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Par Liné
Notes de l’auteur : Après réécriture, j'ai fusionné certains chapitres entre eux, ce qui peut bousculer le marquage "lu" de certain-es lecteurices. Si vous êtes perdu-es, n'hésitez pas à me demander où vous en étiez !

  

   Franchement, c’est agaçant. Ils ne savent pas gérer leurs propres poubelles. Ça déborde et elles prennent vie, avec leurs bouts de plastique à tout va qui s’amoncellent en un amas de cheveux blancs, leurs épluchures de cuisine qui se tirent comme des langues et leurs liquides indéterminés qui mouillent le tout, faisant baigner ces visages insolites dans une bave écœurante.

   Et c’est Christian qui passe derrière.  

   Frischt, frischt, les franges de son balai tournent autour des poubelles. Christian n’est pas pressé de s’occuper d’elles. D’autant que, l’été progressant, les adolescents s’octroient de plus en plus de libertés : s’ils sont souvent propres et polis à leur arrivée, la paresse a tôt fait de revenir au galop et avec elle réapparaissent les lits défaits, les poils dans les lavabos et les sous-vêtements sales dispersés à même le sol. La puberté, une plaie. Avec ses décennies d’avance, Christian se sent bien plus noble que cette armée de mioches courts sur pattes qui ne savent pas faire la différence entre un savon et le sébum qui graisse leur visage. Affligeant.

   La paie n’est pas très bonne. Faire le ménage dans un camp de vacances, ça ne gagne pas. Avec son salaire, Christian parvient tout juste à garder à flot la bicoque dans laquelle il a toujours vécu, là, à un quart d’heure du gîte. C’est pratique. Mais en hiver le toit fuit et en été, le soleil cogne fort. Christian tâchera d’arranger ça avec l’aide de son beau-fils, quand ce crétin aura fini de jouer au bonhomme à costumes — la nouvelle génération préfère les cravates aux tabliers.

   Heureusement, le patron est gentil. Il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a, c’est-à-dire pas beaucoup. Pour lui non plus ça ne doit pas être facile tous les jours, quoiqu’à d’autres niveaux — lesquels exactement, Christian ne se le figure pas.

   Et puis Emmanuel est efficace. Il est plus jeune, plus vigoureux que son binôme. Ses bras attrapent les déchets et les jettent, attrapent les déchets et les jettent avec la rigueur d’une moissonneuse-batteuse. Quand il faut, il est marrant. Non vraiment, c’est un bon bougre : accommodant, utile et qui garde en tête que parfois, il est préférable de se taire.

   Un jour, Emmanuel a ce geste dégoûtant auquel Christian, de toute sa carrière d’agent d’entretien, n’a jamais songé : il plonge une main dans une poubelle et en déterre des détritus. Christian le regarde, aussi surpris et rebuté que s’il trempait son poing dans le cul d’un bœuf. Pour son plus grand soulagement, la poubelle est sèche et presque vide : Emmanuel en sort des boules de papier, à foison, certaines entrelacées en morceaux de guirlandes à moitié déchirées.

— Des brouillons de lettres ! s’extasie Emmanuel. ‘Y a peut-être des messages secrets là-dedans.

   Et comme ça, laissant tomber son balai au sol, il s’empresse de défaire les guirlandes et de lisser les feuilles. Ses paumes s’étendent sur elles, la blancheur de ses mains tranche avec les brèches noires du papier jaune.

— « Cher Jules », commence-t-il à lire.

   Christian renifle bruyamment et remonte son pantalon sur ses hanches. Les poubelles et leurs secrets ne lui inspirent aucune confiance. Emmanuel poursuit à voix haute :

— « Je sais que je m’y prends mal mais je souhaitais clarifier la situation. Tu crois que je veux te déposséder de tes fonctions mais c’est faux. C’est ma manière de procéder, je suis brute. Et pas toujours d’accord avec toi. Et quand c’est le cas, je préfère le dire. Pour revenir sur… ».

   Christian s’approche de son compagnon. Il est intrigué, et il ne comprend même pas pourquoi. Les racontars de bonne femme, ça ne l’intéresse pourtant pas.

— Ça alors, s’étonne Emmanuel, c’est déjà la fin de cette lettre. Elle n’est pas terminée.

   Il la chiffonne et la rejette à la va-vite dans sa poubelle d’origine. Le bruit étouffé de sa chute n’est pas encore oublié qu’il agrippe plusieurs autres boules de papier, les défroisse et les étale pêle-mêle entre ses deux paumes : les lettres se superposent, leurs lignes sombres courant désordonnément d’une page à la suivante.

— « Décidément, je n’arrive pas à poser les bons mots… ».

— Oh, mais lis en silence, à la fin !

   Emmanuel obéit, docile. Penché par-dessus son épaule, Christian chipe une ou deux bribes par-ci par-là, à la dérobée. « Cher Jules ». « Jules ». « Bonjour ». « J’en ai marre, ça me pèse ». « … de cette façon avec Léa. ». « Je suis désolée pour mon comportement ». « L’affabilité n’est pas dans mes… ». Il ignore ce que ce mot signifie. « Ignoble, merde ! ». « Repartir sur de bonnes cases ». Non, bases.

   La lecture n’est pas son fort. Les mots manquent de discipline, n’ont ni forme ni consistance et nagent à leur gré sous le nez de leurs victimes. Rien ne les rattache à rien, trois phrases plus une quatrième n’égalent pas un sens tout prêt et, souvent, les mots n’ont aucune dignité : ils mentent. De vrais effrontés.

— C’est drôle, commente Emmanuel, ces lettres ne sont pas signées mais on comprend très bien qui les a écrites…

   Tu parles d’un mystère, se dit Christian. Les relations entre Jules et Claire n’ont jamais été au beau fixe, et ce n’est pas peu dire. Depuis l’arrivée de cette sorcière, il règne à la Fourmilière un climat d’orage. Un air lourd et invisible, que l’on peut sentir du bout du nez : l’odeur que dégage cette fille est nauséabonde.

   Claire est vulgaire. Elle prend de la place. Depuis quelques semaines, elle s’amuse à décorer la grande table du réfectoire avec ses bouquins de théâtre infâmes. Chaque après-midi et chaque soir, quand les deux agents d’entretien nettoient la salle, Christian bougonne. Un peu de ménage ne ferait pas de mal : ces titres de pièces à rallonges, avec ces dramaturges étrangers aux noms imprononçables, lui arrachent les yeux et lui renvoient son ignorance en pleine face.

   Il n’a pas peur de le clamer haut et fort : le théâtre, ça l’emmerde. Toutes ces histoires à la mords-moi-le-nœud ne l’émeuvent pas. C’est un homme simple, il a entendu parler de Molière et ça s’arrête là. Quant aux saltimbanques, mieux vaut ne pas le lancer sur le sujet. Les acteurs se dissimulent derrière des masques, les garçons se maquillent comme des filles, et il paraît que les répliques ont toutes un sens caché. Les mots, on en revient aux mots et à leurs mensonges.

   Non, ces théâtreries ne lui disent rien qui vaille. Quand il est de service dans la chapelle, Christian examine les décors et les accessoires que la sorcière a amenés avec elle. Des tissus, des vêtements, des objets, des panneaux de bois à ne plus savoir qu’en faire : de la pacotille et rien d’autre. Comment autant de déchets colorés peuvent former une histoire, un univers et une cohérence, Christian se le demande. Les boniments éducatifs de Claire, il y croit autant que si un magicien lui promettait de sortir un lapin de son chapeau.

   Il préfère Samantha. De loin. Elle est discrète, sensible. Et mignonne tout plein, avec ces cheveux flamboyants et ces taches de rousseur. Même s’il est vrai que cette coupe à la garçonne est un peu trop courte — après tout, il faut bien que jeunesse se passe.  

   Parce que des jeunes il y en a, mais des aînés, des sages, des vieux-de-la-vieille, ça, moins. Christian est le doyen. Jules et Séverine le suivent à distance raisonnable et après, ce ne sont que des jeunots. C’est certainement pour cela que le directeur l’a nommée adjointe. Privilégier les anciens, c’est fondamental. Toutefois, Christian reste sceptique : c’est étonnant, pourquoi Jules a-t-il choisi de promouvoir la vieille fille plutôt que Klaus ? L’intendant est un homme très fiable, inflexible, doté d’une autorité naturelle. Séverine est soumise et hésitante. À tout considérer, ce sont peut-être ses qualités de femme qui lui donnent un avantage. Elle est maternelle et réservée, elle s’occupe très bien des enfants. Le directeur et elle sont complémentaires. Klaus, lui, est comme Jules : trop brut de décoffrage.

 

 

 

   Un soir, une petite sauterie est organisée pour fêter la promotion de Séverine. Rien de trop princier : c’est dimanche, les adolescents sont aussi invités et, pour l’occasion, le réfectoire est décoré de cotillons en tous genres. Ce n’est pas très chic mais c’est l’intention qui compte : un peu de couleurs, une ambiance qui sort de l’ordinaire pour célébrer une nouvelle étape à la Fourmilière. Christian se retient de râler : après tout, bien qu’il soit de corvée nettoyage, la perspective d’une fête, d’une soirée, de verres remplis et d’estomacs repus le ravit.

   Jules offre du champagne. Aux adultes seulement, s’entend. Il est jovial. Très vite il saisit une flûte, frappe le verre du revers d’une cuillère. Le silence s’installe, un silence plein de bulles et d’entrain. Sans plus tarder, Jules vante les mérites de son adjointe :

— Bon. Je ne vais pas vous la présenter, notre chère Séverine. Elle fait comme qui dirait partie des murs, depuis le temps qu’elle travaille à la Fourmilière ! Des années de dur labeur, de soutien sans faille… J’ai toujours pu me reposer sur elle. Ses nouvelles responsabilités m’allègent d’un poids, et je ne suis pas mécontent de lui refiler autant de tâches administratives…

   Des rires ironiques accompagnent sa présentation.

— Bref. Je sais que j’ai dégoté la perle rare et je suis très heureux ce soir d’officialiser son rôle au sein du camp.

   Il pivote de droite et de gauche, cherche son adjointe. Elle se rabougrit, intimidée d’être ainsi le centre de l’attention. Les employés sont suspendus aux lèvres de Jules. Tous le contemplent avec la discipline des musiciens obéissant à leur chef d’orchestre : il va bientôt lever sa flûte et, en deux ou trois postures élégantes, commander leurs applaudissements.

— À toi, Séverine : merci, et bravo !

   Ça ne loupe pas : emporté dans les airs, le champagne gigote et scintille. Le discours achevé, on applaudit et des mots de félicitations survolent les sourires.

   La soirée se déroule à merveille et Christian s’y plaît. L’alcool égaye les caractères et la joie s’empare des convives. La musique jaillit des baffles, glisse entre les corps et les invite à moins de retenue. Les adolescents se déploient en bandes, on leur sert des cartons de jus de fruits. Ils se moquent silencieusement de ces boissons trop fades que l’on sert aux enfants. Adouci par l’alcool, Christian leur lance des œillades attendries.

   Au zénith de la fête, Jules fend la foule et s’avance vers son adjointe : il exige quelques pas de danse avec elle. Séverine semble réticente, gênée. Le directeur insiste. Elle ne peut pas dire non. Alors il prend sa main et, au cœur du cercle que forment adolescents et employés, ils valsent.

   Ensemble, ils sont gauches. Un ying et un yang mal assortis, un peu de travers. La petite main de Séverine se serre dans celle de Jules, leurs tentatives d’envolées ne sont jamais en rythme et, quand leurs pieds se marchent dessus, Séverine glousse d’un air navré. Jules arbore un sourire radieux sous ses yeux nébuleux, et c’est à ce moment-là que Christian s’aperçoit qu’il est passablement éméché.

   Soudain, au détour d’une pirouette avortée, Séverine part à la renverse. Avant que Jules la rattrape, elle tombe contre Sofiane. Les employés perçoivent le tintement d’un verre et, lorsque Séverine se redresse, l’animateur rentre le ventre et tient ses bras devant lui comme pour retenir un ballon imaginaire : sa flûte est vide et sa chemise, imbibée d’alcool.

   Tout le monde rigole, les adolescents les premiers. La mine défaite, Séverine se précipite vers une table, empoigne une flopée de serviettes et s’empresse d’éponger la chemise. Sofiane la repousse :

— T’inquiète, ‘y a pas de quoi fouetter un chat ! Sérieux, laisse tomber…

   Avec lui, rien n’est jamais catastrophique. Séverine fait la sourde oreille et continue de tamponner les tâches de champagne. Ses gestes sont méthodiques, pressés ; les serviettes se dissolvent et, bientôt, elle ne frotte plus qu’avec ses propres doigts.

   Devant tant d’application, Sofiane finit par perdre patience. Lui qui affiche en permanence une bonne humeur exubérante, qui a le don de mettre les gens à l’aise autour de lui — ce qui se cache derrière un visage basané aussi lumineux, Christian au fond s’en méfie —, s’emporte contre Séverine :

— C’est dingue, lâche l’affaire ! T’es chiante avec tes manies ! Nettoyer, réparer, ranger, arrête trente secondes !

   L’enthousiasme de la fête se dissipe. Les convives observent la scène et attendent son dénouement. La musique continue de mener la cadence et répand dans la pièce un écho joyeusement discordant. Il doit y avoir des antécédents, autrement cet incident ne se produirait pas. Ce n’est pas grand-chose, seulement quatre ou cinq mots échappés de la bouche de Sofiane comme une balle sort d’un fusil. Des mots sincères, ceux-là. Le jeune homme regrette aussitôt et se confond en excuses.

— Désolé, je ne voulais pas… C’est ta soirée, en plus…

   Séverine le coupe en balayant l’épisode du revers de la main.

— On oublie, tu as raison, justifie-t-elle du bout des lèvres.

   Tout rentre dans l’ordre. Une dernière tournée de champagne est annoncée et le reste de la fête suit son cours sans encombre.

 

 

 

   La soirée est si bien réussie qu’on en parle encore le lendemain au déjeuner. Pour Christian, c’est la meilleure partie de la journée : il est en pause, s’empiffre jusqu’à s’en faire péter la panse, et la cuisine de Farid est succulente — c’est qu’ils sont très forts derrière les fourneaux, les Maghrébins. Les adultes mangent à la table qui leur est réservée, à quelques pas des adolescents. Les conversations fusent par-dessus les assiettes et les couverts. Christian ne les suit généralement que du coin de l’oreille, focalisé qu’il est sur ses propres victuailles.

— Il était drôle le dirlo ! entend-il. Pour une fois qu’il picole…

— Faudra pas non plus que ça devienne une habitude ! C’était pas discret, les jeunes ont remarqué…

   Les plaisanteries pleuvent tandis que Christian se concentre sur sa cuisse de poulet. Ses ongles s’enfoncent dans la peau et ses doigts glissent sur les os.

— À la tienne, Séverine ! On est à l’eau mais n’empêche : bravo à toi !

   Les verres volettent ; les dents de Christian s’engouffrent à l’aveugle dans une jungle de chairs et de graisse.

— Quand même, depuis le temps que tu fais son boulot à sa place… C’est normal qu’il te mette un peu en avant.

   La discussion retombe comme un soufflet. Le grommellement de Christian reste inaudible : il a la bouche pleine et mastique consciencieusement. De quoi se mêle-t-elle encore ? Face au froid qu’elle vient de jeter, Claire se sent contrainte de continuer :

— Et bien oui, les tâches administratives, tu les gères depuis des lustres ! Il t’a nommée à un poste qu’en réalité, tu remplissais déjà. J’ai pas raison ?

— Oui, peut-être…

— Claire n’a pas tort, admet Sofiane, ça fait belle lurette que tu travailles quinze fois plus que moi et pourtant, de base, on est tous les deux monos !

   À l’autre bout de la table, l’accent de Klaus tranche brusquement :

— C’est vrai et c’est faux. En réalité, nous effectuons tous bien plus que ce pour quoi nous sommes payés. Le cas de Séverine n’est pas si exceptionnel.

   Il parle de cette façon-là, Klaus. Un français impeccable, une grammaire scolaire, quelques mots désuets disséminés çà et là à la manière de copeaux de chocolat au sommet d’une forêt-noire. L’intendant est droit dans ses bottes. C’est dans sa culture. Christian l’aime bien.

   Le poulet disparaît, happé par la bouche vorace. L’agent d’entretien scrute ses doigts, lèche du regard ses paumes luisantes de graisse. Il ne pense pas à l’après, au travail de l’après-midi ; aux poubelles pleines d’os et de tendons qu’il se serait bien mis sous la dent, au lieu de devoir trier, laver, jeter ces restes immondes qui nourrissent les dépotoirs, ramollis par la chaleur et gonflés par les mouches. Non, pour l’instant, tout va bien : il savoure son déjeuner.

   Il lâche l’os dans son assiette, comblé et, alors que le cling ! résonne contre la céramique, il se redresse et aperçoit Jules. Le directeur vient de faire son apparition dans le réfectoire, traverse les bourdonnements des adolescents et s’approche de la table des adultes. Le sourire qu’il affiche grandit tandis que celui de ses employés s’éteint à petit feu : Jules ne s’en rend pas compte, mais ses troupes sont toujours plus à l’aise en son absence.

— Salut ! Comment va la belle équipe ?

   Sofiane et Emmanuel lui adressent un franc sourire, Séverine, Sam et Klaus le saluent, Claire esquisse un signe du menton. Jules s’enquiert :

— Occupés à manger ? Farid s’est surpassé ?

   Des hochements de tête lui répondent par l’affirmative.

— Délicieux ! s’exclame Sofiane.

   Au même moment, un garçon et une fille se lèvent de leur chaise et détalent vers le jardin en poussant des cris d’excitation. Leurs deux corps se fondent en un éclair et zèbrent le mur blanc devant lequel se tient Jules. Le directeur chancelle, perturbé par ce chahut. Claire les enjoint au calme, rappelant qu’on ne court pas dans le réfectoire. Obéissants, les deux adolescents s’éclipsent en se taquinant. Une fois qu’ils ont disparu, l’animatrice semble préoccupée : cette interruption a beau avoir dévié le silence naissant, il faut désormais faire bonne figure face à Jules.

— Et toi, t’as mangé ? demande Sam.

— Non, j’ai pas encore eu une minute à moi…

   Jules empoigne une chaise. Le raclement du bois se fond dans le brouhaha ambiant et le directeur s’assoit tranquillement.

— Et je préfère en laisser plus pour vous ! poursuit-il tout joyeux. Bon. Christian, comment ça va en ce moment ?

   L’intéressé s’interrompt en plein élan : penché en avant, le bras tendu et la main ouverte au-dessus d’une marmite tel un grappin dans une machine à pinces, il s’apprête à empoigner la première cuisse venue. Il ne s’attendait pas à tant d’attention, encore moins devant ses collègues. Car après tout, un gouffre sépare ceux qui s’occupent des enfants de ceux qui décrassent les toilettes — il est important de ne pas mélanger les torchons et les serviettes, comme on dit. Christian, étonné, écarquille les yeux et cligne deux fois des paupières avant de se rappeler à quel point son patron, quand le moment s’y prête, sait être prévenant.

— Bien… bien… Merci !

— Je vois que tu te régales.

— Ah ça, affirme Christian, les cuisses de poulet du Farid, je connais rien de mieux. Sauf peut-être les cuisses de bonne femme !

   L’agent d’entretien part à la renverse et rit. Ses yeux se plissent en rides étincelantes et sa bouche s’ouvre, révélant une dentition jaunie par la viande. Bondissant sur l’occasion, Sofiane réplique :

— Parce que tu connais encore ça, toi, les cuisses de femme ? À ton âge c’est pas très prudent, reste plutôt avec tes balais !

   L’hilarité gagne l’ensemble de la tablée. Les gorges se déploient sur des rires sincères. Surpris par tant d’effusions, des adolescents installés non loin se tournent vers leurs animateurs ; la joie est communicative. Seule Claire ne rit pas. Elle attend que la blague passe, qu’elle finisse de distiller dans l’air cet enjouement qui soudain relie ceux que Christian amuse, avant de s’éclaircir la voix et de prendre la parole :

— Jules, j’arrive comme un cheveu sur la soupe, mais as-tu réfléchi au projet d’excursion que je t’ai proposé la semaine dernière ?

   Les rires s’enrayent. Christian en profite pour saisir un nouveau morceau de poulet. Claire se tient penchée par-dessus la table, décidée à tracer une ligne directe entre Jules et elle. Le directeur attrape une assiette propre, la remplit d’un peu de nourriture et entame son repas.

— Jules ? insiste Claire.

— Oui, je me souviens de ce dont il s’agit. Malheureusement non, ça ne va pas être possible.

— Et pourquoi ?

— C’est quoi cette excursion ? De quoi vous parlez ?

   Si Christian en avait l’autorité, il ferait signe à Sofiane de se taire. La tension entre le directeur et son employée est palpable et il ne faut pas tuer cette dynamique. L’impatience gagne la harpie à vue d’œil. Elle se tient droite et aux aguets, prête à riposter à la moindre attaque tandis que le patron, lui, s’agace : la moutarde lui monte au nez et cependant il se contient, son front se chiffonne et son menton se raidit. En définitive, c’est toujours pareil : ça commence par une phrase, presque rien, qu’une autre vient chevaucher et, ainsi de suite, les mots se remplacent et s’enchaînent jusqu’à les emprisonner dans une dispute qu’eux seuls semblent capables de comprendre tout à fait. Christian n’apprécie pas particulièrement ces moments mais il sait que, de ces deux béliers, c’est le directeur qui mène la danse. Et il n’a rien contre un peu de recadrage : entendre Claire se faire remettre à sa place devant tout le monde lui égaierait sa journée — cerise sur le gâteau alors qu’il n’en est encore qu’au poulet, dessert servi pendant le plat principal.

— C’est un projet de théâtre, explique Claire en s’adressant à Sofiane. On vient d’obtenir l’accord de la Maison des Jeunes et de la Culture. Une compagnie vient de se désister, ils ont de la place et peuvent nous accueillir pendant quatre jours d’affilée, en résidence. C’est une opportunité en or, les gamins sont super emballés !

   Impressionné, Sofiane sifflote.

— C’est la classe !

— Et qu’en pensent les parents ? intervient Klaus.

— On compte évidemment appeler toutes les familles, répond Sam. Ça nous prendra quelques jours. La pièce est dans trois semaines, c’est pile le bon timing pour obtenir les autorisations parentales et préparer tous les papiers. Et puis de toute façon, les autorisations parentales concerneront exclusivement le fait de sortir de la Fourmilière : le spectacle restera amateur, gratuit, dans une petite salle de cinquante places, et ne sera pas filmé. Ça ressemblera plus à un spectacle scolaire de fin d’année qu’à une grosse production professionnelle. Mais les adolescents se sont déjà pris au jeu !

   Sam est rayonnante. Christian l’observe : le sourire de la belle rehausse ses pommettes et jongle avec les taches de rousseur que l’agent d’entretien aime tant. Elle se sent investie d’une mission particulière, ça se voit. Dans un autre lieu, à une autre époque, Christian en aurait bien fait son quatre-heures. Elle continue :

— En attendant, on poursuit les répétitions. Si jamais la compagnie qui s’est désistée revient sur sa décision et que la place se perd, on jouera dans la chapelle, comme prévu au départ.

   Le sourire de Claire se joint à celui de Sam. Toutes deux opinent du chef : elles ont pensé à tout, se sont mises d’accord sur les détails et rien ne saurait éroder leur complicité.

— Au risque de vous décevoir, ce n’est pas aussi simple que cela.

   Jules plante sa fourchette dans ses haricots. Le métal crisse contre l’assiette, le légume voltige et vient se cacher sous le palais du directeur. Ses mâchoires sont carrées, serrées, écrasent la nourriture avec la rigueur d’un broyeur. Il avale méticuleusement, et feint d’ignorer les visages qui se tournent vers lui dans l’espoir d’une explication plus approfondie. 

— Votre projet est très bien intentionné, admet-il enfin. En revanche, vous n’avez aucune idée de ce à quoi vous allez vous heurter. C’est toute une organisation, vous allez vous casser les dents. Les autorisations parentales, déjà, ça ne s’obtient pas en deux jours. Bon. Et que comptez-vous faire si des parents refusent ? Ce sera le cas. Interdire la participation de leurs enfants ? C’est très discriminant vis-à-vis de leurs petits camarades qui auront reçu la bénédiction de leur famille. Vous allez créer des jalousies.

   Nouveau plongeon de la fourchette, cric !, nouvelle bouchée et nouvelle attente. Les bruits de mastication s’imposent. Il avale et, les yeux toujours rivés sur son assiette, développe :

— Ensuite, il y a la MJC, la mairie, la préfecture. Bon. C’est tout un patacaisse. Il vous faut mon autorisation et celle de plusieurs représentants de la localité. Ça prend du temps, croyez-moi ! Qui plus est, avez-vous pensé au droit d’auteur ? Ces saynètes que vous utilisez, ce patchwork de pièces de théâtre, tout ça a bien été écrit par quelqu’un. Les dramaturges, vivants ou morts, doivent être rémunérés. Sans parler des techniciens. Et puis, comment allez-vous remplir la salle ? Il vous faut un plan de communication. Une affiche élaborée par un graphiste, des posts sur les réseaux sociaux. Qui va faire ça ? Vous, la mairie ? La MJC ? Avec quel budget ? Quel rétro-planning ?

   Tandis qu’il déroule tout de go les obstacles auxquels seront confrontées ses deux employées, son assiette se vide lentement mais sûrement. Autour de lui, on écoute et on reste attentifs.     

— Pour finir, il y a le Programme. Les activités, les sorties, les soirées qui figurent dans le fascicule de la Fourmilière. Si vous ajoutez une pièce de théâtre, une excursion de plusieurs jours, cela laisse moins de place pour ce qui était déjà prévu. Certains évènements devront être annulés. Ce n’est juste ni envers les enfants à qui on a fait des promesses à leur arrivée au sein de ce camp, ni envers les organisateurs.

   Le silence s’installe. On n’est pas certains que le directeur ait achevé sa tirade. Au terme d’une seconde de flottement, Claire observe d’un ton hésitant :

— D’accord, mais enfin… Jules, c’est toi l’organisateur du programme.

— Sofiane, tu me passes une part de tarte, s’il te plaît ?

   L’interpelé s’exécute et, bientôt, une nouvelle assiette atterrit sous le nez du directeur. Claire et Sam échangent un regard interloqué ; d’un coup de menton hâtif, la première encourage la seconde à insister :

— Encore une fois, Jules, il s’agit d’une pièce de théâtre amatrice. Pas besoin de gros moyens. Ma tante bosse à la MJC, c’est ce qui facilite l’organisation. J’avoue, on est un peu pistonnées mais bon… C’est pour une excellente cause ! Quant à tous les problèmes que tu évoques, Jules, on te rassure : on a déjà pensé à pas mal d’aspects et on travaille en lien étroit avec la mairie et la MJC. Apparemment, la ville a déjà engagé son budget pour l’accueil de la compagnie qui s’est désistée. La salle est prête, vide, les salariés de la MJC sont de permanence et préfèrent accueillir la Fourmilière plutôt que de se tourner les pouces. Pour la communication, pas besoin de graphiste : on s’est dit qu’on pourrait créer un atelier « création d’affiche » avec les ados. Ça les impliquera encore plus dans la pièce !

— Ça m’a l’air chouette, patron… On dirait bien qu’elles sont vachement organisées !

   Le coude sur le montant de sa chaise, Sofiane se tourne vers Jules et lui décoche son plus beau sourire. La flèche n’atteint pas sa cible : imperturbable, le directeur n’arrache pas une seule fois les yeux de son dessert. Encouragée par l’attitude de son nouvel allié, Claire prend une grande inspiration et poursuit :

— On est prêtes à en discuter plus en profondeur quand tu es disponible. Pour de vrai, cette pièce de théâtre est possible et je suis sûre que…

— Alors, cette tarte ?

   Coupée dans son élan, Claire se contorsionne sur sa chaise. Derrière elle se dresse Farid, les mains sur les hanches et la bedaine en avant. Sa toque blanche est vissée sur son crâne, son tablier recouvert de tâches. Il tient, coincé contre ses côtes, un cubi de vin entamé : des gouttes rouges ruissellent discrètement le long du carton.  

— Vous me faites marrer ! se moque Farid. Y a pas si longtemps, ça pleurait parce que j’osais proposer une tarte après mes cuisses de poulet frit. Trop de gras, vous disiez. Et regardez-vous, à vous goinfrer !

   Le cuisinier part d’un rire franc. Quand il est amusé, son nez frémit et ses lèvres s’étendent en un sourire gigantesque qui s’en va grignoter jusqu’à ses oreilles. Il décale une chaise vacante et s’assoit auprès de ses collègues.

— C’est aussi délicieux que d’habitude, mec ! le gratifie Sofiane.

— Faut partir du principe que le cuistot a forcément raison.

   Farid hausse les épaules en gage d’innocence, attrape un verre et le coince entre ses genoux. Sans plus de cérémonie, il agrippe le cubi et en presse le verseur : en peu d’efforts, le plastique se gonfle d’alcool et arrose le verre. Le vin rouge s’épanche dans son nouveau récipient, y ondule d’ellipse en ellipse et, avant qu’il se repose, Farid l’élève à hauteur de nez et le secoue encore une fois. Le liquide râle, tournoie dans sa prison ; à travers lui se dessine d’abord l’œil grossi du cuisinier, puis sa bouche qui s’ouvre et, enfin, ses babines dont s’échappent trois mots :

— Du vin de table, mais ça reste du vin ! Qui en veut ?

   Christian s’illumine. Un simple signe de tête signale son intérêt : le cuisinier lui fait l’honneur de lui offrir le premier verre.

— Farid, t’exagères ! lance Jules. Les enfants vont nous voir…

— Ça peut pas faire de mal ! rétorque Sam.

   Contre toute attente, elle se lève, se penche par-dessus la table et tend le bras. Farid ne s’y oppose pas et sert un deuxième verre. Christian se redresse, guilleret. Il est fier de sa petite rouquine. Les collègues s’ébranlent comme un seul corps. La déception, l’admiration, la surprise se lisent tour à tour sur leurs traits.

— Sam, tu ne vas pas t’y mettre, toi…

— On se dévergonde ?

— Je te croyais plus coincée que ça !

   Les clameurs s’éteignent rapidement et, aussi isolée qu’une note de triangle à la fin d’un concert, la voix de Séverine vient défendre la jeune femme d’un timide « laissez-la donc tranquille… ». Sam ignore ses collègues. Elle se rassoit et boit une gorgée, satisfaite. Ses paumes se resserrent autour du verre, le vin vacille et disparaît derrière ses lèvres. Claire, de son côté, commence à perdre patience. Elle croise les jambes, son pied s’agite et ses doigts tapotent nerveusement le rebord de la table.

— On peut revenir à une vraie discussion ? s’agace-t-elle. On jugeait la faisabilité de la pièce, pas Sam et son degré de pureté.

   Elle a jeté un nouveau froid. Les conversations des adolescents reprennent le dessus, naissant au loin et inondant soudain la table des adultes. Farid poursuit sa distribution avec gêne.

— Je pensais que le sujet était clos.

   La réaction de Jules est on ne peut plus cassante.

   Claire prend une grande inspiration et ravale une insulte. Ça se sent, observe Christian, elle est sur le point de se lever, d’agiter ses doigts sous le nez du directeur et de lui coller une malédiction de son cru. Mais elle se contrôle. Se crispe ; saisit un verre que Farid destinait à d’autres, le fait voyager au-dessus des marmites et le donne, hautaine et fière, à Jules.

— Allez, on signe un pacte de non-agression, propose-t-elle avec un peu trop d’entrain. Bois ça, détends-toi et arrête de nous saouler.

   Un éclair n’aurait pas mieux frappé Jules. Il relève la nuque si brusquement que ses os en craquent.

— Je croyais qu’on pouvait se parler en adultes, assène-t-il.

— C’est bien ce que je tente de faire depuis le départ. Sauf que c’est pas à un adulte que je cause, c’est à un mur.

   Autour de Claire, les mâchoires se décrochent. Elle poursuit :

— Allez, une rasade de vin, vieux, ça te fera du bien ! J’ai une petite idée d’où il se trouve, moi, le balai de Christian…

   La réplique de Claire claque sur les joues de Farid et le vin gicle d’entre ses lèvres en une cascade chuintante. Certains ébauchent un geste de recul instinctif tandis que des gouttes rouges éclaboussent la nappe. Aussitôt, le cuisinier plaque ses deux mains contre sa bouche et, gêné, ravale son rire. Et la tablée redevient cette aire silencieuse dans laquelle personne n’ose plus vraiment s’immiscer.   

— Tu t’amuses bien, Claire ? lance le directeur.

— Je fais ce que je peux.

— Tu fais dans la vulgarité. Ça ne te va pas du tout.

— Il faut bien trouver matière à plaisanterie.

— Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle.

— C’est qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer. C’est comme pour les gifles : puisqu’ici, entre adultes, on ne parle pas de ce qu’il se passe réellement, et qu’à la place on préfère déblatérer pendant des heures sur l’impossibilité d’une simple pièce de théâtre, j’essaie de relativiser et de ne pas perdre les pédales.

   Sam et Séverine remuent imperceptiblement sur leurs chaises. Des visages s’indignent, des lèvres questionnent, des sourcils se froncent.

— De quoi vous parlez, là ? demande Klaus, soucieux.

— Je parle d’une gifle.

   Jules semble dépassé. Un point d’interrogation joint son front, une paupière, une joue, et creuse son menton. Il n’a pas l’air de comprendre les insinuations de Claire.

— Mais t’es complètement tarée, ma parole ! se défend-il. On ne va tout de même pas discuter d’un sujet qui ne concerne que toi et moi, là, devant tout le monde…

— Depuis quand le bien-être des gosses ne nous concerne que tous les deux ?

   Jules plante ses poings contre la table et bondit. Debout, il est nettement plus grand que Claire.

— J’en ai marre de ces enfantillages et…

   Il devine les yeux qui se fixent sur lui, et se reprend.

— Et je vois que le déjeuner est fini. Les activités de l’après-midi ne sont pas prêtes, je vous conseille à tous de vous remettre au boulot.

   Silence gêné. Et puis, le tintement des couverts et le raclement des chaises comblent l’embarras. Après un dernier regard assassin, Claire est la première à s’éclipser. Ses collègues s’exécutent sans hâte et s’éloignent de la table. Quelques coups d’œil furtifs les relient les uns aux autres tandis qu’ils tachent d’oublier cet incident, de taire cette vague sensation d’humiliation dont ils ne comprennent pas l’origine.

   Seul Christian maugrée.

— Mon balai, mon balai… murmure-t-il dans sa barbe. Mais sacré nom de nom, elle lui veut quoi, à mon balai ? Quelle conne.

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Nanouchka
Posté le 12/10/2023
Un dernier pour ce soir !

Encore une fois, la tension est forte. C’est drôle, parce qu’on pourrait se dire qu’en commençant par le feu, tout serait plus calme, plus plat, et en fait non, ça ne fait qu’augmenter en pression.

J’ai ressenti ce chapitre comme un peu décortiqué, comme du crabe. Toutes les pièces sont là, je me dis que les transitions pourraient être un tout petit peu huilées pour que ça coule plus facilement.

Quelque chose m’a tarabustée dans le POV de Christian. J’ai trouvé qu’il était un poil « caricaturé » dans le sens où il est misogyne, il est raciste, et… c’est tout. C’est dit à six ou sept reprises dans le chapitre, ce qui renforce ce trait et n’en crée pas de nouveaux. Ce qui diminue un peu la force de son observation du repas, justement. Parce qu’en fait, je me dis que ce qui aurait été intéressant, c’est que ce sentiment de « oh, la barbe, là on mange, on n’a pas envie de disputes constantes » vienne de quelqu’un qui ne nous rebute pas, que ce soit un personnage-POV presque attachant ou du moins neutre. Parce que ça rendrait plus facile de s’identifier à l’envie de profiter du moment (qui est universelle) pour justement s’en détacher en se disant « ok mais attends il y a un problème quand même ». (Je peux développer ce point si tu le souhaites, dis-moi si ça te semble clair ou pas.) Je pense que j'aurais aimé découvrir un peu plus d’humanité de Christian, des détails qui me le rendent vivants en-dehors de ses opinions problématiques, et que celles-ci apparaissent plus par une ou deux touches éventuellement et par ses remarques, je ne sais pas. En l’état, je sens Jules plus humain que Christian, c’est pour te dire ahahaha.

Et quelque chose m’intrigue. Ici, Claire se montre insistante dans un cadre qui n’est pas forcément adapté, d’une façon qui pourrait paraître peu efficace, peu dans la compréhension de comment fonctionne quelqu’un comme Jules. Je vois mon cerveau qui déteste le conflit pivoter la tête en mode : mais pourquoi autant insister pour une pièce de théâtre ? Et le reste de moi qui chuchote : on ne parle pas juste d’une pièce de théâtre. Ce qui du coup est très intéressant, parce que Jules ne refuse pas la pièce pour refuser la pièce, de la même façon que Claire n’insiste pas pour la pièce que pour la pièce. Il se joue mille conflits et passés et blessures et colères entre eux, et de façon publique dans un endroit confiné, donc c’est aussi de l’ordre de l’ego, de la représentation. (Ça me rappelle les pièces grecques antiques, pour une raison que je ne m’explique pas, peut-être le côté inconscient jungien, le chœur, va savoir.) Et ça me renvoie aussi à des images de maternité et paternité, où on a eu l’habitude du père qui limite et gronde (ça évolue, ça évolue) et de la mère qui se tait (ça évolue aussi), et ici c’est une mère qui refuse la limite, encore et encore, et je vois bien que mon cerveau est perplexe (« mais tu vois bien que tu le fâches »). Encore un texte qui va accompagner mes réflexions et mes remises en question pendant un moment…

Je m’arrête là pour ce soir, histoire d’aller lire tout plein de choses joyeuses et de faire de beaux rêves (insérer ici un emoji crispé ahahaha). À très vite !
Liné
Posté le 09/02/2024
Tu touches à l'une des grandes faiblesses de ce premier roman achevé : le travail des points de vue. Je trouve que j'ai eu une super bonne idée (... envoyons-nous des fleurs de temps en temps) de choisir ce sujet, cette chronologie et l'aspect chorale. Mais la multiplicité des points de vue est arrivée en cours de route et, comme elle n'a pas été suffisamment peaufinée, on se retrouve avec des fils lancés mais qui ne permettent pas à la sauce de prendre tout à fait. Ici, et dans l'ensemble du roman, j'aurais du pousser le personnage de Christian bien plus loin. C'est quelque chose que j'ai bien mieux réussi à faire dans Soleil bleu (bon, avec un point de vue interne cette fois) : me demander jusqu'où pourrait aller chaque personnage. Qu'aucun d'entre eux ne reste "gratuit" ou "décoratif". Et franchement, grâce à ces réflexions, Soleil bleu s'est sacrément enrichi.
Fauchelevent
Posté le 27/03/2021
Il est très intéressant d'avoir cette fois le point de vue de Christian, et de retrouver à travers sa vision, ses propos, les thématiques qui je crois te sont chères : les questions du sexisme, du racisme... Tout en lui, jusqu'à sa façon de dévorer ces cuisses de poulet, jusqu'au gras luisant sur ses mains et ses lèvres, jusqu'au regard qu'il porte sur les femmes et Farid, est répugnant.
"Sorcière"... Plus j'avance dans l'histoire, plus je crois en mon hypothèse que ce qui pose avant tout problème chez Claire, dans cette histoire, ce n'est pas tant son comportement que le fait qu'elle soit une femme. Je ne sais pas encore pleinement statuer sur l'opinion que j'ai d'elle - les libertés qu'elle prend, la façon dont elle parle sont éloignées de moi - mais ce qui est sûr, c'est qu'elle me permet de garder pieds, en tant que lectrice, dans une atmosphère bâtie autour de la gêne et de Jules, cette figure-pivot toujours aussi malsaine.
Je suis émerveillée par l'aisance que tu as à structurer tout ça, en tout cas. :)
Liné
Posté le 17/04/2021
Tu me connais un peu trop bien ♥
Au final, ce n'est pas tant la structure que les points de vue qui m'ont donné du fil à retordre. Je reste très contente que ça fonctionne pour toi !
noirdencre
Posté le 18/02/2021
Très intéressant le point de vue de Christian, c'est ce que je pensais, rien n'est aussi simple qu'il y paraissait au premier abord. Tu avances peu à peu les pièces du puzzle...
L'ambiance est étouffante...
Si tu voulais nous stresser, c'est réussi !

Ce que j'ai noté:
"bien qu’il soit de corvée nettoyage"
J'aurais dit de "corvée de nettoyage"

"C’est tout un patacaisse"
ça s'écrit pataquès
Liné
Posté le 17/04/2021
Merci noirdencre ! Le stress n'était pas le premier objectif de ce roman, mais vu les circonstances, je comprends tout à fait qu'il persiste au gré des chapitres.
Merci beaucoup pour les coquilles !
LionneBlanche
Posté le 06/01/2020
Re !

Je vais avoir besoin de faire quelque chose de totalement différent après ! Avec des papillons ! Beaucoup de papillons !

Oh la vache ! C’est horrible ! Et ça prend aux tripes ! J’espère que @respoumpi a fait des économies pour ma thérapie ! ^^ Jules est… Il est vraiment malsain, on sent qu’il a un énorme besoin de contrôle, de domination. Il est malade ce monsieur, vraiment ! Mais je ne veux pas être suivit par le même psychologue que lui, hein… Qu’il reste très, très loin de moi ! On le cerne un peu mieux ici : Claire lui échappe, Claire le défi, elle trouble son ordre, elle rallie ceux qu’il considère comme ses pions. Très, très grosse erreur.

Elle n’est pas toute rose non plus, Claire : faire faire signer ces autorisations dans son dos, mentir à l’ajointe… Ce n’est vraiment pas terrible comme manière d’agir, même si on peut comprendre pourquoi elle le fait, pour les enfants. Je redoutais, au chapitre précédent, que Sofiane ait fait une bêtise en parlant de ces autorisations, et j’avais vu juste. Je sens que quelqu’un va avoir des remords…

Que c’est malsain ! ^^ Qu’il est malsain ! Le passage sur la petite handicapée… On sent qu’il pense vraiment ce qu’il dit, qu’il en pense même beaucoup plus, mais qu’il a l’habitude de cacher toute cette noirceur. Il se retrouve acculé, comme un animal, au pied du mur. Claire l’a vraiment provoqué, je pense qu’elle l’a sous-estimé, et malheureusement, elle a payé le prix cher. :’(

Le monsieur se victimise aussi (oui, ce mot n’existe pas^^). Il a vraiment un problème, et je pense qu’il est persuadé d’être dans son droit, ce qui le rend encore plus terrifiant.

Mince, ma PAL déborde, mais je ne suis pas certaine que malgré le caractère sombre de ton histoire, je ne reviendrais pas dessus, pour en savoir plus. Je suis un être faible, je me fais piéger à chaque fois ! Mais en attendant… Des papillons !!! ^^

J’ai noté cette petite phrase, au passage ;)

« Jules se tourne vivement vers son adjointe et lui décoche un regard qui la résout au silence. »
Je ne suis pas certaine que « résout » soit le mot approprié…

Tout plein de ronrons ! ;)
Liné
Posté le 12/02/2020
Depuis le temps que tu as posté ce commentaire, j'espère que tu t'es bien remise ! :-D (c'est ma manière à moi de dire pardon pour mon temps de réponse...).
J'aime beaucoup avoir les réactions des lecteurs-trices, toutes assez différentes dans leurs interprétations de Jules et de Claire. Merci beaucoup d'avoir tenu le coup jusque-là ! Et promis, si on se croise un jour IRL, je t'offrirai un cookie réparateur <3
Gabhany
Posté le 25/11/2019
Waaaa la vache, complètement taré ce Jules :-O
Je suis admirative de l'ambiance que tu réussis à instaurer. J'avais envie à la fois de continuer et d'arrêter ma lecture, mais l'envie de savoir la suite l'a emporté ^^ Un petit bémol : à un moment, à la fin, tu tentes d'expliquer un peu la psychologie de Jules et ses réactions, on comprend qu'il ne se sent pas reconnu, pas apprécié, ça ok. En revanche, c'est soit pas assez, soit trop par rapport à l'horreur de ce qu'il va faire, je trouve. Peut-être que tu pourrais accentuer, si tu veux qu'on ait de l'empathie pour lui, les explications ? Ou alors ne rien dire du tout et nous laisser supposer, ce qui serait encore pire XD
Liné
Posté le 25/11/2019
Ha, ce chapitre me donne du fil à retordre depuis le début... Je l'ai pas mal modifié, et je n'en suis pas encore tout à fait satisfaite. Comme si je ne parvenais pas à mettre exactement le doigt sur la "voix intérieure" de Jules (à quel moment elle intervient, cette voix, et avec quelle force). Du coup ta remarque me permet d'y réfléchir ! Peut-être que je devrais atténuer le point de vue de Jules pour me concentrer sur plus de factuel... A voir ;-)
Keina
Posté le 25/09/2019
Ah, on commence à entrevoir les prémices du drame ! J'ai lu les deux parties du chapitre d'une traite, c'est époustouflant comme tu arrives à nous instaurer une ambiance bien malsaine jusqu'aux derniers mots fatidiques qui amorcent l'horreur du début... Mais quand même, ce n'est pas un peu de théâtre qui a amené à ça, si ? Je m'en vais lire la suite, je suis vraiment curieuse...
Liné
Posté le 25/09/2019
Merci !
Oui, sur l'ancien PA j'avais scindé les premiers chapitres en deux (je trouvais que la longueur des chapitres pouvaient décourager) mais je n'aurais pas du, parce que certaines coupures ont pu dérouter... Donc tu as bien fait !
Et puis, quant à savoir si c'est à cause d'une pièce de théâtre... Je peux rien te dire pour le moment ! ;-)
Mouette
Posté le 17/09/2019
Hey hey hey hey hey hey hey hey hey !

Bon, que dire à part que j'aime et qu'il y a tellement de tension que j'ai l'impression de mâcher un gros chewing-gum saveur suspense-littérature ? Franchement, j'ai les nerfs en compote mais je kiffe.

Un petit pinaillage quand même (mais qui porte sur un point dont j'ai lu que tu voulais le remanier) : je trouve que les insultes de Jules à Claire ne sonnent pas très vrai. Pas dans ce qu'elles disent, il est évident qu'il s'est passé un truc entre ces deux là et j'ai hââââââte de savoir quoi, mais plutôt dans le style. C'est beau, c'est rythmé mais ça ne sonne pas tout à fait.

A part ça, j'ai que de l'amour pour cette histoire.

Bisous, Mouette.
Liné
Posté le 18/09/2019
Argh, tu viens de lire LE chapitre d'Avant les cendres que je trouve le plus faible (et encore, je l'ai peaufiné !). Les insultes de Jules tombent dans ce que je souhaite remanier - je les trouve trop théâtrales, trop travaillées peut-être pour paraître naturelles...

Merci en tout cas pour ces chauds compliments ! :-D
Jupsy
Posté le 01/09/2019
Mais quel fumier ! (en vrai c'est pas le mot que j'avais sur la langue !)

Mais quelle ambiance ! Je plains tout ceux qui doivent se coltiner cette charmante personne qu'est Jules. Je le déteste.

D'un, il lâche un torrent immonde d'insultes à l'encontre de Claire. Il aurait juste pu la réprimander, mais non faut qu'il balance des horreurs qui n'ont rien avoir avec le travail. D'où tu te permets de lâcher des commentaires sur la fertilité d'une employée ? Il l'attaque sur son physique. Il est infâme. Je n'ai pas d'autres mots. Tout ça pour quoi ? Parce qu'elle remet en cause son autorité ? Eh ben... il ne peut pas accepter la critique ? Ou est-ce qu'il ne l'accepte que si elle est donnée par un autre homme ? Bref, je le hais pour ça.

Deux, il est horrible dans ce qu'il veut faire à Claire. Il supporte vraiment pas qu'elle le contredise, qu'elle ose le défier. C'est... c'est raaaaaah ! Mais arrête de vouloir la soumettre monsieur ! C'est pas une esclave dont tu peux faire ce que tu veux ! Et puis c'est vraiment le fait qu'elle le contredise qui l'ennuie... ou c'est le fait qu'il a aucune chance avec parce qu'elle sait que c'est un fumier fini ? Non parce que le fait d'être repoussé par une femme, ça peut justifier une telle haine... Enfin ça devrait pas, mais quand on voit tous les féminicides, les femmes qui meurent pour un non ou un rejet... on sait que c'est possible... et c'est sans doute ça qui rend l'histoire si glaçante !

Après le choc du chapitre 10, le double 9 m'énerve (enfin JULES). Arrête de jouer avec mes nerfs Liné sinon je vais mourir avant la fin du un !
Liné
Posté le 05/09/2019
Ha, je crois que j'ai trouvé en toi une lectrice que je n'aurais pas trop de mal à "convaincre" à travers cette histoire ! (rien que le terme féminicide dans ton commentaire est très évocateur).
J'aime beaucoup récolter les avis des lecteurs/trices sur les différents personnages, et voir leurs évolutions d'un chapitre à l'autre. Et je crois que tu es celle qui a manifesté le plus de colère à l'encontre de Jules ! Of course, je ne peux pas répondre à tes questions par souci de spoil... Mais j'espère que la suite du roman sera à la hauteur !
Jamreo
Posté le 24/08/2019
C'est re-moi !

Pour être honnête, la violence des paroles de Jules m'a pas mal choquée, enfin je veux dire, surtout parce qu'un tel déferlement - pour l'instant - me paraît disproportionné, en tout cas non expliqué... il a dû se passer un truc entre eux,au-delà de leur non-entente, pour en arriver à cette haine. Qu'est-ce qui se cache sous ce projet de pièce de théâtre ? C'est très intrigant tout ça.

On dirait que personne n'apprécie trop Jules, ou en tout cas lui trouve des torts, et se range subtilement du côté de Claire. C'est vrai qu'il a l'air coincé, mais faut pas oublier qu'il a été capable de foutre le feu à son employée... un personnage super mystérieux et inquiétant que ce Jules.

Petite mention dans la première partie du chapitre 9 pour "l'ambiance incendiaire" huhu j'ai pouffé toute seule :p
Liné
Posté le 25/08/2019
Hello again !
Ah, ce chapitre 9 (surtout la 2e partie) est celui que je souhaite remanier le plus en profondeur. Je trouve que l'affrontement entre Jules et Claire, avec Sam et Séverine au milieu, est un peu trop appuyé. Je ne suis toujours pas satisfaire des insultes de Jules. Et je compte revoir le mode de narration, en me focalisant seulement sur les points de vue interne de mes personnages (là, on serait seulement dans la tête de Jules). Ça éviterait les emphases mélodramatiques (d'autant qu'on se doute bien qu'ils ne s'aiment pas, vu le démarrage...) et ce serait plus cohérent avec le reste du récit. Bref. En tout cas, merci d'être passée par là ! Les chapitres suivants sont moins violents, promis ;-)
Ah et oui, je m'éclate tout du long à jouer sur les mots ! J'espère que ça ne manque pas de subtilité...
Liné
Seja Administratrice
Posté le 22/08/2019
Je trouve l'ambiance méga cool, ça donne envie d'y aller, tiens :P En même temps, avec un boss aussi cool que Jules, forcément, c'est juste trop choupinou <3 Ca va que pour finir la journée, ils vont tous se rejoindre autour d'un bon feu et chanter des chansons à la guitare <3

Oui, j'essaie de calmer mon trauma :P

C'est quand même bien sympa, l'écriture à l'envers. Ca donne à des scènes banales une bonne dose de drama. Longue vie au drama. Donc t'écris jusqu'au 1 et après tu nous annonces que Claire est vivante et qu'en fait tout ça était une pièce de théâtre ? Alleeeeez, un effort !

Booon, je passerai sur le fait que Jules est détestable bien comme il faut. Qu'est-ce qui lui est arrivé pour qu'il déteste les gens à ce point ? Bon, surtout Claire, disons-le :P Il y a des asiles qui l'attendent, je pense :P

Allez, je reviens vite !
Liné
Posté le 23/08/2019
Hello !
Ah mince, je savais bien qu'il manquait un truc dans le chapitre 10 : une guitare ! Bordel. Et puis j'ai oublié les Chamallows grillés ! :-p

Je m'amuse pas mal à écrire à l'envers. Bon après j'ai démarré avec un plan tout fait, mais en termes de narration, de déroulement d'intrigue et de relations entre les personnages, ça oblige à réfléchir de fond en comble (et j'aime bien réfléchir).

Après, le chapitre 9 est celui que j'aime le moins, pour être honnête... et que je compte retravailler dans le style : ya un peu trop d'emphase sur le côté dramatique, alors que lecteur sait très bien que ça va mal. Je suis plus satisfaite de la suite !

Merci encore et à très vite :-D
Liné
Laure
Posté le 15/07/2019
Trop bien, le dernier paragraphe qui reprend le premier du 10 ! (Mais est-ce que c'est voulu que les mots ne soient pas exactement les mêmes ?) Ça y est les morceaux commencent à se mettre en place, et je ne suis plus perdue comme à la fin du 9.1.
Je trouve le personnage de Jules intéressant, il est vraiment instable, on se demande comment il a pu accéder à ce poste et pourquoi il est si en colère contre tout. Ça ne fait pas tellement "adulte puissant et intimidant" comme colère à mon avis, plutôt "individu brisé et instable". J'ai hâte d'en savoir plus là-dessus.
Je t'envoie les commentaires dans le texte séparément !
Les dialogues sont très vivants en tout cas, on entend les personnages. Bravo !
Liné
Posté le 15/07/2019
Hahaa, tu es certainement la seule à qualifier ce texte de "drôle", mais je te connais et te comprends tout à fait :-D
Sur le chapitrage FPA, je n'aurais pas du diviser en .1, .2, mais laisser les chapitres tels quels (j'avais peur que cela paraisse trop long... alors qu'au final, c'est plus confusant qu'autre chose !). 
Quant au dernier parapraphe du chapitre 9 qui reprend le tout début du 10 : j'ai élagué les informations que j'estimais "en trop", l'idée tant de rappeler au lecture la trame chronologique à l'envers
Merci encore !! <3
Aliceetlescrayons
Posté le 01/04/2019
Pour être franche, je m'attendais à ce que tu fasses un flash-back en repartant du début, pas à ce compte à rebours. J'ai d'abord cru que j'allais galérer à remonter le fil, mais en fait, non. La ligne du récit est fluide, à aucun moment je n'ai eu besoin de revenir en arrière pour raccrocher les wagons.
Je suis aussi impressionnée par l'intensité que tu arrives à mettre dans chaque personnage. Jules est - par la force des choses - le plus impressionnant. Ce qui est fort, c'est que tu arrives à faire passer une certaine détresse de sa part qui, sans excuser son geste atroce, l'explique.<br />La violence de ce qu'il ressent envers Claire est glaçante et on sent qu'il y a une volonté de domination sexuelle sous-jacente (en tout cas, c'est comme ça que ça m'est apparu)
En tout cas, ta plume est incroyablement prenante!
Liné
Posté le 01/04/2019
Je suis contente que ce choix de trame narrative ne paraisse pas si évident que cela dès le premier chapitre et aussi, évidemment, qu'il t'aie tenue en haleine jusqu'au bout ! J'espère que je garderai un certain souffle en avançant...
En effet, on se concentre pas mal sur Jules dans ces passages. Les chapitres suivants seront l'occasion d'explorer le points de vue d'autres personnages, avec des "tonalités" différentes. 
C'est drôle que tu parles de domination sexuelle sous-jacente ! Je voulais créer ce genre d'effet mais sans l'évoquer clairement. Par là, tu entends "sexuel" dans le sens érotique, acte sexuel, ou plutôt dans les rapports homme/femme (ou les deux ?)
En tout cas, merci encore pour ton passage par ici et à très vite ! 
Liné
Isapass
Posté le 01/04/2019
Evidemment, comme le premier chapitre met d'entrée de jeu une pression de dingue sur le récit, tout ce qu'on lit ensuite est teinté par le drame. On a beau savoir que ça s'est passé avant, la tension persiste évidemment. C'est un peu un piège pour toi parce que certes, la tension est installée et elle aide à porter le récit, mais il faut quand même rester à la hauteur !
Mais aucun problème : tu relèves haut la main ;) L'apparition de Jules fasse à Sofiane est déroutante, mais pas forcément plus que ça. On a l'impression que Jules est perdu et on hésite à faire le lien avec le psychopathe du chapitre précédent. Mais ensuite, l'explosion du réfectoire mène bien vers le drame ! Sans problème ! Quelle violence dans ces propos, quel fiel. On sent non seulement qu'il est très en colère, mais qu'il veut lui faire le plus de mal possible. Il n'utilise pas n'importe quelle insulte, il enfonce ses pointes là où il pense que se situe son point le plus faible.
Quand il l'insulte, on peut croire qu'il choisit en effet le point faible de Claire (ce qui est peut-être vrai, mais comme on n'a pas son point de vue à elle, on en sait rien), mais ensuite, dasn son introspection (fort inquiétante d'ailleurs : celle où il veut la broyer, etc...), on se rend compte que c'est à lui que cette stérilité pose problème. 
La façon dont il se piège lui-même, deux fois, est très bien vue : souvent, les gens perdent plus leurs moyens devant leurs propres erreurs que devant les attaques des autres qui sont plus faciles à nier. Psychologiquement, c'est encore très fort ! Et ça explique encore mieux qu'il perde les pédales (encore un euphémisme) dans le chapitre précédent.
Les deux autres personnages : Sam est aussi très bien cernés, loyale à ses convictions et en amitié, malgré sa crainte des conflits. Quant à Séverine, tant qu'on ne sait pas si Claire l'a effectivement pipotée ou pas, c'est plus difficile de savoir à quoi s'en tenir. Je la vois plus comme quelqu'un d'honnête (et ça veut dire que Claire a... pris des libertés en lui arrachant les signatures). Mais si j'ai tort, ça veut dire qu'elle est lâche et peut donc avoir des réactions inattendues !
La conclusion c'est que tout ça marche très bien et que malgré la difficulté du récit à rebours, j'ai très très envie de savoir ce qui a mené à tout ça !
Bravo, c'est vraiment haletant ! 
Détails : 
"Jules jette un œil peu amène à la pile d’ouvrages de théâtre qui jonche la table centrale." : surpinaillage encore : si c'est une pile (une seule en plus), les livres ne jonchent pas la table ;) Un tas ? Un monceau ? Une multitude ? 
"Un réfectoire c’est un réfectoire, et non une bibliothèque. Il a pourtant aménagé une salle entièrement dédiée à la lecture, dont personne ne semble se soucier. C’est à n’y rien comprendre." : fantastique ! Avec ces trois phrases, tu as tout dit sur lui. Enfin pas tout, mais on sent bien la psychorigidité du gars ! 
"- Sofiane vient de m’avouer que les autorisations étaient toutes signées," : "avouer" ne reflète pas vraiment la conversation avec Sofiane. Celui-ci a donné l'info. Ce n'est pas Jules qui la lui a arrachée. Est-ce que tu lui fais dire ça exprès ? Pour donner une fausse impression aux deux femmes ? 
"- Il parle des autorisations que nous demandaient la MJC," : que nous demandait 
"En revanche, elle déteste les situations de conflits" : pourquoi "en revanche" ? A priori, il n'y a pas d'opposition avec l'affirmation précédente. Si tu disais "elle aime l'irrévérence de son amie", là, tu pourrais mettre les deux phrases en opposition. J'aime bien l'image de la tortue, juste après.
"la solution la plus souhaitable qui soit." : je ne suis pas sûre "qui soit" soit indispensable. 
"Jules fulmine. Sa bouche s’ouvre, sa colère se coince dans sa gorge et sa poitrine se bombe de rage. Il explose, enfin, en une litanie d’insultes, en une somme de jurons qui le dépassent ; ses mots s’échappent de sa langue, griffent l’air et envahissent le réfectoire vide." : juste une réflexion : on est évidemment saisi par la violence des insultes et leur orientation très précise, et je pense que c'est ce que tu veux. Pour renforcer ça, et "cueillir" encore plus le lecteur, je me demande s'il ne faudrait pas couper cette introduction et placer la seconde partie après la première tirade. 
Genre : " Jules fulmine. Sa bouche s’ouvre, sa colère se coince dans sa gorge et sa poitrine se bombe de rage. Enfin, il explose :
-  Qui t’a permis [...] de la merde !
La litanie d’insultes, la somme de jurons le dépassent ; ses mots s’échappent de sa langue, griffent l’air et envahissent le réfectoire vide. Sam scrute le sol...
"le directeur ne semble pas avoir recouvert ses esprits. " : recouvré ses esprits
"Les quatre corps se crispent." : ils ne l'étaient pas déjà ? 
"Je prendrai Klaus, il fera l’affaire." : rhooo ça aussi, c'est bien vu ! "il fera l'affaire", ça veut dire "n'importe qui plutôt que toi" 
"Lui et elle sont deux forces qui ne sauraient vivre tant que l’autre respire encore." je suis désolée mais cette phrase me fait penser à HP...  
"De ce délitement de tout ce qui fait sens." : pas fan de "tout ce qui fait sens", ça me paraît un peu abscons. Pourquoi pas "de son univers ordonné", ou quelque chose comme ça ? Ou même "de ce délitement", tout court ?  
Une dernière chose : je trouve dommage que tu aies coupé ton chapitre, mais je comprends que c'est pour le confort de tes lecteurs sur PA. Ceci dit, même si les deux parties seraient plus déséquilibrées, quitte à couper, je l'aurais fait plus tôt : au changement de point de vue entre Sofiane et Jules.
A+ 
 
Liné
Posté le 01/04/2019
Wow, ça c'est du commentaire ! Un immense merci pour tous ces chauds compliments !
Ce chapitre (dans son ensemble) est celui qui m'a demandé le plus de réflexions et de travail. J'ai beaucoup cogité avant de me plonger dans la tête de Jules, et j'ai voulu être la plus précise possible dans ce qui "cloche". Tes remarques rejoignent ce que j'espérais créer : l'évolution vers la catastrophe, les différents états d'âme de Jules, son embarras teinté d'une colère parfois grossière, son potentiel manque de jugement quant au drame que représenterait ou non la stérilité de Claire... 
Merci également pour tes suggestions de correction ! J'ai déplacé les phrases que tu mentionnes autour des insultes de Jules, et ça marche - d'autant que je sentais que quelque chose ne fonctionnait pas dans ce passage, sans réussir à mettre le doigt dessus...
A très vite !
Liné
Rachael
Posté le 30/03/2019
Quelle peinture du directeur ! tu as réussi à te mettre dans sa peau, dans sa rage, dans sa frustration. Du coup, même si on n’approuve pas, on comprend la situation dans laquelle il se trouve, il est acculé par ses employées et doit soit accepter cette défaite, soit faire quelque chose… (on sait quoi…)
Beau boulot sur les insultes, qui sont assez frappantes, qui vont droit au cœur (on imagine) de Claire (si on imagine qu’elle ne peut pas avoir d’enfants et qu’elle en désirerait). Il est d’ailleurs bien méprisant envers les femmes qui l’entourent, Jules, même s’il reconnait intérieurement le fait qu’elles sont indispensables à la bonne marche de son camp de vacances.
J’ai du mal à cerner le personnage de Séverine : elle a aidé Claire, mais n’assume pas vraiment, puisqu’elle rejette la faute sur elle. Est-elle effrayée par Jules, cherche-t-elle à se dédouaner à ses yeux ? Pourtant elle a défié son autorité, et le sait probablement (ou alors c’est vraiment Claire qui l’a abusée ? ). Il y a là un petit truc pas clair pour moi (mais qui va peut-être s’éclaircir par la suite…)
Pour l’instant, pas de doute, ça fonctionne, et même très bien, on a clairement envie de savoir ce qui a poussé à une telle haine entre Claire et Jules. Toujours aussi emballée, c’est un réel plaisir de te lire.
Détails
la pile d’ouvrages de théâtre qui jonche la table centrale : c’est une image un peu contradictoire, si c’est une pile, ça ne jonche pas… si ça jonche, c’est que la pile s’est écroulée
elle déteste les situations de conflits et donnerait cher pour pouvoir se transformer en tortue : chouette image !
étonnée d’une telle déflagration : j’aurais mis plutôt étonnés (accord avec adolescents)
De ce délitement de tout ce qui fait sens : arrgh, je n’aime vraiment pas « fait sens ». Pourquoi pas « De ce délitement de tout sens » ?
Liné
Posté le 30/03/2019
Merci beaucoup Rach' !
Comparé à d'autres passages, le point de vue de Jules m'a donné du fil à retordre. Est-ce que je devais rentrer dans sa tête ou pas ? Jusqu'à quel point, et pour combien de temps ? Finalement, j'ai compris qu'on ne pouvait que difficilement passer à côté de ses convictions et de ses ressentis, et qu'il était plus intense et parlant d'aller au fond de sa pensée. 
J'aime beaucoup ta remarque quant à la stérilité de Claire : en effet, ça peut être ou ne pas être un drame pour elle ! Et je suis contente que tu juges ainsi l'attitude de Jules envers les femmes : je ne voulais pas dénoncer une mysoginie trop évidente, mais plutôt montrer les petits riens qui font le sexisme ordinaire.
Quant à Séverine : effectivement, on apprendra à la connaître au cours des chapitres suivants ! (notamment le 8e et le 6e) ;-) 
Sorryf
Posté le 26/03/2019
Mais c'est quoi son problème au directeur ? Okay c'est pas facile d'être seul contre tous, de voir son pouvoir contesté, ce qu'on a construit remis en cause... je dec. Impossible d'avoir la moindre pitié pour cet affreux quand on sait ce qu'il a fait, + le paragraphe ou il se lâche que Claire qui montre bien que sa place est en HP.
La bonne nouvelle c'est que les 2/3 des enfants n'ont pas assisté au drame. C'est pas grand chose mais on se raccroche à ce qu'on peut xD
Pardon pour le commentaire pas constructif ! Sache que je suis plongée dans ton intrigue qui se déroule à l'envers ! je trouve rien a y redire
Liné
Posté le 26/03/2019
Haa, tu me rassures beaucoup, Sorryf ! Ce 2e chapitre est celui qui me satisfait le moins (c'est un moment de clivages importants qui explique le basculement final, et je ne voulais surtout pas me louper). A titre comparatif, les chapitres suivants (Enfin, à partir du 4e surtout, le 3e restant délicat), je me suis posée moins de questions et la trame narrative m'est apparue de manière bien plus fluide. Bref. Je suis contente que tu réagisses de la sorte ! 
À très vite j'espère :-)
Liné 
AxelleC
Posté le 19/06/2019
Gloups. Et après, on sait ce qu'il se passe.
 
Mon dieu, les insultes. C'est carrément affreux. J'en ai le ventre tordu (si c'est ce que tu voulais, c'est réussi).
 
Je trouve les relations entre les personnages de plus en plus fine, tout en non-dit. Ca ferait un chouette film. 
Liné
Posté le 19/06/2019
Je cherchais effectivement à créer des non-dits - et ce n'est pas toujours évident de juger si ces non-dits vont trouver une signification dans la tête des lecteurs... Je suis contente que ça fonctionne !
Les insultes de Jules me posent encore un peu problème... Je crois que je ne les trouve pas suffisamment naturelles. Je verrai si je les retouche ou non, mais en tout cas je voulais créer un choc, comme une agression physique. 
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