8 septembre 2002 – Alpharetta, Géorgie
Après avoir pris sa douche, Wyatt était descendu au réfectoire comme le lui avait proposé Brian. En entrant, un homme habillé en tenue de cuisine un peu sale lui distribua un verre. Puis, il l'invita sèchement à se servir en café et jus d'orange. Les boissons se trouvaient dans des carafes sur chacune des tables. La pièce n'inspirait pas confiance, tout comme le reste du camp. Des taches de graisse semblaient être incrustées sur le sol légèrement mouillé à certains endroits. Les tables étaient nettoyées à la hâte. Certainement avec un simple chiffon tout sec. La plupart des chaises restaient bancales. Wyatt vit quelques adolescents gesticuler dans l'espoir de stabiliser celle sur laquelle ils étaient assis. Les murs étaient poussiéreux. On pouvait y voir des toiles d'araignées dans les coins du plafond. L'adolescent ne serait presque pas étonné d'apercevoir quelques souris faire la course dans le réfectoire. Rapidement, il arrêta de se focaliser sur la pièce en piteux état et repéra Brian parmi la foule attablée pour le petit déjeuner. Il le rejoignit timidement.
Au départ, il ne voulait pas de contact d'aucune sorte avec ce Brian. Mais, en le voyant prendre sa défense depuis le réveil, la carapace de Wyatt commençait déjà à se fissurer. Pourtant, il était persuadé que baisser la garde dans un tel endroit était une erreur. Sauf qu'il en avait besoin. Assurer ses propres arrières à longueur de temps, ce n'était pas une vie. Passer ses journées dans un camp de redressement, ce n'en était pas une non plus, à vrai dire. Le regard morose, encore frigorifié suite à sa confrontation avec le jet d'eau froide, et vêtu des vêtements blancs trouvés impeccablement pliés sur son lit à son retour des douches, l'adolescent arriva à la hauteur de la table de Brian. Il n'oublia pas de saluer les adolescents se trouvant à proximité. Dans la tablée, il reconnut Léo, l'adolescent-messager de Rawlins qu'il avait envoyé paître peu après Brian.
— Léo, c'est ça ? fit-il en se tournant vers lui. Excuse-moi pour tout à l'heure. Je n'étais pas d'humeur à parler à qui que ce soit... Enfin... Ce n'est pas une excuse mais...
— Je comprends, ne t'en fais pas. On est tous passés par là, tu sais, répondit l'adolescent.
— Qu'est-ce que je t'avais dit ! Que personne n'allait t'en tenir rigueur. N'est-ce pas ? rappela Brian.
Wyatt confirma d'un geste de la tête les dires de Brian. Toute la tablée qui avait prêté attention à l'arrivée de Wyatt dans le réfectoire approuva également. Un peu plus à l'aise qu'à son arrivée, il prit place à côté de Brian et en face de Léo.
Le groupe d'amis se présenta à tour de rôle. Wyatt était à la gauche de Brian et à sa droite, il y avait Benjamin. Les cheveux blonds et longs, assez grand, il se trouvait dans le camp après avoir été arrêté :
— J'avais pour habitude de voler tout et n'importe quoi. Avec le recul, oui... C'est fâcheux, admit Benjamin.
À ses côtés, se tenait assis Victor, le plus âgé de la bande. Approchant de la majorité, il se présenta du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix :
— Moi, c'est Victor. Mes parents n'ont rien trouvé de mieux pour me jeter que m'envoyer là. C'est cool les camps de redressement pour abandonner ses gosses, hein. L'idée du siècle, vraiment.
Pour le faire accepter en cet endroit, ses parents avaient inventé tout un passé violent.
— Tous ceux qui me connaissent ne serait-ce qu'un peu savent que je n'ai rien de violent en moi. Mais bon... C'est la vie.
Se méfiant un peu de sa version des faits, le regard de Wyatt bascula vers l'adolescent suivant, à savoir Noah. Ce petit brun à lunettes était parmi eux, sous prétexte qu'il n'avait jamais pu s'intégrer dans le cursus scolaire.
— J'allais lâcher les cours. Me retrouver sans diplômes. C'était hors de question pour mes vieux. Donc, me voilà ! Ce camp est supposé me faire changer d'avis.
Il se tut avant de reprendre :
— Spoiler alert : c'est un échec.
Wyatt et d'autres ne pouvaient s'empêcher de rire. Noah avait un don certain pour l'auto-dérision.
— J'ai toujours été doué en informatique. Après le camp, je suis sûr que je trouverai du boulot dans cette branche.
Du côté de Léo, il y avait Dimitri, Fergus et Ian. Tous les trois se ressemblaient.
— On se ressemble, n'est-ce pas ? fit Ian, d'un air espiègle.
Wyatt confirma la dite ressemblance.
— C'est normal. Nous sommes triplés, avoua Dimitri.
— On fait des conneries d'adolescents lambda, hein, enchaîna Fergus. Mais, comme Victor, on est un peu là sous un faux prétexte.—
— Un faux prétexte, oui, carrément, reprit Ian.
— Notre chère mère attend une nouvelle fournée de triplés. On a dû périmer en cours de route alors c'était pratique de nous jeter comme de vieilles chaussettes usées.
— Six enfants, ça fait beaucoup, ironisa Dimitri.
— Trois enfants, c'était déjà assez difficile...
Ian avait imité la voix de sa mère.
— Se protéger quand on s'envoie en l'air avec le premier venu aussi, il faut croire ! cracha Dimitri, à son tour.
À la fin de ce tour de table, Wyatt comprit qu'il n'était pas le seul avec une histoire familiale compliquée qu'il se devait de traîner comme un boulet attaché au pied. L'histoire de Léo continua de le bouleverser :
— Le nouveau mec de ma mère... Mon beau-père, à ce qu'il paraît... Il me frappait continuellement, même sous les yeux de ma mère. Mais, pour elle, il ne se passait rien. Son compagnon ne se droguait pas. Il ne buvait pas d'alcool plus que de raison. Il était aussi doux qu'un agneau. Jamais il n'avait frappé son beau-fils.
Le silence s'installa le temps de quelques secondes.
— Un jour, elle m'a accusé de me frapper moi-même. Elle en a eu marre de m'entendre. Et c'est comme ça que j'ai atterri ici. Je dois méditer sur la différence entre violence et discipline.
Wyatt et les triplés affichèrent une moue perplexe.
— Si j'avais le malheur de recevoir des coups dans mon sommeil, c'était normal. Ce connard puait l'alcool à des kilomètres mais à écouter ma mère, il était presque allergique au whisky. La bonne blague...
Au fil de son récit, l'adolescent lutta pour ne pas céder aux larmes qui lui montèrent aux yeux. Wyatt s'en voulait de l'avoir rejeté, un peu plus tôt dans la journée. Il garda sa culpabilité pour lui. Léo était déjà passé à autre chose et que cela ne servirait à rien de ressasser cet incident.
Bien qu'il fut invité à prendre un petit déjeuner, Wyatt ne tenait pas vraiment à croquer dans une tranche de pain qui datait de quelques jours déjà. Encore moins à tartiner la tranche en question avec du beurre qui commençait à être rance.
— Ce n'est pas l'idéal mais on s'y fait, commenta Brian.
— C'est dégueu mais quand on s'y habitue, ça passe, prévint Fergus.
— Personnellement, je te comprends, avoua Noah. Je me contente d'un café et d'un jus d'orange pressé et ça me suffit...
Après réflexion, le nouveau venu se décida sur son premier repas au camp.
— Je vais faire comme toi, Noah. Un café et un verre de jus d'orange, ça m'ira très bien !
Victor s'empara d'une carafe, quelque peu rouillée de l'extérieur, et versa le café encore un peu chaud dans le verre de Wyatt. Ayant besoin de se maintenir éveillé tant il redoutait sa première journée au camp, il déglutit presque d'une traite le liquide tiède. Noah ne perdit pas de temps pour lui tendre la carafe de jus d'orange qui se trouvait encore à côté de lui puisqu'il venait à peine de s'en servir un autre verre. Le nouveau venu remercia son compagnon de galère. Cette fois, il prit davantage le temps de savourer sa boisson fruitée.
— Après le petit déj', Rawlins va nous amener courir pendant au moins une heure et demie sans temps mort dans les bois. Je te préviens de suite, il sera derrière nous avec son 4x4 pour s'assurer que l'on avance à son rythme. À la suite de ça, chacun va s'en tenir à ses corvées quotidiennes.
Alors qu'il avait osé demander ce qui l'attendait pour la journée, la figure de Wyatt se décomposa au fur et à mesure des paroles de Benjamin. De ce qu'il en avait compris, la course allait être difficile. Quant aux corvées, il avait le choix : récurer le sol et les murs du réfectoire au savon et à la brosse à dents, en faire de même avec le dortoir et les toilettes, faire tous les lits au carré, s'occuper des vitres avec une éponge simplement humide. Dans le meilleur des cas, il était presque motivé pour faire la vaisselle avec une vieille éponge toute usée et s'occuper de congeler tous les plats pour le lendemain sous la surveillance rapprochée de deux gardes. Manquant de force, il ne se voyait pas devoir accomplir les autres corvées très physiques.
Lorsque l'énoncé de la liste des corvées fut enfin terminé, Brian expliqua qu'il était assigné à récurer le dortoir à la brosse à dents avec Dimitri. Il tentait d'ironiser sur la réputation de l'objet qui était bien plus efficace que ce à quoi on pouvait s'attendre. Dimitri semblait moins d'humeur à rire que lui. Noah et Ian s'occupaient de faire les lits au carré tous les matins.
— A chaque lit imparfait, on reçoit un coup de fouet sur l'arrière-train.
— Noah, tu peux dire «cul», tu sais, plaisanta Ian.
Léo récurait les toilettes, Fergus le réfectoire. Victor lavait les vitres du mieux qu'il pouvait, sans doute pouvait-il remercier sa grande taille car certaines étaient difficiles à atteindre. Dans tous les cas, si le superviseur, à savoir Docteur Brute n'était pas satisfait du travail accompli, il exhibait le fouet. Il n'avait pas l'air d'hésiter à en faire usage.
— Je ne m'attendais pas à une journée de rêve mais à ce point...
Inconsciemment, Wyatt venait de se lamenter à voix haute. Il n'était pas du genre à se plaindre de vive voix. Cette fois-ci, cela avait été plus fort que lui. Il s'imaginait devoir fuir un 4x4 déterminé à le réduire en bouillis alors qu'il avait le ventre vide pour ensuite devoir récurer les toilettes à la brosse à dents ou autre corvée similaire. Soupirant fortement, il fit ensuite preuve de retenue à l'égard de ses camarades de table.
— Ne t'en fais pas, pendant la course ce matin ou durant la corvée que l'on t'assignera, il y aura toujours l'un de nous pour veiller sur toi, le réconforta Brian en lui tapant légèrement dans le dos.
Cela ne parvenait pas à le rassurer. Cependant, cela ne lui rajouta pas d'autre inquiétude. Il avait déjà bien assez d'angoisses à gérer en cette première journée au camp de redressement. Sans compter l'odeur de rat crevé qui s'emparait de plus en plus du réfectoire. Il devait forcément y avoir une course de souris qui avait mal tourné dans les parages...
Je disais dedans : c'est chouette qu'il y ait de la camaraderie, c'est deja ca.
J'ai bien aimé les histoires de tout le monde, elles sont tristes, mais je trouve qu'elle se ressemblent un peu trop, c'est dommage de ne pas varier plus. Par exemple, mettre des ados qui sont la parce qu'il sont vraiment des délinquants, qu'ils ont deconné et ne regrette pas (je pense a celui qui dit qu'il a volé et que avec du recul c'etait pas malin... Il a volé pour le fun? Ou par besoin, rage, sans de l'injustice ? Est-ce que c'est le camp qui l'a brisé ?) apres, les vrais delinquants ils iraient dans des prisons pour mineurs j'imagine, pas dans cet endroit bizarre... Donc je sais pas.
J'attaque la suite!
Merci pour ton passage, Sorryf !