Il avait déposé comme tous les matins
Dans les épais effluves d’un grisant parfum
Son bol de chocolat juste avant de partir
Pour aller travailler en traversant la nuit
Agathe avait six ans et vénérait son père
Dont elle imaginait le dangereux métier
Qui voulait qu’en hiver il quittât sa maison
Et frayât sans broncher avec ogres et loups
Le jeu consistait à deviner chaque jour
Quelle épice avait mis cet homme au cœur d’aurore
Dans le lait matinal, muscade ou bien vanille,
Cardamone ou cannelle : autant de mystérieux
Arômes que l’enfant jouait à identifier
Avec l’aide souvent de sa mère sortant
Tous les bocaux d’épices et humant chacun
Pour trouver – joie profonde – une correspondance
Pourtant ce matin-là se coinça dans sa gorge
Comme un morceau d’haleine expirée par la nuit
Soudain tout eut l’odeur de ce clou de girofle