JULES.
Toujours agenouillée devant ma chaise, Siloé sort une photo d’sa blouse. Elle me dit tenez, regardez. Si les Animas prennent toutes sortes de formes diverses et variées, ils peuvent prendre l’apparence de la personne qui les a créé. Celle qui nous intéresse a vécu durant la Belle Guerre. Elle se nommait Océane Libelle.
Photo posée sur mon genou. Mon ventre prend un coup. Il prend un coup pask’ c’est la première fois que j’vois Spectrette d’façon aussi nette, sans son côté j’transpare ou ça-rivière-sur-ma-peau. Surtout, elle était sans son habit de soldate, elle était pas à la guerre quoi, et mine de rien ça change tout c’que je m’étais imaginée d’elle.
Bord de mer. Un ciel crépusculaire qui fléchit là-derrière, le soleil tombe dans l’eau et bariole les nuages c’est un rond rose-solitaire. Une mer des claires turquoises, le sable blond, deux personnes se tiennent par la main. L’une d’elle est Spectrette. Grande, elle l’a toujours été, mais là elle paraît l’être encore plus que d’habitude, p’t-être parce que l’autre est une enfant minuscule, ou p’t-être juste pask’ elle en jette à s’tenir comme ça avec chevalerie sous le soleil, comme une belle haute invincible reine-épée coupant l’horizon en deux. Elle est vêtue avec légèreté, l’y devait faire chaud alors. Son bustier fait ressortir ses larges épaules. À l’air libre son ventre, il était musclé et brun de soleil, une vague bleue tatoue sa hanche. Sa longue jupe grenat fluide jusqu’au sol, piquetée d’or à cause que le vent souffle le sable assez partout. Ses poignets sont des bracelets de toutes les couleurs, au-dessus on a peinturluré sur ses bras un tas d’autres vagues bleues, une sirène j’crois aussi, tatousirènage. Partout où sa peau est visible, il y a des perles d’humidité, grains sel de mer, du sable, grains extraordisables. Alors j’ose regarder sa tête, ma gorge s’serre. Elle avait des cheveux comme la nuit, couverts d’un foulard vert, torsadées et parées de joyaux. Embarquées dans le vent, ses torsades noires flottaient. Pis aussi, et p’t-être c’est ça qui est le plus saisissant, elle avait des yeux comme la mer. Et quand j’dis qu’elle les avait comme la mer, c’est que vraiment j’mens pas : elle les avait fichtrement comme la mer et jamais je les avais vus ainsi, aussi bleus profonds. En haut des joues, on avait dessiné des petits pointillés blancs. Une ligne horizontale, nacrée elle aussi, crayonnait son nez. Terrible. Spectrette elle était terriblement belle sous le soleil. Sa binette pourtant ça n’avait rien d’original, tout ce qu’il y avait de plus banal, ni beau ni laid, mais c’est juste tout le reste ensemble, v’là tout ce qu’elle dégage ça la rend férocement fabuleuse. Y’avait c’côté puissant, brut de son corps que j’aimais tant, on l’sentait bien la hargne dans la poigne, pis l’aspect bobobohème, l’excentriquosensuel du vêtement et des tatouages qui m’donnaient la furieuse envie d’être tout comme elle. Tout comme elle… si belle… En fait, elle évoquait l’indépendance. V’là. La mer était l’ailleurs et elle la liberté. Elle me paraissait cruellement heureuse et c’est si différent de la Spectrette que j’ai l’habitude de voir, Spectrette qui a connu la guerre probablement. Mes yeux s’embuent. Nan. Nan. Spectrette sa photo j’suis pas émue elle me f’ra pas pleurer. Nan, jamais plus jamais aucune larme sur mes joues. J’renifle, j’mords ma lèvre.
— Vous n’en savez vraiment rien, pas vrai ? murmure Siloé.
— Pourquoi que vous la voulez ? soufflé-je la voix filandreuse, ailleurs un peu.
— Océane Libelle était une révolutionnaire, ma chère, l’une des principales représentantes du mouvement Naïa. Vous connaissez ?
Je secoue négativo la tête. Elle soupire et s’lève soudain, avec des mouv’ secs et cassants, laissant la photo sur mes g’noux. Et pis comme ça elle a ouvert ses bras et les a rabaissés dans un geste d’résignation, tout en m’expliquant :
— Eh bien ! Ce n’est rien d’autre qu’un mouvement révolutionnaire qui a émergé durant la Grande Correction, peu avant la Belle Guerre. Durant cette période-là, l’astrologie faisait des avancées phénoménales, vous savez ? Elle avait entre autres découvert que l’être humain possède une juste place dans le monde, une place déterminée par son signe astrologique. Elle découvrait aussi, malheureusement, que trois signes parmi les douze, à savoir les Cancers, les Poissons et les Scorpions, sont des signes qui marquent les gens de démence et de violence destructrice. Dans toute sa clémence, l’Observation a mis en place des camps de redressement pour tenter malgré tout de les purifier, leur apprendre à se maîtriser. Les résultats étaient plutôt concluants, je dois dire ! Plusieurs parvenaient à se réinsérer en société, malgré cette énergie issue du chaos qu’ils portaient en eux. Le problème, c’est qu’une partie de la population désapprouvait certaines décisions prises par l’Observatoire, dont celle d’éduquer les signes dits « maudits ». Ah leur grossière erreur ! Ils se sont unis et ont monté un groupe de révolutionnaires. Naïa, qu’ils ont appelé ça. Constitué essentiellement de porte-chaos et de simples militants qui défendaient leur cause.
Sa voix a laissé transparaître une dernière note de dégoût. Elle continue :
— Que voulez-vous que je vous dise ? Contrairement à certains de mes collègues, je ne vois pas le chaos comme un mal en soi, considérant même qu’on peut le rendre opportun si on exerce un juste contrôle dessus, mais ce mouvement-là… ce mouvement a très vite dégénéré. Il a commis des crimes incomparables et a tout gâché.
Devant moi, la madame des géométriques faisait ses allers-retours avec de l’exécration qui montait dans l’mécaniqué d’ses gestes et ça m’suait d’angoisse et même Caligo s’est enfoncé plus loin contre l’mur et même Uranie s’était calmos avec ces cordo’feu tellement l’y avait un truc d’crainte qui flottouillait dans l’air.
— Les Naïens défendaient des valeurs comme la discorde, l’absurdité, le doute absolu, la spontanéité, la folie. Ils se caractérisaient par une série de contres. Contre les contraintes idéologiques, esthétiques et politiques, contre les institutions, contre les conventions. En fait, ces fanatiques voyaient la vie comme une vaste blague. Ils étaient des grands cyniques, aussi extravagants qu’irrespectueux. Leur méthode : la déconstruction. Ils voulaient anéantir aussi bien le réel que l’idéel. Détruire, c’est cela, détruire les squares, les institutions, les ponts, les villes, détruire le monde, sa hiérarchie, ses conventions et sa morale, sans volonté de reconstruction par après. Qu’on se le dise, entre vous et moi : leurs intentions étaient valables, d’une certaine manière, mais ils n’étaient rien d’autres que des terroristes. C’est cela ! Des terroristes davantage mus par un désir de vengeance que par une volonté de remplacer le gouvernement par un autre, bien qu’ils parlaient d’ « anarchie » à établir. Attentat sur attentat, ils se vengeaient pour toutes les « atrocités » commises contre eux. Massacre sur massacre, ils qualifiaient nos anciens dirigeants de dictateurs, les accusant de violation des droits humains et crime contre l’humanité, sans se rendre compte qu’ils étaient les véritables tyrans de la Ville.
Un rire mauvais, un brin hystérique, lui échappe, tandis que j’me recroqu’petite sur ma chaise. J’y ai bien vu passer dans la Ville Férocère c’tas d’affiches qui crachent sur ces trois signes, soit disant qu’ils apportent le chaos où qu’ils passent, et qu’alors ils méritent la mort rien que pour ça. J’y trouvais la farce bien drôlette, mais quoi Siloé elle a pas compris que c’était d’la blague ?
— Le pire, c’est qu’ils avaient mis au point une méthode implacable, cruelle, pour faire adhérer les gens à leur cause. Tenez-vous bien à votre chaise, ma chère : ils usaient de leurs Animas pour s’insérer dans l’esprit d’innocents et leur instiller des idées, des envies, des désirs de destruction. Cette tactique était si efficace que des personnes pourtant très saines d’esprit, affiliées à l’idéologie eurythméenne, notre idéologie, visant l’harmonie et un parfait équilibre du monde, ont perdu la raison et les ont rejoint dans leur folie meurtrière.
Et soudain, la dame algèbri’colérique vrille son regard dans le mien, son regard métallique si chaud et bouillasse que j’ai suo’paniqué et que j’en oublias tout, tout, même mes propres brûlures des pires doulourances.
— L’Anima d’Océane faisait partie de ces Animas-là, ma chère. Il a corrompu un nombre incalculable de personnes, sans qu’on ne parvienne à l’arrêter, même après plus d’un siècle de recherches acharnées. Ainsi donc, vous comprendrez mieux en quoi il peut constituer un réel danger et pourquoi il est important de le capturer ?
Subito Siloé s’approche, si rapidos que j’ai rien eu l’temps d’voir venir. Infernale, elle s’empare des accoudoirs d’ma chaise, la penche et s’penche elle aussi, collant son visage des pires dégueulassures près du mien. Et moi j’tremble, j’peur, et moi j’brûlo-mal, même quand sa figure tirée par la colère s’détend soudain et qu’elle m’sourit… oh bordelasse… c’qu’elle m’sourit d’ses dents si éclatantes et qui schlinguent un dentifrice cap’ de laver des haleines de phoque. J’tombe dans son visage tout attendrissant, ça m’empêche d’penser et ça m’coupe tout cet élan d’révolte qui montait à cause que Spectrette tous ces bobardises que Siloé raconte dessus et que je l’interdis d’penser ça d’mon Anima et que–
— Je ne veux pas vous brusquer en vous disant cela, ma chère, murmurisse Siloé, mais l’Anima d’Océane vous a choisie en tant qu’héritière de la pensée naïenne. Elle veut que vous releviez le mouvement et menez sa vengeance à exécution en plongeant la Ville dans un bain de sang.
Doucement, elle r’pose ma chaise et j’fonds dans ses lèvres si grasses incap’ d’fixer aut’ chose et pourtant, et pourtant…
— Vous en savez rien de c’qu’elle veut…, parvené-je à souffler, d’toute mes forces d’tout c’qu’il m’reste d’conscience et d’défenseuse d’Spectrette.
Elle sourit encore plus large, encore plus envoûtante, tant que c’est encore possible d’avoir une bouche qui s’soulève jusqu’aux oreilles. Et pis elle chuchote :
— Vous vous méprenez grandement. Je sais exactement ce qu’elle veut. Le Ciel nous parle souvent d’elle. Il nous parle souvent de vous. Il faudrait être inconscient pour ignorer les signaux qu’il nous envoie.
C’est faux c’est faux c’est faux… Pis c’est quoi c’délire de Ciel là ?? Et ça revient la chauffe-douleur autour d’mon corps. Fichue Uranie. Lèvre mordue. Gémissement retenu. C’est faux c’est . ̇ · . Siloé soupire imperceptiblement. S’empare d’mon menton et m’oblige à r’garder la photo sur mes g’noux. Pis pointe du doigt l’autre personne à côté de Spectrette.
— À propos… elle avait une fille. Là. Noée Elévie, cela ne vous dit rien ?
La gamine était sacrément freluquette. Toute ‘tiote, six ans guère plus, elle a les cheveux blonds, en dreadlocks, qui ont pris tout le jaune du soleil, et les mêmes yeux que sa mère, grands, bleu-terrible, ce sont des blyeux de la mer. Sa peau, c’est autant d’taches de rousseurs que moi, c’est bronzé de chaud-brûlant sur la plage rivage. Comme pour Spectrette, on avait aquarellé d’la couleur sur ses joues, c’tait des dessins toutefois plus brouillons, pis elle portait un collier de coquillage, une robe beige, son doigt qui montrait l’horizon avec fureur, sa figure qui dévisage Spectrette comme vas-y m’man laisse-moi y aller sérieux quoi ! Une posture de sacrément-l’envie-d’courir-dans-les-flots, la mer qui l’appelle et sa mère qui la retient, en fait v’la : c’te mioche a des airs d’ange mais faut pas s’y tromper, ça s’sent ça s’voit, elle est un sacré p’tit monstre intenable sur ses pattes.
— Noée aussi, en grandissant, a créé bien des problèmes, m’informe Siloé. En fait ? Peut-être même plus que sa mère. Elle a été celle qui a créé un autre mouvement révolutionnaire, l’Onde, encore actif aujourd’hui. Son Anima est détenu par leurs membres, et nous espérons qu’avec celui d’Océane, nous en retrouverons la trace…
Voir la mer tout ça, Noée qui a envie d’y fondre, ça m’électrificote tout le corps. Rester assise aussi longtemps j’supporte d’moins en moins, surtout que là j’commence vraiment, mais alors là, vraiment à en avoir marre. Marre d’la douleur, marre d’Siloé, marre d’tout ce qu’elle crache sur Spectrette alors que Spectrette l’a toujours été ma meilleure copine (ma seule copine) et– raah !! J’lève la tête, j’me tortille, les cordes se resserrent, j’retiens ma gémissée d’mal c’que ça fait mal, j’avale mes larmes, j’mords ma joue, encore, goût d’acier dans la bouche. Siloé reprend :
— Je sais, ma chère, je sais que tout ceci est difficile à digérer. Mais je sais aussi que rien de tout ceci n’est de votre faute et que vous ne désirez pas plus que moi la destruction du monde… Je sais que votre coeur est bon et que vous souhaitez comme moi éviter que les choses s’enveniment inutilement. C’est pour cela que je vous propose une collaboration entre vous en moi. Qu’en dites-vous ? Vous n’imaginez pas toute l’aide que vous pourriez nous apporter… Ne serait-ce pas fantastique ? Ensemble, vous et moi, nous pourrions retrouver les derniers représentants du mouvement naïen et l’anéantir une bonne fois pour toute. Ensemble, nous pourrions également partir en quête de l’Anima de Noée Elévie. Nous retrouverions ainsi les meneurs de l’Onde qui le détiennent. Ensemble, nous pourrions démanteler deux mouvements révolutionnaires qui menacent l’équilibre général de la Ville. Un dessein des plus louable, vous ne pensez pas ?
Un court silence s’éternise pendant que je boue à l’intérieur et que les yeux de Siloé s’remplissent d’jouissance et qu’elle ajoute alors :
— En échange, je vous promets de ne pas détruire l’Anima d’Océane, simplement vous apprendre à le contrôler, afin que vous puissiez le gardez à vos côtés sans qu’il soit un danger pour personne. Oh je vois bien combien vous tenez à lui, vous savez… Je le vois dans le regard que vous me jetez à l’instant, mais mon but n’est nullement de vous l’arracher. Ce serait, je le crains, une grave erreur de ma part…
La mathématicodame sourit encore et pourtant y’a aucune, mais alors là aucune raison de l’faire, à cause que ça fait un bail qu’elle m’a perdue. Depuis qu’elle a commencé à s’en prendre à Spectrette, en fait. Moi j’y ai senti la colère foudroyer mon ventre et mon corps résister plus fort aux brûlons. J’y ai senti ma tête s’dresser face à Siloé et plus forcémo entrer dans sa terrible envoûtée. Elle manigance des choses pas nettes la scientée d’vant moi et moi, j’jure qu’elle n’aura ni Spectrette ni Noée ni moi. Mes jambes tressautent. Mon regard fume noir il enrage. Malgré la subite brûlance à mon buste, malgré les larmes qui montent d’douleur, mon regard il foudroie d’orage. Et en même temps l’y a un tel vide qui s’ouvre en moi à cause que j’vois : plus j’montre ma furie des pires haines, plus Siloé elle jubile.
Fichtre elle s’redresse soudain. S’déplace. Tout avec une gestuelle lente et mesurée, raide surtout, extra mécanique, elle contourne Uranie qui, étonnamment, frissonne-peureux lorsque sa mère effleure son épaule d’la main. Le visage anxieux, miss-tranchoir déglutit. S’recule. Siloé s’est placée derrière le viroir. Elle pose ses bras dessus. Elle pose sa tête sur ses bras. Elle sourit plus. Que dalle. Elle m’fixe comme jamais elle m’a fixée auparavant. Visage de glace. Mâchoire grossière. Y’avait de l’impatience là-dedans, de l’irritation sèche. Mon bidon s’tasse. Boulotinne à la gorge. J’peine de plus en plus à respirer, le feu m’étrangle, cramée l’odeur, mais j’résiste, j’résiste… j’la frappe encore d’mon regard. Et moi qui pensais que cette expression-là chez elle c’était pire que tout, le dur au lieu du doucereux, ben j’me trompais total’, pask’ lorsque ses lèvres s’sont à nouveau étirées jusqu’à la limite des limites, sans m’dévoiler ses dents, et que c’était plus obscène qu’autre chose, j’y ai compris que c’était ça le plus terrible chez elle : l’artificieux et le sournois. L’imprévisible dans une série d’expressions qu’elle maîtrise à la perfection. Tout pour emmailloter les gens. Doucereuse :
— Vous êtes fascinante, ma chère… Véritablement fascinante. Il faut beaucoup de courage pour oser s’opposer ainsi à moi, et c’est une chose que j’admire. Sincèrement. Très peu de personnes peuvent se targuer d’y être parvenue, et encore moins avec une telle fougue que la vôtre. Pour vous confier l’une de mes plus intimes pensées… C’est généralement le signe d’une très grande force de caractère. Le signe d’un grand pouvoir… Ah ! Ciel sait ce que vous allez accomplir avec une hargne pareille !
Siloé peut parler tout c’qu’elle veut, moi j’l’écoute plus.
— Libre à vous de ne pas croire à la menace que constitue votre Anima, toutefois je vous prédis qu’un jour, ma fille… Oui, un jour, l’Anima d’Océane exercera une telle pression sur vous que vous reviendrez à moi pour que je vous aide à le contrôler. Lorsque ce jour viendra, sachez que je vous accueillerai à bras ouverts, mais vous pouvez tout aussi bien vous éviter ce lot de souffrance inutile et commencer dès aujourd’hui à coopérer avec moi…
Moi j’la regarde plus, fixant plus que c’viroir devant moi. Celui qui, j’en suis persuadée, a été planté là pour emprisonner Nuagette si jam’ elle s’montre. Celui qui renvoie une image piteuse d’moi : ch’veux l’ébouriffe, nez écorché à la binette, lèvre en sang, peau des plus pires pâlures, c’maigre buste empaqueté dans du feu-cordon. J’me vois et j’me déteste tellement d’apparaître comme ça, aussi minable… ridicule… prisonnière… impuissante… soumise à leur torture… si minable que Siloé croit que j’vais r’venir vers elle… tellement j’me hais tellement…. l’impuissance, mais j’suis pas impuissante moi ! Oh non… oh non que j’le suis pas… et j’vais leur prouver moi… Et j’ai pensé à la photo, et j’ai pensé à Spectrette libre sur la plage. Et j’ai voulu être aussi forte qu’Océane Libelle, aussi follo dans son apparence que dans sa tête. Et j’me suis vue indestructiblo, et j’y ai senti sous ma peau que ça pulsait féroce ma colère…
Dans l’viroir, Jules s’foudroyait du regard. Prisonnière. Uranie la pense prisonnière, c’est son idée qu’elle s’fait de Jules, une Jules pauv’ minouche écrouée. C’est son idéelle et ça lui suffit pour flammer des chaînes, mais Jules c’est pas l’idée qu’elle se fait de Jules. Jules, elle se pense elle se sait vive preste insoumise libre volcanique. Elle n’appartient à personne d’la même façon que rien lui appartient vraiment, exceptée Spectrette peut-être. Le reste elle s’en fiche total’, les gens elle n’écoute personne personne personne, elle fléchit fléchira d’vant personne personne, elle n’aime personne, n’aimait n’aimera, et c’sont pas des scientés Grisœils pas Grisœils fichus gens à viroirs, sortis d’un peu nulle part, qui vont commencer à la dompter et dire quoi penser d’Spectrette. Oué Jules après tout c’est un fait, aucun bougre n’arrive à la dompter domptera pas, elle sera pas. Qu’est-ce qu’ils vont s’imaginer les gens, qu’on peut la dresser la torturer ahahahah la blague que des craques-drôleries tout ça ¡ Ce qu’il faudrait, c’est qu’ils s’imaginent une Jules récalcitrante improvisant une pluie-idéelle autour d’elle. Ce qu’il faudrait, c’est qu’ils voient Jules rincée par une sacrée averse, une qui inonde tout, jusqu’à la tête des trop-d’accord, une qui flaque ses cheveux ruisselants sur ses joues. Ce qu’il faudrait, c’est qu’ils sentent cette fraîcheur bienvenue sur sa peau, éteignant les brûle-entraves mais pas cet inouïe brûle-colère qui défend sa liberté, son indépendance. Ça pleuvasse c’est d’un sauvage, redoutable. Dans le réel, elle paraît inoffensive. Dans l’idéel, elle baigne dans l’irrévérence. Ce qu’il faudrait, c’est qu’ils voient Jules comme elle se voit, elle. Seulement les gens ils voient rien d’tout ceci. Ils restent crochés à cette première apparence qu’ils ont d’elle, maigre freluquette sèche sur sa chaise. Ils prennent même pas le temps d’regarder dans le viroir. Caligo Uranie Siloé restent de l’autre côté. Il aurait fallu pourtant, pour contrôler, comprendre ce sourire d’ours qui étire les lèvres d'Jules, pourquoi ça frétille autant dans son regard. Mais non, l’y restent aveugles, l’y comprendront jamais que ça lui plaisait à Jules cette image d’déséquilibrée et que l’idéelle-pluie était avant tout une ode à la folie, c’est ça, royal’ ça, cette folie qui lui rendra sa raison à terriblo-Jules des furies toutes jolies.
Et les Animas méritaient bien un peu de liberté eux aussi
coincés dans des morceaux de verre ils ne méritaient pas ça
pas PAS l’inertie
loin de leur éveilleur qu’il soit
mort vivant
ce n’était pas ÇA
la vie.
Que soudain j’me lève, libre terrible Jules-forcevivre, personne s’y attendait, sûr de sûr. Encore moins ils s’y attendaient les gens à ce que je m’empare d’la chaise, d’un geste vif comme sorti hors de moi, quasi invisible tant c’était rapidos, et que j’la balance avec des bras les plus déchaînés contre la mosaïque réflective saletés d’viroirs que d’la vermine. D’un coup, ça s’est brisé. Un désobligeant ricanement. Le mien. La névrose et l’hystérie. Ensemble. Toute ma rage qui explose. Il y a eu des éclats de verre, des éclats de mots, moi qui m’enfuis quelques Animas qui s’enfuient et
‹ oiseau · ‹ revirement · ̇ · .. nous ̇ ·… °
· ( de ‹ ǝıʌ ° ~ ‹ voûte · . · ̇
( · ̇ · ‹ contour ̇ · ̇ · ~ . . . . . · ̇ °
̇ · . ‹ xnǝɹɔ ~ · ̇ · ‹ ~ ° · ̇ de ¨ notre ‹ Ciel .. ….
‹ spirale · · . ( . · ̇ · . . ‹ ɹnǝoɔ-comète . . . . · ̇
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· ̇ ° clair-ɹnɔsqo · ̇ ̇ · ‹ ° ensemblesseuls ~ . ~
.. soʌ ° lointains ‹ aɯis · · ̇ · ̇ · ̇ · ̇ ~
· · ̇ · ont peint ¨ les ‹ sǝɹoéʇéɯ ( en ° bleu · ̇
ça flouait dans ma ‘tite tête
tête en poésie
expression de la ǝıʌ
j’y ai vu des Animas qui s’échappaient, pas tous ceux d’la salle puisque j’ai pu briser que quelques viroirs. Mais pour les quelques-uns qui l’avaient pu, la porte aussitôt ouverte ils sont sortis avec moi. Y’a eu une truite nageant dans le ciel, un arbre courant, une panthère violette, et Caligo Uranie Siloé n’ont pas eu l’temps d’réagir, ne comprenant rien à c’qu’il se passait. Mais Jules était trop stupéfiante ma foi, que voulez-vous, il fallait y réfléchir à deux fois avant d’me flammer d’la sorte, et pis fichtre, on aura quand même entendu Siloé éclater de rire, d’une mélodie cristalline froide enchanteresse, avant d’applaudir :
— Parfaite ! Elle est parfaite !
La photo d’Spectrette dans la poche, Jules a accéléré la cadence. Les Animas la guidaient, semblant savoir où s’trouvait la sortie. Jules s’gratte les bras, le ventre. Sa peau est rougie, l’idéelle n’étant qu’une idée ça l’a quand même sacrément calcinée et boursoufflée, et Jules s’demande : est-ce qu’Uranie l’aurait quand même pas sentie son idéelle d’feu arrosée par Jules ? Et si Uranie l’avait laissée filer consciemment ? Et Caligo dans tout ça ? Et Siloé dans tout ça ? J’m’essouffle. Faut que j’parte. Me cache chépaoù. Protéger Spectrette. J’halète. Ma vie, j’la passe à courir. Fuir en fait. Il y a la truite, il y a l’arbre, il y a la panthère. Il y a Spectrette qui soudain est là, galopante à côté d’moi, fusil à la main, et c’est un énorme soulagement que j’ai ressenti à la voir là. Tellement que j’aurais pu en pleurer si j’m’interdisais pas d’le faire. Casque ballottant. Dessous : sa tignasse que jamais jusqu’à maintenant j’avais vu lâchée. Là ses cheveux sombres affleurait ses reins, j’y savais même pas qu’ils étaient comme ça. Balancés. Brillantonoirs. Elle me souriait. Elle était belle. Elle était fière. J’étais fière moi aussi. J’me sentais bien. Oh chiassure c’que j’me sentais bien. Malgré les gros brûlons sur ma peau, malgré le meurtri d’avoir été humiliée tout c’temps, j’me sens bien. J’suis là, les jambes en coton, des ¿¿¿¿¿¿¿¿ sous le front, d’la peur au ventre, d’la rage contre l’O.V.E.A. tout entier, et pourtant c’est comme si rien. personne. vous moi. personne d’assez solide… pour rivaliser avec Jules…
invincible des reines cavalières…
époustouffle son souffle...
Jules époustoufflère...
Très sympa d'en apprendre plus sur Spectrette. J'aime beaucoup l'idée d'une ancienne rebelle ayant mené un mouvement intellectuel avant la mystérieuse "Belle Guerre", ça ajoute un background qui rend le personnage très intéressant. Elle a un très joli nom d'ailleurs, qui colle bien avec l'image mentale que j'ai d'elle^^ Ca a l'air d'être une ancienne ennemie de Siloe en plus, bref on découvre un passé à Spectrette et ça donne envie d'en savoir plus.
L'image de la vieille photo à la plage est vraiment bien trouvée, ça a un petit côté nostalgique sympa. On comprend l'émotion de Jules en voyant cette image.
La scène de révolte de Jules en fin de chapitre est agréable à lire, on retrouve bien son caractère (=
Un plaisir,
A bientôt !
Wouiii on en apprend plus sur Spectrette, cool si t'aimes bien l'idée de rebelle, le tout sera un peu plus approfondi dans la suite ! En espérant que ça perde pas trop le lecteur, hésite jamais si t'as des questions d'ailleurs, je sais que ma réécriture souffre de quelques petits soucis de clarté et que j'aurais dû faire des petites piqures de rappel sur certains points plus souvent. J'ai essayé de corriger le tout mais c'est dans une nouvelle version et j'ai pas encore mis à jour sur PA, donc t'es encore en train de lire une ancienne version qui a ses lacunes disons x)
Quoiqu'il en soit, chouette aussi si t'as apprécié la photo à la mer et la scène de révolte avec Jules !
Merci encore pour ton retour, je vais répondre à la suite ! ;)
« C’est un mouvement intellectuel et artistique qui a émergé peu avant la Belle Guerre, explique Siloé. » Est-ce que c’est vraiment comme ça que leurs opposants politiques les décrivent ? Je lis ça et tout de suite je me dis que oui, bah s’ils sont intellectuels et artistes, c’est qu’au moins ils ont un peu d’esprit et de cœur ? Je me dis que l’aspect « on est contre tout » par contre c’est souvent interprété par les autres comme une forme d’immaturité, du genre jamais contents, à vouloir des choses absurdes. Siloé me semble super objective quand elle en parle mais du coup je me demande si le dégoût que tu lui donnes après ne pourrait pas transparaître dans le ridicule qu’elle pourrait donner à ces artistes ? Ou leur folie ?
SAUF si tu veux effectivement que nous on leur trouve absolument une certaine beauté à ces artistes, enfin moi je crois que je les aurais trouvés beaux dans tous les cas, même sous le regard d’une scientifique un peu austère, mais c’est vrai que si tu veux avoir tout.es tes lecteurices dans la poche sur ce coup dès le début c’est peut-être pas judicieux de les présenter sous leur jour ridicule.
OU tu pourrais les présenter comme ça mais montrer que hé, ça va pas dans la tête de cette femme-x-y parce qu’elle est un peu raciste envers certains signes et que non ça peut pas être acceptable de trouver un mouvement contestataire absurde et ridicule parce que oui y a de quoi contester des pensées comme la sienne ?
(Je sais pas si c’est clair voilà déso je te laisse avec ça)
(faux : si c’est pas clair tu me redis et on en recause)
DAC le délire sur l’idéologie pour les Animas, bah tu vois, je pensais à des utilités bien plus concrètes !
« Nul ne sait quel était le vivème d’Océane Libelle, mais si vous voulez mon avis, il devait être d’un extrémisme plutôt alléchant pour parvenir à souiller une société de gens éduqués. » : typiquement l’extrêmisme c’est le jour sous lequel on va vouloir présenter certains mouvements pour les discréditer (plutôt que ah coucou ce sont des artistes)
« ce sont des blyeux de la mer. » géniol ce mot <3
euh coucou Spectrette c’est pas ta mémé ou quoi Jules non ??? Je la vois en Noée en tout cas
« mais Jules c’est pas l’idée qu’elle se fait de Jules. Jules, elle se pense elle se sait vive preste insoumise libre volcanique. Elle n’appartient à personne d’la même façon que rien lui appartient vraiment, exceptée Spectrette peut-être. Le reste elle s’en fiche total’, les gens elle n’écoute personne personne personne » et tout le reste c’était : moi en amour infini de Jules
(même si oui bon écoute Jules c’est cool l’amour mais franch je peux pas dire je comprends sa logique et j’ai même pas envie de m’y opposer à ce stade, vazy aime personne et soit libre ouèche)
AH LA LA JULES QUI SE LÈVE QUI BAM LA CHAISE MAIS MERCI JULES
« on aura quand même entendu Siloé éclater de rire, d’une mélodie cristalline froide enchanteresse, avant d’applaudir : — Parfaite ! Elle est parfaite ! » Cette réaction est cool en vrai, ça intrigue et je me pose bien des questions ahah même si franch ça me fait peur et je me dis que tout ça ne fait probablement partie que de son plan pour capturer les Animas qu’elle veut ? Hélas
rololo c’était mais ! Grandiose. Et super fluide à lire (je te le dis puisque j’imagine que tu as cherché ça par rapport à la première version?) avec des personnages secondaires auxquels on « s’accroche » davantage. Pas dans le sens où on s’attache affectivement à eux ou quoi mais juste dans le sens où ça donne plus de clarté à ton monde, qui n’avait pas besoin d’être plus grand ni rien mais qui se retrouve peut-être un peu plus peuplé, et ça c’est turbo chouette ! Ça marche bien du tonnerre.
Trop hâte de lire la suite, même si ce sera pour plus tard <3
Merciii ensuite pour ta longue réflexion sur le mouv’ Naïa et la façon dont Siloé les présente. MAIS donc, pour savoir si j’ai bien compris : Siloé les présente de manière trop objective, et selon toi j’y gagnerai à modifier un poil son discours pour qu’on se dise que ce mouvement est ridicule et immature ? Ou est-ce que faudrait que je le modifie pour qu’ils paraissent ridicules selon Siloé mais que dans la tête du lecteur c’est Siloé qui a une mauvaise opinion d’eux ? Je suis pas sûre de comprendre désoooo :’(( Si t’as envie de passer sur discord pour la suite de la conv tu peux hein, ou ici, ça m’est total égal <3 Merci quoiqu’il en soit de pointer cet aspect, je sens que c’est ultra pertinent ce que tu dis mais je suis pas sûre à 100% d’avoir bien saisi ce que tu dis <3 KOEUR.
« euh coucou Spectrette c’est pas ta mémé ou quoi Jules non ??? Je la vois en Noée en tout cas » >> yeeeeeeey chouette hypothèse ;))
Ensuite pour JULES : aaaaah je suis contente si t’apprécies sa vision du monde lol, c’est tristoune si elle choisit d’aimer personne et en même temps c’est sooo Jules que voilà :-) Son ptit air buté vazy-que-j’aime-personne va la suivre un bon moment haha.
Et ton ptit dernier paragraphe tout rempli d’amour est trop adorable, merci pour tous tes compliments <3 Contente si ça a gagné en fluidité vis-à-vis du premier jet et si les persos secondaires sont un peu plus consistants <3
Voiloooou, merci encore du fond du cœur pour ta lecture, c’est toi qui es turbo chouette ouèche, et à pluche !
TOUT PLEIN D'AMOUR ET DES BIOUX PT PT PT
(bruits de bisous lancés dans l'air)
J’aime beaucoup ce chapitre, parce qu’il est plein d’enjeu et de world building !
« . Inutile de préciser que ce mouvement était gorgé de signes porte-guerre ? Vous savez, les Cancers, Scorpions et Poissons ? » ==> Là, j’adore, parce qu’on arrive à identifier clairement le fait qu’il y a un vrai mépris de certains signes (même si tu le disais déjà ) et en gros, on commence à se voir se dessiner des camps de manière très précise. Je me demandais juste si le premier point d’interrogation (après « porte-guerre » ) était pertinent puisque la phrase commence par « inutile de préciser »
« ls ne nous disent que ce qu’ils ont bien envie de nous dire, et je doute que celui d’Océane Libelle s’ouvre à nous. À vous en revanche… De ce que m’ont rapporté Caligo et Uranie, vous êtes particulièrement proches votre Anima et vous ? Il vous fait confiance, peut-être même avez-vous déjà recueilli des indices qui pourraient nous aider… hhm ? Qu’en dites-vous ? » J’aime beaucoup ce passage, parce que Jules affronte 1) un dilemme 2) par extension, Siloé, et ça donne clairement de l’enjeu (oui encore ^^) , des convictions à défendre, bref, un super arc narratif en perspective !
« Uranie la pense prisonnière, c’est son idée qu’elle s’fait de Jules, une Jules pauv’ minouche écrouée. C’est son idéelle et ça lui suffit pour flammer des chaînes, mais Jules c’est pas l’idée qu’elle se fait de Jules. Jules, elle se pense elle se sait vive preste insoumise libre volcanique » <3 Coeur sur ce passage ! Parce que Jules, jusqu’à présent, est peut-être un peu timide, je trouve. Dans ses dialogues, ses réparties (est-ce que c’est ton ressenti aussi ?) et là, elle montre beaucoup de courage, c’est agréable de la voir évoluer. Et puis le passage où elle se libère, par la suite, accentue encore cette montée en puissance, qui ne la rend que plus attachante !
Bref, je trouve que c’est un chapitre qui, en plus de poser de bons éléments et ressorts pour la suite de l’intrigue, donne un nouveau souffle à Jules ! Vraiment très chouette !
Merci beaucoup pour ton retour, comme toujours <3 Je suis contente si on sent le mépris envers certains signes et si on commence à voir se dessiner les camps, de même si pas mal d'enjeux sont posés dans ce chapitre avec les vivèmes et les Animas ^^
Et puis pour la fin, oui Jules a clairement un côté un peu dualiste ! D'un côté elle est extra-timide devant les gens, nerveuse pour un tout et un rien, et d'un autre, quand elle se situe face au danger ou qu'elle sent qu'on la considère comme une moins que rien, ça la met en rogne et elle éclate. Donc ravie là aussi si t'as perçu ce deuxième aspect ^^
Voiloou, merci encore une fois pour ton commentaire des plus adorables <3