Une ambiance étrange planait sur l’hôtel particulier. Il n’avait jamais été aussi rempli, mais il ne résonnait d’aucun bruit. George, Archie, Véra et deux autres Légendiers buvaient un thé en silence dans la cuisine. Fid était sorti et les deux autres membres avaient préféré repartir sur l’Archipel. Ceux qui étaient restés à Dreamyard Alley ne parlaient pas à la jeune fille, comme s’ils lui reprochaient de ne pas s’être portée volontaire comme principale suspecte du trucage des Joutes.
Face à cette apparente hostilité, Viya s’était rabattue sur le jardin d’hiver. Elle s’était assise dans un fauteuil, une couverture dépliée sur elle. La pluie tombait sur Hydendark et striait de larmes les parois de la serre. Une tasse d’eau qui avait été chaude était posée en équilibre précaire sur l’accoudoir. Elle avait refermé la boîte de thé à la bergamote sans en ajouter une pincée. L’odeur l’avait rendue nauséeuse. Archie avait déposé à côté d’elle une petite brioche aux amandes, mais elle l’avait refusée d’un signe de tête. Après avoir passé les cinq dernières années à devoir limiter la moindre de ses dépenses, elle n’était pourtant pas du genre à bouder de la nourriture, mais la simple perspective de manger la rebutait soudain. Son ventre était curieusement noué, comme si son corps, au diapason avec son esprit, refusait d’accepter quoi que ce soit de la Confrérie. Elle se sentait trahie. Les Légendiers avaient envisagé de la sacrifier. Elle avait beau essayer de voir cette manœuvre sous un autre angle, elle n’y parvenait pas.
« Fid ne supporte pas qu’on remette en cause son intégrité, tu sais ? », avait dit Archibald en avisant son air maussade. « Quand tu as déclaré qu’il tentait de te manipuler, il en a été blessé. Il a beau soutenir le contraire, c’est pour toi qu’il le fait : il veut te montrer qu’il est quelqu’un de bien. »
Elle s’était tout à coup trouvée trop fatiguée pour lui expliquer ses états d’âme et n’avait rien répondu. Il lui avait offert en repartant un mince sourire qui, s’il contrastait avec la froideur que manifestaient tous les autres Légendiers, n’avait pas adouci l’amertume de la jeune fille.
Viya se sentait blessée par l’attitude de la Confrérie. Les Orateurs l’avaient rejetée, les Légendiers avaient cherché à l’utiliser. N’y avait-il nulle part un endroit où elle serait respectée ?
Il était six heures du soir lorsque la porte d’entrée pivota enfin.
Le pas claudicant de Fid envahit le couloir.
– Le Conseil rouvre l’enquête. Mais c’est un sacré imbroglio. Ils vont à nouveau auditionner la petite Oratrice, Eugénia.
– C’est la moindre des choses, fit Archie.
– Je me serai bien passé d’une telle affaire, l’entendit-elle maugréer. J’y retourne demain matin. Où est Viya ?
On dut lui indiquer la direction du jardin d’hiver, car les pas se rapprochèrent.
Elle resserra autour d’elle les pans de sa couverture. L’instant d’après, son mentor apparut dans l’encadrement de la porte. Il n’avait pas pris la peine d’enlever son manteau. Il la regarda quelques secondes sans rien dire, puis une grimace de douleur étira son visage et il se laissa tomber dans le fauteuil en face d’elle. Sa tête bascula en arrière et il ferma les paupières, le temps de juguler la souffrance.
– Tu as entendu ? finit-il par demander en reportant son attention sur elle.
– Oui.
– Tu as lu aujourd’hui ?
– Ça vous importe ?
Il soupira. Il posa les yeux sur la brioche non entamée et la tasse où elle avait à peine trempé les lèvres.
– J’ai conscience que ça a dû et doit être difficile à vivre.
Le désarroi de Viya était tel qu’il lui semblait ineffable. Mais à sa propre surprise, sa bouche s’ouvrit d’elle-même :
– Je ne pense pas que vous ayez la moindre idée de ce que je dois ressentir en ce moment. Hier, vous étiez prêt à marcher dans le sens de Véra. Vous étiez prêt à me sacrifier pour les Légendiers.
Fid posa sur elle un regard sombre.
– Et toi, tu m’as accusée d’avoir cherché à falsifier tes souvenirs et de t’avoir instrumentalisée. En attendant, c’est moi qui vais endosser la responsabilité de toute l’affaire. Je crois que nous sommes quittes.
Elle secoua la tête. Même s’il prenait des risques pour elle, elle avait la sensation qu’il agissait avant tout par intérêt. Parce qu’elle avait atteint l’image qu’il se faisait de lui-même. Au fond, il se moquait bien de sa détresse.
– Non, nous ne le sommes pas. Parce que vous m’avez menti. Vous m’avez dit que les Légendiers étaient ma famille. Hier, la plupart d’entre eux semblaient prêts à me faire accuser sans sourciller. Aujourd’hui, personne ne m’adresse la parole. C’est comme ça qu’une famille se traite ?
Une légère culpabilité froissait le visage de Fid, qui finit par prononcer avec lenteur :
– Ils sont juste inquiets. Ils te tiennent un peu responsable du risque que je prends. Sans doute s’imaginent-ils que j’agis par sentimentalisme. Ce qui est faux, bien entendu.
Il pinça les lèvres et ajouta, très vite. :
– J’aimerais que les choses soient bien claires : je n’ai jamais et je ne tenterai jamais d’utiliser ma voix pour te manipuler.
Elle ne répondit rien. Le visage de Fid marqua une infime expression de contrariété. Qu’aurait-il voulu qu’elle dise ? « Je sais, vous êtes quelqu’un de bien » ? Mais ç’aurait été mentir.
Il se racla la gorge.
– Je suis désolé pour hier. Mais c’est cette ville. Hydendark nous oblige à en venir à des extrémités qui…
– Je ne crois pas qu’une ville ait le pouvoir de transformer une bande de conteurs en êtres dénués d’empathie.
Il se crispa.
– Je ne suis pas toujours très doué avec les gens, répondit-il, et c’est un défaut que je partage avec un certain nombre de nos confrères, tu l’auras remarqué. Mais, mets-toi un peu à notre place, Viya. Nous sommes une corporation extrêmement fragile, nous devons sécuriser nos arrières. Ça ne nous empêche pas d’avoir du cœur. Si ça peut te rassurer, la méfiance n’a plus lieu d’être. Désormais, c’est à la vie, à la mort : tu as publiquement été introduite chez les Légendiers. La Confrérie s’est engagée pour toi. Regarde.
Il plongea la main dans une de ses poches, d’où il extirpa un petit écrin.
Il l’ouvrit d’un geste délicat et le lui présenta. À l’intérieur, une broche en cuivre, représentant un livre ouvert duquel émergeait une galaxie. L’ouvrage était incroyablement fin. Le reflet de la lumière donnait l’impression que les planètes bougeaient. La colère qui habitait Viya s’évanouit à sa vue.
– C’est l’insigne des Légendiers. Symbole de ton appartenance à la Confrérie.
Viya avait parfaitement conscience que Fid était en train d’acheter son pardon et elle s’en moquait. Elle avait espéré cinq ans durant de pouvoir arborer la broche dorée des Orateurs, qui représentait une silhouette campée sur une scène. Ce n’était certes pas l’écusson dont elle avait rêvé, mais elle n’en était pas moins émue.
La jeune fille tendit les doigts, mais Fid referma la boîte d’un geste sec et la fit disparaître dans les plis de ses vêtements.
– Néanmoins, avant de l’obtenir, tu dois conter une première fois devant un public.
Cette simple perspective la remplit de terreur.
– Quand ?
Il lui offrit un sourire rassurant.
– Nous verrons bien. Ce n’est pas pressé. L’insigne ne change rien à ton statut désormais, c’est juste pour impressionner la galerie. Nombreux sont ceux parmi nous qui ne le portent pas, d’ailleurs. Archie a perdu le sien, il est si peu précautionneux.
– On me l’a volé ! rectifia l’intéressé depuis la cuisine.
Viya se jura que le jour où elle l’obtiendrait, elle le chérirait. Si elle l’obtenait… Car après cinq ans d’apprentissage chez les Orateurs, elle demeurait médiocre. Combien de temps lui faudrait-il pour devenir une Légendière potable ? Une vie, peut-être. La Confrérie allait bien finir par se rendre compte qu’il n’y avait rien à espérer d’elle.
– Je t’ai aussi acheté un nouveau manteau. Avec une capuche, mais ne te méprends pas, c’est seulement pour la pluie. George est en train de l’équiper.
La voix de Fid la ramena au présent. Nul doute qu’il avait perçu les doutes qui l’assaillaient.
– L’équiper ? s’obligea-t-elle à répondre.
Il sortit de la manche de son propre manteau un petit sachet et le tendit à Viya, qui découvrit à l’intérieur une poudre sombre. Elle jeta à Fid un regard perplexe.
– C’est à utiliser avec précaution.
– Ça ne me dit pas ce que c’est.
– Une invention géniale d’une Légendière un peu chimiste sur les bords. On l’appelle entre nous de la Poudre d’Escampette. C’est l’arme ultime des Légendiers quand une prestation se passe mal. Très mal, j’entends. Tu jettes le contenu du sachet devant toi et tu profites de l’épais nuage de fumée noire qu’il crée en se répandant dans l’air pour disparaître.
Viya referma le sachet, déboussolée. Elle ignorait que la Confrérie avait recours à de tels artifices.
– Et… euh… Très mal, c’est-à-dire ?
Il eut un sourire mutin.
– Coups, vols, menaces de mort, tentatives de meurtre…
– Vous plaisantez ?
Il avait l’air parfaitement sérieux. Il lui reprit la petite bourse des mains et l’attacha à nouveau dans sa manche.
– Ça vous est déjà arrivé ? insista-t-elle.
– Les vols, c’est presque systématique dans la Traverse. Mais je n’utilise pas la Poudre d’Escampette pour ça. Et sinon, j’ai constaté que les gens n’ont que rarement l’élégance de me prévenir qu’ils ont l’intention de me tuer. D’ailleurs, ceux qui vivent dans le quartier des Éternels ou des Villas sont souvent les moins polis et attaquent en général dans le dos. Les gens de la Traverse, au moins, lancent quelques menaces charmantes et me regardent en face avant de passer à l’acte.
Il avait parlé d’un ton volubile. Elle se demanda s’il avait conscience de la terreur que ses mots pouvaient inspirer à Viya.
– Ça a l’air de vous amuser ?
Il leva les yeux au ciel.
– Si je ne peux pas rire de ma mort, alors de quoi ?
– Je ne sais pas, mais vouloir rire de votre mort n’est pas une raison pour chercher à la provoquer. Vous continuez malgré tout à frayer dans des quartiers dangereux.
Il lui décerna un sourire sardonique et elle comprit qu’il prenait un plaisir certain à la voir paniquer.
– Tous les quartiers d’Hydendark sont potentiellement dangereux, ma chère. De toute façon, il est important que le monde puisse écouter nos histoires, on ne va pas se replier sur la place des Orpailleurs parce qu’une poignée d’individus s’amuse avec des couteaux.
La jeune fille ne répondit rien. En elle, la fascination le disputait à la peur. Elle commençait à comprendre de quoi serait faite sa vie, et c’était aussi exaltant que terrifiant.
– Mais bien sûr, je peux aussi revendre ce manteau et mettre de côté cet insigne, si vivre dans cette demeure remplie d’êtres dénués d’empathie te paraît un obstacle insurmontable. À moins que tu ne sois désormais trop effrayée à l’idée de te retrouver dans les rues d’Hydendark ?
Elle eut un mince sourire et secoua la tête.
– C’est aussi ce que je pense. Tu es plus courageuse que ce que tu laisses paraître.
Elle regretta soudain de s’être emportée. Fid déployait, à sa façon certes, des trésors d’ingéniosité pour qu’elle se sente bien à Dreamyard Alley. La décision prise par les Légendiers de la désigner coupable était discutable, mais ils n’avaient pas cherché à lui nuire, seulement à composer avec un environnement qui leur était hostile. Se draper dans son orgueil blessé ne lui servait à rien.
– Je suis désolée. Je ne suis pas non plus très douée avec les gens.
– Voilà qui nous fait enfin à second point commun. Lis un peu, ça me ferait plaisir. Et mange quelque chose, tu dois être affamée.
Il s’extirpa du fauteuil avec plus de lenteur que d’habitude. Il se fut à peine déplié que ses traits se contractèrent de souffrance. Elle se leva d’un bond pour le soutenir, mais il la repoussa sans ménagement.
– Vous êtes sûr que ça va ?
– Oh, oui, j’ai juste besoin d’un thé.
Comme si cela avait été un code, George apparut à la porte du jardin d’hiver. Il détailla son ami d’un air inquiet et secoua la tête.
– Bon sang, Fid, la dernière date d’il y a seulement trois jours !
– La dernière quoi ? s’enquit Viya.
Personne ne daigna lui répondre. Fid posa juste sur George un regard furieux comme s’il lui en voulait d’avoir abordé le sujet. Il le bouscula pour gagner la cuisine.
– Archie ira au Conseil à ta place demain matin, poursuivit l’Intendant d’un ton inébranlable.
Sans quitter des yeux le journal qu’il lisait assis à table, le rouquin leva aussitôt un pouce en l’air pour marquer son assentiment. Il y avait un certain flegme dans le geste, comme s’il avait l’habitude de remplacer ainsi Fid au débotté. Pour tout remerciement, ce dernier lui décocha un coup d’œil assassin en passant devant lui.
Viya décida de remettre ses questions à plus tard. Alors que Fid montait à l’étage, elle récupéra son livre et, après une infime hésitation, entra dans la cuisine pour s’installer à côté d’Archie, qui lui servit du thé. Véra leva les yeux de son ouvrage, les deux autres Légendiers présents quittèrent du regard l’échiquier sur lequel ils jouaient et lui adressèrent tous un petit sourire. Personne ne parla. La seconde suivante, chacun retourna juste à son occupation. C’était étrange, pour la jeune fille. Les Orateurs échangeaient tout le temps, il fallait montrer qu’on avait toujours le bon mot. Dreamyard Alley se taisait. Ici, il n’y avait rien à prouver à personne, juste à laisser les phrases se déployer en soi, pour pouvoir ensuite les transmettre à d’autres.
Viya ouvrit donc l’Odyssée et s’y plongea.
*
Le lendemain matin, Viya se trouvait avec Fid dans la bibliothèque. Il semblait aller mieux et n’était pas revenu sur son étrange faiblesse de la veille. Il avait insisté auprès de George pour se rendre au Conseil, en vain. La jeune fille et lui trompaient leur angoisse en travaillant. L’attente, heureusement, ne fut pas longue. Archie se présenta à la porte de la bibliothèque peu après dix heures, l’air jovial.
– L’enquête est close, annonça-t-il en en franchissant le seuil.
– Eh bien vas-y, crache le morceau, s’agaça Fid avec une familiarité peu coutumière.
– C’était Eugénia de Stalte. Quand elle a vu que son acte mettait les Orateurs dans l’embarras, elle s’est dénoncée. Elle dit avoir agi « pour mettre en évidence l’incapacité de certaines recrues » de telle sorte que « les Corporations retrouvent leur lustre d’antan », selon ses propres mots, et non pour avoir la certitude de gagner sa Joute. Elle a placé Viya contre elle-même, un jeune Orateur contre Dan et une troisième Oratrice contre un écrivain.
Viya sentit son cœur s’emballer. Eugénia avait donc cherché à l’humilier en s’assurant qu’elle l’affronte. Fid, lui, haussa un sourcil.
– Ils l’ont crue ?
– En tout cas, ils n’ont pas investigué plus loin. C’est la meilleure de sa promotion et sans doute la meilleure Oratrice des prochaines années.
– Des prochaines années ? releva Fid.
– Les Juges ont été forcés de reconnaître que sa prestation était brillante, même si elle s’est battue contre Viya… Désolé, mon cœur, je ne voulais pas insinuer que tu étais mauvaise. Mais… bref, ils ne reviennent pas sur ton expulsion et Eugénia va s’en tirer avec une amende, qui sera réglée discrètement par l’Ordre.
Viya crut qu’elle allait s’effondrer. Elle s’était faite à l’idée qu’elle ne retournerait pas chez les Orateurs. Fid avait plus qu’insisté sur l’impossibilité d’un tel scénario. Pourtant, elle espérait encore que l’injustice dont elle avait été victime soit reconnue.
– Combien ?
– Cinq mille pièces d’argent.
C’était ridicule ! Fid poussa un grognement.
– Si elle est aussi douée que tu le dis, elle aura remboursé en un seul contrat.
– Guy Igane aurait exercé son influence auprès des Écrivains du Conseil d’Administration pour que la sanction soit légère. Tu sais comme il est élitiste, l’argument de la gamine a dû lui plaire. Il a avancé que c’était une erreur de jeunesse et qu’il n’y avait pas mort d’homme. Puisqu’il ramène presque dix pour cent des revenus de sa Corporation à lui tout seul, le Conseil a suivi.
– Bon sang ! ragea Viya. Le soir où j’ai été accusée, Eugénia se trouvait en compagnie d’Igane ! Elle devait déjà être en train d’assurer ses arrières.
– Je suis désolée, mon cœur. Les Légendiers n’ont que trois sièges au Conseil et nous avons préféré ne pas jeter de l’huile sur le feu. Il ne faudrait pas que les Orateurs décident de se venger de nous. Cette Eugénia s’en tire à trop facilement, mais l’affaire va quand même les entacher un moment.
Viya grimaça.
– Vois le bon côté des choses, poursuivit Archibald, les Orateurs auraient peut-être fini par te jeter dehors quoiqu’il advienne. Tu as sans doute gagné du temps et rencontré Fid.
– C’est même certain, intervint celui-ci d’un ton compatissant, même si son manque de tact fit lever les yeux au ciel à son confrère. Cette fille a eu ce qu’elle voulait, c’est regrettable, mais elle ne te nuira plus. C’est une stupide vengeance adolescente, fin de l’histoire.
Fid aurait pu avoir raison. Après tout, l’éviction de Viya était, pour Eugénia, le couronnement de cinq années de brimades. Pourtant, quelque chose n’allait pas, elle le sentait.
– Elle s’est mise en danger en truquant les Joutes. Peut-être a-t-elle voulu s’assurer que je sois éliminée à coup sûr, peut-être a-t-elle souhaité m’humilier, mais elle n’avait pas besoin de prendre un tel risque pour cela. Vous-même, vous passez votre temps à me dire que les Orateurs m’auraient quand même expulsée. Son geste doit cacher autre chose.
– Elle n’a pas réfléchi au danger auquel elle s’exposait, voilà tout.
– Eugénia n’est pas le genre de personne à agir impulsivement. Et Igane semblait prendre pour acquis que les Légendiers seraient condamnés, alors même que le Conseil n’avait pas statué sur la question. C’est bizarre ça aussi, non ? Peut-être que quelqu’un a demandé à Eugénia de truquer les Joutes pour vous faire tomber et qu’Igane le sait.
– Si elle est aussi posée que tu le dis, pourquoi se serait-elle engagée dans une telle entreprise ? Si elle prend part à un complot fomenté contre nous et qu’il est découvert, elle sera belle et bien exclue, elle ne peut pas l’ignorer.
– Je ne sais pas, reconnut-elle.
Il lui jeta un long regard.
– Une fête va se tenir au Palais-Citadelle, demain. Organisée par le souverain pour resserrer les liens entre les trois Ordres et apaiser les esprits, après l’affaire des Joutes Automnales. Quand le climat entre les Ordres tourne à l’orage, la ville s’agite, alors le pouvoir réagit… Eugénia y sera, ainsi qu’une bonne partie d’Hydendark. Je peux nous obtenir des invitations. Ce sera l’occasion de l’observer et de voir qui elle fréquente. Ainsi, nous serons peut-être fixés.
Archibald se racla la gorge.
– Je doute que George te laisse y aller, Fid.
– George n’a pas besoin d’être au courant.
– Pourquoi George vous en empêcherait-il ? s’enquit alors Viya. C’est à cause de cette sorte de crise de douleur que vous avez eue hier ? Vous semblez aller mieux.
Elle réalisa trop tard qu’elle aurait dû se taire. Fid s’était figé et posait sur elle un regard mauvais.
– Elle le saura un jour ou l’autre, fit Archie. Dis-lui.
Il secoua la tête et battit en retraite vers une des étagères. Il leur tournait le dos lorsqu’il finit par expliquer d’une voix délibérément plate :
– J’ai peur de naviguer, je te l’ai déjà dit. C’est pour ça que je ne vais jamais sur l’Archipel. Le Palais-Citadelle est construit sur un îlot artificiel, au cœur du lac Royal, on ne peut le rejoindre que par bateau. Cependant, je peux prendre sur moi pour le traverser.
– Oh, certainement, rétorqua Archie, mais c’est le contrecoup qui m’inquiète. Écoute, Ariane et Véra y seront, elles ouvriront l’œil. Elles peuvent aussi emmener Viya à ta place.
« Quel contrecoup ? », voulut demander Viya. Fid se tournait déjà vers Archibald pour le fixer au fond des yeux.
– Il n’y aura pas de contrecoup. Comme je l’ai dit, je peux prendre sur moi. S’il y a des choses qui se trament, cette réception est l’occasion parfaite pour les découvrir. Viya ne saura pas les déceler et Ariane et Véra seront trop occupées de leur côté. J’y vais. Et je compte sur ta discrétion.
– Non.
– Et si je te laisse accéder à ma collection de livres personnelle en échange de ton silence ?
Les yeux d’Archibald se mirent à briller. Il tenta de se composer une attitude sévère, pourtant Viya le sentit prêt à céder.
– Marché conclu, finit-il par murmurer. Mais c’est malhonnête de me prendre par les sentiments.
Je me suis également identifié à Viya, qui se sent isolée et trahie par la Confrérie. Votre manière de décrire ses émotions m'a touché, et j'ai hâte de voir comment elle va évoluer dans la suite de l'histoire.
L'intrigue autour d'Eugénia et du trucage des Joutes ajoute une couche supplémentaire de suspense à l'histoire. Les rebondissements et les révélations sont très bien orchestrés.
En résumé, bravo pour ce chapitre captivant !
Je me suis également identifié à Viya, qui se sent isolée et trahie par la Confrérie. Votre manière de décrire ses émotions m'a touché, et j'ai hâte de voir comment elle va évoluer dans la suite de l'histoire.
L'intrigue autour d'Eugénia et du trucage des Joutes ajoute une couche supplémentaire de suspense à l'histoire. Les rebondissements et les révélations sont très bien orchestrés.
En résumé, bravo pour ce chapitre captivant ! J'ai hâte de lire la suite.
Fid est vraiment très fort en négociations, on sent qu'il se renseigne sur les gens qu'il fréquente et sait comment utiliser leurs faiblesses / envies... Ses dialogues sont toujours très bons.
J'ai bien aimé la différenciation entre orateurs et légendiers par le silence. Ca m'intéresserait d'ailleurs beaucoup de pouvoir mieux découvrir l'univers des orateurs à un moment de l'histoire, avec ses jeux de pouvoirs et tromperies. L'univers des écrivains aussi d'ailleurs, on entend assez peu parler d'eux jusqu'ici. Le personnage d'Eugénia m'intéresse davantage après la lecture de ce chapitre, il semble avoir plus d'envergure qu'une adolescente tourmenteuse.
C'est assez intriguant cette affaire de triche, j'ai l'impression que quelque chose de plus gros se cache derrière et j'ai hâte de découvrir quoi. A mon avis, c'est lié au Prieuré plus ou moins directement. On verra si cette hypothèse est juste.
Mes remarques :
"La pluie tombait sur Hydendark et striait de larmes les parois de la serre." très joli !
"une broche en cuivre, représentant un livre ouvert duquel émergeait une galaxie." sympa le symbole
"Viya avait parfaitement conscience que Fid était en train d’acheter son pardon et elle s’en moquait." j'avoue que je suis un peu déçu de sa réaction, je trouvais intéressant son ressentiment envers Fid. Après, l'explication que tu donnes est très compréhensible.
"Elle regretta soudain de s’être emportée." ah oui, elle va jusqu'à regretter, ça demande quand même beaucoup un grand recul sur ses émotions.
"Viya ouvrit donc l’Odyssée et s’y plongea." je trouverais plus joli qu'elle se plonge dans quelque chose par exemple : dans ses phrases, ses pages...
"Cette Eugénia s’en tire à trop facilement," à en trop
Toujours un plaisir de te lire,
A bientôt !
Ta remarque me fait penser qu'il serait peut-être judicieux de développer un chouïa plus le world-building, alors merci pour ça ^^
Je note tes remarques sur la réaction de Viya, je vais voir si je trouve une autre voie pour exprimer ses émotions, ou quelque chose qui me paraît plus crédible.
Je suis d'accord pour l'idée de se plonger dans quelque chose, ça fera plus élégant :-)
Merci de m'avoir signalé la coquille !
J'aime aussi la différence qui a été faite entre les orateurs, chez qui tout le monde parle, et ici, où chacun vaque à ses occupations personnelles. C'est rendu d'autant plus authentique et sincère <3
J'ai tiqué sur le : "– Si je ne peux pas rire de ma mort, alors de quoi ?" si beau <3
Minime détail qui m'a rendue confuse à la lecture :
"Le pas claudicant de Fid envahit le couloir.
– Le Conseil rouvre l’enquête. Mais c’est un sacré imbroglio. Ils vont à nouveau auditionner la petite Oratrice, Eugénia.
– C’est la moindre des choses, fit Archie.
– Je me serai bien passé d’une telle affaire, l’entendit-elle maugréer. J’y retourne demain matin. Où est Viya ?"
On est en focalisation interne tout le long, on suit les pensées de Viya, ainsi j'ai pas trop compris à ce passage, tout à coup je me suis dit : ah en fait on est en omniscient? Et ce n'est que par la suite, lorsqu'on apprend que c'est une chose que Viya a entendu malgré elle, que j'ai compris que non, c'était tout bon, on reste en focalisation interne. Mais du coup, j'ai quand même été un poil désarçonnée, sur le moment. Donc pour éviter ça, au lieu de "le pas claudiquant de Fid envahit le couloir" je mettrais qqch comme "Viya entendit de loin le pas claudiquant de Fid envahir le couloir". Juste qu'on soit au clair. Bien sûr, on peut choisir d'éviter les verbes de perceptions comme entendre, sentir, voir, et directement mettre ce qui est entendu, senti et vu, sans passer par ces verbes et ainsi éviter la lourdeur. Toutefois je pense qu'ici on y gagne en clarté, parce que mon esprit a eu un minime bug.
Mais bon, ce n'est qu'un détail.
Pour le reste, tu nous brosses un magnifique tableau, j'aime <3
Tu as tout à fait raison, je vais rajouter cette précision !
Je deviens de plus en plus passionnée par ton histoire, je pense que je vais avancer vite ahah xD Tu caractérises bien tes personnages aussi, je trouve, ils sont tous très bien présentés, bien distincts et uniques. Il y en a pas mal, mais on ne les confond pas.
Je suis comme Viya, je suis très sceptique sur la culpabilité d'Eugénia. Je suis sûre qu'elle s'est juste dénoncée parce qu'elle y a été forcée, mais ce n'est pas vraiment elle... Et je maintiens que sa haine pour Viya a forcément un autre fondement que juste le fait qu'elle la trouvait nulle ! Je n'en démordrais pas ^^
A plus !
Ah, je n'avais pas réalisé qu'il y avait un nombre assez conséquent de personnages ^^ Heureuse de savoir qu'ils demeurent bien distincts les uns des autres, si jamais tu t'embrouilles, n'hésite pas à me le faire savoir. !
Je suis en tout cas très touchée de savoir que l'histoire te plait !
Viya commence à s'affirmer, ça fait plaisir à voir. Le Jardin d'Hiver a l'air d'être un lieu très apaisant, et j'ai l'impression que je ne suis pas la seule à avoir apprécié et imaginé le bruit caractéristique de la pluie contre les vitres... ^^
Une invention très chouette que ce manteau-fumée ! Et utiliser une vieille expression comme "poudre d'escampette" pour la nommer, c'est amusant et on comprend tout de suite de quoi il en retourne.
Les répliques de Fid sont toutes savoureuses, à la fois belles dans la plume et révélatrices de sa personnalité. Celle-ci surtout : "– Si je ne peux pas rire de ma mort, alors de quoi ?"
J'aime aussi beaucoup cette réaction d'Archie ! Elle est venue assez spontannément, j'adore quand les répliques fusent ainsi - comme si les personnages avaient leur indépendance :D
J'avoue que quand l'expression "poudre d'escampette" m'est venue en tête, j'ai eu un de ces sourires ! Je ne me considère pas comme une personne très créative, la plupart des choses que j'écris sont un processus de construction plutôt que d'"inspiration". Du coup, j'en suis venue à me demander si je n'avais pas lu cette expression porteuse de ce sens spécifique quelque part ^^'... Mais j'ai parcouru mentalement ma bibliothèque et sollicité ma soeur (aka, mon 2e cerveau ^^) sans trouver d'occurences.
Merci pour les répliques de Fid ! C'est un peu comme pour celle d'Archie, un peu comme tout ce qui a trait à cette histoire : elles ont été très spontannées. J'ai longuement hésité à les retravailler, avant de me décier à les laisser "brutes" telles qu'elles sont sorties de mon esprit. Je suis heureuse de sacoir que ça fonctionne comme ça :D
J'aime l'ambiance du jardin d'hiver, je crois que ça va devenir l'un de mes lieux préférés xD (La description de la pluie sur les parois en verre m'a assommée de bonheur)
Viya s'affirme, c'est vrai. Son évolution m'intrigue teeeellement ! Ce n'est que le début de l'histoire, et j'en suis ravie, il me reste tant de choses à découvrir. Je suis sûre que si j'avais le livre entre les mains, je le dévorerais !
J'ai hâte de les suivre au Palais-Citadelle, il va s'en passer des choses, j'ai la grande impression xD Je pense qu'on va en apprendre plus sur la phobie de Fid (petite catastrophe en vue ?), et sur Eugénia en général (je ne saurais dire quoi, en revanche). Ça se trouve je suis à côté de la plaque, mais bref. x)
"Mais c’est malhonnête de me prendre par les sentiments." On ne pouvait pas mieux terminer un chapitre, j'étais morte de rire.
Coquilles (j'ai regroupé avec le chapitre précédent, je crois) :
-"En elle, la fascination le disputait à la peur" --> n'est-ce pas DE à la place de LE ?
-"mais comme nous ignorions où tu trouvais le jour des Joutes" --> "tu TE trouvais", je pense.
Bon, bon, à tout bientôt ^^
PS : J'ai oublié de le dire dans mes commentaires précédents mais Fid me faisait penser à Haymitch dans Hunger Games au début du récit à cause de sa tendance à consommer beaucoup d'alcool xD
Je ne spoile pas, pour le Palais-Citadelle ^^
Ahah, contente qu'Archie t'ait faite rire ! Je me souviens que cette réplique a surgi hyper spontanément quand j'écrivais, un bonheur !
Merci d'avoir relevé les coquilles !
Et pour Haymitch, hmmm, je ne sais pas si c'est une inspiration, dans la mesure où je n'ai pas forcément fait attention à ça dans HG. Par contre, c'est vrai qu'il a ce côté brisé qui m'a beaucoup touchée !
Viya s'affirme (et ce n'est pas fini )!
Ta théorie est intéressante :-) Assurément, tous les ordres chérissent les mots à leurs façons. Et tu as raison pour l'importance de l'empathie dans l'art du oonte, dans tout art des mots !
J'ai fait attention dans le texte à la notion de "pouvoir" des mots. Dans la mesure où pour moi, lire, écrire, conter, c'est déjà magique en soi :-) Donc oui, les Orateurs utiisent le pouvoir des mots... mais c'est accessible à tous, y compris à nous :-)