À qui l'honneur

Alors pourquoi, enfin, ai-je écrit ces Honneurs ?
À qui sont-ils offerts ? Pour quelle noble cause
Mon encre s'est tâchée des astres corrupteurs ?
Le monde a-t-il besoin d'en entendre la glose ?

Je n'écris que pour moi, que pour m'entendre rire
Ou chanter d'une voix qui n'est pas en mes cordes.
Je n'écris pas pour vous qui me lisez gémir
Qui me trouvez mauvais ou aimez ma discorde.

Rien de ce que j'écris n'a de destinataires
Sinon ceux-là, lecteurs échappés au destin,
Qui retrouvent en moi nul poète sincère
Mais compagnon de page et faiseur de chemin.

Quand je passe à la plume un réflexe me prend :
Je m'étonne de croire être un autre que moi.
Si j'écris tant de vers pour prouver mon talent,
C'est que pour être Prince, il nous faut le vers roi.

Mais puis-je seulement croire être un bon poète ?
J'écris, Gradus ouvert, la lune ronde et pleine,
Au son d'un luth branché sur le vaste internet,
La métapoésie des motifs du lichen.

Pour qui sont les Honneurs ? Eh bien, âme indiscrète,
Je les chante pour ceux dont mon cœur est rempli :
Ces mânes demeurées candides gens honnêtes,
Ces ombres criminelles devant l'Infini.

J'espère rendre honneur à ce qui grouille en nous,
(Ces larves nécrophages, ces rêves de gloire)
À ceux à qui l'Histoire refuse le bagout,
Les lauriers, la pléiade et enfin la mémoire.