9- Le broutard volant

Notes de l’auteur : Bonne lecture

 

Nour leva les yeux un instant, pour souffler. Quel ne fut pas son désarroi en voyant approcher Elijah. L'elfe avait l'air de s'ennuyer, n'avait-il pas un autre bouc émissaire à tourmenter ?

– J'admire ta persévérance, terrayenne, vraiment, lâcha-t-il en posant ses mains sur la table. Le conseiller Hiver t'a clairement stipulé que tu ne pourrais jamais rentrer chez toi. Il faut tous nous y faire, nous sommes coincés avec toi.

– Heureusement, certaines personnes sont là pour l'aider, intervint Oren. Nous ne perdons pas espoir de trouver une solution.

Elijah haussa les épaules, et alors qu'il s'apprêtait à tourner les talons Azénor l'interpella.

– Toujours aussi méchant mon bon prince, se moqua-t-elle.

– Je ne te comprend pas Azénor, ton grand-père est le chef suprême, et je suis prince, nous devrions nous entendre. Nous sommes voués à faire de grandes choses pour nos peuples.

– Tous les élèves du Sanctuaire sont voués à faire de grandes choses pour le pays, rétorqua Azénor.

– Ne fais pas la naïve, tu sais bien que même dans l'élite il y a les puissants, et les autres.

– Tu m'ennuies, fiche le camp.

Nour eut beaucoup de mal à ne pas sourire de toutes ses dents. D'après ce qu'elle ramarqué, Azénor était la seule à se permettre un tel langage avec le prince.

– Je pars, mais avant vous aimeriez sans aucun doute savoir que les salles d'archives

du palais sont les plus exhaustives de Doradéa.

– Tu crois que tu pourrais nous faire entrer ? demanda Oren, soudain tout exalté.

– Sans doute, si je le veux.

– Nous allons y réfléchir, répondit Azénor sans lui jeter un regard.


*

Nour avait du mal à cacher son désenchantement. De tout le pays pourquoi fallait-il que ce soit cette peste d'elfe qui se décide à l'aider. Ca sentait le traquenard à plein nez.

– Nour, nous devons aller chez les elfes, s'entouthiasmait encore Oren tandis qu'ils arpentaient le chemin de retour de l'école.

– Ravie d'enjoliver ta vie, se moqua Nour.

– Nous devons convaincre Azénor.

– Je sais pas Oren, tu trouves pas bizarre qu'Elijah propose de nous aider ?

– Si, évidemment. Mais on aura jamais une autre occasion de visiter Lunadin, sans invitation c'est pas possible.

– Tu as raison Oren, nous irons à Lunadin. Je dois savoir, peu importe les conséquences. Il faut que mon père sache que je vais bien.

– Je suis désolé Nour, j'oublie parfois que tu es triste et que ton père te manque. Tiens, pour te remonter le moral, je vais enfreindre les règles, fit-il après un moment. Mais tu promets de ne pas le répéter au conseiller Hiver.

– C'est assez vexant. Je sais pas pourquoi le conseiller s'obstine à venir me voir tous les jours, c'est gênant. Jamais j'irais cafter, fit-elle en pointant un dogt de mécontentement. Qu'est-ce que tu veux faire ?

– Eh bien, j'ai pas vraiment voulu que ça arrive, enfin si un peu, en tout cas j'ai rien fait pour.

– Je comprend rien Oren.

– Un jour que je marchais j'ai sentis qu'un écureuil me parlait. C'était dans ma tête. En fait le pauvre animal était tombé d'un arbre, il était blessé. J'ai pu ressentir sa douleur ou bien il m'a clairement demandé de l'aide, je sais pas trop c'était étrange comme sensation. Alors maintenant, parfois, quand je sais que je suis tout à fait seul, il m'arrive de renouveler l'expérience avec d'autres animaux.

– Whaou.

– Oui.

– Et c'est ce que tu veux faire aujourd'hui ?

– Attends-moi ici, ne fais pas de bruit, et surtout, surtout regarde que personne ne s'approche.

Oren quitta la route pavée. Il s'approcha à pas de loup d'un mouton, d'un blanc immaculé, qui broutait tranquillement dans son coin, où l'herbe était haute et bien grasse. Oren s'accroupit devant le mouton avant de prendre sa tête entre ses mains, puis il ferma les yeux. Jusque là placide, le mouton cessa de brouter et fixa l'humain devant lui.

– Tu communiques avec lui ?

– Oui, fit-il tout bas. Approche maintenant, et monte doucement sur son dos.

Alors c'était vrai, Oren ne plaisantait pas comme Nour l'eut cru un instant.

– C'est quand même risqué tu crois pas ?

– Il n'y a que le lynx qui nous observe, mais je ne crois qu'il ira le dire. Et puis tous les gens d'armes sont occupés à chercher La Tamlin, y'a pas de risque. Grimpe maintenant, ordonna-t-il au bout d'un moment, toujours à voix basse.

– Quoi ? Mais pourquoi je voudrais grimper sur... ça ? demanda-t-elle.

– Ceci est un broutard. Je tenais à te faire visiter le pays, mais à pieds ça prendrait des jours. Là ça va être vraiment mieux, enfin si ça fonctionne.

– Sur Terre c'est un mouton, et on ne grimpe pas dessus.

Elle ne s'attendait pas à ce genre d'expérience.

– Ici c'est un broutard, rappela Oren. Et si tu as peur, ne le fait pas, dit-il en la défiant du regard.

Elle émit un léger grognement de désapprobation. Puis, hésitante elle se hissa finalement sur l'animal à califourchon, non sans mal à cause des poils soyeux qui la faisaient glisser. De toute façon, il ne pouvait pas lui arriver grand-chose, l'animal avec ses courtes pattes ne pouvait pas aller assez vite pour la faire chuter. Oren pensait-il faire le chemin jusqu'à la maison à dos de mouton ? Il lui semblait qu'elle irait plus vite en marchant. Oren s'installa devant elle et lui demanda de bien se cramponner à lui. Nour s'exécuta, non sans une certaine appréhension. Le broutard fit quelques pas avec nonchalance, ce qui la rassura. Mais, alors qu'elle commençait à prendre goût à cette drôle de balade, elle laissa échapper un cri. Ses pieds décollèrent du sol. Des ailes se déployèrent de chaque côté de leur monture, de longues ailes duveteuses comme celle des anges.

– Oh mince, oh mince, Oren, cria-t-elle. On vole.

L'ascension fut rapide, brutale. Le vent fit claquer ses tresses sur son visage, et des larmes s'échappèrent de ses yeux rougis. Le mouton téméraire s'envola très haut dans le ciel, avant de tournoyer quelques minutes en planant. Dans les premières secondes, Nour se cramponna à Oren à s'en faire blanchir les jointures des doigts, et ferma les yeux si fort que de petits cercles blancs se formèrent sous ses paupières. Quand elle entendit les rires d'Oren, elle se décida à profiter du spectacle. De là-haut, on pouvait contempler tout le pays. D 'ici on distinguait la forêt suspendue; un chapelet d'îlots de feuillus touffus vert foncé, suspendus, coincés entre le ciel et la mer. Ensuite, la montagne d'Avenrock avec sa cime enneigée. Tout autour d'eux, les moutons étaient comme de petits nuages dans un ciel vert tendre. Oren posa une nouvelle fois sa main sur la toison du broutard volant, et un instant plus tard celui-ci perdit un peu d'altitude, prit sa vitesse de croisière. Il devenait bien leur moyen de locomotion pour le retour à la maison.

A l'orée du hameau, le mouton amorça sa descente, peu contrôlée. Une patte tapa dans une pierre, il rata l'atterrissage, fit une roulade en envoyant valdinguer les enfants. Nour fit quelques tonneaux, puis resta quelques instants allongée sur l'herbe grasse, l'air hagard. Elle entendit le broutard bêler, puis ses sabots frappèrent le sol avant de s'éloigner.

Je viens de voler, très haut dans le ciel, sur un mouton qui vole, UN MOUTON VOLANT.

L'ombre d'Oren au-dessus d'elle la ramena à la réalité. Il l'aida à se relever, mais elle resta muette les minutes suivantes. Il lui lança plusieurs fois de petits coups d'oeil, son air l'amusait beaucoup.

C'était vraiment un bon moyen pour me faire visiter le pays, dit-elle enfin, les joues rosies, les yeux pleines de larmes dû au vent mais très heureuse.

– Nour, fit Oren en regardant à droite, à gauche, même au-dessus de lui. J'ai un autre secret, mon père m'appris à déplacer les choses. Je te montrerais à la maison.

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