Epoké était un dédale de ruelles qu'Oren connaissait par cœur. Il marchait vite, Nour sur les talons. Le jeune garçon serpentait entre les passants, dont certains attardaient leur regard sur la fillette. Ils déambulèrent dans la rue des potiers, celle des bouquinistes, et des herboristes. Puis, Oren s'arrêta brusquement devant une porte verte, Nour manqua de lui rentrer dedans.
– C'est bien là ?
Elle secoua vigoureusement la tête. Oren attrapa la poignée, la secoua dans tous les sens. Il finit par pester, avant de mettre un léger coup de coude. En désespoir de cause il mit un coup de pied dans la porte. Mais celle-ci resta fermée.
– C'est trop bizarre. Je peux revoir le médaillon ?
Nour s'éxécuta.
– Nulla spes, nulla vita, murmura-t-il. Nulla spes, nulla vita, répéta-t-il plus fort. Tu sais ce que ça veut dire ?
– C'est un vieux langage terrayen que Myrddin affectionne, dit quelqu'un derrière eux. Cela signifie : sans espoir, pas de vie.
Nour porta son regard sur la nouvelle venue, une jeune femme, et la détailla alors avec un sans gêne que sa mère aurait réprouvé. D'abord ses longs cheveux châtains vaguement emmêlés, ses grands yeux verts, sertis de milliers de paillettes dorées. Surtout, la large bande noire qui couvrait ses paupières et son nez, comme si elle portait un masque, et qui accentuait encore ce regard, déstabilisant et hypnotique. Ses doigts fins étaient couverts de tatouages qui remontaient le long de ses bras jusqu'aux épaules que laissait apparaître la longue cape à capuche fermée sur le cou. Ses vêtements étaient simples, comme ceux que portaient les habitants de l'île; une tunique qui lui descendait aux genoux, brodée sur le col, et un pantalon large qui s'arrêtait aux chevilles. Des bottines en peau et une large ceinture de cuir d'où pendait une serpette complétaient l'ensemble. Son air était grave, et sa voix assurée, autoritaire, mais douce.
– Salutations Méroé.
– Salutations Oren, répondit-elle en s'attardant toutefois sur la fillette.
– Voici Nour Apsoum, dit Oren en la montrant avec ses mains. Et voici Méroé Mora.
– Salutations Nour Apsoum.
Nour lui répondit par un léger signe de tête, impressionnée par la jeune femme.
– Méroé, tu tombes particulièrement bien, enchaîna Oren.
– Ce serait une première.
La réplique fit sourire Nour.
– Elle est perdue, intervint Oren. Elle vient de Terra, chuchota-t-il, sur la défensive.
– Vraiment, de Terra ?
Méroé en détaillant la tenue de Nour, son air changea. Elle observa autour d'eux, et aussi loin qu'elle le pu comme pour guetter une menace.
– Nour s'est évanouie chez elle, et s'est réveillée dans cette remise, expliqua Oren, mais la porte est fermée.
– Tu es seule ici ?
Nour opina silencieusement. Elle était vraiment seule. Méroé semblait croire son histoire, ce qui la réconforta un peu.
Puis, ce qui se passa lui donna envie de se frotter les yeux, elle avait visiblement la berlue. Elle vit Méroé faire un léger mouvement de la main, une arabesque élégante digne d'une danseuse. Jusque là tout était normal, étrange vu le contexte mais normal. L'instant d'après il y eut un cliquetis, et la porte de la remise s'ouvrit, à distance, alors que Méroé se trouvait à plus d'un mètre de celle-ci. Par pur magie. Elle jeta un coup d'oeil vers Oren, pas surpris le moins du monde.
Trop bizarre.
Oren suivit Méroé à l'intérieur, et Nour bien qu'hébétée l' imita. Là, Méroé tourna plusieurs fois sur elle-même, refit un mouvement sec de la main, et tous les sacs de jutes s'élevèrent dans les airs, avant de reformer la pile quelques secondes plus tard.
Une fois encore, Nour observa la réaction d'Oren, mais rien. Soit il ne voyait pas ce qui se produisait sous ses yeux, ou pour lui était-ce simplement la routine ? Noon !
– Je ne vois rien d'anormal dans cette remise, annonça Méroé.
Alors se servir de son esprit à la place de ses mains est tout à fait NORMAL ?!
– A ma connaissance, cela fait des siècles que le portail terrayen est condamné.
– C'est ce que je lui ai dit. Aucun terrayen ne peut venir en Doradéa, c'est impossible, répliqua en articulant.
– Visiblement, nous avions tort, Oren. Nour, avais-tu connaissance de notre monde ?
– Non, ni d'aucun autre monde.
– Ca ne m'étonne pas vraiment. Cette histoire me dépasse.
Si tu le permets je vais t'ausculter, dit-elle en s'agenouillant devant elle. On ne sait pas ce qui a pu se produire pendant le transfert.
– Méroé est une damona, une guérisseuse, expliqua Oren. Elle soigne et met au monde les bébés. Les domanae sont exclusivement des femmes, et heureusement, mettre des enfants au monde à l'air dégoûtant.
Nour et Méroé se regardèrent et ne purent s'empêcher de sourire. La terrayenne accepta silencieusement la consulation médicale. Méroé posa la main sur son front, elle lui demanda ensuite de regarder à droite et à gauche, prit ses mains dans les siennes et les examina avec soins, les sourcils froncés. Sa respiration était lente, ses gestes délicats.
– Tu parais être en parfaite santé, déclara-t-elle. Je t'assisterais au mieux dans cette épreuve, mais je dois bien t'avouer que je suis démunie face à ta situation. Aurais-tu quelque chose à me dire qui pourrais m'aider à te faire rentrer chez toi ?
Nour hésita quelques instants avant de lui montrer le médaillon, jusque là caché sous son tee-shirt. Méroé observa les motifs, plissa le yeux ,visiblement embêtée. Nour sentit son cœur battre plus vite.
– Il appartenait à mon père, Victor.
– Je ne connais personne du nom de Victor Apsoum. Il me semble avoir déjà vu ce médaillon, mais j'ignore où. Ecoute Nour, tu ne devrais pas parler de ce bijou à personne, ne le montre à personne, jusqu'à que l'on sache ce que c'est. Cela pourrait t'attirer des ennuis. C'est entendu ?
– Bien sûr, mais...
– Pas de mais. Il a vraisemblablement beaucoup de valeur, cela peut attiser les convoitises.
– Très bien, répondit Nour, maintenant totalement effrayée. Vous allez m'aider à rentrer chez moi ?
– Je n'ai d'autre choix que de te conduire au Conseil. Même si en ce moment, fit-elle en se grattant le menton.
– A cause des enlèvements ? demanda Oren.
– Oui, presque tous les conseillers se sont confinés chez eux avec leurs familles. La venue d'une terrayenne, en plein cœur d'Epoké, ne ferait que les inquiéter davantage. Cependant le conseiller Hiver ne quitte jamais le bâtiment, il sera seul. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose au final, allons-y.
Ils sortirent de la remise, Oren ferma la porte, et d'un nouveau geste, Méroé la verrouilla à distance sous les yeux ébahis de la jeune fille. Au lieu de prendre immédiatement la direction du Conseil, la damona scruta de nouveau la rue. Nour sursauta, un animal avançait vers eux d'un pas tranquille. D'instinct, elle fit un pas en arrière. Un lynx. Des dragons, et maintenant ça !! Allait-elle finir dans l'estomac de l'un d'eux ?
– Voici Malakel, présenta la jeune femme en voyant l'air quelque peu confu de Nour.
Le lynx et Nour s'observèrent avec attention. Le pelage de Malakel était beige strié de noir, en particulier les très longs poils qui finissaient ses oreilles. Son regard avait tout de celui d'un humain, ce qui perturba Nour, tout autant que son allure altière et son air protecteur envers la damona.
– Malakel est, mon acolyte si je puis dire, mon associé, et mon ami.
Elle est amie avec un lynx !!!?!
– C'est chouette, fit-elle en espérant afficher un air décontracté.
Les enfants, et Malakel suivirent Méroé dans les rues en pente. Nour restait silencieuse, quelque peu inquiète à l'idée de rencontrer les sages.
– Salutations Méroé, l'interpella une vieille dame qui passait devant eux.
– Salutations Madame Machan, tout va comme vous voulez ?
– J'allais bien, mais c'est bête je me suis écorché le mollet en jardinant. Ce n'est pas grand-chose, mais pourrais-tu me préparer un cataplasme d'argile, j'enverrai Jeannot le chercher.
– Vous devez vous faire examiner, voulez-vous que j'y jette un œil ? insista la damona en s'approchant de la vieille dame.
– Oh non, si ça s'aggrave, j'irais voir Petra.
– Je suis, moi aussi, une damona, s'agaça Méroé.
– Je sais bien ma ptite, mais tu es encore si jeune, fit-elle en souriant. J'envoie mon Jeannot chez toi dans la soirée, ajouta-t-elle en reprenant son chemin, laissant la damona visiblement amère.
– J'ai le don, j'ai été initiée, bougonna-t-elle. Ne serais-je donc jamais prise au sérieux ?
– Moi je te trouve super, répliqua Oren. Tu te rappelles quand tu m'as ôté cette écharde grosse comme un tronc d'arbre, j'ai même pas eut mal. Méroé a été initié à l'âge de quinze ans, expliqua Oren, alors que normalement il faut avoir dix-huit ans au minimum. Mais, elle venait de sauver la vie de ce monsieur là, je me souviens plus de son nom.
– Monsieur Quiber, répondit Méroé.
Comment pourrait-elle oublier l'accident, le sang, le regard terrifié de cet homme sur le point de mourir. Sur le moment tout le monde avait loué son courage, son sang froid. Les Anciennes avaient décidé de l'introniser. Et puis, les gens avaient oublié son fait d'arme, ne voyaient plus que son jeune âge. Maintenant, à l'aube de ses dix-huit ans, et alors qu'elle sentait au plus profond d'elle même qu'elle était capable de grandes choses, on la missionnait seulement pour préparer des cataplasmes.
– Tu es mon meilleur patient ptite tête, reprit Meroé en lui ébouriffant les cheveux.
– Un jour tu seras une grande damona, annonça Oren.
– On verra ça. En attendant, aidons cette terrayenne à rentrer chez elle.
Coquillettes :
-Par pur magie => pure
-répliqua en articulant. => répliqua Oren ?
- les domanae => damonae
-tu ne devrais pas parler de ce bijou à personne, ne le montre à personne, jusqu'à que l'on sache ce que c'est => peut-être il y a un "à personne" de trop ?
- confu => confus
- Malakel est, mon acolyte => enlever la virgule
Toujours un plaisir !
A bientôt
Toujours ces coquillettes aarrhh
Bien vu, Méroé est plus jeune, et n'est plus la directrice de l'école (ça n'apportait pas grand chose à l'histoire finalement). Je la préfère en grande soeur, plus proche des enfants.
Contente que ça te plaise en tout cas, ça rassure.
A bientôt :)
Comme je suppose qu'il est là pour de futures relectures je vais éviter de trop m'attarder sur la forme, je tiens juste à noter que c'est plutôt fluide bien qu'il y est pas mal de répétitions.
Ainsi qu'à remonter "elle venait de sauver la ville de ce monsieur là" => je pense que le mot était "vie" et pas "ville".
Pour le fond, j'aime bien l'arrivée de Méroé, son caractère est amusant et elle aide à faire avancer l'histoire. Il aurait toutefois était intéressant de la décrire dès que Nour la regarde, là cela arrive un chouilla tard.
Le paragraphe de la découverte de Malakel est un peu rapide, on ne comprend pas trop ce dont Nour à peur ni l'endroit où ils sont et depuis combien de temps ils ont quitté la remise. Bref il manque une petite phrase ou deux d'introductions. Il pourrait être intéressant aussi de savoir si Malakel a l'air bien admise en ville, comme la magie, ou si c'est plus original.
On découvre l'appellation damona uniquement lorsqu'elle désigne Méroé, je pense qu'il aurait fallu l'expliquer avant. Même sans dire ce que c'était vraiment, cela tombe comme un cheveu sur la soupe là.
Le passage où on apprend que Méroé veut faire ses preuves est plutôt sympa, ainsi que le soutien d'Oren à son égard, les personnages sont bienveillants les uns envers les autres et c'est plutôt cool.
Je suis curieux de rencontrer le conseiller Hiver maintenant, allons donc voir ce qu'il a à dire sur Terra.
Bonne continuation !
Effectivement, à la relecture il y a pas mal de répétitions, et ça manque de précision çà et là ( j'ai commencé les corrections)
Merci pour tes remarques toujours pertinentes
A bientôt :)