7 septembre 2015 – New York
Ayant à peine fait irruption au N.Y.Food dans l'optique d'entamer une nouvelle journée de travail, Wyatt se remémora la soirée de la veille. Ses souvenirs étaient demeurés intacts. Il n'avait eu le temps de boire qu'un seul cocktail alcoolisé avant d'abandonner Harry et Juliet pour l'inconnu mignon et abordable rencontré au Tonic. La réminiscence de ses ébats nocturnes fut interrompue par l'arrivée de Juliet qui vint le saluer :
— Alors, le bellâtre du Tonic ? C'était comment ?
— Pas mal, pas mal, marmonna son ami, légèrement endormi.
— Cache ton enthousiasme.
Wyatt ne répondit rien sur le moment. Juliet crut bon de rajouter :
— C'était si nul que ça ?
Il ne tenait pas à dire toute la vérité à son amie. Principalement, parce que cela reviendrait à avouer qu'il avait suivi cet homme plutôt charmant et charmeur uniquement pour se changer les idées. Pour arrêter de penser aux choses qui lui minaient le moral, notamment ce camp de malheur, son anniversaire, le souvenir de ses parents qui ne méritaient même plus une seule seconde de son attention.
— On l'a fait pas moins de quatre fois, je crois. J'ai arrêté de compter... C'est que ça devait me convenir, finit-il par révéler le plus naturellement du monde.
— Quatre... Quatre fois ? Wyatt, il va falloir que tu me dises comme tu fais parce que... Waouh ! Quatre fois ?
N'en revenant pas, l'amie de Wyatt eut des difficultés à maintenir la conversation active. C'était la première fois qu'elle parlait aussi ouvertement avec Wyatt de ses conquêtes amoureuses. Elle savait qu'il lui était déjà arrivé d'avoir quelques partenaires occasionnels. Mais en y réfléchissant de plus près, elle trouva son attitude de la veille au soir et son comportement actuel quelque peu étranges. En temps normal, Wyatt n'était pas ce que l'on pourrait appeler un accro du sexe. Et là, sous ses yeux, il agissait comme tel.
— Je rêve ou le client là-bas me mate depuis tout à l'heure ? s'extasia-t-il en direction d'un homme d'une quarantaine d'années, une paire de lunettes sur le nez afin de lire son journal.
— Je crois qu'il ne fait que regarder son journal. Au pire, tu peux lui poser la question directement, plaisanta Juliet.
— Ça va pas ! s'offensa-t-il.
Après une pause, il semblait avoir réfléchi à la question :
— Tu crois que je devrais ?
— Mais non ! Tu ne le connais même pas, comme tu ne connaissais pas le type d'hier.
Elle marqua une pause.
— Je suis quasiment sure que le client ne fait que regarder son journal...
Wyatt donnait l'impression d'être déçu, ce qui perturbait davantage son amie. La serveuse se rappela avoir lu sur Internet une fois que l'hypersexualité pouvait être le signe d'une énorme carence affective voire même d'une dépression ou d'une bipolarité. Et, elle avait toujours à l'esprit la crise de nerfs violente de la veille lors du scandale du smoothie à la banane. Elle était au courant qu'un dénommé Brian, à savoir une ancienne connaissance liée à son lourd passé trouble, était réapparu juste avant le scandale. Elle savait aussi qu'il avait coupé tout lien avec ses parents qui n'acceptaient pas son homosexualité. Malgré le peu d'informations au sujet du passé du jeune homme, tout concordait avec la carence affective, la dépression, la bipolarité. Cela fit très peur à la jeune femme.
— Wyatt... Ne le prends surtout pas mal mais... tu es sûr que ça va en ce moment ?
— Pourquoi ça n'irait pas ?
Il garda pour lui le sac de nœud tourbillonnant qui prenait de la place dans ses pensées. Chaque pensée, chaque tracas étant connectés les uns aux autres, se confier reviendrait à parler du camp. Il en était hors de question. Il n'était pas encore prêt à extérioriser cette expérience traumatisante. Même après toutes ces années.
— Tu devrais songer à nous parler, à Harry ou à moi, un jour... Parce que depuis ta pause d'hier, j'ai un très mauvais pressentiment... J'ai toujours eu un sixième sens pour ces trucs-là. J'ai voulu relativiser et te laisser t'amuser mais ce matin, je suis assez inquiète.
Wyatt en resta pantois.
— Désolé, mais je suis franche, hein ! Tu me connais...
Effectivement, avec le temps, il avait appris à connaître sa collègue qui était devenue son amie. Il aimait son franc-parler. Mais, il restait convaincu que la révélation sur son passé allait changer le regard qu'elle porterait sur lui. Il n'avait pas envie d'être considéré comme une victime fragile. Même si, au fond, il en était sans doute une. Il avait décidé de combattre cette fragilité. Passer d'agréables moments en charmante compagnie faisait partie de ce combat.
— Quand tu as couché avec le bellâtre du Tonic... comment il s'appelle d'ailleurs ? Tu as pensé à te protéger ? Non, parce que je ne veux pas te faire la leçon mais tu sais que...
— Oui, je sais, anticipa Wyatt. J'ai même pas pris la peine de lui demander son nom mais on s'est protégés à chaque fois.
Rassurée et sentant que son ami allait sans doute perdre patience face à ses questions et ses inquiétudes, elle le laissa débuter son service. Elle s'apprêtait à reprendre le sien. Elle s'approcha d'un client qui attendait d'être placé dans le restaurant en vue de prendre probablement un petit-déjeuner. La serveuse fut surprise de sa demande :
— Bonjour ! Excusez-moi de vous déranger... Je cherche un certain Wyatt Mathis... Ma démarche peut sembler stupide. Tellement stupide... Mais... Mais je l'ai aperçu dans la rue pas plus tard qu'hier. Je... Je dois le retrouver... Il le faut... Oui, c'est stupide... Je suis stupide...
Le regard de l'ancien sauveur autoproclamé de Wyatt ne demandait qu'à s'illuminer alors qu'il fouillait nerveusement l'intérieur des poches de son veston. Il attendait une réponse positive. La serveuse fut prise au dépourvu. Comprenant qu'il devait s'agir du fameux Brian, elle jeta un bref coup d’œil à Wyatt qui venait de passer à quelques mètres d'eux sans les voir. Elle repensa à l'état émotionnel actuel de son ami. Était-ce une bonne idée de laisser ce fantôme du passé chambouler la vie du serveur ? Wyatt devait être épargné. Il n'avait pas besoin d'être contrarié.
Cependant, elle se rappela ce que lui avait répété Harry : Brian n'était, semblait-il pas néfaste. Elle pouvait le voir rien qu'en jetant un œil à l'homme qui se tenait devant elle. Mais, Wyatt avait dit aussi qu'il lui rappelait une période douloureuse de son passé. Que d'éventuelles retrouvailles avec lui étaient impossibles. De plus, c'était cette rencontre furtive dans la rue qui avait provoqué la crise de nerfs du serveur. À ce moment-là, le bien-être de son ami fut sa première priorité. C'est ce qui la poussa à répondre :
— Je suis désolé, il n'y a pas de Wyatt Mathis ici.
Après tout, elle ne mentait qu'à moitié puisque Jenkins était son nom de famille. Probablement que Brian avait oublié le nom de famille depuis toutes ces années. Elle chercha à se convaincre qu'elle avait menti pour la bonne cause. Pour préserver son collègue et ami d'ores et déjà en pleine tourmente. Ce désir de protéger Wyatt faisait taire la culpabilité qui naissait en elle suite à ce demi-mensonge.
— Pardon de vous avoir dérangé, mademoiselle... Vraiment, pardon...
Juliet le regarda se confondre en excuses, puis s'en aller. Il avait l'air abattu et désespéré. Cet homme fit de la peine à la serveuse. Mais ne sachant tous les détails du passé de Wyatt, elle se devait de protéger son ami. Une intuition vraiment intense lui indiqua que les deux hommes partageaient un passé extrêmement douloureux. Que leurs retrouvailles ne seraient peut-être pas à souhaiter ni pour l'un, ni pour l'autre.
Elle scruta du coin de l’œil que son collègue ne fît pas irruption dans ce coin de la salle. Avant de reprendre son service, son pied heurta quelque chose. Elle ramassa le porte-feuille qui traînait à ses pieds. Il appartenait à un certain Brian Felton. Ce dernier avait d'ailleurs disparu dans la foule new-yorkaise.
Une petite remarque : pour éviter d'utiliser trop les prénoms, tu uses souvent de périphrases, et je trouve que ça alourdit inutilement ta narration, voire parfois ça nous sort complétement du récit. J'ai eu le même défaut, et beaucoup de monde me l'a fait remarquer, c'est pour ça que je me permets de te le signaler. :) Pour contrer ça, mets-toi à la place de la personne dont tu utilises le point de vue, et dis-toi "est-ce qu'il utiliserait ce terme pour parler de lui-même ou de la personne qui est en face de lui ?" et tu verras, tu te rendras compte qu'en fait, pas du tout ! ^^
Bref, j'espère (et je suppose) qu'on reverra Brian Felton !
Pour Brian, n'en sois pas sûre. Un cycliste l'a peut-être renversé une fois qu'il a pris la porte. Les urgences en le transportant ont pu avoir un accident de la route. Le véhicule a pu exploser avec Brian encore à l'intérieur. Bref… Doute ! ;)
Merci beaucoup pour ce commentaire, Keina ! Je suis touché que tu sois à jour et encore plus que tu lises plusieurs chapitres d'une traite.
Petites remarques dans ce chapitre !
Dans la conversation entre Wyatt et Juliet, je trouve dommage que Juliet ne pose pas la question que le lecteur se pose depuis plusieurs chapitres : "tu vas le revoir ?"
Vu comment Wyatt en parle après le lecteur a sa réponse xD mais Juliet en tant qu'amie devrait lui demander direct !
Et aussi, dans le meme genre : Wyatt devrait s'intéresser à comment ça s'est passé pour elle avec son serveur, pareil le lecteur veut savoir xD ! mais là je suis moins sure de moi parce que Wyatt a l'air dans un état d'esprit un peu déconecté, je peux comprendre qu'il s'intéresse pas à la vie de Juliet pour cause de disjonctage...
j'ai quand meme envie de savoir :p
a propos de disjonctage j'aime beaucoup comment Juliet tire ses conclusion, mais je trouve qu'elle y va un peu fort de parler d'hypersexualité juste parce que Wyatt est parti une fois avec un inconnu... elle a bien fait pareil !
Je trouve marrant et mignon qu'elle lui demande s'ils se sont protégés xDD une vraie maman xD!
Et pour finir : l'entrée de Brian était hyper touchante et triste ! Je ne sais pas si Juliet a pris la bonne décision... et je ne sais pas non plus ce que j'aurais fait à sa place. Pas facile, en plus elle a pas eu des masses de temps pour réfléchir elle a fait a l'instinct. Très bien qu'elle ait son portefeuille, il sera toujours temps de rattraper ça !
J'ai essayé de montrer une image mignonne de Juliet. Pour montrer que Wyatt est quand même bien entouré. Et oui, j'avais envie de faire un peu de drama avec Brian… Je suis méchant, je sais. Et c'est très dur d'être méchant avec cette histoire. Parce que j'ai envie de noyer les personnages dans tout plein de bonheur.
Je trouve très intéressant que tu te mettes à la place de Juliet face à Brian. Et que tu la comprennes. Je vois que la réaction que je lui ai donnée n'est pas si con que ça.
Eh oui, le portefeuille… ;)
Merci pour ta lecture, Sorryf ! Je te le redis mais tu as effacé un vieux blocage et tes retours sont tellement constructifs, encourageants, éclairants !
A bientôt pour la suite ! (puisque ton retour m'a débloqué, je vais déchainer l'Enfer sur Terre et me lancer enfin dans la scribouille pure !!).
Dans ce chapitre là, alors certes j'ai envie de voir savoir si Wyatt va revoir son inconnu et si Juliet a passé une bonne soirée avec son serveur... mais c'est pas seulement ça, je pense que j'aurais aimé voir un moment d'amitié Wyatt/Juliet un peu plus long, ou Wyatt s'intéresserai à la soirée de Juju comme elle s'intéresse à la sienne... mais bon, c'est toi l'auteur, et aussi Wyatt est pas dans son assiette, donc c'est pas grave s'il lui demande pas xD
Allez hop ! a la scribouille ! ligne droite jusqu'au prochain blocage xD! je viendrai le débloquer !