Trois moins un. Deux. Chiffre banal pour les autres, il ne l'est plus pour moi. Si je veux éviter le jamais deux sans trois où la troisième fois sera la bonne, je dois rester à un. Je ne veux pas dépasser la limite. Je ne veux plus me réveiller à côté d'un corps sans vie. Je ne veux plus avoir à faire du mal à des innocents... Que les coupables paient. Justice devra être faite. Sera faite. Inutile de dire qu'elle rit. Qu'elle ne me donne pas plus de quarante huit heures. Qu'elle ne me voit pas gagner la partie. Qu'elle est déjà assurée de posséder mon corps, de détruire mon âme... Sauf que jamais plu. Je ne céderai pas. Elle ne gagnera pas. Des paroles. Des paroles. Des paroles. Non. Un acte. Je ne suis pas folle. Je ne finirai pas à l'asile. Ni en prison. Je vais me battre jusqu'au bout. Je vais lutter jusqu'à mon dernier souffle. Elle a voulu me détruire avec ce premier meurtre... Elle m'a peut-être fait chuter. Elle m'a peut-être rendue folle. Elle m'a peut-être détruite. Mais mon instinct de survie est le plus fort. Elle ne gagnera pas. J'en fais la prochaine à toutes les victimes passées ou futures de ce monstre. Je m'en fais la promesse.
***
A mon entrée dans l'église, mon cœur se serre à nouveau. Je ne suis pas bien. Une boule est née dans ma gorge. Mes entrailles se sont emmêlées. Mes jambes tremblent. J'éprouve le besoin de fuir. Je veux fuir. Je ne peux pas. Je ne dois pas le faire. Je n'en ai pas le droit. Il ne faut pas. Il faut avancer. Un pas. Un autre. Et ainsi de suite. Je m'avance dans cette allée. Je sens les regards inquisiteurs de ces statues. Je sens aussi celui du Fils. Ils m'observent tous avec méfiance et mépris. Je ne suis pas la bienvenue. Je m'arrête brutalement.
- Fuis.
Non.
- Fais-le.
Je ne veux pas d'un deuxième.
- Tu es déjà à moi.
- Va-t-en !
Je m'écroule à genoux en hurlant ses mots. Je ne vois pas le prêtre me fixer à cet instant. J'ignore son attitude envers moi. J'entends juste des murmures. Des mots dont je ne comprends pas le sens. Des mots qui sortent de ma gorge. J'ai perdu le contrôle. Je convulse. Des bras viennent se saisir de moi. Les anges, les saints se rient de moi. Aucun allié. Juste des ennemis. Je m'entends hurler des insanités. Je m'entends implorer. Toutes les émotions passent par ma voix. Je ne contrôle rien. Serait-ce elle qui me contrôle ? Pas maintenant. Pas encore. Je crie. Je hurle. Je donne des ordres. Je lutte contre ce vide. Je me noie. Je nage. J'essaie d'atteindre la surface. Je chute à nouveau. J'halète. Je suffoque. Je supplie. Je maudis. Je pleure. Je crie. Je hurle. Je frappe. Je chute. Le trou noir me tend les bras. épuisée, je cède à son appel.
***
Elle court, elle court, la folle
La folle désespérée, mesdames.
Elle court, elle court, la folle La folle désespérée, possédée.
Elle a tué par ici. Elle assassinera par là.
Elle court, elle court, la folle, Mais elle sera quand même à moi.
Jamais de la vie.
"Tu n'as pas le choix. Tu viens de tuer à nouveau."
Mensonges. Peut-être... Non... J'ai peur de voir. J'ai peur d'ouvrir les yeux. Je ne veux pas voir. Je ne veux pas sentir. Je veux mourir. Mourir pour de bon. Je veux disparaître. Je veux mourir. Je perds la tête. La folie me guette. Je suis bonne à enfermer. Bonne à planter trente-six coups de couteau dans le corps d'un infirmier. Je suis bonne à être shootée aux calmants. Je suis bonne qu'à crever. Je n'ai pas ma place sur cette satanée terre... Je veux crever. Je veux qu'on me crache à la gueule. Oh oui, je le veux. Je veux pourrir à même le sol. Je veux que les vautours dévorent mes entrailles, que les asticots s'invitent à la fête. Je veux être salie. Je veux que mon cadavre soit souillé. Salissez-moi. Oubliez-moi. Brûlez-moi. Détruisez cette saleté en moi. Purifiez moi de mes péchés par la douleur, l'infamie ou la barbarie... J'implorerai votre pardon dans la souffrance. J'expierai mes fautes... Pour sauver mon âme. Sauvez moi... Je vous en prie.