7h59

Par Rouky

Je cours, terrifié à l’idée de ce qui m’attends si je m’arrête.

Mais je suis blessé, fatigué. Ma douleur à la tête ne cesse de s’empirer, résultat d’un coup de gourdin bien placé.

Alors je faiblis, et mon poursuivant parvient à me rattraper.

L’homme m’agrippe par le bras, me secoue violemment.

— Espèce d’engance maudite, monstre de sang !

J’essaie de me débattre, mais le cavalier blanc resserre sa prise. Une main sur mon bras, l’autre sur ma nuque pour me maintenir sous son joug, il m’entraîne vers le bûcher que j’ai vainement essayé de fuir.

— Pitié, sire ! suppliai-je. Je n’ai rien fait !

— Ton père a commis le péché du sang, en assassinant ma dulcinée. Ta mère est morte à ta naissance, car tes vices ont maudit sa bonne santé. Tu es un monstre, et ce depuis que tu es arrivé sur notre sainte terre !

J’essaie de me débattre, en vain. Autour du bûcher, les villageois secouent leur torche, m’invectivant. Le curé se tient également présent, son regard méprisant fixé sur moi.

— Pitié, l’interpellai-je. Je ne suis nullement responsable des agissements de mon père.

— Il est un monstre, répond le curé. Un monstre engendre un monstre. C’est donc tout naturellement que tu dois périr. Nous n’allons pas garder une malédiction comme toi dans notre village.

— Mais je n’ai rien fait ! m’écriai-je.

Le cavalier me force à monter sur le bûcher. Je pleure, j’hurle, je me débats. Mais les villageois m’attachent au poteau en bois.

Je suis terrifié, la peur forme une boule dans mon ventre, dans ma gorge. J’ai l’impression que je vais me liquéfier sur place tant l’horreur de la chose me prend aux tripes.

— Ayez pitié de moi ! pleurai-je. Je vous en supplie, je suis innocent !

Le cavalier me gifle violemment. Du sang perle à mes lèvres, tandis qu’il m’insulte :

— Tu es le bâtard d’un monstre. Et c’est ainsi que tu vas mourir, bâtard : brûlé par les feux de l’enfer. Je me hâte de voir ta chair fondre tandis que tes hurlements déchireront le ciel.

Solidement attaché aux chevilles et aux poignets, je ne peux que bouger la tête.

Le cavalier et les villageois descendent du bûcher. Le curé s’approche, murmure des prières.

— Que Dieu ait pitié de ton âme, dit-il.

— Que Dieu se damne en enfer ! répliquai-je.

Ils prennent un air offensé, tous aussi hypocrites qu’ils sont. Le cavalier fait un geste de la main. Les villageois font deux pas en avant, comme un seul homme. Ils abaissent leurs torches, leur rire cruel résonnant à mes oreilles.

Le bûcher s’embrase aussitôt. Les flammes se languissent de mon corps, de mes chairs. La douleur est instantanée, insoutenable, inimaginable.

Je hurle, je sens mes poumons se remplir de fumée âcre et brûlante.

Un cri bestial s’échappe de moi, la fureur se mêle à la douleur. Et d’un hurlement puissant, résonnant dans la nuit, résonnant dans les flammes, je leur vocifère à la figure :

— JE VOUS MAUDIS ! Que vos jours se consument comme la paille, et que vos nuits ne connaissent jamais d’aurore ! Que la colère de Sabah vous rive à ce village comme des âmes damnées !

Et tandis que je crois rendre mon dernier souffle, c’est un feu nouveau qui embrase mes veines.

Ce n’est pas ma mort.

C’est ma renaissance.

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