Accouchement

Toi qui te cacheras, blotti dedans mon corps,
Grandissant dans le sang et dans l’obscurité ;
Toi qui attaqueras le monde avec effort,
Opposant aux caresses les coups de tes pieds ;
Toi qui te nicheras au fin fond de mon ventre
Désireux d’y rester, d’y établir ton antre ;

Sache, ô mon tout petit, que je te trahirai,
Te pousserai hors de mes entrailles avec force,
Laisserai mille mains étrangères éloigner
Nos chairs. Révélant ta fine et fragile écorce,
Assourdi soudain par le bruit des vivants,
Tu pousseras un premier sanglot déchirant.

Sorti de mon ombre, je te verrai enfin,
Et tes cris aigus perceront le lourd silence.
Des sourires te porteront jusqu’à mon sein.
S’ouvrant au jour, tes yeux quitteront leur errance
Pour scruter le plafond et les murs inconnus,
Des morceaux d’univers pour tes lèvres charnues.

Reposant dans mes bras, ta peau contre ma peau,
Tes mains s’agitant dans l’air pour saisir le ciel,
Tu entendras un rire, un maigre filet d’eau,
Vibrant dans tes os, marquant d’échos éternels
Tout ton être. Enfant, de ta bouche, alors ravie,
Jaillira des sons, une voix : ton harmonie.