— JE VOUS MAUDIS ! TOUS, JE VOUS MAUDIS, ET JE LIBERE SABAH !
A peine ai-je prononcé ses paroles qu’un souffle glacial s’abat sur nous. Les flammes de la grange sont balayées, mourant sous la brise. Les arbres dansent, virevoltent, comme s’ils menaçaient de s’écrouler.
Le silence est tout aussi glaçant.
Le cavalier me regarde, les yeux exorbités.
— Qu’est-ce que tu as fait ? murmure-t-il.
Je secoue la tête, mon cœur battant à tout rompre.
— Je... je l’ignore.
Je vois les villageois reculer, l’air apeuré. Le curé s’éloigne d’un Silas toujours blessé. Je comprends bientôt le fondement de leur crainte.
Comme frappés d’une force invisible, les gens qui m’entourent se mettent à fondre. Littéralement.
Sous les hurlements de douleur, hommes et femmes s’effondrent au sol, tandis que leur peau fond sous une chaleur invisible. Elle fond, laissant apparaître le sang, les muscles, les organes, les os, qui à leur tour fondent comme neige au soleil.
Ils hurlent, essaient de fuir, mais le feu invisible les consument.
Le cavalier, dernier à fondre, fait quelques pas vers moi, chancelant. Il lève une main, titube. Ses yeux sortent de leur orbite, ses lèvres fondent, dévoilant ses rangées de dents. La chair calciné s’évapore, laissant un être de sang et de nerfs avancer vers moi... avant de s’écrouler en hurlant.
Je ne réfléchis même plus, j’agis comme un automate. M’efforçant de faire abstraction à ce que je viens de provoquer, je cours vers Silas, me laisse tomber devant lui.
Ses paupières sont mi-closes. Il baigne dans son sang, maintenu à genoux par l’extrémité de la fourche qui s’enfonce dans le sol.
— Silas, implorai-je. Silas, tu m’entends ? Pitié, restes en vie !
Il lève ses yeux vers moi. Je me plonge une fois encore dans son regard d’ambre. Mais cette fois, c’est différent.
Ses pupilles dorées me révèlent une histoire. Elles m’offrent une vision, un passé disparu. Je m’offre tout entier à ses iris scintillantes, tandis qu’il me raconte ma propre histoire.