Ses yeux encore humides se perdirent pour la vingtième fois sur le rapport de police. Les mots étaient clairs, limpides, mais aucun ne voulaient s’ancrer en elle comme si tout son corps les rejetaient fortement. Comment cela avait-il pu se produire ? La conclusion de l’accident était-elle seulement plausible après son étrange comportement de la veille ? Tout ceci lui semblait faux, tel un mauvais rêve qui vous secoue. Alors Joséphine quitte brutalement le fauteuil de bureau dans lequel elle s’était jusqu’à présent installée et se mets en quête de réponses. Le corps aurait été retrouvé dans une rivière près d’un quartier que son père n’avait pas pour habitude de fréquenter. Aucun de ses partenaires ou de ses investisseurs n’avaient une adresse proche de cet endroit. Alors que faisait-il là-bas au beau milieu de la nuit ? Qu’était-il venu chercher dans le bureau ? Pour avoir si longtemps travaillée avec lui, elle connaissait chacune de ses affaires, chacun de ses marchés et aucun d’entre eux n’auraient éventuellement pu le mener là-bas. Cela n’avait tout simplement pas de sens.
- Mademoiselle, vous devriez vous reposer, vous n’avez guère bonne mine, murmure Ninon en s’approchant d’elle, la regardant s’agiter sans rien pouvoir faire.
- Ce n’est pas de repos dont j’ai besoin, mais de réponses, Ninon ! Père n’est pas...Il ne peut avoir...Tout ceci est ridicule. La police a dû rater quelque chose, cela ne serait pas la première fois qu’ils font une erreur.
- Pourtant, le rapport dit que..
- Mais je n’ai que faire du rapport ! s’écrit-elle de façon hystérique alors que sa voix tremblante explose un jet de mots, Si tu n’es pas là pour m’aider alors tu ne m’est d’aucune utilité. Sors, je ne veux pas te voir.
La domestique attristée par le comportement de sa jeune maîtresse quitte la pièce et découvrit avec surprise une silhouette étrangère se tenant sur le pas de la porte. Celle-ci lui fit signe de ne faire aucun bruit et resta tout simplement plantée là, observant attentivement la jeune femme à l’étrange comportement.
Joséphine passa sa journée enfermée, sans boire ni manger, fouillant la pièce de fonds en comble, ressortant absolument chaque dossier, chaque fichier qu’elle aurait pu avoir lu trop rapidement où dont un élément ne lui aurait pas sauter aux yeux. Il y avait forcément parmi cette pile de papiers éparpillés, un élément manquant. Quelque chose que son père était venu lui-même chercher précipitamment et qui l’a sans doute conduit dans cet infâme quartier, près de la rivière.
Crise d’anémie et prise d’un soudain vertige, Joséphine se sentit partir en arrière quand soudainement une silhouette la rattrapa à bout de bras. Elle connaissait ce visage.
- Je pense que ça suffit pour aujourd’hui, dit-il en la soulevant du sol et en la portant dans ses bras.
Quittant le bureau et guidé par Ninon lui indiquant le chemin, il entra dans la chambre avant de la poser délicatement sur le lit tandis que cette dernière, ne put s’empêcher de le dévisager dans l’incompréhension de sa présence à ses côtés.
- Vous ne devriez pas être ici, dit-elle alors en détournant le regard en comprenant que ce dernier avait l’air bien mécontent.
- Et vous, vous ne devriez pas être dans un tel état, lui répondit-il bien sèchement, J’ai passé ma journée entière à vous observer et je peux dire que je n’ai guère vue un comportement responsable. Je compatis sincèrement à votre chagrin et ayant appris la nouvelle tôt ce matin, je me suis dépêché jusqu’ici, mais que ne fut-elle pas ma surprise en voyant vos cadets me pleurer dessus tandis que leur aînée était bien trop absorbée par sa folie pour remarquer quoique ce soit. Je ne vous pensais pas ainsi.
- N’essayez pas d’avoir un rôle de moralisateur, Monsieur. Vous ne me connaissez pas. Vous ne connaissez pas ma famille. Et bien que je vous sois reconnaissante pour votre récent support, je vous prierais de bien vouloir nous laisser.
Il le savait. Excédée, fatiguée et chagrinée comme elle l’était, elle n’avait probablement pas les idées claires et il ne pouvait pas lui en vouloir, ni même être en colère contre elle. Il était tout simplement inquiet sans comprendre réellement pourquoi il ressentait cet attachement soudain à cette jeune fille à peine rencontrée trois jours plus tôt. Ils n’étaient pas amis, ni même liés d’une quelconque façon que ce soit. Elle était juste la première personne l’ayant fait rire depuis un long moment et ça, pour lui, était une de dette dont il se sentait redevable. Ainsi, il ne pouvait pas la laisser dans un état aussi misérable.
- Très bien. Je partirais quand vous aurez vider un bol de soupe devant moi, dit-il alors en prenant ses aises, s’asseyant dans un fauteuil non loin du lit.
- Je vous demande pardon ?
- Si vous mangez, je m’en vais. Que l’on apporte à manger à Mademoiselle.
Ninon se précipite dans la cuisine dans laquelle, les domestiques encore éveillés, travaillent sur les derniers potins qu’ils pourraient raconter. Voilà qu’un bel et charmant étranger est entré dans la maison et y est resté pour la journée sans avoir bouger du bureau. Certaines s’imaginaient déjà dans une romance avec une Princesse gardée par un bien beau geôlier.
Ninon, lassée des potins des cuisiniers, repartie vingt minutes plus tard avec une plateau bien chargé. Il y avait de quoi nourrir là un régiment tout entier.
- Si je mange, promettez-vous de rentrer chez vous Votre Excellence ?
- Croix de bois, croix de fer, si je mens, que dieu me préserve, j’irais en enfer !
- Bien.
Joséphine, cuillère après cuillère engloutit le bol sous le regard amusé du Duc. Décidément, elle avait bon appétit. D’habitude, les femmes en sa présence, faisaient attention à leurs manières, mais pas elle. Bien qu’elle se montrait prudente, il savait que Joséphine n’était définitivement une de ces poupées de porcelaines. Finissant rapidement son bol, il lui montra, fière et un rire lui échappa.
- Décidément, à chacune de nos rencontres, j’ai la terrible impression que vous cherchez à vous débarrasser de moi de toutes les façons que ce soit.
- Peut-être, n’est-ce pas qu’une impression ? siffle-t-elle en se cachant sous ses draps.
- Peut-être bien, en effet.
Quittant la chambre, il referma délicatement la porte derrière lui, raccompagné par Ninon jusqu’à la porte d’entrée, avant de marquer un arrêt devant celle du bureau de feu Monsieur le Baron.
- Votre Excellence ?
- Accordez-moi cinq minutes. Nous dirons que c’est notre petit secret à tous les deux, d’accord ? lui dit-il dans un clin d’oeil faisant de la domestique sa complice bien malgré elle.
Qu’est-ce que la jeune femme pouvait bien chercher ? Il récupéra au sol des papiers n’ayant aucun lien entre eux, puis ouvrit un livre de comptes, enchaîna sur des propositions de partenariats, des cartes, des itinéraires maritimes. Voilà que quelque chose piquait sa curiosité, mais étant bien incapable de mettre le doigt dessus, il fit demi-tour, remercia la jeune femme de l’avoir attendu et rentra chez lui.
La demeure était silencieuse, tous devaient déjà être profondément endormis, à l’exception de Maximilien l’ayant attendu probablement depuis le début de la nuit, ici dans le hall d’entrée.
- Vous rentrez bien tardivement, Monsieur.
- J’ai été voir Joséphine Conquérant.
- Oh, je vois. C’est un bien triste malheur qui s’est abattu sur leur famille. Ses jours ne dorénavant pas faciles.
- Que veux-tu dire ?
- Monsieur, ne le sait-il donc pas ? Mademoiselle est la fille aînée de la famille et par conséquent, l’héritière directe du Baron. C’est à elle que va incomber toutes les responsabilités et certainement la reprise des affaires familiales.
- A ce propos, peux-tu me rendre un service Max ?
- Bien entendu, que puis-je faire pour vous ?
- J’aimerais que tu fasses quelques recherches sur les affaires de feu le Baron. Des recherches disons...approfondies. Je ne sais pas ce qui se passe mais j’ai un étrange pressentiment sur le sujet.
- Monsieur est-il inquiet pour Mademoiselle ? Voilà bien une première que vous vous souciez autant de quelqu’un mis à part vous-même !
- Disons plutôt que je suis curieux sur un petit point. Ce n’est probablement rien, mais je préfère en avoir le cœur net.
- Je m’y mets alors.
- Ah et tant que j’y pense, fait parvenir rapidement, une lettre à l’Académie militaire afin de faire prévenir Bartolomé Conquérant. J’ai cru comprendre que ce dernier était en campagne non loin d’ici.
- N’est-ce pas à sa famille de s’en charger ?
- Quelque chose me laisse à croire qu’il ne sera mit au courant que trop tard du décès de son père et il est probablement mieux qu’il soit présent pour l’enterrement.
Sur ces mots, le jeune Duc repartit en direction de son propre bureau, ses pensées ayant été figées à l’instant où ses yeux se sont posés sur ces documents.
Pourquoi Joséphine était-elle si persuadée que cela ne pouvait-il pas être un accident ?
Je pense peut être qu'au vu des évènements c'est étrange que Ninon laisse le duc épier Joséphine toute la journée alors qu'ils viennent d'apprendre la mort du baron (même si il n'y a pas forcément de raisons pour qu'il ait été assassiné elle aurait peut être dû redoubler de vigilance, à moins qu'elle ait compris qu'il s'agisse du duc).
J'aime bien voir les deux personnages interagir, il est vraiment très attentioné celui-là!
Mais maintenant je me pose plusieurs questions à savoir tout d’abord s’il ne s’agissait pas d’un meurtre ? Le Baron semblait chercher un document important dans son bureau peu avant sa disparition… Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'il en retourne ? *__* Je veux en savoir plus !
Bref, les évènements prennent une tournure que j'adore alors merci ^^
Et t'as l'air tellement à fond dans l'enquête ahaha !