Le garde du Conseil les toisa d'un œil mauvais. Il avait l'air sèvère du militaire à la retraite toujours en quête d'héroïsme, un court poignard constamment pendu à la ceinture. Pour lui, une damona, un petit grassouillet et une gamine au style bariolée qui venait le déranger sans avoir rendez-vous était digne d'un canular. En plus, ils tombaient au plus mauvais moment, on venait de lui confier une importante mission, et les autres gardes, tout comme les conseillers, avaient déserté les lieux.
– Vous venez signaler un enlèvement ? affirma-t-il plus qu'il ne questionna.
– Non, on voudrait...
– Parce que pour les enlèvements, c'est à la soldatesque qu'il faut les signaler. J'ai pas que ça à faire, je dois m'occuper du transfert de Mahaut Tamlin, fit-il en remontant son pantalon en guise de fierté.
– C'est pas pour un enlèvement, reprit Méroé. Nous devons voir le conseiller Hiver, cette jeune fille vient de Terra, ajouta-t-elle à voix basse.
Le garde s'étrangla presque, cette fois, il en fut certain, quelqu'un lui faisait une mauvaise blague.
– Vous me faites perdre mon temps, s'emporta l'homme.
– Tu penses que je dérangerais le conseiller si ce n'était pas extrêmement important, s'énerva Méroé. Mais tu préfères peut-être qu'il l'apprenne par la rumeur. Tu imagines ce qui se passera quand la population saura qu'une terrayenne est parmi nous ? A qui s'en prendra le conseiller quand il constatera qu'il est le dernier a courant ?
L'argument fit mouche, le garde bougonna, mais pas longtemps.
– Attendez moi ici, fit-il avant de disparaître dans un couloir étroit.
– C'est qui cette Mahaut Tamlin ? demanda Nour.
– C'est une vieille dame, elle est prisonnière à Epoké depuis de nombreuses années, répondit Méroé.
– C'est la plus grande criminelle qu'An Domhan ait connu, ajouta Oren. Elle possédait de grands pouvoirs, c'était pendant la terrible pandémie, bien avant ma naissance, même celle de Méroé. Elle a mentit et trahit le Conseil, il paraît qu'elle ramenait les morts à la vie contre des trésors, et...
– Ca suffit Oren, tonna Meroé. Tu...
– Allez, suivez moi, l'interrompit le garde. Dépêchons.
Il les conduisit ses dans le dédale du Conseil, d'une sobriété austère et d'un silence de mort, avant de frapper à la porte d'un bureau. Sans attendre, il se faxa à l'intérieur. Nour entendit chuchoter, crier, murmurer, puis, une grosse voix hurla. C'était clairement un ordre. La porte s'ouvrit avec une lenteur exaspérante. Le conseiller Atticus Hiver était planté au milieu de la pièce, les mains sur les hanches. Le vieil homme compensait son petit gabarit par une grosse voix de permanente colère et un air constamment ronchon. Surtout, ses sourcils broussailleux semblaient vivre une vie indépendante de ses petits yeux bleus pétillants. Ses cheveux gris et sa barbe blanche, sa peau fripée comme une vieille pomme lui donnait l'air d'être centenaire.
— Eh bien, qu'avons-nous là ? Deux gamins et un lynx, t'as de drôles d'amis pour ton âge Méroé. Bon, qu'est ce que c'est que cette histoire ? souffla-t-il d'un ton agacé. Une terrayenne, tu sais que c'est impossible. C'est elle ? cracha-t-il en désignant Nour du menton.
Méroé acquiesça.
– Es-tu sûre qu'elle ne ment pas ?
Mais pourquoi hurlait-il de la sorte ?
– Pourquoi le ferait-elle ?
– C'est peut-être une espionne.
– Le rapteur ? intervint Oren, passé inaperçu jusque là.
– Perspicace le jeune homme, c'est toi qui la trouvée j'imagine ?
– Oui, elle était perdue, et errait dans la ville. J'ai voulu l'aider, ajouta-t-il fièrement.
– Dans certains cas petit, il est préférable de s'abstenir.
– Atticus, articula Méroé. Le passage s'est, de toute évidence, fait avec l'aide d'un bijou. As-tu déjà vu une chose pareille ?
Méroé invita Nour à montrer le médaillon. Hiver s'approcha, intrigué. Alors qu'il s'apprêtait à saisir le bijou, il s'abstint, mais l'ausculta scrupuleusement, de loin.
– C'est la première fois que je vois cette chose, fit-il rapidement avant de retourner vers son bureau. Une terrayenne, je n'en reviens toujours pas. C'est fascinant de voir à quel point tu nous ressemble, même physionomie, dix doigts et deux yeux, un nez. Un air perfide, mais il y en a aussi chez nous.
Perfide ? je suis pas perfide.
Elle échangea un bref regard avec Oren, lui aussi semblait perplexe par à l'attitude du conseiller. Hiver se mit à arpenter la pièce, en proie à une profonde réfléxion. Nour en profita pour examiner les lieux, la pièce était vaste, un bureau digne d'un ministre. Une grande bibliothèque couvrait tout un mur. Parmi les ouvrages reliés se trouvaient quantités d'objets hétéroclites. Elle reconnut un vieux transistor, une vieille bouteille de soda jamais décapsulée, et un poisson chantant fixé à une planchette. La pièce était confortable, un coin salon était aménagé dans le fond de la pièce, avec deux fauteuils en velours qui se faisaient face. L'unique ouverture, une large porte-fenêtre, était ouverte, et d'ici on voyait la mer jusqu'à l'horizon.
– Tu reconnais ces objets ? demanda alors le vieil homme, en faisant sursauter Nour.
– Oui quelqu'uns.
– Certains sont bien des objets terrayens, s'exclama joyeusement Atticus. Sais-tu ce que contient la bouteille ?
– Une boisson très sucrée.
– Tu en as déjà bu ? demanda-t-il en se penchant tout près elle, toutes dents apparentes.
– Oui très souvent, dit-elle en esquissant un mouvement de recul.
– Prodigieux. Je pensais que c'était un de vos remèdes, j'ai toujours eu peur de l'ouvrir. Ce sont tous des présents offerts par des diplomates d'Avandar et de Farandi, à l'époque où ils se rendaient encore là-bas. Mais, même eux ont étés dégoûtés par ce monde, finit-il en se redressant, bougonnant de nouveau.
– Pourquoi vous détestez autant Terra ? demanda Nour.
– Vraiment ? Tu n'en as aucune idée ? demanda Atticus visiblement choqué par cette ignorance. Jeune homme, montre nous que tu as bien appris tes leçons.
– Heu...fit Oren en se crispant un moment. Bien que Myrddin et ses compagnons aient quitté Terra de leur plein gré, ils estimaient qu'ils en avaient étés chassés par, par les persécuteurs religieux qui interdisaient tout ce qu'ils ne comprenaient pas, tout ce qu'ils n'aimaient pas, récita-t-il machinalement. Il fit une courte pause avant de poursuivre : Beaucoup des compagnons ont fuis après qu'ils aient perdu un ou plusieurs membres de leurs familles, ou qu'ils aient été torturés.
– Très bien petit, tu peux t'arrêter là. Est-ce assez clair pour toi jeune fille ? tonna le conseiller.
Nour le fixa sans répondre. Tant de ressentiment après tant de temps écoulé. Atticus attendit quelques secondes avant de faire de nouveau quelques pas dans la pièce, sous le regard impatient de Méroé.
– Que vais-je dire aux membres du Conseil ? Que va-t-on faire d'elle ? Ce qui se passe est inconcevable. La solution la plus sage serait sans doute de l'enfermer, ou du moins la cacher, dit-il avant de s'arrêter de marcher.
Quoi ? voulut crier Nour. Cet homme était fou, on n'enfermait pas un enfant, même pour la pire bêtise du monde. Cet endroit commençait à l'inquiéter. Elle chercha à capter l'attention de Méroé, mais celle-ci fixait le conseiller.
— Tu as raison Atticus, répondit enfin la damona, nous devons savoir comment elle a pu se retrouver parmi nous. Mais pour ce qui est de l'enfermer, c'est quand même radical. Je vais lui trouver un foyer, laisse-moi gérer tout ceci, tu dois être terriblement occupé.
—Pff, je tourne plutôt en rond en ce moment, confia-t-il en se laissant choir sur un fauteuil, l'air soudain abattu. Les autres conseillers meurent de trouille. Si j m'écoutais, je partirais moi-même à la recherche de ce rapteur. Crois-moi, quand il sera entre mes mains, car il sera pris j'en fais le serment, je l'éliminerais purement et simplement. Sans procès, fit-il en reprenant du poil de la bête. A l'époque j'ai été magnanime quand j'ai épargner cette ignominie de Mahaut Tamlin, mais, crois-moi je ne ferais plus la même erreur. Ces crapules doivent être exterminées comme la vermine qu'ils sont. Mais je m'égare, pardonnez-moi. Tu es là jeune terrayenne, et il nous faut bien faire avec. C'est malheureux pour toi, mais c'est ainsi. Je n'aurais jamais imaginé une chose aussi... inimaginable. Mais tu seras bien avec nous, tu verras. Et puis, ça tombe plutôt bien au final, la population va avoir droit à une diversion de premier choix. Une vraie terrayenne, les gens ne vont plus parler que de toi.
— Mais, je comprends pas, vous dîtes que vous n'allez pas m'aider rentrer chez moi ? demanda Nour, stupéfaite.
– C'est exactement ce que je dis, fit-il tout sourire. Même si nous trouvions un autre moyen que la chose que tu portes au cou, tu comprends que cela serait bien trop risqué pour nous que Terra ait connaissance de notre existence. Tu n'es qu'une enfant, et les enfants ça parlent, trop, à tort et à travers. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Mais, sois rassurée, je suis ravi de que tu sois ici, et j'ai tant de questions à te poser. C'est tellement inattendu, tellement surréaliste. Quand tu seras plus âgée, tu pourras même faire des conférences sur les us et coutumes de Terra, ce sera très intéressant. Et bien oui Méroé, occupe-toi de tout, dit-il en se relevant d'un bond. Elle ira aussi à l'école, ainsi tout le monde la verra. Pour un temps j'espère, elle nous fera oublier nos soucis. Maintenant tu vas me confier ce bijou, il ne faudrait pas que tu le perde, n'est ce pas ? demanda-t-il sur un ton mielleux, en tendant déjà la main vers la jeune fille.
– Heuu, je crois que je préfère le garder, fit Nour en serrant trop fort le médaillon.
Le conseiller replia sa main, se racla la gorge, l'air de celui qui est furieux mais qui veut se donner une contenance.
– Disposez maintenant, ordonna-t-il. J'ai à faire.
– Mais, vous devez m'ai...
Alors qu'Oren tirait discrètement sur la manches de Nour pour l'interrompre, Méroé fit un pas vers Atticus, Malakel sur les talons. Le conseiller se pencha au-dessus du lynx.
– Si tu veux savoir, je ne t'aime pas non plus, dit-il en fixant l'animal droit dans les yeux, avant de se redresser lentement. Méroé, si jamais il te prenait l'envie d'aider cette jeune fille à rentrer chez elle, je te conseille d'y réfléchir à deux fois. Il me serait facile de te faire bannir de ta corporation, tu es loin d'être indispensable. Et si cela ne suffisait pas, je t'enverrai en Avandar, ou chez les elfes. L'enfant reste ici, un point c'est tout.
Sur ces mots, il fit un grand sourire à Nour, avant de les faire sortir promptement du bureau, laissant Nour bouche bée d'effroi.
Coquillettes :)
-Elle a mentit et trahit = > menti, trahi
- Il les conduisit ses dans le dédale du Conseil, => un « ses » de trop ?
- il se faxa à l'intérieur. => se faxa ?
- ses sourcils broussailleux semblaient vivre une vie indépendante de ses petits yeux bleus pétillants => j’adore !
- – Perspicace le jeune homme, c'est toi qui la trouvée j'imagine ? => – Perspicace, le jeune ..., ... l’as trouvée, j'imagine ?
-C'est fascinant de voir à quel point tu nous ressemble, => bles
- Un air perfide, mais il y en a aussi chez nous. => Oh l’autre ! Sympa…
montre nous que tu as bien appris tes leçons => montre-nous
- ils estimaient qu'ils en avaient étés chassés par, par les pers… =>été, répétition
de par, c’est voulu ?
- Beaucoup des compagnons ont fuis après qu'ils aient perdu un ou plusieurs membres => fui
après que + indicatif = après qu’il ont perdu, qu’ils ont été torturés
- il sera pris j'en fais le serment, je l'éliminerais purement et simplement. => nerai
- quand j'ai épargner cette ignominie de Mahaut Tamlin, mais, crois-moi je ne ferais plus la même erreur. => épargné, ferai
- les enfants ça parlent, => ça parle
-il ne faudrait pas que tu le perde, n'est ce pas => perdes
A bientôt !
Whaouu toutes ces coquilles c'est abusé. Merci, merci merci.
La réécriture est laborieuse mais vraiment nécessaire, tes compliments me motive à continuer.
A bientôt :)
Je trouvais le conseiller presque sympathique au début, mais la fin m'a donné envie de lui crier dessus !
Ce chapitre est sympathique à lire (même si on sent qu'il va falloir un peu de relecture ^^), le caractère du garde, qu'ils ont l'air d'ennuyer, comme celui du conseiller ressortent bien et les rendent plus vivants (j'ai beaucoup aimé la partie sur l'air perfide de Nours).
On se demande évidemment qui est cette étrange sorcière et vu le conseiller de la ville, on ne peut que se demander si elle n'a pas été traité injustement. Bien que l'argument de ce que les terriens feraient d'un portail est plutôt convaincant (le conseiller est au moins réaliste) et je pense qu'il mériterait même un poil plus d'explications (tout comme sur le dégoût des autres pour Terra).
En léger bémol, je me demande un peu pourquoi Oren ne parle pas plus lors du dialogue. Peut-être que quelques descriptions sur son comportement seraient intéressantes. Je regrette aussi de ne pas plus voir Méroé intervenir, mais on comprend bien qu'elle ne veut pas de confrontation directe avec le conseiller.
Je ne vais pas trop t'embêter avec le style, toutefois j'ai remarqué plusieurs fois que tu mets à la fois une phrase d'introduction de narration et une incise. Parfois ça marche bien, parfois ça alourdit un peu, te je conseillerai d'en user avec un peu plus de parcimonie.
Par exemple : "Nour entendit chuchoter, crier, murmurer, puis une grosse voix hurla."
Bon courage pour la suite !
Merci pour tes remarques judicieuses. Quand je les lis je me dis que j'écris vraiment en dilettante, sans suivre aucune règle et il faut que j'y remédie.
Ce chapitre est un premier jet, j'ai fais une première relecture, mais il y en aura moults autres.
A bientôt :)