Assise à la terrasse d'un café, je contemple les autres. Si normaux, ils semblent heureux. Si ce n'est cette fille. Elle s'est levée brutalement. Elle a quitté la scène. Il ne la retient pas. Dans quelques secondes, une autre actrice la remplacera. Un nouvel amour. Une nouvelle comédie pour une fin tragique. Les je t'aime sont ainsi. On aime. On s'aime jusqu'à la mort ou la prochaine. A la mort. A la haine.
Je suis méchante. Odieuse. Elle rit dans ma tête. Elle est là. Je la sens. Elle m'épie. Elle guette ma faiblesse. L'instant propice. Elle veut s'emparer de moi. Je le sais. Je ne veux pas. Je lutte à chaque seconde, chaque minute. Je m'épuise. Je suis sans force. Un sourire amer se dessine sur mes lèvres. Je quitte mon poste d'observation. Mes doigts lâchent quelques pièces. Je m'enfuie loin des autres. Je me faufile dans la foule des trottoirs. J'aspire à l'anonymat. A disparaître. Mon existence me tue. Je fuis. Je veux être un mouton. Je veux penser comme les autres. Mais je ne peux pas. Elle profiterait de cet instant. Sa violence se déchaînerait. Personne ne la mérite. Personne, non personne... Mes mains se posent sur mes tempes. Je les masse. Je me fige sur place. Non. Pas ici. Pas maintenant. Je me surprends à implorer Dieu, Marie et tous leurs saints. Aucun ne semble pouvoir me répondre. J'ai peur. J'ai si peur. Je ne dois pas paniquer. Je dois résister. Elle rit aux éclats. Elle rit toujours. Elle se moque.
Notre père, qui êtes aux cieux... Trop Tard.
Que ton nom soit sanctifié...
Que ton règne ne vienne...
Trou noir. Je chute. Personne ne me rattrape. Ma tête éclate sur le sol. Mon sang se répand. Pauvre pantin désarticulé.
***
J'ouvre les yeux. Un sourire m'accueille. Bienveillant. J'essaie de le rendre. Mes lèvres ne bougent pas. Mes mots se coincent dans ma gorge. Seul mon regard parvient à se faire entendre.
"Vous avez eu un malaise."
Non, sans rire. Tais-toi. Laisse-la parler. Jamais. Je ferme les yeux. Geste d'une désespérée impuissante. Le silence revient. J'entends des inquiétudes. Je rouvre les yeux. Je rassure. J'écoute à nouveau. Malaise. Fatigue. Anémie. Dépression ? Surmenage ? Je réponds d'un geste de la tête. La nausée m'envahit. Mes entrailles se resserrent. Par réflexe, je bascule de l'autre côté. Je vomis. Avec l'espoir de la vomir elle-aussi. Je la sens au fond de moi. Silencieuse. Je n'aime pas ça. Je déteste quand elle se montre pas. Elle aime me faire croire à un retour à la normale. Elle aime m'entendre espérer une nouvelle vie. Elle éprouve un plaisir sadique à me voir heureuse. Elle sait qu'à chaque fois, elle peut tout briser. Elle sait comment me faire souffrir. Elle appuie toujours sur la fibre la plus fragile. Je la hais. Je voudrais m'habituer. J'aimerais ne plus me faire avoir. Je ne peux pas. Je ne peux m'empêcher d'y croire. L'espoir est devenu mon ennemi. Le désespoir en est presque devenu l'inverse. Presque. Au fond, je ne suis bien nulle part. Heureuse, je sombre. Malheureuse, je chute. Je ne sais plus où j'en suis. Je dois agir.
***
De retour chez moi, je suis assise sur mon lit. Un café à la main, les doigts de l'autre pianote sur le clavier de l'ordinateur. Possession. Démon. Exorcisme. Tout y passe. Je cherche. Je trouve. Je me perds. Je reviens en arrière. Parfois en avant. Puis... La solution ? Je frémis. Mon corps tremble. Je lis les lignes avec appréhension. Et si je me faisais avoir ? Et si l'espoir me jouait un nouveau tour ? J'hésite. Je saisis le combiné entre les mains. Puis le noir. Aucune lumière. Aucune tonalité. Le silence. Sa voix vient la briser.
"Tu es à moi. Nous ne sommes qu'une. Si tu me tue, tu meurs."
Son regard s'appuie sur mes épaules. Je sens la douleur m'envahir. Des larmes sanglantes s'échappent de mes yeux. Paniquée, je lâche le téléphone. Je tente de stopper l'hémorragie... Mais elle ne s'arrête pas. Mon nez saigne. Ma bouche. Mes oreilles. Je me vide. Une mare se forme au pied du lit. Les draps se tâchent aussi... Je me mets à hurler. Je suffoque. Mes mains enserrent ma gorge pour l'étouffer. Non. Mes jambes s'agitent pour repousser un assaillant inexistant. Je lutte contre le vide. Le vide l'emporte. Je sombre dans un brouillard. Une seconde...deux...plus... Peu importe. Quand mes paupières se libèrent à nouveau, le chaos me frappe à la tête. Mon ordinateur n'est plus. Mon téléphone, non plus. Deux cadavres sur une moquette blanche tâchée de rouge.
"Anémie..."
J'éclate d'un rire dément.
En tout cas, ton avis fait plaisir à lire, toujours agréable de voir comment tu vois les choses. Folie ou Possession aura-t-on la réponse ?
Merci encore pour cet avis <3 (et désolée d'être si concise dans mes réponses, mais bizarrement j'ai la sensation que si je réponds trop dans le détail, la magie se brisera !)
C'est vraiment déroutant. J'aime bien. A un moment j'hésitais et finalement j'hésite toujours à savoir si il s'agit d'un rêve ou pas parce qu'au final cette espèce de folie, le décor qui change et tout ca ... ca ressemblerait assez à ce que l'on pourrait voir dans un rêve ... à moins que ton perso soit réellement en train de virer folle
bref, sympathique comme début^^
A peluche
Shao^^"
Avec cette possession, j'avais envie de laisser la porte ouverte à différentes interprétations. J'ai envie de laisser le lecteur choisir sa voie, et j'avoue que je n'avais pas forcément songer à la dimension rêve. C'est vrai qu'on pourrait se dire que tout ceci n'est qu'un cauchemar aussi... enfin faut voir si la suite peut confirmer cette théorie ou non ! ^^'
Tout ce que je sais, c'est que cette histoire me fait très peur... Je me doute que tous les lecteurs n'apprécieront pas, mais ça fait plaisir de voir que tu aimes bien ! Parce que tu fais partie de mon lectorat de base, que j'avoue m'attacher à mes lecteurs, que je me mets naturellement à penser à eux quand j'écris de nouveaux chapitres. Je me dis à la fin du scène, tiens ça plaira à shao... ça un peu moins à Clo' etc.
Bref, tout ça pour te dire merci pour ta lecture ! <3