7h57

Par Rouky

— Louise.

Ma femme lève la tête. Elle est allongée sur le lit, un livre de maternité posée sur ses genoux.

— Oui, mon amour ?

Ses yeux d’émeraude, habituellement pétillants de joie, se voilent en voyant mon état. Les vêtements sales, cravate défaite, chemise à moitié ouverte, je ne paye pas de mine.

Ma puanteur chargée d’alcool lui offre tout ce qu’elle a besoin de savoir.

— Raphaël, s’attriste-t-elle. Tu es retourné au bar...

J’ouvre les bras dans un geste théâtrale, m’incline en avant.

— Ton loyal serviteur, ma belle. C’est là toute notre différence, d’ailleurs.

Louise hausse les sourcils.

— Qu’est-ce que ça signifie ? s’étonne-t-elle.

— Arrête de faire l’innocente ! m’écriai-je.

Elle sursaute, pose le livre de côté. Elle se relève doucement, comme pour ne pas défier la bête que je suis.

— Je ne comprends pas, qu’est-ce que-

— Arrête ! répètai-je. Tu m’as menti, putain ! T’as couché avec mon propre frère. Ce mioche n’est pas le mien, Louise.

Je pointe un doigt accusateur en direction de son ventre bombé.

— Je refuse que ce sale gosse voit le jour.

— Raphaël, s’il te plaît. On peut discuter, on peut-

— Non, l’interrompis-je. Il n’y a rien à dire.

L’alcool embrouille mon esprit, embrume ma raison. Presque comme un automate, je sors le couteau de ma veste, celui-là même que j’avais préalablement emporté depuis la cuisine.

Les yeux de Louise s’écarquillent d’effroi.

— Raphaël, pose ce couteau.

— Ne me donne pas d’ordres, sale traînée !

Je fonce sur elle. Louise n’a même pas le temps de crier. J’enfonce le couteau dans son ventre, droit sur le bâtard qu’elle prétend mien.

Je la jette sur le lit, et continue de la poignarder. Je ne m’arrête que lorsque mon bras se fatigue. Je me lève alors, contemple mon œuvre. Louise est allongée, baignant dans leur sang, à tous les deux.

Soudain, je comprends mon geste. Est-ce la pitié qui m’assaille ? Le désespoir d’avoir tué ma femme ? Non, bien sûr que non.

La première chose que je ressens, c’est la peur. Celle d’être à jamais enfermé derrière les barreaux.

Je jette le couteau au sol, comme par réflexe, puis je sors en trombe de la maison. J’aurais pu prendre la voiture, m’enfuir vers un autre pays. Et c’est ce que je comptais faire, jusqu’à ce qu’une voix résonne en moi :

— Viens. Approche, n’ais pas peur. Suis le son de ma voix. Traverse la forêt, et rejoins-moi. Tu n’auras plus rien à craindre, à mes côtés.

Je ne contrôle plus mon corps. C’est à peine si je contrôle mes pensées.

Mes pas m’emmènent à travers cette forêt que j’ai toujours redouté, étant gamin. Une forêt noire, dense, sauvage, qui ne laisse même pas pénétrer les rayons de la lune.

Une fois entrée dans cette forêt, je ne me condamne à ne jamais en ressortir.

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