7. Hugues et Marjolaine

Par Dédé

— Marjo, tu es très étrange…

— Non.

— Ah ! Je te jure que si. On ne parle pas comme d’habitude. J’ai bien en tête tous les échanges qu’on a pu avoir, au mot près. A la virgule près. Même s’il n’y a pas de virgules à l’oral. Enfin… Tu vois ce que je veux dire ?

— Non.

— Tu ne vois pas ce que je veux dire ? Vraiment ?

— Non.

— Alors, laisse-moi reformuler… Toi et moi, on a énormément parlé. Je me souviens du 21 septembre 1987. Il était 17h42. Tu venais de passer une journée très éreintante. Même que tu disais transpirer et tu as commandé une menthe à l’eau, dans ce bar où on allait souvent. Je t’ai écoutée parler pendant des heures, avec grand plaisir. On a toujours dit que ce jour était important pour nous.

— Non.

— Comment ça, non ?

— Non.

— Ce jour ne compte pas pour toi ?

— Non.

— Tu es sûre que tout va bien ?

— Non.

— Tu veux me parler de ce qui ne va pas ?

— Non.

— Tu veux que je te laisse tranquille ?

— Non.

— Donc, je reste avec toi ?

— Non.

— Je suis un peu perdu… Tu veux bien m’aider à comprendre ?

— Non.

— Bon… Oui… Tu n’es pas obligée de m’expliquer. Je vais rester dans la pièce d’à côté, en attendant que tu changes d’avis. Je vais m’amuser à dessiner cette pièce au fil des ans. Je me souviens de tous les travaux que tu as pu faire, dans ce salon. Des changements dans le moindre détail. Des périodes de travaux. Des horaires. Des temps de pause. De tout. Mais, tu sais... Je m’inquiète pour toi… J’ai raison de m’inquiéter autant ?

— Non.

— Tu pourrais dire autre chose… n’importe quoi… en dehors de «non» ?

— Non.

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