Adieu les fleurs,...l'eau et le vase

J’ai brisé le vase en mille morceaux, il contenait une eau croupie ayant perdu toute transparence ; mais il retenait également prisonnières trois fleurs : un lys, un coquelicot et une rose. Une fois au sol, l’eau s’est répandu sur le carrelage ocre de la chambre, les fleurs ont perdues leurs pétales par la violence de la chute. J’aperçois l’eau se teinter de rouge. Il semble qu’un morceau de verre est transpercé la fine peau de mon pied. L’éclat est profondément enfoncé, si je le laisse le saignement cessera, j’éviterai une furieuse douleur immédiate mais je prendrai le risque d’une infection sur la durée et la plaie ne cicatrisera jamais.  Si je devais la retirer, une douleur aiguë remonterait le long de ma jambe et l’effluve de sang redoublerait d’abondance. Un mal intense, qui ferait certainement couler mes larmes pour quelques jours ensuite. Il faudra également endurer l’application de divers antidotes pour venir à bout de mes peines, pommades et gels brûlants, cachets et sirops apaisants. Le souvenir se tracera alors sur ma peau, indélébile, aucune sensation ne transpirera venant d’elle, les sentiments subsisteront lorsque je poserai mon regard sur cette marque, un court instant pour finir par s’envoler. Un souvenir de la chute du vase, de l’eau croupie et des trois fleurs.

Avant de soigner mon pied blessé et de devoir supporter la douleur de la blessure, je ramasse les trois fleurs maintenant abîmés. Le coquelicot a perdu tous ses pétales qui flottent désormais sur la flaque d’eau ternie. Une fleur à la beauté éphémère. Je saisie le lys, fleur des rois et des reines, le blanc de la fleur est toujours aussi scintillant sous les rayons du soleil, la tige est pliée mais n’est pas brisée. Un sourire se dessine alors sur mon visage triste commençant à sentir les premières douleurs. Puis je prends délicatement entre mes mains, la rose. Une rose à la couleur rose à première vue, puis je l’observe plus en détails, de plus près... Elle est rouge en réalité, un rouge vif, écarlate et éclatant. J’hume son entêtant parfum qui n’a pas disparu suite à la chute. Je l’admire, j’oublie un instant qu’elle a des épines et m’écorche l’index. Une goutte de sang perle le long de mon doigt. Décidemment, cet évènement laissera des traces ! Je sors de chez moi, je pose les fleurs dans le jardin, près du buisson des digitales plantées il y a trois ans. Elles rejoindront les entrailles de la terre et contribueront à accomplir d’autres merveilles. Peut-être refleuriront-elles ? Qui sait...

En attendant, je nettoie l’eau sur le sol, retire le morceau de verre, pleure de la douleur qu’il m’inflige subitement. Etendue, j’imagine avec nostalgie le vase sur ce qui était son emplacement, le dessus du guéridon. Aujourd’hui je me plongerai dans un nouveau livre, ou je regarderai de nouveau ce vieux film réconfortant ou bien j’irai à la rencontre de nouvelles fleurs dans les jardins, les forêts, au bord des lacs et des rivières, sur les montagnes et les collines, les fleurs qui poussent entre deux pavés d’une rue bondée, les champs et les terrasses, je découvrirai leurs parfums, sucrés, acidulés ou fruités, leurs couleurs, mauve, jaune doré, bleu nuit,... Apparait dans mon esprit, une dernière fois, l’image des trois fleurs : le lys, le coquelicot et la rose.

Puis je me lève.