Il se passa quelques minutes durant lesquelles ni l'un ni l'autre ne bougea vraiment. Le premier resté prostré dans son lit, la peur collée au ventre et une furieuse envie d'uriner; le second toujours en boule dans la pénombre en respirant irrégulièrement.
« Julien, aide moi s'il te plaît. Mon… Enfin, j'ai mal à mon aile et j'ai besoin que tu m'aides à trouver mon sac à dos, il a dû tomber quelque part. »
Mais l'interpellé, l'ignorant superbement, essayait avant toute chose de peser le pour et le contre de la situation de la plus raisonnable des façons.
Ok. Il connaît mon prénom. Il n'a pas l'air menaçant. Il est quand même entré chez moi je ne sais comment. La porte semble fermée. Les fenêtres aussi. Par tous les diables comment a-t-il pu f…
« Sérieux, t'as pas peur de jurer par le Diable avec la guigne qui te suit comme ton ombre ? »
L'inconnu lâcha un petit rire amusé, avant de se racler méchamment la gorge comme gêné par quelque chose. Julien quant à lui quitta ses réflexions, piqué au vif par ces propos. Qui était-il à la fin pour connaître certaines choses sur lui dont cette histoire de malchance à la noix ?
En attrapant son téléphone d'une main, il se stabilisa sur son matelas de l'autre pour réussir à faire glisser doucement la lumière en direction de l'étranger. Un silence l'accompagna dans son mouvement. Il aperçut des bouts de duvets blancs par—ci par—là, puis une plume, suivit de plusieurs autres jusqu'à apercevoir une aile. Une très grande aile, mal positionnée d'ailleurs comme tordue. L'homme aux cheveux bouclés tourna son visage au même instant où la lampe torche du téléphone lui arriva dessus.
« Qu-qu-qui êtes vous ? Et comment êtes-vous arrivé jusqu'à moi ? » bégaya Julien, qui ramena des jambes vers lui en mettant le plus d'espace possible entre lui et cet intrus dans son domicile.
Un orage se mit doucement à gronder en fond, au loin, sur la fin de sa phrase. Il descendit la luminosité pour faire moins mal aux yeux de cette intrusion nocturne. Toutefois le téléphone resta brandit entre lui et l'autre, comme un bouclier prêt à le protéger de n'importe quoi ou n'importe qui. Là où d'autres auraient déjà hurlé pour alerter le voisinage, ou sautés sur le numéro d'urgence; son instinct lui soufflait qu'il devait simplement engager la discussion. De toute façon, la trouille l'empêchait de faire quoique ce soit hormis parler. Et écouter avec attention.
L'autre prit une grande inspiration et répondit sur un ton très calme.
« Je m'appelle Tomas. Je suis ton ange gardien. Et j'ai vraiment besoin que tu m'aides je… Aïe ! »
En gigotant dans l'ombre, il sembla se faire mal.
« Mon ange gardien ? Ça n'existe pas et…
— Et que dis-tu de ce démon venu depuis les enfers, en plein milieu de la boutique ésotérique de notre chère Balinda ?
— Comment v-v-vous... »
Mais le jeune homme ne parvint pas à finir sa phrase. Au mot démon son corps tout entier se crispa, et son pouls tapa une accélération digne d'un bolide sportif. Un éclat de tonnerre le fit bondir. Son téléphone lui échappa, il poussa un cri de panique et le chercha frénétiquement sans parvenir à mettre la main dessus.
Une douce lumière apaisante jaillit alors depuis le bout de son lit, là où se trouvait l'inconnu. Celui—ci le regardait avec une expression sympathique, une main en l'air paume vers le plafond. Au dessus de ses doigts une boule de lumière flottait, et irradiait d'une lueur blanche. Mais pas ce blanc qui faisait mal au crâne non, un blanc doux et tendre à la fois. Cette sphère illuminait son visage d'un halo innocent.
« Je suis un ange et je te promets que je ne te veux aucun mal. »
Julien se mit à rire doucement puis de plus en plus fort avant de sombrer dans l'inconscience, brutalement.
Quelques heures plus tard, un chaud rayon de soleil traversa sans aucun mal la vitre pour venir caresser la joue mal rasée d'un étudiant en informatique si paisiblement endormi. Sa respiration était parfaitement régulière, lente, sereine. Quand il sentit la chatouille de l'astre solaire, un frisson douillet l'enveloppa tout entier alors qu'il se réveillait doucement.
J'ai si bien dormi, je n'avais pas dormi aussi profondément depuis…
Alors que son corps s'étirait à l'image d'un félin matinal, son cerveau remit en place les différentes pièces de son puzzle conscient. Il s'allongea à plat sur son matelas et rampa en direction du bout de son lit. Il agrippa le montant pour se pencher doucement en retenant sa respiration.
L'homme à l'unique aile était bel et bien là, dormant profondément au vue de son corps qui se soulevait et se baissait sur un rythme régulier. Des boucles brunes en pagaille lui conférait un air négligé, tandis que sa tenue — à savoir jean noir et chemise blanche — contrastait fortement en toute élégance. Et puis surtout, le détail qui n'en était pas un, cette aile. Dans la plupart des représentations possédées par sa mémoire, les mammifères ou créatures imaginaires en avaient deux. Ici, le fait de n'en observer qu'une seule le troublait. Était ce normal ? Parce que depuis sa position, il pouvait voir une partie du dos et la place semblait être faite pour la jumelle duveteuse. Une furieuse envie de caresser toutes ces belles plumes blanches le démangeait. On aurait dit que ce plumage se composait de neige par sa couleur pure. Inconsciemment, il leva une main dans la direction de l'objet de son attention quand…
Un léger ronflement de son invité surprise le fit sursauter, et sous le coup du stress il brisa le silence.
« Qui êtes-vous et comment êtes-vous arrivé jusqu'à moi ? » chuchota—t'il alors, de nouveau à demi caché derrière le bois du lit.
L'inconnu releva lentement la tête, papillonnant des paupières le temps d'émerger tout à fait de son propre sommeil.
Il a un air adorable avec ses boucles ébouriffées comme ça…
Julien secoua sa tête comme pour chasser cette pensée et se concentrer sur la scène abracadabrante actuelle. Il toussota comme pour se donner contenance, tout en gardant toujours une certaine distance prudente.
« Ne me dites pas que tout est vrai..
— Entièrement tout.
— Putain. »
Le jeune homme se redressa vraiment, l'air hébété. Il repositionna la monture sur son nez et plaqua ses mains sur sa bouche en apercevant bel et bien une aile imposante dans le dos de l'inconnu. Celui-ci lui adressa un sourire amical, et fit un geste de tête vers l'arrière.
« Si tu pouvais venir m'aider. J'ai besoin de mon sac à dos. J'ai dû le faire tomber en atterrissant. Il est petit, bleu uni. Je ne peux pas vraiment bouger.
— Je… Oui… »
Définitivement cet étranger n'était pas un danger. Enfin ça c'était son instinct qui lui donnait l'impression d'être aux côtés d'un ami de confiance. Julien balaya son appartement d'un rapide coup d'œil et aperçut l'objet désiré derrière sa table basse. Il fit quelques pas pour écarter son pouf, et révéler ledit sac aux yeux de l'inconnu. Ce dernier poussa un soupir de soulagement.
Après le lui avoir apporté timidement, l'étudiant se mit en retrait avec encore beaucoup de prudence. L'ange quant à lui ouvrit son effet personnel pour en sortir une gourde tout ce qu'il y avait de plus classique, grise métallique, banale.
« Ahah. Tu t'attendais à quoi, un sceptre magique ou je ne sais quoi ? » taquina Tomas avec humour. Mais son interlocuteur rougit simplement en silence.
Il avala une gorgée d'eau bénite et la sentit aussitôt faire son œuvre. Son aile reprit une position et une forme correctes, il eut un frisson agréable dans tout le corps. Ainsi remit sur pieds, il se mit debout pour s'étirer plus facilement les bras et les jambes. L'humain se tenait toujours à distance raisonnable, ce qui lui pinça le cœur d'une certaine douleur.
« Écoute. Je t'assure que je ne te veux aucun mal. Ais confiance Julien. »
À l'évocation de son prénom, son protégé soupira longuement.
« Ok. C'est ok je veux bien te croire. Laisse moi juste prendre une douche, je-j'ai besoin de me rafraîchir les idées cinq minutes. »
Tomas acquiesça doucement la tête, sans bouger pour autant. Julien s'avança d'un petit pas, pointant du doigt une porte dans le dos de l'ange.
« Pardon de te déranger mais j'ai besoin de passer. »
L'interpellé s'excusa vivement avant de s'écarter pour laisser la voie libre.
Prenant soin de verrouiller la pièce grâce au verrou, Julien se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Que ce soit sa tignasse de feu ébouriffé, ou les cernes apparentes, ou encore sa lèvre inférieure tremblante : rien n'allait vraiment. Jouer les apparences devant le soit disant ange gardien, ça c'est fait. Mais en réalité un puissant nœud d'incompréhension lui comprimait la gorge.
En se déshabillant frénétiquement — et heureusement qu'il dort en jogging t—shirt parce que ça aurait été un comble d'être en plus nu devant lui ! — il se riva sous l'eau bienfaisante. Pendant que ses mains jouaient des deux robinets pour trouver la bonne température d'eau, son esprit vrilla. Une pensée bouscula toutes les autres pour s'imposer de toute sa puissance : un homme, un inconnu, était CHEZ LUI ! Actuellement dans son appartement ! Comme si c'était NORMAL ! Et en plus doté d'une aile d'oiseau ! Son tambour cardiaque adopta une allure folle, sa respiration se fit bien plus hachée.
Concentre toi sur ce qui est sensé. Là, tu te douches. Attrape le gel douche. Voilà.
Julien se força à prendre une longue inspiration, bouteille en main avant d'être de nouveau assailli de pensées aussi absurdes que la situation le lui paraissait. Par geste nerveux il se crispa sur la bouteille et un jet de gel douche lui atterrit alors pile dans l'œil droit. Sa monture ne l'avait pas vraiment protégée de cet accident oculaire. Ce qui inévitablement lui arracha un grognement de douleur. Il passa quelques instants à se rincer soigneusement, haletant de toute cette angoisse grandissante. Autant également essayer de laver son stress le plus possible, mais là ce serait une autre histoire.
Finalement c'est après une longue douche bien chaude et réconfortante, toujours avec lunettes sur le nez pour ne pas risquer de voir un démon surgir des canalisations, que le jeune rouquin se sentit bien mieux. En sortant de la salle de bain, habillé et à peu près serein, il renifla plusieurs fois. Une bonne odeur de crêpes parfumait l'appartement, pour le plus grand plaisir de sa gourmandise infinie.
Par contre j'aurais bien plus paniqué à la place de Julien, je n'aurais pas attendu dans mon lit, j'aurais couru ma vie et je ne serais jamais revenu chez moi x)
MAIS OUI moi aussi je t'avoue mdr
Les petits changements que tu as apporté sont top ! La tension est plus palpable pour Julien, les émotions plus faciles à appréhender bien ! C’est un superbe travail !
Tomas serait-il parfait ?? Il a pensé à faire des crêpes !
Maintenant, on n’a qu’une envie : savoir comment va évoluer la relation entre Tomas et Julien !
On peut caresser l’aile de Tomas nous aussi ? Ou ébouriffer les cheveux de Julien ? Haha !
PS : il y a peut être une petite coquille ici : « pour alerter le visionnage» , j’aurais pensé « voisinage » et pas « visionnage » ^^
A très vite !!
Ahahah , en même temps ils sont si cités <3
Oh oups, merci je vais rectifier ça. En effet c'est bien voisinage !
Eheh oui je dois expliquer ça très bientôt normalement ! J'ai hâte aussi je t'avoue, même si j'ai un peu la pression ahah !
Merci encore mille merci pour prendre le temps de commenter et pour tes retours si touchants <3 <3 <3