Adwa – Partie II

Par Luvi
Notes de l’auteur : Je suis une idiote. La naïveté me colle à la peau comme une ombre inséparable. Chaque fois, je pense avoir compris la leçon. Chaque fois je retombe dans le même piège. Je ne souhaitais que croire à l’intégrité de mon mentor. On ne peut faire confiance au divin, et même moi, entité divine, ne sait retenir cet enseignement.

L’excursion tant promise par le Seigneur Alkan avait pourtant si bien commencé. Par une belle matinée de printemps, nous avions pris la route. Pas de portail magique, il m’offrait enfin la possibilité de contempler les splendeurs astrales.

Marchant parmi les étoiles, l’espace était clair, et chaque pas nous rapprochait de l’infini. La nébuleuse de Craan dans le cinquième Méros s’était dessinée sous mes yeux. Sa brume mystérieuse et scintillante dansait autour de nous. Ses couleurs tourbillonnaient, camaïeu de notes rosées aux délicates iridescences d’un pourpre intense. Le tableau créait un spectacle hypnotisant. Je me sentais à la fois perdue et émerveillée, comme si j’avais pénétré un autre monde, un royaume de rêves et de possibilités infinies.

Puis la planète Drills. Fief forestier noble et fier. Monde à l’extrême pureté, devenue depuis des siècles un sanctuaire animal et végétal. Rien ne venait corrompre la vitalité de ses forêts millénaires aux mille lacs et cascades. Rien ne venait troubler la paix des vies animales qui s’épanouissaient sous la protection du Bastu, l’officine divine en charge des écosystèmes magiques.

Percevoir les énergies, lire leurs flux, écouter la nature et ses mécanismes. Telles étaient les leçons prévues par le Seigneur Alkan. Je m’imaginais déjà entrer en connexion avec les flots énergétiques de la planète et sa profusion d’espèces vivantes. Sentir le martèlement des sabots sur le sol, le chant des oiseaux, le parfum des fleurs sauvages et la bienveillance de l’énergie créatrice.

Je n’avais pas su déceler le mensonge dans sa voix. La félonie dans ses gestes. Encore moins ressentie le portail magique qu’il avait ouvert derrière moi. Ni vu son attaque m’envoyant valser à travers sa magie vers un monde inconnu.

Me voilà donc perdu telle une idiote sur un monde étranger. Les chaînes qui me retiennent à un simple poteau de bois enserrent mes poignets, entaillant ma chaire. Les cris d’une foule en liesse, les ordres de soldats et les exactions de créatures hurlant des chiffres me laissent amorphe.

Égarée dans une vallée infernale au beau milieu d’un désert, la chaleur et le manque d’eau m’avaient fait perdre connaissance. Je m’étais réveillée dans une charrette aux barreaux brûlants, entourée d’hommes, de femmes et d’enfants dans un piteux état.

Je n’avais pas conscience à ce moment-là, que ces marchands qui m’avaient trouvé à moitié enfouie dans le sable étaient des esclavagistes. L’esclavage était une pratique interdite dans le sixième Méros. Le Seigneur Alkan avait en horreur cette barbarie consistant à profiter de la vulnérabilité des autres. Il s’était battu corps et âme afin d’offrir à ses peuples, la liberté, l’espoir de monde juste et équitable. Mais dans d’autre Méros, les humanoïdes agissaient dans l’ombre. Ils exploitaient la faiblesse de leur pair.

Que devais-je faire ? Me libérer de mes chaînes et réprimer ces êtres abjects ? Devais-je patiemment attendre qu’une occasion de fuir se présente à moi ? Mon esprit m’entraînait vers la panique la plus totale. User de ma puissance, reviendrait à offrir sur un plateau, ma localisation à mes ennemis.

Le dégoût me frappa, lorsqu’une créature de petite taille, engoncée dans une tenue bien trop petite pour elle, darda ses yeux noirs sur ma personne. Quelle était donc cette abomination ? L’énergie créatrice avait-elle à ce point le pouvoir d’enlaidir ses créations ? Sa peau était d'un gris terne. Des écailles rugueuses recouvraient toutes les parties visibles de son corps. Une odeur nauséabonde s'en dégageait. Ses mains, aux doigts longs et crochus, semblaient prêtes à saisir tout ce qui se trouvait à sa portée. Son regard malsain était lubrique. Il lorgnait mon corps, léchant ses lèvres. Un frisson me parcourut. Moi, Lostris, Isis des Neuf Royaumes, ne comptait pas servir de servantes à cette immondice.

Avant que je ne me décide à châtier ces impudentes créatures, l’assemblée fut sauvée par une apparition somme toute enchanteresse. Le silence qui s’imposa me laissa exsangue de toute envie de violence.

Je n’avais jamais contemplé pareille splendeur. Empreints de grâce et de majesté, ses mouvements m’hypnotisaient. Son aura se fondait harmonieusement avec la nature environnante. Ses cheveux d'un noir de jais encadraient un visage finement ciselé. Sa peau d'ébène rehaussait ses yeux noisette d'où s'échappaient des tourbillons d'or. Un prince, un roi, je ne le savais. Cet être appartenait à un autre monde, un royaume enchanté ou la beauté se devait de régner en maître.

Je regardais cet homme mystérieux s’approcher de l’estrade. Il semblait subodorer derrière son sourire, que je n’étais pas une simple âme en peine. Il s’arrêta et me fixant immobile, il ne cilla pas. Mais je voyais dans son regard perçant, que ces certitudes vacillaient face aux révélations qui s’imposèrent à lui quand il aperçut mon glyphe. Il resta sans voix, ses yeux brillant de ravissement quand je soutins son regard de mes prunelles amourachées. J’étais captivé par lui. Enamouré par ses sourires furtifs. Je me pris à m’abandonner à des rêves d’éternité à ses côtés.

La désillusion fut grande. Le charme se brisa.

Aussi fugaces que les battements d’ailes d’un papillon, les échos de mon cœur se firent douloureux. Pourquoi ce sentiment m’emportant dans un tourbillon amer, s’empara subitement de mon être, ? Était-ce la beauté de cette créature qui éveillait en moi des émotions si intenses, ou bien la réalisation soudaine de l’oubli face à cet état affectif complexe ?

Quoi qu’il fût à cet instant, j’ignore pour quelle raison ces sentiments me rappelèrent à l’ordre. Pourquoi avais-je pu ressentir tout cela ? Était-ce l’écho lointain de souvenirs oubliés ? Où était-ce tout simplement l’énergie de l’Isis noir qui réveillait en moi des émotions enfouies ?

Aujourd’hui encore, je n’ai aucune envie de comprendre. Encore moins de découvrir la vérité derrière ces sensations troublantes. Mais cela me hante. Bon nombre de mes souvenirs sont troubles. Mon passé, bien que véridique et également discutable. Les fragments de mémoire qui me restent sont comme des pièces d'un puzzle incomplet. Qu’a donc fait le Seigneur Alkan lors de notre visite chez les gardiens du temps ? Aurait-il effacé de ma mémoire bien plus que ce que nous en avions décidé ? Cette question me tourmente.

Je fus soudainement libéré de mes entraves. Poussés sans aucune délicatesse hors de l’estrade, ses bras puissants me rattrapèrent. Je levais mon regard, me plongeant sans aucune gêne dans ses reflets d’or enchanteurs. Il me sourit et m’invita à la suivre.

Même si mon esprit rejouait en boucle les avertissements du Seigneur Alkan sur la nécessité de ne faire confiance à autrui, je fis fi de cette recommandation ! Même si l’énergie de l’Isis noir ébouillantait mon corps de son appel néfaste, je ne pris guère au sérieux ses mises en garde.

L’erreur fut magistrale. Je venais de me jeter dans la gueule du loup. Je ne le savais pas encore.

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JFC
Posté le 22/11/2024
Hello,
J’ai beaucoup aimé le passage sur la nébuleuse de Craan et les paysages de Drills. Ces descriptions offrent un beau moment d’émerveillement, avant de plonger dans une ambiance plus sombre.

Quelques remarques :
1/ Humour : « Notes de l’auteur : Je suis une idiote. La naïveté me colle à la peau comme une ombre inséparable… »
Au début, je croyais que tu parlais de toi, et j’ai eu un moment de confusion. 😅 Je me suis dit : « Mais pourquoi elle est si dure avec elle-même ?! » Heureusement, j’ai compris ensuite, mdrr. J’espère ne pas te froisser avec ça !

2/ Humour encore : « Égarée dans une vallée infernale »... Le héros s’appelle Bob Morane ? 😜

3/ Plus sérieusement : « La désillusion fut grande. Le charme se brisa. »
Ce passage m’a laissé un peu perplexe. Pourquoi un revirement si brutal et soudain ?

En tout cas, bravo pour ton écriture détaillée et ton univers si riche. C’est vraiment un plaisir de te lire ! 😊
Hâte de découvrir la suite !
Luvi
Posté le 22/11/2024
Hello,
Non non, je ne suis pas froissée. Mais "Notes de l'auteur" puisque c'est Lostris qui écrit ses mémoires, c'est elle l'auteur non ?
A la recherche de l'ombre jaune 🎼🎵🎶 🤣 Maintenant que tu le dis, je m'en rends compte ! (Et j'ai la chanson en tête maintenant !)
"La désillusion fut grande. Le charme se brisa." Dans le précédent paragraphe, Lostris est subjuguée par la beauté du personnage, les émotions qu'elle ressent a son encontre sont fort, comme si elle tombait amoureuse. Puis dans le paragraphe suivant, elle se rend compte que ses sentiments déclenche en elle un malaise. Que se qu'elle vient de ressentir fait ressurgir des émotions oubliées. Émotions qu'elle ne comprend pas. D'où la passage sur ses souvenirs et cette sensation d'oublie qu'elle ne veux pas comprendre. C'est un point important pour la suite de l'histoire principale.
J'espère avoir été compréhensible 😅
A bientôt
JFC
Posté le 08/12/2024
Hello Luvi,
Tu n'écris plus ?! Tu es en pause ?
Et pour "Encyclopédie divine" ?
J'attends tes suites, lol.
À bientôt ;)
Luvi
Posté le 08/12/2024
Coucou,

Non, je ne suis pas en pause, j'étais juste malade la semaine dernière et l'écriture du nouveau chapitre de l'encyclopédie est loooonnngggguuuueeee.
Ce soir, je publie la suite de Adwa, qui m'a également pris du temps, je m'essaie à un genre que je n'avais jamais écrit et j'avoue que la prochaine partie ne me plaît pas...
À bientôt
JFC
Posté le 08/12/2024
j'espère que tu vas mieux.

"j'avoue que la prochaine partie ne me plaît pas..." : ce que tu écris ou ce qui s'y passe ?!

Bon dimanche
Luvi
Posté le 08/12/2024
Oui ça va mieux, je te remercie 😆
Ce que j'écris 😅, j'apporte des éléments nouveau sur l'Isis blanc et euh comment dire 😳 ce n'est pas le genre de chose que j'écris d'habitude. Tu comprendras en lisant 😅
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