7- Anthony

Notes de l’auteur : - Ce chapitre est un premier jet-
la mise en page à changée et peu a peu les autres chapitres vont suivre =)

 

7-Anthony

 

Après de brèves discussions, le plan est de partir du côté le plus large et à l’opposé de la cuisine qui semble être la seule entrée praticable. Si quelqu’un est présent, c’est forcément le plus loin possible de là où ils sont, au cas contraire l'un d’entre eux l’aurait entendu à un moment ou à un autre, lors de leur arrivée ou de leur installation. De plus, les bruits de pas qu’il avait perçus avec Daniel allaient dans cette direction, on ne peut pas faire plus claire comme preuve, non ? Quoi qu’il en soit, la décision est unanime. Enfin, presque. Aurélie accepte à défaut de ne pas avoir d'autres solutions, il n’est pas surpris. Ses seuls choix ont été : de rester dans la voiture ou bien de suivre les autres, elle a opté pour l’option la plus sécuritaire, c'est-à-dire celle où elle ne reste pas seule.
Pour sa part, son côté logique lui hurle de partir d’ici. Mais une sensation, un picotement lui prêche le contraire. Ses doigts se referment sur sa caméra, il est là pour une raison, il sent qu’il doit aller jusqu’au bout. Paranormal ou pas. Il aura sa vidéo. C’est tout ce qu’il compte pour lui désormais. 


Sa meilleure amie sort une bouteille d’eau déjà à moitié vide de son sac et la fait tourner, la glacière s'étant fait la malle avec tout le reste c’est tout ce qui leur reste pour le moment. Daniel ne fait même pas attention au rafraîchissement tendu vers lui, le regard perdu autre part. Anthony au contraire, l’accepte avec soulagement et les quelques gorgées qu’il prend sont grandement appréciables. Il n’avait pas remarqué la sensation aride au creux de sa bouche tellement il est absorbé par les derniers événements. 

Tous les esprits de nouveau en place et leur soif étanchée, ils sortent du hall et , traversent une fois encore le couloir qu’il a exploré il y a maintenant plus d’une heure. Alors qu’ils passent devant la grande porte principale, se frayant un chemin au travers des lumières colorées, l’admiration est palpable. Les couleurs dansent sur la main d’Aurélie, et ses doigts pourchassent avec grâce les grains de poussière alors qu’elle lève le bras un peu plus haut. Il ne peut que s’accorder avec cette réaction. Le jeune vidéaste a tellement hâte de montrer les images qu’il a filmé un peu plus tôt, alors que la lune grimpait dans le ciel et que ses rayons tapaient pile au travers des vitraux. C’est précisément le genre d’ambiance, de beauté qu’on ne peut apercevoir que très rarement dans les bâtiments cubiques et sans âme qui envahissent de plus en plus les villes.C’est ça qu’il est venu chercher ici. 

Le jeune homme accélère le pas devant la salle aux pupitres, ne voulant pas s’y attarder et ils se rendent face à une nouvelle porte en bois. La poignée est différente des précédentes. Elle est longue, en or plaquée et ornée de belles gravures, un peu similaires à celles qui décorent le chambranle de l’entrée maintenant qu’il y pense. Anthony jette un coup d'œil à ses amis, Daniel ne fait pas attention à lui, son regard pointe vers sa droite, mais Lolah et Aurélie semblent attendre qu’il passe pour entrer à leur tour. C’est vrai qu’elles se sont pour le moment cantonnées à l’étage, c’est donc à lui d'indiquer la voie, ce qu’il fait sans broncher. La froideur du métal contre sa paume chaude lui procure une fraîcheur qui le fait agréablement frissoner. Précautionneusement, il entre dans la pièce et un souffle de déception s’échappe dès l’instant ou le rayon de sa lampe torche laisse entrer la lumière.
  — Il n’y a personne.
Il ouvre un peu plus grand, laissant un passage pour les autres avant de s’aventurer un peu plus loin .
— Je comprends toujours pas pourquoi on ne peut pas partir et revenir chercher le matériel plus tard, marmonne Aurélie, s’engageant juste derrière Lolah.
Elle se plante au milieu de la pièce à côté d’Anthony, penaude. Il s’empresse de lui répondre, impatient que ce débat se termine.
— Daniel à raison, si on part on ne pourra jamais récupérer tout notre matos. Et j’y ai mis plusieurs mois de salaire.
Et puis surtout il n’aura pas ce pourquoi il est venu, et ça il en est hors de question. Ses pupilles se fixent sur daniel, à l'affût d’un soutien ou d’une approbation du jeune homme, mais ce dernier est posé droit contre le mur, juste à côté de la porte. Il ne prend pas la peine de se joindre à la conversation, ni même de se joindre à eux. Anthony pivote légèrement sa tête, inspectant un peu mieux son ami. Son comportement l’intrigue, Quelque chose à changé depuis leur arrivée. La voix de Lolah s'élève, remplissant l’espace sombre qui les entours. 
— Aurél’, si t’es pas à l’aise concentre toi sur la caméra. Filmes.
Un sourire en coin se glisse sur son visage et elle pointe Anthony avec son pouce, le point fermé, alors qu'il croise avec humour les bras sur son torse, attendant son argument.
— De un, y’en a un ici qui sera content et de deux, si l’un d’entre nous à une réaction ridicule, tu sera celle qui détient les images de la honte !
Ses mots sont visiblement bien choisis car les épaules de la blonde s'affaissent calmement et il entrevoit même les commissures de ses lèvres se relever. Anthony ne se questionne plus sur ce qui à fait changer d’avis Aurélie, Lolah à mit son grain de sel, et ça à peut être bien mieux fonctionné qu'elle ne le pense.

C’est bien mignon, mais il ne sont pas là pour se prélasser. Il s’avance avec prudence un peu plus loin, a chacuns de ses pas les lattes de bois putréfiées émettent un bruit de sucions sous ses chaussures. S’appuyant avec précaution, il sent une des planches s’enfoncer mollement dans le sol et décide de se décaler afin de mettre le plus gros de son poids sur une autre latte, moins grignotée par la pourriture. La même odeur désagréable lui monte aux narines, l'édifice à dû subir de gros dégâts lors des intempéries des derniers hivers. Il prend soin de respirer par la bouche, même si cela lui laisse tout de même un arrière goût amer à l'arrière du palais.

Il s'octroie quelques instants afin d’évaluer la pièce, bien plus grande que ce à quoi il s'attendait, elle paraît à la fois remplie et tristement déserte. Les papiers peints des pièces adjacentes sont ici remplacés par des lattes en bois vernies, étrangement moins atteintes par la moisissure que celles au sol. Deux bibliothèques recouvrent le mur à droite. Les livres se bousculent sur leurs étagères et certains ont même fini sur le sol, leurs pages grignotées par une matiére noirâtre et luisante, les rendant illisibles et prêt à terminer en bouillie au moindre inconvénient. Le plancher est recouvert de vieilles feuilles et de cartons collés au sol par l'humidité, au centre s’y dresse un bureau d’un bois soigneusement entretenu. Il fait quelque peu tache au milieu de tout ce fatras, même si de nombreux papiers en désordre recouvrent sa surface.
Comme toutes les autres fenêtres de ce bâtiment, d'épaisses planches de bois sont clouées, ne laissant passer ni les rayons de la lune, ni le moindre son venant de l'extérieur. Curieusement l’absence du bruissement des feuilles contres les murs de pierre ou même le hululement des chouettes alentour laisse un vide désagréable. Derrière lui, à côté de l’entrée, un meuble plus haut que large laisse échapper de ses tiroirs ouverts une flopée de porte-documents en pagaille.
Il ne sait même pas par où commencer. 

La première qui fait un geste, s’aventurant au centre, est Aurélie. Tournant sur elle-même pour examiner un peu mieux les alentours, le bras qui ne tient pas la lampe ballotte lâchement contre son corps. 
— On doit être dans le bureau principal.
Sa main se pose près de son nez, l'odeur à l'air plus forte vers le fond de la pièce. Anthony guide agilement son objectif le long des murs. Ne ratant aucuns détails. Insistant sur la moisissure, le sol qui dépérit, les livres en pagaille pour terminer son plan sur le bureau. Personne n’ose trop faire de bruit. Même lolah d’habitude si bavarde reste accroupie le nez dans meuble porte document sans rien dire. La peur d’être traqué et repéré les a tous un peu secoués. Ce serait mentir à lui-même que de dire qu’il ne ressent pas comme un tourbillon au fond de lui. Serrant ses intestins, les réduisant en une simple bouillie qui lui soulève le cœur. Mais contrairement à eux ce n'est pas de la peur qui le traverse, mais l'excitation. Quelque chose le pousse à continuer. Quelque chose sur lequel il n’arrive pas encore à mettre le doigt. Comme un fil qui le tire, l’emporte avec lui. Un fil qui lui promet ces choses dont il rêve depuis tant de temps.

Alors, il s’avance à son tour, dépasse Aurélie pour passer derrière le bureau, tout en filmant les moindre faits et gestes de ses amis. Tout est bon à prendre, il doit tout immortalisé. Derrière le meuble, la chaise est poussée pour qu’il puisse s’y asseoir et consulter les différents papiers qui s’entassent devant lui. Avec soin, il dépose sa caméra sur le coin gauche après y avoir fait un peu de place prenant un soin particulier à bien l'orienter dans sa direction. Sa gorge le gratte, il tousse et commence à fouiller. Comme il s’en doutait, il n’y trouve aucune trace de leurs matériels. Mais il ce n’est pas pour autant qu’il ne va pas trouver un indice, une piste. Quelque chose à se mettre sous la dent . Tout ce qui recouvre le bureau, sont de vieux papiers, différentes autorisations avec plusieurs noms qu’il ne connaît pas. Surtout des factures en fait. Il s'apprête à reposer négligemment le document entre ses mains quand quelque chose attire son œil. La date. 
— Hey, regardez ça, les journaux dans la cuisine ils dataient de quand déjà ?”
Il parle mais ses iris restent gelés sur le papier.Trois paires d’yeux sont fixées sur lui.
— 1940 pourquoi ? … Juillet je crois plus exactement, déclare Aurélie.
— C’est bien ce que je me disais, Anthony décroise ses pieds sous la table et lève le document pour que ses camarades puissent à leurs tours le lire mais réalise très vite que son geste est sans intérêt, au vu de leurs placement dans la pièce.
— Ce papier est daté de l’année 2011. C’est une sorte de devis ou je sais quoi, ça prouve que ça à été racheté entre temps.
Intéressée, la blonde est devant lui en quelques secondes, les papiers entre les mains et les deux coudes posés sur le bureau.
— C’est un devis pour une installation électrique. Et au vu du prix je pense savoir pourquoi cet endroit est toujours vide
Un sifflement s’échappe de sa bouche. Divers feuilles posées sur le bord du meuble volent négligemment vers le sol au moment où elle se relève.
— Attendez … ça veut dire qu’on est réellement sur une propriété privée?  s'inquiète la jeune femme.
Un soupire s'échappe faisant basculer sa tête vers l'arrière. En soit, ça il le savait déjà. Il semble logique que le bâtiment appartienne à quelqu’un, ou même à la commune où autres associations, mais cette information complique un peu les choses. C’est bien plus récent qu’il ne le pensait. La voix de Lolah résonne dès l’instant où sa tête émerge du porte document.
— Alors de un, c'était quand même il y a plus de dix ans. 
, Anthony pourrait parfois jurer qu’elle lis dans ses pensées, mais ça change un peu la perspective des choses. Dans l'intention d’argumenter, il emplit ses poumons mais elle le coupe.
— En plus j’sais pas si vous avez remarqué, mais tout est comme à l’époque. J’ai l'impression que rien n’a bougé… à part quelques trucs par ci et là. Si ça se trouve ils sont juste passer comme ça, ont vu que c'était trop compliqué et sont repartis. Fin de l’histoire.
En soit, ça se tient, pourtant quelque chose le tracasse. On ne passe pas comme ça en coup de vent quand on achète une bâtisse de cette ampleur. Ce n’est pas le genre de chose qu’on fait sur un coup de tête. C’est quelque chose qui se pense, se planifie, se réfléchit…  Mais comme si elle pouvait répondre à tout, la brune complète, agitant une pile de papier jaunit
— Je vous présente ici les dossiers des gamins qui ont été accueillis ici. Tony t’avais raison, elle lève les doigts vers lui pour le faire taire avant qu’il ne se vante. Un éclat d’amusement brille dans ses iris, et il ricane pour faire bonne figure. Aurélie passe derrière Lolah afin de lire par-dessus son épaule, et il sent sa curiosité piquée lorsqu’il voit la chair de poule se dévoiler sur les bras de sa meilleure amie. Et dire qu’elle se croit discrète. Avec agilité, il tourne la caméra vers elles. Tout doit être filmé, il se répète. Absolument tout.
— Donc on a, des abandons, des histoire de bagarre, des punitions à gogo et ..oh tiens même une disparition ! Lolah sort une feuille en particulier du lot et la regarde quelque seconde avant de la faire passer à Aurélie, qui se penchait de plus en plus pour lire les petits caractères.
— Franchement les gars, qui garderais ce genre de truc chez lui. Qui que ce soit, ils ont fait un aller retour et je suis prête à parier ma main droite qu’ils ne sont jamais revenus, on a tout ce qu’il faut pour faire flipper, le parfait cocktail, renchérit la brune.
Réflexion faite, Anthony est certain qu’il ne resterait pas vivre dans un tel endroit non plus. Il observe le dossier entre les mains d'Aurélie pendant qu’elle le parcourt brièvement. Elle montre une phrase à Lolah, et il baisse la tête vers son écran de caméra. Ses mèches blondes lui retombent sur les yeux  et la sueur sur son front s’est asséchée. Les deux jeunes femmes occupées à fouiner entre les lignes, il concentre son attention sur Daniel. Son ami n’a pas bougé d’un centimètre. Anthony tourne de nouveau sa caméra, il zoome cette fois- ci sur le visage du jeune homme. Le blond penche la tête et observe un peu mieux son camarade. Ses traits sont fermés et pourtant ses yeux vont et viennent de gauche à droite, puis de haut en bas. Parfois, il hoche la tête ou regarde derrière lui.Tout cela avec une retenue qui laisse penser qu’il ne veut pas se faire repérer.
Le vidéaste fait passer sa langue le long de ses dents. Quelque chose ne tourne pas rond. Quelque chose ne va pas mais il n’arrive pas à s’en inquiéter, il observe simplement, sans qu’une quelconque émotion ne le traverse. Il remplace son camescope. Zoomant encore un peu plus. Non, au contraire. Dire qu’il ressent rien serait mentir. Le truc c’est qu’il ne ressent aucune préoccupation pour son ami. Aucun énervement pour son matériel. Aucune appréhension de se faire prendre. Ce qu’il sent le traverser est absolument différent.Cette chose l’anime, l’encourage et fait grandir le sourire satisfait sur ses lèvres asséchées par la chaleur. Il baisse le regard vers l'image sur l’écran. Daniel remplit entièrement le cadre, coupant au niveau de son buste. Il discerne son expression avec précision ainsi que chacun de ses mouvements.
-Tony, passe le papier, celui avec le devis.

La question de Lolah le sort de sa torpeur et il hoche la tête, hagard. Quelques secondes à farfouiller dans les divers papiers et il met la main dessus et le lui tend.      — Qu’est ce que tu veux foutre avec ça ?
—On garde tout, on sait jamais, et puis si il l’a laissé traîner comme ça c'est qu'il en a un peu rien a faire non?
C’est visiblement une question rhétorique car elle n’attend pas qu’il réponde pour le lui prendre des mains, ouvrir son sac et le ranger avec un des documents qu’Aurélie lui tend. Anthony laisse son dos s’appuyer sur la chaise et le dossier en charpie  échappe un grincement macabre, mais il ne réagit pas, scrutant toujours son écran. Il y voit la tête de Daniel se relever et, avant qu’il ne réagisse, son ami est déjà au milieu de la pièce, à quelques pas d'Aurélie et Lolah. Son geste semble avoir surpris tout le monde car toute l'attention est d’un coup dirigée sur lui.
— Tu devrais pas toucher à ça. Et puis je pense que vous avez fait le tours non, il n’y a visiblement rien ici, sa voix s'élève, un peu rauque.
Entre ça et le piano, Anthony se demande à quel moment ce dernier s’est acheté une conscience. Lors de leur arrivée, il n'était pas plus intéressé que ça par les lieux. Il observe les yeux du brun virer vers la droite, puis se recentrer sur les filles, enfin, plutôt sur Aurélie.
— On devrait retourner dans le Hall, crois moi, chuchote-il a sa colocataire, mais elle ne l'écoute pas. 

La tête d’Aurélie est baissée vers le bas et un air horrifié commence à tordre les traits de son visage. La jeune femme attrape son bras en un mouvement. Son geste est si vif, qu’elle ne laisse aucune chance à Daniel d’échapper d'entre ses mains. Elle le tire vers le halo de lumière qui s’échappe de la lampe de Lolah.
— Daniel…il t’arrive quoi.
L'intéressé baisse la tête, pas étonné le moins du monde.
La distance et l’obscurité des lieux se faisant, Anthony ne peut pas distinguer clairement de quoi elle parle. Curieux, il se lève de la chaise, et parcourt en quelques enjambées la distance qui le sépare du groupe, caméra en main. Il n'entrevoit que rapidement les taches rouges, gonflées comme des cloques, avant que ce dernier ne se retire vivement. Aurélie reste là, les mains qui tenaient le bras de Daniel il y a quelques secondes encore, figés dans les airs.
— Me regardes pas comme ça, c’est rien c’est bon, lâche Daniel.
Il s’éloigne de la lumière et s'agace.
Le brun commence à faire les cent pas. Et maintenant qu’il est plus prêt, Anthony remarque les grosses gouttes de sueurs qui coulent le long de sa tempe pour se loger dans sa nuque, ainsi que la rougeur de ses joues et son souffle saccadé. Vers le col de son tee shirt, une nouvelle tache rouge se dévoile, laissant entrevoir que les dégâts ne s’arrêtent pas qu'à ses bras..
— Qu’est ce qu’il t’arrives ? On peut pas te laisser comme ça. Faut qu’on t'emmène voir un médecin ou.. quelque chose…Aller, on ira chercher votre matériel demain à la première heure, mais tu peux pas rester comme ça, objecte Aurélie.
— Oh arrête j’ai pas besoin de ta pitier tout va bien je t’ai dit.
Daniel se retourne vers lui et Lolah, les prenant à parti.
— On ne part pas, on ne peut pas partir d’accord ?
— Ecoutes moi s’il te plaît, insiste Aurélie, essayant de plonger son regard dans le sien. Peut être qu’elle espère qu’il lise ses craintes, son affolement, mais rien n’y fait. N’ayant aucune réponse de leur part, il se détourne de ses deux autres camarades et l’attrappe par les épaules, ses mots s’entre-choc, rapide, presque murmurés.
— Reste, vient… il faut que je te montre quelque chose. Vient. Aller.
Lolah se mord la lèvre et après un instant de flottement, elle s’avance furtivement vers Anthony.
— Anthony, elle a pas tord faut qu’on fasse quelque chose. C’est pas grave, on retournera chercher le matos tous les deux dans la matinée, le regard sérieux, elle fait tourner la bague de son annulaire entre ses doigts.
Anthony ne peut s’empêcher de remarquer qu'elle la porte toujours et ce malgré les années qui ont pu passé depuis qu’il lui a offerte. C’est un bijou de pacotille, mais elle ne l’a jamais quittée. Il déglutit mais n’a pas le temps de s'éterniser car, devant eux, Daniel tient de moins en moins en place. Le brun se place devant aurélie, faisant barriére entre eux et la jeune femme. Fiévreusement il lève son index, les pointant fermement.  
— J’ai dit on reste ici ! Toi ! Essaie pas de m’évincer à la moindre occasion.
Sa main tremble, et son poing est si serré que le sang passe difficilement dans les extrémités, blanchissant ses doigts.
— Merci Lolah de te soucier de moi même si je suis actuellement un vrai connard, moque La jeune femme les yeux levés au ciel.
Le concerné souffle par le nez et elle lui répond d’un majeur levé en l’air. Anthony se tait, son cerveau est bien trop occupé à trouver une solution. Malgré son comportement, il est d’accord avec Daniel. Ils doivent rester ici. Et si l’air suppliant de Lolah ou l’air agité d’Aurélie n’arrive pas à l'atteindre, il n’a pas le temps de se poser de question là dessus. Il lui faut une solution. Maintenant. Nerveusement il tire sur la peau de sa lèvre supérieure. Le goût métallique du sang remplace celui désagréable laissé par l'odeur qui le suit depuis qu’ils sont entrés dans la pièce. 

Il sert sa précieuse caméra et la garde bien levée, dirigée vers le groupe qui doucement, s’échauffe. A cet instant il prend la parole pour la première fois depuis le début de leur échange.
— Daniel a raison sur un point, on a rien trouvé ici, alors autant qu’on bouge non ? Lolah lui lance un regard de travers alors qu’Aurélie se dégage de Daniel pour riposter.
— Il est clairement malade…
— Et je suis aussi clairement un adulte. Viens. Je t’ai dit, je dois te montrer quelque chose. 

Anthony s’avance un peu plus. Il doit calmer les choses, sinon la situation risque de prendre rapidement un chemin qu’il préférerait éviter. Il inspire un grand coup et arbore l’air le plus sérieux possible, il y a peut être un moyen de satisfaire tout le monde. Du moins pour un temps. Et c’est ce dont il a besoin. Du temps.
— Et si on allait dehors un peu? On prend l'air, on se calme et on discute à tête reposée d’accord ?
Aucun de ses amis n’a l’air complètement satisfait de sa proposition, mais ils se doutent sûrement que pour le moment, il n’y a pas d’autre solution viable, et en soi celle-ci n’a rien de définitif et leur laisse une ouverture. C’est donc à contre cœur que Daniel acquiesçe, signalant quand même qu’ils n’ont pas intérêt à lui mettre à l’envers. Aurélie se montre inquiète, mais Anthony remarque que Lolah lui mime en douce quelque chose du bout des lèvres ce qui, de nouveau, à pour effet immédiat de la calmer. Si bien qu’elle finit par elle aussi accepter la proposition d’Anthony.Même s’il n’a pas douté une seconde qu’elle le ferait.  

Le blond lâche un souffle, et indique la sortie de la main voulant laisser passer ses trois camarades devant lui, mais Lolah insiste pour qu’il leur montre le chemin. Le retour n'est pas si compliqué que ça, mais il abdique sans batailler et passe en premiers. Il est  suivi de Daniel, Aurélie et pour finir la brune qui ferme la marche. Cette dernière rabat la porte sans cérémonie, visiblement enchantée de quitter les lieux. Alors qu’ils traversent les couloirs qu’il commence désormais à connaître, Anthony se rend compte que quelque chose à changé. Pourtant le papier peint en charpie est le même, le sol laisse encore s’echapé un grincement plaintif si l’un d’entre eux pose le pied sur la mauvaise planche, l’humidité, l’odeure, le noir qui les engloutie. Rien n'a bougé, et pourtant, tout est si … différent. Les ombres de leurs corps qui dansent propulsées par leurs lampes, leurs respirations parfois saccadées, tout ça lui paraît dorénavant si …Vivant ? Oui vivant. C’est le bon mot. Il avance comme s’il connaissait les lieux, comme si toute peur s’était envolée.
Lorsqu’il relève la tête, ils sont déjà devant le hall principal. Il sent daniel s’y attardé quelques secondes, mais aurélie le pousse silencieusement vers l’avant et son corp la suit mollement. Traversant le passage donnant sur la cuisine, le courant d’air qui s’échappe de la fenêtre lui décroche un frisson presque désagréable. A quel moment la température a-t-elle autant baissé ?
Passe ensuite Daniel suivi de près par sa colocataire, mais Lolah ne suit pas. Anthony aurait pourtant juré qu’elle était juste derrière eux il y a peine quelques secondes. Surpris, il passe de nouveau le haut de son corps dans le couloir, s’appuyant sur les bordures en bois, et ce qu’il entrevoit le glace bien plus que le vent frais de la nuit. Lolah est à quelques mètres. Dans l’ombre son corps est difficilement distinguable, mais il peut clairement apercevoir la lumière du téléphone qu’elle tient dans ses mains, accentuant parfaitement son profil. Son sang ne fait qu’un tour. Putain, elle est maligne. Derrière lui, il entend Aurélie distraire Daniel du mieux qu’elle le peut. Malheureusement pour elles, tous leurs efforts son vain, l'arrêt d’Anthony ayant interpellé le jeune homme, il se précipite sur Lolah à l’instant même où il l’a remarque, filant entre leurs doigts.
-Tu penses que tu fais quoi là ??

Lolah relève la tête effarée, elle s'écarte du mieux qu’elle peut mais il fait sombre et le couloir est étroit, lui laissant peu d'espace pour bouger. Elle ne fait pas le poids face à la carrure sportif du brun et, consciente de cette inégalité, elle appuie rapidement sur l’écran de son téléphone avant de diriger son corps vers le côté opposé. Prête à fuir.
— J’essaie de t’aider connard, putain tu vois pas que les gens s’inquiétent pour toi, qu’Aurélie el….
Elle ne devait pas le penser capable de passer au-delà des menaces, pourtant il ne faut qu’une seconde à Daniel pour la rattraper et l'entourer avec force de ses bras. Prise par l’arriére, ses deux épaules étroitement sérrés contre son corp, la jeune femme lutte difficilement. L’oxygène auparavant dans ses poumons se vide face à la pression exercée par son camarade, penché sur elle, et ses mots s'évadent dans les airs en même temps que son souffle. Lolah se débat du mieux qu’elle le peut, battant des jambes, des bras. Utilisant tout moyen dans l'espoir de faire céder son attaquant. Mais ses gestes restent futiles face au géant et un grognement de frustration s'échappe dès l’instant où elle le réalise.

Le noir qui les surplombe est envahissant, si bien que leurs mouvements désordonnés sont difficile à cerner. Prostré entre la cuisine et le couloir, Anthony doit plisser les yeux s’il veut s'efforcer d'y voir plus clair, mais rien n’y fait. Alors, une idée lui vient. Appuyant sur la vision nocturne de son appareil, il dirige sa caméra vers ses amis et s’essaie à regarder au travers de l’écran. Le cœur battant d’exaltation, il s'humecte les lèvres. Satisfait de cette vision plus précise, il garde son regard fixé sur la scène se déroulant sous ses yeux.
De ce qu’il aperçoit, Daniel a dû lâcher car Lolah s'éloigne de quelques pas, mais la trêve est brève. Un cris étouffé s'échappe de la gorge de la brune dès l’instant où son assaillant saisit son bras droit, le tordant violemment dans son dos, bien plus haut qu’il n’est censé allé. Elle jure entre ses dents. Sa respiration est saccadée alors qu’elle essaie avec difficulté de ne pas accorder à Daniel la satisfaction de percevoir la souffrance qui crispe son visage.
Agrippée de la sorte, les efforts de Lolah pour garder son téléphone à distance sont désormais vains, en un éclair, l'objet tant convoité est entre les mains de Daniel.
Les deux s'immobilisent à cet instant et le silence reprend place. Lolah profite de ce battement pour s’extirper de son emprise et se plaquer contre le mur opposé, les paumes appuyées contre la paroie froide. On pourrait penser qu'elle essaie de passer au travers, quitter ce couloir trop étranglé pour se défendre.
Anthony concentre son écran sur sa meilleure amie. Ses deux camarades sont face à face, le regard plongé dans celui de l’autre. Et à cet instant, il sait qu'aucun d’eux ne cédera, bien trop fiers pour s’avouer vaincu.
Un “ Allo” faiblard et grésillant sort de l’objet, avant qu’il ne s'éclate contre le mur en face, à quelques centimètres du visage de Lolah, éteignant définitivement l’écran, ainsi que leur seule source de lumière. La jeune femme sursautte, ses bras se lévent instinctivement afin de proteger sa figure. Comme dans un mouvement synchronisé, Anthony lui, zoom avec voracité sur son visage. 
—Mais putain t’es taré, s’ecris Lolah, le souffle court.
Sa voix tremble, et le blond ne peux qu’observer avec interrêt les longues mèches de cheveux de la jeune femme auparavant dans son chignon, bouger au rythme précipité de son souffle.

Daniel paraît surpris de son propre geste. Il reste là, immobile, les yeux écarquillés vers l’objet désormais au sol. Tirant avantage de la consternation de son assaillant, Lolah se détache de la cloison, s'aidant de ses mains pour se donner de l’élan. Elle se précipite sur Daniel, son épaule droite entre violemment en collision avec les côtés du jeune homme ce qui le fait vaciller, lui procurant assez de temps pour se diriger vers la cuisine.
Bien vu de sa part.
Toutefois, cela ne dure qu’une seconde et le brun, étrangement tenace même au sol, tend hâtivement la main pour rattraper Lolah par la cheville, la stoppant dans sa fuite, Un bruit sourd fait écho à l’instant même où elle est précipitée sur le sol, face contre terre.
— Merde, mais merde….  Mais tu fous quoi, elle s’exclame, la voix chevrotante.
Le jeune homme reste impassible et sa main tiens bon malgrés les geste saccadé de la jeune femme qui essaie de toutes ses forces de le faire lâcher prise.
— Anthony fait quelque chose, elle l’implore, et ça, ça lui donne des frissons.
Épuisée, à bout de souffle, elle laisse finalement sa jambe à la merci de son attaquant, lui permettant de s'avancer vers elle mains et genoux à terre.
Les mèches devant le visage de la jeune femme visage coulent sur le sol, emmêlés. Elle lève son regard vers son meilleur ami, le souffle court. Il est là à quelques pas d’elle. Il lui suffirait de s’avancer de quelques pas et de lui tendre la main. Au lieu de ça, il baisse de nouveau la tête vers son écran, décalant son instrument de quelques millimètres vers la droite.
L’air implorant qu’elle lui renvoie se transforme en désillusion.

Tout se déroule si vite. Anthony à à peine le temps d'ouvrir la bouche qu’il se sent bousculé vers l'arrière à l'intérieur de la pièce. Aurélie, finalement sortie de sa torpeur s’élance, sûrement dans l’idée de calmer son ami, ou d’aider Lolah à se libérer de son emprise. Mais, elle ne fait pas un pas que la porte entre eux se claque violemment, manquant de peu son visage. La blonde halète, arrêtée sec dans son mouvement.
De l’autre côté, les bruits et éclats de voix ont cessé, laissant place au silence.
Seul le souffle saccadé de la blonde à ses côtés, et le bruit de ses poing contre le bois massif parvient à ses oreilles.
Anthony relève légèrement sa caméra, prenant soin de cadrer correctement son amie. Et alors qu’Aurélie se jette désespérément contre la porte, lui baisse avidement les yeux vers son écran, espérant qu’il n’en a pas raté une goutte.

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