7. Clou de girofle

 

Il avait déposé comme tous les matins

Dans les épais effluves d’un grisant parfum

Son bol de chocolat juste avant de partir

Pour aller travailler en traversant la nuit

 

Agathe avait six ans et vénérait son père

Dont elle imaginait le dangereux métier

Qui voulait qu’en hiver il quittât sa maison

Et frayât sans broncher avec ogres et loups

 

Le jeu consistait à deviner chaque jour 

Quelle épice avait mis cet homme au cœur d’aurore

Dans le lait matinal, muscade ou bien vanille,

Cardamone ou cannelle : autant de mystérieux

 

Arômes que l’enfant jouait à identifier

Avec l’aide souvent de sa mère sortant

Tous les bocaux d’épices et humant chacun

Pour trouver – joie profonde – une correspondance

 

Pourtant ce matin-là se coinça dans sa gorge

Comme un morceau d’haleine expirée par la nuit

 

Soudain tout eut l’odeur de ce clou de girofle

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MarieZM
Posté le 22/04/2025
Re re... :)

Encore une métaphore extrêmement sordide de cette ambivalence souvent incomprise. Et d'une espèce de complaisance gaie qui accompagne tout ça. Franchement c'est très glaçant, et en même temps très léger, très gai ici... une espèce de faux-self d'insouciance enfantine par-dessus.
Paul Genêt
Posté le 22/04/2025
Sauf à la fin du poème non ? Effectivement, ce qui se passe s’inscrit dans le cadre d’une intimité familiale qui n’est pas forcément, pas systématiquement maltraitante. C’est même toute la spécificité de ce type d’abus : il n’est pas perçu comme une rupture dans l’existence. On ne peut pas immédiatement l’extérioriser, le mettre à distance. Il fait partie de la vie.
MarieZM
Posté le 22/04/2025
Tout à fait, la chute du poème est le douloureux rappel que "rien ne va" mais l'apparence de la normalité demeure. Exactement ce que tu dis, ça fait partie de la vie et c'est un peu plus comme une bombe à retardement d'ailleurs.
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