qui le fêter. Cette année, il avait l'intention de le célébrer en charmante compagnie toute la nuit, en tenue d'Adam. Et ce, jusqu'au lendemain matin. Quitte à ne pas dormir. Pour faire durer le plaisir le plus longtemps possible.

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Sorryf
Posté le 29/08/2019
Eeeeet rebelotte, mon com a encore disparu è.é je n'apprend jamais de mes erreurs T.T il était super long en plus.
Bon... je reste calme et je recommence !

J'ai un peu des critiques a faire sur ce chapitre, pardon d'avance ! c'est rien de dramatique, mais des petits trucs que je trouve un peu dommage... je trouve que tu t'attardes trop longtemps sur des trucs pas très importants, et pas assez sur d'autres plus intéressants. Je m'explique :
Le dialoque sur l'échelle de Kinsey m'a paru un peu long et enfoncer des portes ouvertes je trouve. C'est assez connu il me semble, l'échelle de Kinsey, et a mon avis d'autant plus par les gens qui lisent de la littérature LGBT, du coup expliquer toute la théorie c'est un peu réchauffé je trouve.

Ensuite... Bon pardon d'avance ça c'est de la sensibilité et j'ai peut-être complètement tort... mais j'ai trouvé que ce chapitre était pas très flatteurs pour les femmes. Entre les hystériques déchainées, la horde de fangirls en chaleur qui déshabille le pauvre héros, et Juliet qui dit "En tout cas moi j'irai jamais avec une femme" (que j'imagine dit avec un certain dégout) qui va complètement à l'encontre de toute la discussion sur l'échelle de Kinsey qui a lieu juste avant... et le héros qui renchérit... je sais pas, je trouve ça maladroit. On sait que Juliet est hétéro et que le héros est gay, pas besoin de cette phrase qui contredit la discussion. Je pense que tu devrais raccourcir cette discussion, enlever cette phrase de Juliet (si tu y tiens, remplacer par un truc plus doux, dans la logique de l'échelle, on peut être hétéro sans être dégoutée par les femmes), et carrément supprimer la horde de femmes bourrées, je trouve que ça apporte pas grand chose, et ça m'a fait penser aux fangirls décérébrées dans les animes japonais yaoi, un cliché soi-disant comique mais que j'aime pas (on est donc complètement dans la subjectivité xD).

Par contre, le début de romance entre Juliet et le serveur m'a plu, et celui entre Wyatt et son coup d'un soir aussi ! mais je trouve vraiment dommage que tu passes si vite dessus, dans les dernières lignes... pourquoi ne pas en faire l'élément central du chapitre, raconter l'approche, faire un truc un peu plus sensuel ? D'autant que je me rappelle bien que dans le chapitre 1 avec Jacob, tu fais ça très bien !

Voila, bon désolée je t'ai fait un pavé de critique, mais vraiment rien n'est scandaleux dans ce chapitre ! comme j'ai du écrire ce com deux fois j'ai ptêtre manqué un peu de patience, je sais pas trop... Mais ton histoire me plait !!! J'aime beaucoup l'amitié entre ce trio de célibataires, j'aime qu'ils sortent en soirée ensemble, j'aime que Wyatt ait fait une rencontre meme si j'ai un peu la trouille que ce soit un tordu xD... mais j'espère que c'est l'amour de sa vie lol !
Dédé
Posté le 15/09/2019
Je voulais faire dans la discussion "légère" mais oui j'aurais peut-être pu trouver autre chose que le gaydar.

Et pour les femmes, cela n'était pas fait exprès du tout. Maintenant que tu me l'as souligné, je ne vois que ça et ça me dérange beaucoup. C'est venu tout bêtement du fait que j'ai essayé de transposer certaines de mes expériences en soirée (j'avoue). Mais, je nuancerai au moment de la réécriture finale. Je ne me sens plus de laisser ça tel quel. Merci de me l'avoir fait remarquer !

Un tordu ou l'amour de sa vie ? Aha. Suspense…

Je te remercie pour ton retour. Et je me répète, mais je m'excuse encore d'avoir tardé à répondre. Ce n'était pas parce que j'ai mal pris le retour. C'était un oubli honnête de ma part (et le commentaire était noyé au milieu de plein de "triangles", signes de non réponses à tous les commentaires de cette histoire). Je me suis laissé dépasser par mon propre succès. Je ne m'attendais tellement pas à avoir tous ces retours…

L'histoire te plait, j'en suis tellement content !!
Cricri Administratrice
Posté le 28/08/2019
Comme convenu, Dédé, me voici pour un commentaire un poil plus détaillé que mes impressions à chaud sur le PAchat.

Je vais me répéter sur un point : j’ai vraiment apprécié l’humanité des personnages que tu ne perds jamais de vue en dépit de la dureté des situations. Les alternances entre passé et futur permettent aussi de changer d’ambiance entre l’adolescence traumatisante de Wyatt et la vie qu’il a réussi à se construire (bien qu’en équilibre fragile) par la suite. Il n’y a, chez toi, aucune complaisance dans la cruauté.

Ce qui est vraiment dur, quand on y pense, c’est de se dire que ça existe. Que oui, certaines personnes sont punies pour ce qu’elles sont - sans même aller jusqu’à mentionner ce qu’elles ont choisi d’être. Et parce que ça existe, c’est important que des personnes écrivent sur ce sujet comme tu le fais. Te connaissant, ayant déjà lu de toi des textes beaucoup plus légers, ça doit être un vrai challenge. Bravo !

Je voulais juste soulever deux points que tu as soulevés sur le PAchat, car je sais que tu essaies de travailler dessus en ce moment :

- Le “show, don’t tell”. Je te rejoins : une scène dégage plus de force quand elle est montrée plutôt que racontée. En ce sens, je pense que tu peux aller plus loin dans cette démarche dans les chapitres sur la vie adulte de Wyatt. Tu nous fais part très souvent de ses pensées sur son passé, sir sa famille, sur le centre de redressement, sur ce qu’il y a vécu, sur à quel point ça a été dur. Pour moi, tu pourrais retirer ces phrases, ainsi que toute allusion précise et uniquement garder l’accent sur le fait qu’il lutte pour empêcher le passé de ressurgir. Et ainsi, tu laisses le lecteur découvrir pleinement par lui-même, dans les chapitres du passé, ce qui s’est produit. Par la même occasion, ça allégera le côté “torture psychologique” dont tu voulais éviter la surenchère.

- Les parenthèses d’humanité “bisounours” (pour reprendre ton expression xD). Là aussi, je suis d’accord avec toi que c’est très dur de trouver un bon dosage. Personnellement, j’ai apprécié le fait que Wyatt puisse se lier avec des personnes bienveillantes au milieu de l’enfer qu’il a vécu. Ça fait des bouffées d’oxygène dans un récit oppressant. Après, peut-être là aussi peux-tu un peu plus mettre l’accent sur le “show, don’t tell” : tes personnages (les pensionnaires du passé ou les collègues du futur) expriment énormément leur bienveillance à l’oral. Ils trouvent toujours les mots qui réconfortent ou qui détendent. Qu’un personnage le fasse naturellement, car ça correspond à sa personnalité, ça passe. Mais quand plusieurs personnages ont une communication aussi déliée, en particulier des adolescents maltraités, ça fait un peu étrange. Sans changer les scènes, tu peux privilégier les silences, les phrases maladroites-grossières-bourrues ou les gestes. Le lecteur n’a pas besoin, je pense, de grandes démonstrations : un regard, un sourire, une simple brosse à dents tendue en silence peuvent avoir un effet plus puissant que n’importe quel mot. (Ah ah, et dire que nous, auteurs, on passe par les mots pour ça xD c’est très ironique.)

A toi de voir si ça fait écho à ta démarche dans le cadre de cette histoire, Dédé ! Dans tous les cas, je lirai la suite avec plaisir (et un mouchoir à portée de main).
Dédé
Posté le 15/09/2019
Aucune complaisance dans la cruauté ? C'est ce que tu crois… (non, je plaisante). En vrai, je me fais avoir parce que j'aime beaucoup Wyatt et c'est horrible d'écrire ce que j'écris. Je suis tellement fier, satisfait, victorieux que tu trouves mes personnages plein d'humanité. C'est vraiment quelque chose que j'ai beaucoup travaillé avec cette histoire.

Tes conseils sont vraiment précieux, Cricri. J'ai conscience d'avoir évolué par rapport à la version précédente. Mais là, j'ai matière à faire pour la relecture finale et je garde ça précieusement. Tu m'as donné tellement de pistes, à la fois faciles et évidentes à utiliser en plus. Merci infiniment !!

Si tu manques de mouchoir, je peux t'en fournir quelques-uns. Ce serait la moindre des choses, je crois. Je suis tellement désolé (pince-moi les fesses, tant pis) que tu aies cru que j'allais être aussi gentil dans Zugzwang que dans Ornikar.

A très bientôt pour la suite !
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