Les délices avaient duré toute la nuit. Sous la lumière des astres stellaires, je m’étais laissé emporter par le plaisir. Allongée sur le sofa, la douceur des tissus qui glissait délicatement sur ma peau m’enveloppait. Une légère moiteur s’emparait de mon corps, que rafraîchissait une douce brise venue du grand désert. La chaleur d’un braséro distillait dans l’atmosphère des odeurs suaves de fleur et d’épice. Non loin de moi, une fontaine où s’écoulait une fine cascade à l’eau fraîche et pur, apportait les seules sonorités en ce havre de paix.
Au-dessus de moi, tels des milliers de lucioles dansant dans l’immensité obscure de l’infini, les étoiles brillaient intensément. La toile scintillante de leur magnificence apportait sérénité et beauté au milieu de ce qui fût luxure et abondance. Comme si le temps s'était arrêté pour me permettre de savourer pleinement ces moments, la nuit me semblait éternelle. Chaque seconde passée sous ce ciel étoilé renforçait ma connexion avec l'univers et ce monde.
Le son d’un froissement joua les sonorités d'une douce mélodie. Je tournais ma tête pour admirer les beautés de la création. Des cheveux d’encre dénoués, d’autres d’un roux flamboyant, d’un bleu intense ou de la couleur du soleil me happèrent. Chacun de leur mouvement sur la toile froissé de mon désir, créait une symphonie subtile. Les sons délicats de leurs voix se mêlaient aux murmures de la fontaine. Le tableau était exquis, l’harmonie parfaite. Leurs charmes transportaient mes sens dans un état de béatitude absolue.
L’amour, la luxure, les plaisirs de la chair, tant de notions purement humanoïdes que j’avais appris aux travers de mes lectures dans le sanctuaire, venaient de s’offrir à moi dans le silence de cette nuit étoilée. Ces concepts, autrefois abstraits, prenaient maintenant vie, se manifestant dans chaque caresse, chaque souffle partagé. Cette découverte était pour moi une révélation qui transcendait les mots et les écrits. Plus qu’une expérience qui marquerait à jamais mon existence, je venais de lever mes barrières. La scène de mon passé s’ouvrait enfin sur celle du futur. J’en avais esquivé les prémisses, mais maintenant, la vie s’offrait à moi sans aucune réserve.
Je les vis se lever, emportant avec elle les beautés subtiles de cette distraction humanoïdes. L’extase laissa soudainement sa place à l’amère sensation de solitude. Ces créatures dont je venais de découvrir les plaisirs semblaient désormais si lointaines, presque irréelles. Le vide qu'elles laissaient derrière elles me rappelait cruellement ma propre solitude. Cette réalité que je ne pouvais plus ignorer, absout soudainement mon cœur. Cette nuit, bien que magique, me révélait la profondeur de mon isolement.
Je pris peine à déplacer mon corps parcouru du tremblement de la satisfaction, pour m’asseoir sur le moelleux des coussins attenant au parapet de ma luxueuse chambre. Éparpillant mon regard sur les lueurs timides des bougies qui illuminaient chaque demeure de l’antique cité, je fixais bien rapidement la grande pyramide.
Elle trônait majestueusement sous les étoiles d’un ciel sans nuages. Ses flancs étaient recouverts d’une pierre lisse et polie, qui reflétait les halos astraux. D’histoires anciennes, aux prémices de grande découverte, elle avait traversé le temps pour apporter aux voyageurs de passages, les mythes et les légendes célestes qui faisaient tourner les mondes. Au sommet, une pointe dorée scintillait, capturant les rayons des astres dans une danse lumineuse. L'imposante structure dominait la ville des sables. Une aura de grandeur et de mystère s’en dégageait. Et pourtant, elle qui était un gardien silencieux du passé, n’était autre qu’un immense observatoire ou les sages de cette cité se réunissaient pour partager moult découvertes.
Mon âme ne semblait vouloir se contenter de la vision charmeuse de cette cité, dont la gloire auréolait l’imposant bâtiment. Cette vision, bien que magnifique, ne parvenait pas à apaiser le tourment intérieur qui me rongeait. La majesté de la pyramide et la splendeur de la ville ne pouvaient combler le vide laissé par mes souvenirs troubles et mes émotions confuses.
L’apprentissage de la vie, pour moi divinité dont le destin se vouait à la plus vil des servitudes afin de satisfaire les envies belliqueuses d’Asgard, ne se résumait à n’avancer qu’avec une frêle envie. Rien ne paraissait absoudre mon être de cette inertie qui longtemps me fit défaut. Même en ce moment présent, je ne cessais d’avoir crainte des autres, crainte de moi et crainte de la vie qui me fut injustement arraché, tout comme elle fut injustement arrachée à mes ancêtres.
Bien que les souvenirs confus d’une vie puissent s’égarer par-delà le temps jusqu’à en effacer les plus insignifiants détails, ceux que ma mémoire se remémore à cet instant, me laissèrent perplexe. Aussi fugace que douloureux, l’Isis noir hanta subitement mes pensées. Son image s’imprima aussi nettement que l’écho de sa présence.
Moi qui me sentais prête à embrasser ce futur avec courage et détermination, frémis subitement à l’idée de découvrir ce que la vie avait à m’offrir. Les défis et les joies à venir devinrent fades. Même la lumière des astres stellaires qui guidaient mes pas semblait perdre de leur éclat.
Pourquoi les réminiscences de ce jour funeste ou le Seigneur Judal trouva la mort venaient-ils m’assaillir ? Était-ce la punition pour les péchés que je venais de commettre ? L’Isis des Neuf Royaumes qui s’acoquine avec des créatures femelles là où les rites et les traditions me vouait à l’enchaînement envers l’Isis noir, n’est-il pas un blasphème ? Que deviennent mes obligations aux travers de ces traditions millénaires maintenant que Judal n’est plus ? Ai-je seulement le droit de choisir un époux ou mon existence se doit de rester liée à ce qui n’est plus ? Est-ce pour ces raisons que le Seigneur Alkan m’a contrainte à cet exil forcé ? Pour réfléchir à ce qui aurait dû être ? À ce qui doit être, à présent que je suis la dernière de ma race ? Pourquoi maintenant alors que les conflits nous menaçant sont plus vivaces que jamais ?
Ce que je retiens des réponses qui me furent données lors de cet ostracisme, me hante encore aujourd’hui. Bien plus que les plaisirs éphémères de cette nuit, mes questions et mes doutes persistent. Sans doute pour me rappeler sans cesse les mystères non résolus de mon passé et les vérités qu'il me reste à découvrir.
A suivre.
Ce chapitre m'a transporté dans un univers riche et émotionnellement vibrant. Les détails sensuels et la profonde introspection de tes personnages donnent une couleur unique à ton œuvre. Ça remplit le chapitre et moi, d’émotion.
Je pense que c’est de ça dont tu me parlais, avec quoi tu n’étais pas à l’aise… l’idée quee ces femmes…
J'admire ton courage d'explorer de nouvelles dynamiques entre tes personnages, surtout avec l'introduction de scènes de sensualité entre femmes. Cela ajoute une couche de complexité et de réalisme qui rend ton monde encore plus captivant.
« Les délices avaient duré toute la nuit... » : le contraste entre le plaisir et la solitude qui suit pourrait être exploré encore plus pour en augmenter l'impact.
Bravo pour ce chapitre, et pour ce défi relevé
À bientôt 😊
T'es commentaires sont toujours très pertinent !
En effet, approfondir le mythe de l'Isis blanc à travers cette notion de sensualité n'était pas simple. Je ne voulais en aucun cas tomber dans le porno et décrire cette sensualité entre des femmes n'est pas chose facile quand on ne connaît rien de cette facette de la sexualité. Ce n'est pas tant le fait d'écrire cette scène entre femme qui était malaisant pour moi, mais plus l'impact que cette scène pourrait avoir. Je ne veux pas que l'on associe mon personnage à une quelconque sexualité parce c'est la mode !
J'essaie de ne pas trop accentué son sentiment de solitude bien que niveau temporalité, cela fait partie grandement du développement du personnage (et doit contraster avec son comportement dans l'histoire principale) j'estime que cela pourrait être redondant à force.
A bientôt